mercredi 17 mars 2021

Exercices de Mortification



En quoi consiste la pratique de la Mortification

Puisque l'exercice de la mortification est le principal moyen dont nous pouvons nous servir pour nous vaincre nous-mêmes, et nous rendre maîtres de nos passions et de nos appétits, il est à propos d'entrer dans un détail suivi et exact de ce qu'il faut faire pour mettre cet exercice en pratique. La règle générale qu'on peut donner d'abord, est que nous cherchions ce qui nous est le plus nécessaire, et qu'avant tout nous fassions nos efforts pour l'acquérir. Vous commencerez donc cet exercice, par profiter des occasions de mortification qui se présentent tous les jours d'elles-mêmes. Et certes, si nous voulons faire usage de toutes les occasions de mortification qui nous viennent de la parte de notre prochain, nous en trouverons assez, et de tous les genres. Si nous considérons ensuite celles que Dieu nous envoie immédiatement, comme les maladies, les tentations, les peines intérieures, le partage si inégal de ses dons, soit naturels, soit surnaturels, nous trouverons qu'elles sont infinies, et qu'elles naissent presque sous nos pas. Voilà quelles sont les occasions dans lesquelles nous devons premièrement nous exercer ; parce que ses sortes de mortifications se présentant à chaque instant, et ne dépendant pas de nous, il faut tâcher de nécessaire qu'elles sont, de les rendre volontaires et méritoires ; afin qu'étant obligés par état de les souffrir, nous puissions au moins en recueillir quelque fruit.
Il est d'autres genres de mortification que nous devons nous imposer, et que quelques-uns appellent mortifications actives ; pour les distinguer des autres qu'ils nomment passives, parce qu'il n'est pas en notre choix de les éprouver, ou de ne les pas éprouver. Mais quoique nous devions les pratiquer volontairement, elles sont pourtant nécessaires pour l'objet de notre salut, et par conséquent elles doivent être mises encore au nombre des premières.


Pratique de la Mortification dans les choses permises, et même dans celles qui sont nécessaires

Les Maîtres de la vie spirituelle prescrivent un autre exercice de mortification dans les choses qui sont permises. Un Chrétien fervent ne se borne pas aux mortifications qui sont purement d'obligation et nécessaires pour le salut ; il en ajoute encore d'autres qui ne sont que de dévotion et que les Théologiens appellent œuvres de surérogation. Saint Dorothée dit que rien ne contribue davantage à notre avancement et à cette tranquillité si désirable, que la pratique de la mortification dans les choses qui sont permises. « Si vos affaires, dit-il, vous appelant au-dehors, ou en quelque endroit de la maison, il vous prend envie de regarder quelque objet, ne le regardez pas. Lorsque vous êtes en compagnie, s'il vous vient à l'esprit une pensée ou une saillie qui serait très-bien placée dans la conversation, et s'il vous semble qu'en la disant, vous passerez pour un homme spirituel, ne la dites point. Vous êtes tenté d'aller en quelque lieu pour savoir ce qui s'y passe, ni allez pas. Vous voyez par hasard quelque chose de nouveau qu'on aura apporté dans votre maison, et vous sentez un désir de savoir qui l'a apporté, et à quel dessein : ne le demandez pas. Vous voyez entrer un étranger ; la curiosité vous porte à savoir qui il est, d'où il vient, où il va, et quelle est l'affaire qui l'amène ; réprimez cette inquiétude et cette curiosité, et ne vous informez de rien de tout cela. »
Ce Saint Abbé ajoute que cet exercice servira beaucoup à nous faire prendre l'habitude de mortifier notre propre volonté ; parce que si nous nous accoutumons à y renoncer dans les petites choses, nous ne tarderons pas à parvenir à nous en dépouiller tout-à-fait dans des occasions plus considérables. Saint Bonaventure conseille dans les choses les plus indifférentes ; comme de cueillir, ou de ne pas cueillir une fleur qui plaît ; lorsqu'on se promène dans un jardin : « Car encore, dit-il, qu'il n'y ait point de mal à la cueillir, il est pourtant plus méritoire devant Dieu de s'en abstenir, dans la vue de se mortifier. » Et il ajoute qu'un serviteur de Dieu doit dire souvent en lui-même : « Pour l'amour de vous, ô mon Dieu ! je veux me priver de regarder cet objet, d'écouter ce concert, de goûter de cette douceur, de prendre ce divertissement, etc. »
Les Saints vont encore plus loin. Ils ne se contentent pas que nous nous accoutumions à nous dépouiller de notre propre volonté dans les choses indifférentes et innocentes ; ils nous conseillent encore de la mortifier en celles qui sont d'une nécessité absolue. On demandera peut-être comment cela se peut faire ? Faut-il, dira-t-on, pour se mortifier, se dispenser des ses obligations ? À Dieu ne plaise : jamais il n'est permis de faire le mal dans la vue qu'il pourrait en résulter quelque bien. Mais enfin, que faut-il faire pour cela ? Les Saints ont trouvé un secret admirable pour y réussir, et c'est de la doctrine même de Saint Paul qu'ils l'on tiré. Ayez soin, disent-ils, de ne rien faire, de ne rien désirer, de ne rien dire par le mouvement de votre volonté et de votre appétit sensuel : avant que de manger, mortifiez en vous-même l'envie ou le besoin que vous en avez ; renoncez au plaisir que vous y trouvez ; mangez, non pas afin de vous satisfaire, mais afin d'obéir à Dieu, qui veut que vous mangiez pour vous nourrir. Avant que de vous mettre au travail, mortifiez intérieurement le désir qui vous y porte ; mais travaillez, parce que Dieu vous le commande, et non pas parce que vous y trouvez quelque plaisir. Usez-en de même à l'égard de tout ce que vous faites ; et dépouillant ainsi toutes vos actions de l'attachement que vous y pouvez avoir, faites-les purement dans la vue de Dieu : il n'est pas juste que ces actions vous commandent ; c'est à nous à nous en rendre les maîtres, pour les rapporter toutes à Dieu seul, et ne rien faire que pour lui, ainsi que nous le recommande l'Apôtre par ces paroles « Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu. »
En conservant toujours le même ordre dans les règles que nous venons de donner, on peut encore regarder cette pratique comme un exercice de conformité à la volonté de Dieu, en recevant tout comme venant de sa main, et comme nous étant envoyé de sa part, avec des entrailles de Père pour notre plus grand bien ; en faisant état que Jésus-Christ lui-même nous dit : Mon fils, je veux que vous fassiez cette action, ou que vous souffriez maintenant cette épreuve. Alors nous trouverons beaucoup plus de facilité, plus de douceur à nous soumettre, puisque ce sera un exercice d'amour de Dieu, qui rend les choses aisées et même agréables. La pensée que c'est la volonté de Dieu que nous accomplissons, et que c'est Dieu qui demande de nous ce sacrifice, est une raison qui ne laisse après elle aucun doute, qui nous détermine absolument, et qui est, outre cela, le plus utile et le plus parfait de tous les motifs.

(Abrégé de la pratique de la perfection chrétienne)


Reportez-vous à Qu'il faut se mortifier surtout dans le vice, ou dans la passion dominante, sans toutefois négliger les petites mortifications, Qu'il en coûte beaucoup moins à se mortifier, qu'à ne se mortifier pas, Ce n'est pas mener la vie d'un Chrétien, ni même d'un homme, que de ne se point mortifier, De deux sortes de Mortifications, Que de la pratique de la mortification dépend absolument notre avancement, De la violence qu'il faut se faire à soi-même, De la haine de soi-même, et de l'Esprit de Mortification qui en est inséparable, Un des plus grands châtiments que Dieu puisse exercer contre l'homme, c'est de l'abandonner à ses passions, et aux désirs déréglés de son cœur, De la nécessité de la Mortification : En quoi elle consiste, De l'union étroite qui doit être entre la Mortification et l'Oraison, De la Mortification, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la nourriture du corps, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Méditation sur le combat de la chair contre l'esprit, Moyens pour persévérer dans la sobriété et dans l'abstinence, De l'anéantissement, Méditation sur le Carême : Jésus ayant jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim ensuite, Instruction sur le Carême, Méditation sur le véritable jeûne, Méditation sur la Loi du jeûne, Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, par le R.P. Jean-Joseph Surin, Prière pour demander la victoire sur ses passions, De l'activité naturelle, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, et Sur la vaine curiosité.