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lundi 21 décembre 2020

Le Santo Bambino




LETTRE AUX ENFANTS DU PETIT CATÉCHISME


Rome, le 29 décembre.


Avant de terminer ce que j'ai à vous raconter sur les particularités des fêtes de Noël, à Rome, je tiens, mes enfants, à vous ajouter quelques mots sur le petit Jésus que l'on voit dans la crèche de l'Ara -Coeli, et dont je vous ai entretenus dans une de mes dernières lettres.
Ce petit Jésus n'est point une vulgaire image, un simulacre tel quel ; il a un nom d'une touchante naïveté : on l'appelle le Bambino Gesu, ou encore le Santo Bambino.
Le Santo Bambino ! Rome entière le connaît et le vénère ; les grands et les petits l’invoquent ; les malades le réclament dans leurs douleurs les plus violentes ; son nom est l'un des premiers que bégaient les petits enfants ; la dévotion du peuple pour lui est telle, que lorsqu'on le porte dans les rues de Rome, il n'est personne qui ne se mette à genoux sur son passage ; que dis-je ? les plus impies le respectent : on en a bien vu la preuve dans les dernières séditions auxquelles la ville sainte fut en proie, il y a quelques années. Les républicains, qui profanaient sans remords ce qu'il y a de plus sacré dans notre sainte religion, n'osèrent porter la main sur lui; ils lui firent même présent de la plus riche voiture du Pape, pour servir à ses visites aux malades.
Le Bambino a environ cinquante ou soixante centimètres de hauteur. L'on ne peut voir de cette petite statue que la tête, qui est peinte assez délicatement, et l'extrémité des pieds. Tout le reste du corps est enveloppé à peu près comme l'on a coutume de faire pour les enfants au maillot ; mais les langes qui l'entourent sont de fines dentelles, et l'on ne saurait dire le nombre de diamants et de pierres précieuses dont resplendit l'espèce de robe d'or et d'argent dont ils sont recouverts : c'est à la lettre une parure de prince ou de roi, ou plutôt il n'est pas d'enfant de roi ou de prince qui ait une semblable parure. Les saphirs, les émeraudes, les topazes brillent de toutes parts, enchâssés dans l'or, sous les formes les plus variées de croix, de cœur ou d'étoile ; un soleil tout en diamants étincelle sur sa poitrine ; une dizaine de colliers, tous plus précieux les uns que les autres, ornent son cou ; sur sa tête rayonne une couronne toute de pierreries et d'or.
Que si maintenant vous voulez connaître la cause du culte si dévot qui est rendu au Bambino, et des richesses dont il est couvert, sachez que de pieuses traditions racontent qu'à sa présence et à son attouchement, des guérisons miraculeuses ont été opérées.
Quant à l'origine de cette statue si vénérée, je ne sais s'il y a rien de bien certain. Il m'a été dit qu'elle vient de Jérusalem et qu'elle a été sculptée par un frère de l'Ara-Coeli, il y a deux siècles et demi environ, avec le bois de l'un de ces antiques oliviers qui peut-être existaient du temps du Sauveur.
Quoi qu'il en soit, le Santo Bambino n'est exposé publiquement à la vénération des Romains que pendant les douze jours qui s'écoulent depuis la fête de Noël jusqu'à l'Épiphanie, et je vous ai décrit ailleurs quel délicieux proesepe l'on prépare pour le recevoir.
Le dernier jour de cette période, que l'on nomme Dodecameron, à l'issue d'une procession solennelle que font les religieux franciscains, le Supérieur, portant dans les mains le Santo Bambino, s'avance sur le seuil de l'Église et bénit les assistants avec la sainte image. On compte peu de cérémonies dans Rome qui attirent un plus grand concours : les cent vingt-quatre marches qui conduisent à l'Ara-Coeli, tous les degrés du Capitole, les terrasses et les places voisines, tous les balcons des maisons sont couverts de femmes, d'enfants et de vieillards, qui attendent cette bénédiction comme une grâce insigne.
Après la cérémonie, la petite statue est enveloppée de plusieurs riches étoffes et enfermée dans un coffre précieux : elle y demeure tout le reste de l'année. Il faut une permission du cardinal vicaire pour que les religieux puissent l'en retirer, soit pour la porter à quelque malade, soit pour l'offrir à la vénération de quelque pèlerin ou de quelqu'étranger de distinction.
Lorsqu'un malade a obtenu la permission de recevoir chez lui le Bambino, on le transporte en voiture, après avoir accompli certaines cérémonies. Un religieux du couvent accompagne la sainte image, et c'est lui qui la dépose sur le lit du malade et qui l'en bénit.
Le plus souvent ceux qui désirent recevoir la bénédiction du Santo Bambino, se font conduire à la sacristie du couvent. Voici comment s'accomplit la cérémonie : j'ai eu la consolation d'en être un jour le témoin. Le postulant était un pauvre petit enfant infirme que ses parents voulaient faire bénir. Un père franciscain, après s'être revêtu d'un rochet et d'une étole, et avoir mis à ses mains des gants de couleur rouge, retira le Bambino du coffre dont j'ai parlé, et le plaça sur une espèce de trône disposé exprès sur un autel, et autour duquel brûlaient des lumières. L'enfant fut invité à se mettre à genoux aux pieds de la statue ; des litanies et plusieurs oraisons ayant été récitées, le religieux la prit dans ses mains, l'éleva au-dessus de la tête du jeune malade, puis la lui présenta à baiser.


OBSERVATION IMPORTANTE

Lisez avec attention, mes enfants, la présente observation que je joins à dessein aux lettres sur les fêtes de Noël à Rome.
Vous entendrez peut-être dire qu'il n'y a pas assez de gravité dans les particularités de ces fêtes que je vous ai décrites, qu'elles ne sont pas dignes de la noble sévérité de nos dogmes.
Ne vous laissez pas prendre, de grâce, à ce spécieux langage.
Un voyageur dont l'opinion ne saurait être suspectée, a écrit, à ce sujet, des lignes remarquables que je vous prie de conserver pour vous-mêmes, et d'offrir aux autres comme réponse.
«...Pour nous, qui nous piquons de philosophie et de bon goût, nous avons supprimé tous ces usages qui sentent la simplicité et la vieille bonne foi de nos pères, et nous croyons avoir fait des merveilles. Peut-être qu'en y regardant de plus près, on trouverait que nous avons réussi à rendre la religion bien froide, bien sèche et bien austère, sans la rendre plus respectable ni plus aimable. Quoi qu'il en soit, ayons assez d'équité pour ne pas condamner des usages reçus ailleurs, uniquement parce qu'ils choquent nos préjugés nationaux. » (Les Trois Rome, t. I, p. 468).
Que si, entrant dans le détail de ces usages, quelque pèlerin trop rigide, quelque touriste au contraire tout superficiel, viennent se plaindre devant vous, par exemple, que tous les Pifferari que voit et entend Rome sont une chose surannée, et qu'ils ne font par leur musique qu'abasourdir les oreilles ; ou encore que c'est une puérilité de vouloir représenter la Crèche telle qu'elle dut être à Bethléem, et que c'est une plus grande puérilité, sans résultat aucun, de laisser des enfants élever la voix dans le temple de Dieu, sous prétexte de prédication ; qu'il est inconvenant enfin d'accorder au Bambino tous les honneurs qui lui sont réservés.
Si, dis-je, ces reproches sont faits devant vous, retenez et au besoin répondez ce que je vais vous dire :
1° S'il est désagréable pour le touriste de ne pas faire un pas dans les rues de Rome, durant les jours de l'Avent et la veille surtout de Noël, de ne pas rester une heure dans ses appartements sans entendre les accords plus ou moins harmonieux des Pifferari, rien n'est plus doux au cœur chrétien que d'être sans cesse rappelé comme malgré lui au souvenir du touchant mystère qui se prépare.
2° Que les représentations de la Crèche à l'Ara-coeli soient un peu puériles, passe ; mais il y a tant de charme dans cette simplicité apparente, il y a des leçons si persuasives dans cette puérilité... que le cœur chrétien n'oserait la bannir, et que l'expérience de nos pères, qui savaient combien elle sert à faire vivre dans les familles la pensée du sauveur et à y faire éclore bien des actes de vertu, la jugeait utile et digne d'éloges.
3° Outre le plaisir très-légitime que procurent aux enfants les petites prédications faites auprès du Proesepe, elles sont de nature à produire les meilleurs résultats. Elles rappellent en effet longtemps avant Noël, à tous les membres de la famille, l'anniversaire du grand mystère de Bethléem et la nécessité de s'y disposer. Comment cela ? « C'est que longtemps à l'avance, père, mère, frères et sœurs sont en mouvement : les uns composent, les autres font répéter au jeune enfant le petit sermon. Et puis, pour avoir le bonheur de célébrer les louanges de l'Enfant-Dieu, il faut être sage ; pour accompagner le jeune prédicateur, il faut encore que les frères et sœurs plus âgés soient sages. Or, avec le caractère de l'enfance, on comprend tout ce qu'une semblable perspective est capable d'obtenir » (Les Trois Rome, p. 467).
4° Enfin, si des honneurs si magnifiques sont rendus, à Rome, à la statue connue sous le nom de Bambino, ce n'est nullement parce qu'on lui attribue aucune vertu propre, aucune puissance particulière. Pas plus qu'une autre image, pas plus qu'une autre statue, elle n'a en soi ni puissance, ni vertu. On la garde avec soin, avec respect, avec vénération, parce que c'est un monument de la bonté et de la puissance de Dieu, qui à son occasion s'est plu à opérer quelque grâce insigne ; et peut-on dès lors s'étonner que les fidèles prient plus volontiers devant cette image, puisqu'elle doit exciter davantage leur foi et leur piété ?

(Extrait de Les Fêtes de Noël à Rome, par M. l'Abbé V. Dumax)


Reportez-vous à BethléemLes petits Prédicateurs de six et de huit ans, L'Étable de Bethléem dans l’Église de l'Ara-Coeli, L'épée et le chapeau ducal portés à la procession le jour de Noël, Description de la sainte Crèche, Son histoire, Cérémonie de l'Adoration, La Messe de Minuit à Sainte-Marie-Majeure, Les Boutiques de Noël et le Præsepio, Les Pifferari, Regard sur le triple sacrifice du Jour de Noël, Noël, Jour de sainte allégresse, Lumière sur Noël, La crèche, Méditation pour la Fête de Noël : Vous trouverez un Enfant enveloppé de langes, et couché dans une Crèche, Instruction sur la Fête de Noël, Pratique de la Dévotion à l'enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 21e Méditation : Cependant Marie ne perdait rien de toutes ces choses et les méditait dans son cœur, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 22e Méditation : Ils portèrent Jésus à Jérusalem, afin de l'offrir au SeigneurDévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 20e Méditation : Ayant été averti en songe de ne point aller trouver Hérode, ils retournèrent en leur pays par un autre chemin, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 19e Méditation : Se prosternant, ils l'adorèrent ; puis ayant ouvert leurs trésors, ils lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la myrrhe, Discours aux jeunes époux, du Pape Pie XII, durant l'Octave de l’Épiphanie, le 10 janvier 1940, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 18e Méditation : Voici que l'étoile qu'ils avaient vue en Orient parut, allant devant eux, jusqu'à ce qu'elle vint s'arrêter sur le lieu où était l'enfant, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 17e Méditation : À la nouvelle de la naissance du saint Enfant, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 16e Méditation : Nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus pour l'adorer, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 15e Méditation : Voici que les Mages vinrent de l'Orient à Jérusalem, Méditation pour le Jour des Rois : Que votre Règne arrive, Instruction sur la Fête des Rois, Méditation sur l’Épiphanie : Les Mages confessent Jésus-Christ devant les hommes, Méditation sur l’Épiphanie : Les Mages à Jérusalem, Méditation pour l’Épiphanie : La vocation des mages prédite et figurée, notre vocation à la foi de Jésus-Christ, Méditation sur l’Épiphanie : Les Rois-Mages, Méditation sur l’Épiphanie : Du ministère de Marie dans la vocation des Gentils à la Foi, Remerciement, offrande et prière au Verbe de Dieu incarné, pour l'Octave de l'Épiphanie, Méditation sur l’Épiphanie, Méditation sur la Nativité, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 14e Méditation : On lui donna le nom de Jésus, Litanies du Saint Nom de Jésus, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 13e Méditation : On lui donna le nom de Jésus, nom qui lui avait été donné par l'ange, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 12e Méditation : Après huit jours, le saint Enfant fut circoncis, Instruction sur la Circoncision, Méditation sur la Circoncision, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 11e Méditation : Les bergers revinrent en glorifiant et en louant Dieu de tout ce qu'ils avaient vu et entendu, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 10e Méditation : Les bergers se disaient les uns aux autres : Allons jusqu'à Bethléem, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 9e Méditation : Gloire à Dieu au plus haut des Cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 7e Méditation : Tout à coup l'Ange du Seigneur parut auprès d'eux, Salutation à Marie et à Jésus naissant, Litanies du Saint Enfant-Jésus, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 1re Méditation : Marie s'étant rendue avec Joseph à Bethléem, le temps de son divin enfantement arriva, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 2e Méditation : Je vous annonce un grand sujet de Joie, il vous est né aujourd'hui un Sauveur, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 3e Méditation : Marie mit au monde son fils premier-né, et l'enveloppa de langes, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 4e Méditation : Marie, après avoir enveloppé de langes le saint Enfant, le coucha dans la crèche, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 5e Méditation : Voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 6e Méditation : Il y avait là aux environs des bergers qui veillaient et se relevaient les uns les autres pendant la nuit, pour la garde de leurs troupeaux, Litanies du Saint Enfant-Jésus, et Dévotion au Saint Enfant-Jésus : Prière d'amour et Consécration.