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Saint François de Sales et Sainte Jeanne Françoise de Chantal |
PREMIÈRE PARTIE
(TOME II)
CHAPITRE PREMIER
De l'Homme spirituel
Quel est l'homme spirituel ?
C'est celui qui ne suit point les maximes de la nature, ni les inclinations des sens ; mais qui se conduit par la raison, et qui marche selon l'esprit.
Quelles sont les maximes de la nature ?
Il y en a plusieurs ; en voici quelques-unes : aimer ses aises ; ne vouloir rien souffrir de la part d'autrui ; chercher en tout ses intérêts ; prendre toujours le meilleur, lorsqu'il est permis de choisir. La plupart des hommes conformant leur vie à ces maximes, prennent de fausses idées, qui les empêchent d'être intérieurs, et qui les détournent de la vertu. Leurs erreurs roulent ordinairement sur trois points. Ils se persuadent faussement, 1° Que les affronts sont de grande conséquence, et qu'il n'en faut dissimuler aucun. 2° Qu'il faut se ménager des appuis et des ressources, et se pourvoir de tout ce qui est nécessaire pour mener une vie douce.
L'homme spirituel a des idées et des vues bien différentes. Résolu de contrarier en tout la nature, et de ne la laisser jamais en repos, il compte pour rien les affronts, et croit qu'ils ne font tort qu'à ceux qui s'en mettent en peine : il fait peu de cas de sa santé ; il l'expose volontiers pour le service de Dieu, s'abandonnant aux soins de la Providence, comme doit faire celui qui s'est fait esclave de Jésus-Christ, et des âmes qu'il a rachetées. Il ne compte ni sur la sagesse humaine, ni sur l'amitié des créatures, ni sur les richesses, ni sur tout ce qui peut contribuer à la douceur de la vie ; mais se confiant en Dieu seul, il tâche de s'affranchir de tout soin, de toute attache, de toute inquiétude, pour s'établir dans une disposition toute contraire à celle de ce riche qui se disait à lui-même : Tu as des biens en abondance pour plusieurs années.
L'honneur, la santé, les douceurs de la vie, voilà ce qui occupe les enfants du siècle, ce qu'ils cherchent avec empressement, ce qu'ils appréhendent de perdre ; tandis que les enfants de lumière, qui sont les vrais spirituels, ne daignent pas y faire attention.
C'est en méprisant ces avantages, qu'ils s'élèvent au-dessus de la nature, qu'ils la foulent, pour ainsi dire, aux pieds ; afin de ressembler à Jésus-Christ, dont les exemples et les maximes tirent l'homme de sa bassesse, pour le faire vivre en Dieu d'une vie surnaturelle.
Nous ne prétendons pas néanmoins blâmer un soi modéré de conserver sa réputation et sa santé, et de pourvoir aux besoins de la vie : ce que nous condamnons, c'est l'affection et l'empressement pour ses biens naturels : parce que cette affection et cet empressement dégénèrent bientôt en passion comme nous le voyons dans les mondains, qui sont presque toujours ou transportés par l'ambition, ou abattus par la défiance, et qui ne peuvent s'élever aux objets surnaturels, parce que leur foi est trop faible.
Il faut donc qu'un disciple de Jésus-Christ ait un courage supérieur à tout ce qu'inspire la nature, et qu'il soit déterminé à faire tout le contraire de ce que font la plupart des hommes, à chercher ce qui l'incommode ; à souffrir sans se plaindre, tout ce qui lui vient de choquant de la part des autres : à mépriser ses intérêts particuliers et lorsqu'il lui est permis de choisir entre plusieurs choses, à prendre toujours la plus contraire aux inclinations de sens.
Quelles sont ces inclinations des sens, que l'homme spirituel ne doit pas suivre ?
On les connaît aux effets qu'elles produisent dans ceux qui en sont dominés. Le premier est un trop grand soin de leur corps, et une attention continuelle à tout ce qui regarde le manger, le coucher, le vêtement et l'habitation. Ils y pensent sans cesse ; ils en parlent volontiers ; ils se piquent de connaître ce qu'il y a de meilleur et de plus délicat en ce genre, et appellent heureux ceux qui en sont pourvus. Le second est une extrême horreur de la souffrance ; ils se tiennent en garde contre les maux les plus légers, et contre les moindres douleurs ; ils ne veulent point entendre parler de pénitence ; et ils ne peuvent comprendre qu'on puisse être ennemi de soi-même jusqu'à mortifier sa chair. Le troisième est un soin particulier des choses qui sont à leur usage, et une attache excessive à tout ce qui sert à l'entretien et au plaisir de leur corps : il faut que tout vienne à propos, et que tout soit d'un certain goût. Ce n'est pas toujours par sensualité qu'ils en usent de la sorte ; c'est bien souvent faute de confiance en Dieu, et par une crainte excessive de tomber malade. Ils ont pour leur santé une attention infinie, qui va jusqu'à la superstition ; le changement des saisons, le moindre vent qui souffle, la plus légère altération qu'ils aperçoivent dans l'air, ou dans leur corps, les alarme.
L'homme spirituel ne s'abaisse point jusqu'à faire ces réflexions : que son corps soit à son aise, ou qu'il souffre, il ne daigne pas y faire attention ; il prend indifféremment tout ce qu'on lui présente ; s'il a quelque inclination, c'est à maltraiter son corps, qu'il regarde comme un ennemi digne de toute sa haine ; et il n'oublie jamais ce que dit Saint Paul : Que la prudence de la chair donne la mort. De là vient son amour pour la pénitence, et le soin qu'il prend de mater sa chair, non seulement en lui refusant tout ce qui pourrait la flatter, mais encore en l'affligeant par les jeûnes, par les veilles et par toutes les saintes austérités où la grâce porte, et que les Disciples de Jésus-Christ embrassent volontiers, parce qu'ils ne sauraient vivre sans participer à la Croix et aux douleurs de leur divin Maître.
Pour ce qui regarde leur santé, ils aiment mieux s'exposer à quelques incommodités, que de prendre, pour les éviter, les gênantes précautions que prennent les personnes sensuelles. Et ils en usent de la sorte, parce qu'ayant fait à Dieu le sacrifice d'eux-mêmes, de leur corps et de leur vie, ils sont bien aises de lui en abandonner le soin, parce que leur amour pour la croix fait qu'ils ne craignent point les peines et les incommodités de la vie ; et enfin parce que la disposition de leur esprit toujours élevé aux objets surnaturels, et leur amour pour Jésus-Christ, ne leur permettent pas de s'assujettir à des soins si bas, au-delà de ce que la nécessité et la droite raison exigent.
Qu'est-ce que se conduire par la raison, et marcher selon l'esprit ?
C'est se fonder sur des principes fort supérieurs à ceux qui font agir les hommes charnels. Ceux-ci ne s'occupent que du présent, ils ne songent qu'à s'établir sur la terre, et ils donnent tous leurs soins et toutes leurs affections aux biens périssables. Ils font grand cas des avantages naturels, de la naissance, du talent de la parole, de la science, de la dextérité dans les affaires, et ils regardent avec admiration ceux en qui se trouvent ces avantages. Ils défèrent beaucoup aux discours et aux jugements des hommes ; et comme ils cherchent à leur plaire, ils se laissent ordinairement dominer par une lâche complaisance.
La conduite de ceux qui marchent selon l'esprit, est bien différente. Premièrement, ils méprisent tout ce qui est sujet au temps ; ils ne perdent jamais de vue l'éternité ; ils donnent tous leurs soins et toutes leurs pensées à l'affaire du salut, et comptent pour rien toutes les autres. Et comme ils considèrent, non les choses visibles, mais les invisibles ; comme ils sont pleins de l'avenir, et qu'ils fondent sur la foi, leurs prétentions, leurs desseins, et toute leur conduite ; on leur donne avec raison le titre d'hommes spirituels. Secondement, ils n'ont de l'estime et de l'amour que pour les véritables biens, qui sont de l'ordre surnaturel : les plus grands avantages du siècle, et les plus belles qualités naturelle, séparées de la vertu, leur paraissent comme de la boue. C'est en donnant ainsi aux choses le rang qu'elles doivent avoir, qu'ils domptent l'orgueil de la nature, et qu'ils se disposent à une vie purement spirituelle. Ils ne voient que Dieu qui mérite leur estime ; l'idée qu'ils en ont, absorbe toutes les autres : ils ne sauraient parler avec éloge de ce qui est naturel, à moins qu'il ne contribue au service de celui qui leur est seul toutes choses. Un troisième devoir de l'homme spirituel, c'est de n'envisager en toutes choses que l'intérêt et la volonté de Dieu, de rapporter tout à cette fin, sans se laisser jamais conduire par d'autres motifs. C'est ainsi qu'il se met au nombre des adorateurs que le Père cherche, c'est-à-dire, qui l'adorent en esprit et en vérité.
Qu'est-ce qu'adorer Dieu en esprit et en vérité ?
C'est s'élever par la foi au-dessus des objets créés, qui ne sont qu'illusion et que mensonge : c'est servir Dieu pour l'amour de lui-même, et non pour les goûts sensibles qu'on trouve dans son service : c'est chercher sa plus grande gloire, avec une intention droite et sincère, et avec un désir ardent de voir sa volonté accomplie en toutes choses. Lorsqu'un homme en est venu là, il est véritablement spirituel, et aussi parfait qu'on peut l'être en cette vie.
CHAPITRE II
Des obstacles à la perfection
Quels sont les obstacles à la perfection chrétienne ?
Ils sont en grand nombre : nous ne parlerons ici que des trois principaux. Le premier vient des desseins particuliers que chacun forme selon ses inclinations, et dont il s'occupe si fort, qu'il n'a ni assez de liberté d'esprit, ni assez de force intérieure pour vaquer à l'étude de la vertu. L'un veut amasser du bien, l'autre veut se rendre habile dans les sciences : il n'y a presque point d'homme qui n'ait quelque dessein, après lequel il court avec ardeur, et jusqu'à épuiser toutes les forces de son âme, si bien qu'il ne reste plus de vigueur pour le service de Dieu, qui demande lui seul toute notre application et toutes nos forces.
L'unique moyen de vaincre ces obstacles est de ne prétendre à rien dans ce monde, de renoncer à toute autre entreprise, et à toute autre vue que celle de la perfection, et de se mettre par ce dépouillement général, en état de ne penser qu'à Dieu et à soi-même. Pour en venir là, il n'est pas toujours nécessaire de quitter ses emplois, d'abandonner ses affaires, de renoncer à son étude, au soin de sa famille, et aux autres occupations dont on est chargé ; il suffit de les regarder comme des devoirs que Dieu nous impose, de n'y point mettre notre affection, et de ne nous y appliquer que par un motif d'amour pour Dieu, qui exige cette application comme une preuve de notre fidélité, et comme un service qui lui est agréable. De cette manière les affaires du dehors ne seront point un obstacle à notre perfection : parce que ce qui est extérieur à l'homme ne saurait lui nuire que par sa faute lorsqu'il s'y attache, ou qu'il s'en occupe trop.
Quel est le second obstacle ?
C'est la paresse, qui retient l'homme et qui l'empêche de se raidir contre les difficultés. Et comme l'étude de la perfection est une de ces entreprises difficiles qui demandent beaucoup de courage et de vigilance, qu'il s'agit de s'évertuer et de vaincre, pour ainsi dire, à chaque pas ; il n'y a pas de plus grand obstacle aux efforts continuels qu'il faut faire, que cette inclination naturelle qui nous fait chercher le repos. Elle nous rend lâches et pesants, lorsqu'il s'agit de pratiquer le bien : et comme elle est née avec nous, et qu'elle est fortifiée par l'habitude, il faut beaucoup d'activité et de diligence pour la surmonter, en mettant en exercice les facultés de l'âme, que cette paresse tient dans l'inaction.
Le moyen le plus sûr pour en venir à bout, c'est de se prescrire quelques pratiques particulières, surtout en matière de dévotion, de mortification et de charité envers le prochain. Car ce sont là les trois points importants qui décident de la perfection du Chrétien. Celui qui s'adonne à la vertu, doit dès le commencement destiner un certain temps à l'oraison, à l'examen de conscience, à la visite du Saint-Sacrement, et des lieux où la Sainte Vierge est particulièrement honorée. Il doit joindre à ces exercices de piété quelques pratiques de pénitence et quelques aumônes, et s'acquitter de ce qu'il s'est prescrit, avec une fidélité inviolable. Comme ce qui entretient la paresse, c'est la liberté qu'on se donne d'écarter ce qui gêne, de n'agir que par humeur, et de faire tout au hasard ; le moyen de la vaincre, c'est de se fixer et de se contraindre soi-même, par l'observation de certains devoirs. Les enfants accoutumés à faire tout ce qu'ils veulent, ont peine au commencement à s'assujettir ; mais ils éprouvent dans la suite que cet assujettissement leur est utile, et que tout leur profit en dépend. Il en est de même de ceux qui entreprennent l'ouvrage de la perfection ; il faut que malgré la résistance naturelle de ce fonds de paresse, que la corruption de la nature a laissé en eux, ils s'obligent à vivre selon certaines règles, pour vaincre cette inclination libertine qui les porte à suivre leur fantaisie, et à ne s'assujettir à rien.
Outre les pratiques particulières, il faut aussi durant quelques mois apporter une singulière attention à veiller sur soi, et à se raidir contre le penchant de la paresse ; s'avertissant et se corrigeant soi-même en tout temps et en tout lieu, comme on fait à l'égard des enfants, lorsqu'on veut leur faire prendre quelque bonne habitude. Cet exercice est rude au commencement ; mais dans la suite on s'y accoutume, et il devient la source d'un solide contentement.
Quel est le troisième obstacle ?
C'est le vice qui domine en chacun de nous : car il y en a toujours quelqu'un qui prend l'ascendant. Dans les uns c'est l'orgueil, dans les autres c'est la colère, la curiosité, la démangeaison de parler, etc. Celui qui aspire à la perfection, après avoir reconnu ce vice, doit s'appliquer à le combattre de toutes ses forces, comme son plus grand ennemi, et le plus grand obstacle qui s'oppose à son avancement spirituel : et il verra bientôt par son expérience, que ce vice une fois vaincu, on vient aisément à bout des autres.
Outre ces principaux obstacles, il y en a un quatrième, qui est aussi très considérable : c'est une fausse prudence, qui nous fait accroire que nous ne devons rien oublier pour conserver notre réputation, pour gagner l'estime et l'amitié de tout le monde. Trompé par cette illusion, on se donne mille mouvements pour se mettre bien dans l'esprit des autres, on a pour eux des ménagements, des égards et des complaisances excessives : on s'étudie à se conduire avec tant d'adresse, qu'on ne déplaise à personne. Si c'était par un motif de charité, et pour édifier le prochain, qu'on se ménageât de la sorte, ce ne serait pas un vice ; mais quand on le fait par amour-propre, c'est un obstacle d'autant plus grand, qu'il est directement opposé à la confiance en Dieu, et à l'abandonnement que nous devons faire de nos intérêts, et de nous-mêmes entre ses mains. C'est pour cela que saint Ignace dans ses Constitutions, recommande à ses enfants, comme un excellent degré de perfection, d'avoir un véritable et parfait mépris pour ce que les mondains estiment et aiment le plus, qui est la réputation, jusqu'à désirer de tout leur cœur d'être déshonorés ; jusqu'à prendre plaisir à être réputés pour fous, sans pourtant y donner occasion.
La vue de ce grand homme, en donnant une telle leçon à ses enfants, a été d'élever un des plus grands obstacles à leur perfection, je veux dire, cette sagesse charnelle et trompeuse, qui justifie dans les hommes l'amour désordonné qu'ils ont pour leur réputation, et les soins incroyables qu'ils se donnent pour la conserver. Et comme il comprenait fort bien que l'obstacle est difficile à vaincre, il élève l'esprit de ceux qu'il instruit, et leur fortifie le courage, en leur proposant l'amour du mépris, comme le point le plus excellent et le plus haut degré de perfection dans la vie spirituelle. Nous voyons en effet, que ces faux sages qui chérissent tant leur réputation, sont timides et chancelants dans leurs projets, et qu'ils s'arrêtent pour rien dans le chemin de la vertu ; tandis que les hommes généreux, qui foulent aux pieds leur propre honneur, marchent avec assurance, n'ont rien qui les gêne, ne trouvent rien de difficile, et font des progrès surprenants, tels qu'on doit attendre d'un homme qui choisit pour son partage la folie de la croix, et qui ne craint point de paraître sous les livrées de son divin Maître.
CHAPITRE III
Des obstacles particuliers
que les personnes séculières trouvent à leur perfection
Quels sont ces obstacles ?
Outre ceux dont nous venons de parler, il y en a trois autres, qui regardent en particulier les gens du monde. Le premier est la multitude des occupations, le soin d'une famille, les événements et les accidents divers qui partagent leur vie ; les procès et les affaires où leur vanité, leur avarice et leur ambition les engagent, leurs emplois, leurs charges, leurs offices, remplissent entièrement leur esprit, épuisent toute l'attention de leur âme, et les rendent incapables des exercices de piété, qui demandent un esprit libre. C'est pour cela que les femmes, qui sont ordinairement moins occupées, sont plus propres à la dévotion que les hommes, qui sont chargés de la conduite des affaires.
Il faut donc qu'un homme du siècle, qui veut tendre à la perfection chrétienne, trouve d'abord un temps pour penser à soi, et qu'il se dérobe à la foule de ses occupations, pour faire une retraite de quelques jours. Là, à force de s'employer aux exercices spirituels, il formera une sainte habitude de rentrer en soi-même, et prendra de justes mesures pour accorder, au sortir de sa retraite, ses occupations avec le service de Dieu.
Ce n'est pas encore assez : il faut que dans un plan de vie, dressé à loisir, il règle l'ordre de ses actions, et que surtout il réserve certains jours de l'année et certaines heures de chaque jour, pour les consacrer à Dieu dans un saint repos. Ces précautions sont absolument nécessaires aux gens du monde qui veulent servir Dieu, et pratiquer la perfection.
Quel est le second obstacle ?
C'est l'attachement pour les personnes qui nous touchent de près. Le propre de cet attachement est de captiver le cœur jusqu'à le mettre hors d'état de s'intéresser à l'affaire du salut et de la perfection. Ce ne sont pas seulement les hommes charnels et vicieux qui sont arrêtés par cet obstacle ; ceux qui pratiquent la vertu, et qui désirent la perfection, éprouvent aussi qu'il est grand. Il est vrai qu'ils ne portent pas l'attachement jusqu'à l'offense de Dieu ; mais ils donnent trop à l'affection naturelle, et les satisfactions qu'ils se procurent, sont autant de liens qui gênent leur liberté.
Il s'agit de dégager son cœur de cette affection naturelle, en la réduisant à de justes bornes. Pour cela, il faut toujours avoir devant les yeux ces paroles de Saint Paul : que ceux qui ont des femmes soient comme s'ils n'en avaient point ; ceux qui usent des choses de ce monde, comme s'ils n'en usaient point. Il faut s'appliquer à reconnaître les excès où cette affection fait donner, et se mettre à l'épreuve, en se privant des satisfactions qu'on avait coutume de prendre. Les personnes auxquelles on peut s'attacher, ne sont pas toutes également chères : il faudrait se contraindre, pour témoigner moins d'amitié à celles qu'on aime beaucoup, et en témoigner davantage à celles qu'on n'aime pas tant. Une femme qui aime son mari, ne peut supporter son absence : elle est toujours dans l'impatience d'avoir de ses nouvelles ; et si elles ne viennent à point nommé comme elle le désire, elle s'afflige, elle se désole, elle fait mille réflexions sur les malheurs qui peuvent lui être arrivés. Ne ferait-elle pas mieux d'éloigner de son esprit toutes ces pensées, qui ne servent qu'à l'inquiéter, de faire à Dieu le sacrifice de son désir et de son impatience, et de se remettre à la Providence de tout ce qui peut arriver à son mari ? Par ce moyen elle accoutumerait son cœur à se déprendre des affections humaines, et le disposerait à une sainte liberté.
Quel est le troisième obstacle ?
C'est une trop grande liberté, dont les gens du monde abusent pour faire tout ce qu'ils veulent, et pour faire à leur fantaisie. Comme ils n'ont rien qui les contraigne, ils vont, ils viennent, ils se lèvent, ils se couchent, ils prennent leur repos quand il leur plait, et ne gardent aucun ordre dans leurs actions. Cet inconvénient est très grand ; parce que pour pratiquer la vertu, surtout dans les commencements, on a besoin d'un ordre et d'une règle à laquelle on se soumette : et c'est là le grand avantage des personnes qui vivent en communauté, où tout est réglé par l'obéissance.
Comment peut-on remédier à cet inconvénient ?
Les gens du monde, que Dieu appelle à une vie parfaite, dès qu'ils en ont formé le dessein, doivent se soumettre à la conduite d'un sage Directeur, et régler sur ses avis le temps du lever, de la prière et de leurs autres occupations. Ils n'ont que ce moyen pour se tirer de la confusion et du dérangement où les jette le mauvais usage qu'ils font de leur liberté. La règle est établie pour vaincre la négligence naturelle à l'homme, et pour dompter la propre volonté, qui aime à suivre son caprice : et la différence qu'il y a entre les personnes vertueuses et celles qui ne le son pas, c'est que les premières qui n'ont pas besoin d'un ordre extérieur, parce qu'elles savent se contraindre, s'y soumettent volontiers ; et les autres qui en ont besoin parce qu'elles ne savent pas se gêner, ne peuvent pas souffrir la règle, soit qu'elle leur soit imposée par une volonté étrangère, soi qu'elles l'aient choisie elle-même.
CHAPITRE IV
De l'aveuglement de l'âme
Qu'est-ce que l'aveuglement de l'âme ?
C'est un état d'obscurité, qui l'empêche de voir bien des choses importantes pour son salut et pour sa perfection.
Quels effets produit cet aveuglement dans les personnes spirituelles ?
Il en produit trois, dont chacun est une espèce particulière d'aveuglement. La première est de ne point apercevoir le mal qu'elles font. La seconde, d'ignorer le bien qu'elles pourraient faire, et qui leur est nécessaire. La troisième, de ne pas connaître le fond de leur âme.
Quelle est la première sorte d'aveuglement ?
Elle suppose, comme tout aveuglement spirituel, une privation de lumière, et des infidélités qui nous attirent cette privation ; et l'effet que produit cet aveuglement, est de nous empêcher de voir, ou de nous faire compter pour rien, certains désordres de l'intérieur, qu'on peut réduire à ces trois, qu'il est aisé de remarquer en trois sortes de personnes. Il y en a qui s'imaginent n'avoir d'autre dessein que celui de contenter Dieu ; c'est en cela qu'elles s'aveuglent ; car elles sont toujours après à former des projets qui marquent peu de vertu, et beaucoup d'imperfection. Mais ce sont des projets cachés et presqu'imperceptibles, qui se dérobent à leur connaissance, par le moyen du trouble et du tumulte qu'ils jettent dans leur âme. Cependant elles sont très ardentes à la poursuite de ce qu'elles désirent ; elles en attendent l'accomplissement avec beaucoup d'impatience ; elles comptent tous les moments. Et comme elles forment plusieurs desseins qui se succèdent les uns aux autres, toute leur vie se passe dans une agitation continuelle, dont elles ne s'aperçoivent pas.
On voit des personnes d'un autre caractère, qui se laissent emporter par leur activité naturelle : elles ne sauraient rien faire qu'avec un certain empressement, qui gâte tout, parce qu'il est toujours accompagné de quelque trouble, et fort contraire à la paix du cœur et au recueillement intérieur. Cependant elles ne se défient point de cette disposition, parce qu'elles n'en comprennent pas les conséquences.
D'autres parlent trop librement, décident hardiment de tout, coupent et tranchent, pour ainsi dire, et commettent en cette matière une infinité de péchés qu'ils n'aperçoivent point ; parce que le torrent de l'habitude les entraîne, et que leur dissipation les empêche de veiller sur leur intérieur. Leur aveuglement est semblable à celui de David, qui après son adultère et son homicide, fut longtemps sans se reconnaître.
Quelle est la seconde sorte d'aveuglement ?
C'est d'ignorer le bien qu'on pourrait faire pour la gloire et le service de Dieu. Les lumières naturelles ne découvrent ordinairement que ce qui flatte l'amour-propre ; et quand on les prend pour guides, on cherche à se faire-valoir, à pousser ses prétentions, à s'attirer l'estime des hommes. Mener une vie cachée, être abandonné des créatures, prendre pour soi ce qu'il y a de plus incommode, faire fonds sur l'humilité, sur la pauvreté d'esprit, et sur la souffrance ; toutes ces maximes évangéliques où la lumière du Saint-Esprit découvre de si grandes richesses aux saintes âmes, ne présentent au commun des hommes que pauvreté et disette ; parce qu'étant dans l'obscurité, les vérités les plus lumineuses ne sont pour eux que ténèbres. C'est pour cela que saint Xavier, parlant de cette sentence de l'Évangile : celui qui en ce monde hait sa vie, s'en assure pour la vie éternelle, dit que rien n'est plus clair que cette vérité, à ceux qui la contemplent dans l'oraison, et que rien n'est plus obscur dans la pratique, pour ceux qui n'en ont pas l'intelligence et le goût.
En quoi consiste la troisième sorte d'aveuglement ?
À ignorer ce qu'il y a de plus profond et de plus secret dans le cœur. Il y a des personnes qui paraissent vertueuses, qui se croient telles, et qui le sont au jugement de bien des gens. Il s'en faut pourtant beaucoup qu'elles ne le soient autant qu'elles le paraissent : parce qu'elles n'ont pas poussé la mortification assez loin, et qu'en attaquant leur orgueil, leur vanité et leurs autres vices, elles ne sont pas allées assez avant pour les détruire jusqu'à la racine. Ces vices demeurent cachés au-dedans, à la faveur de leurs ténèbres intérieures : il faut que quelque occasion imprévue les fasse paraître, et alors ils se montrent du moins aux yeux de ceux qui sont éclairés.
N'avez-vous point de comparaison pour nous faire encore mieux connaître l'état de ces personnes ?
On peut les comparer à ces étangs dont l'eau paraît claire et tranquille : pour l'agiter et la troubler, il ne faut qu'y jeter quelque appas. On voit alors des poissons monstrueux monter jusqu'à la surface de l'étang, et se replonger incontinent dans le fond d'où ils sont sortis. C'est dans ce fond bourbeux qu'ils habitent, et ils ne le quittent que pour courir à quelque proie. Ainsi en est-il des vices cachés ; ils demeurent tranquilles dans le fond de l'âme, et on ne les connaît point : mais que quelque accident, auquel on ne s'attendait pas, vienne à les exciter ; ils se montrent tels qu'ils sont, et on commence à les connaître. Or il importe beaucoup aux âmes que ces sortes d'accidents leur arrivent, et qu'elles trouvent des gens qui les exercent et les éprouvent, pour leur apprendre à se connaître.
On peut encore comparer les personnes dont nous parlons, à ces mers pleines d'écueils dangereux, qui sont cachés dans le fond, et qu'on ne découvre que lorsqu'on s'en approche, et que le vaisseau vient à toucher. La plupart des hommes ne connaissent pas le fond de leur cœur : leurs vices s'y tiennent cachés sous une montre de vertu, et sous une tranquillité apparente ; il faut qu'on les heurte pour les leur faire connaître. Et comme la connaissance des écueils cachés est la grande science du Pilote, on peut dire que l'ignorance des vices occultes est le plus funeste aveuglement et le plus grand malheur d'une âme. On ne peut remédier à ce mal qu'avec le secours de la grâce, et par la conduite germe d'un Directeur éclairé : deux moyens qui doivent concourir ensemble pour opérer une entière guérison. L'âme est ensuite capable des dons extraordinaires de la grâce, qui demandent beaucoup de pureté dans le sujet qui les reçoit. Et c'est pour cela que Notre Seigneur déclare bienheureux ceux sont le cœur est pur, parce qu'ils verront Dieu : Parole qui ne doivent pas s'entendre seulement de la vision béatifique, mais encore des sublimes connaissances que Dieu donne aux âmes pures dans cette vie.
CHAPITRE V
De l'Empressement du cœur
Qu'est-ce que l'empressement du cœur ?
C'est l'activité de l'âme, qui tend à son but, sans attendre le mouvement de la grâce.
Quels effets produit cet empressement ?
Il en produit trois, en trois sortes de personnes. Dans les premières, c'est une passion et un véritable désordre, parce qu'il les fait agir contre les lumières de la raison, et contre les règles de la vertu. Dans les secondes, il ne va point jusqu'au mal ; mais il se contient dans les bornes de l'activité et de l'impétuosité naturelle. Dans les troisièmes, qui sont des personnes très vertueuses, il contrarie le mouvement de la grâce, et les empêche de se soumettre entièrement à la conduite du Saint-Esprit.
Quelle est la première sorte d'empressement ?
C'est une précipitation très grande, qui est ennemie de l'ordre, et fort opposée à la droite intention. Il est aisé d'en juger par la conduite d'une infinité de gens, qui n'agissent que par caprice, et qui se laissent transporter successivement par les passions de haine, de désir, d'ambition et de colère. Comme ils suivent d'ordinaire leur premier mouvement, ils ne donnent pas à la grâce le temps de s'insinuer ; ce qui les rend incapables de pratiquer la vertu, et même d'écouter la raison. Ils sortent souvent de leur assiette naturelle, et en viennent jusqu'à perdre cette retenue et cette discrétion, qui convient à l'homme raisonnable, et que les moins sages se piquent d'avoir. Ils se portent inconsidérément à tout ce qu'ils font, et par là ils ressemblent assez aux animaux, qui se conduisent par instinct. Cette précipitation ne se trouve pas seulement dans les mondains, qui se laissent aller à leurs passions ; mais encore en plusieurs personnes spirituelles, qui sont sujettes à faire beaucoup de fautes, pour ne pas veiller sur elles-mêmes, et qui allient beaucoup de paresse, de négligence et de dissipation, avec la pratique de la piété.
Le remède à ce mal est la retraite, et les autres moyens que nous avons assignés au premier volume, dans le chapitre de la réparation de l'intérieur.
Quelle est la seconde sorte d'empressement ?
Elle diffère de la première, en ce qu'elle se trouve dans des personnes bien intentionnées, et qui se défendent des excès de la passion, mais qui n'ayant pas autant de recueillement et de vigilance qu'il conviendrait, se laissent emporter à leur vivacité naturelle, se donnent mille mouvements empressés, qui détournent l'inspiration et rebutent leur Ange tutélaire ; car tout ce qui vient de Dieu procède en paix, et ne saurait s'accommoder à une manière d'agir inconsidérée. Ces personnes veulent ardemment tout ce qu'elles veulent, et n'ont ni paix ni repos qu'elles ne voient achevé ce qu'elles avaient commencé. Cette ardeur impatiente les jette dans le trouble et dans la distraction, qui sont la source d'une infinité de fautes qu'elles commettent. Il est évident aussi qu'elles ne peuvent pas mener une vie intérieure, parce que leur coutume est de se déterminer sur leur premier mouvement : ce qui est une disposition tout-à-fait contraire à la grâce, sans laquelle on ne saurait devenir spirituel.
Ceux qui sont sujets à ce défaut, n'ont rien de mieux à faire que de travailler à ralentir leur ardeur et les mouvements qu'elle excite. Ils pourront y réussir, à force de se tenir en garde contre leur manière d'agir vive et empressée, et à force de rentrer en eux-mêmes par la pratique du recueillement et par le saint exercice de la présence de Dieu. Et quand tout le fruit de leur travail n'aboutirait qu'à les rendre un peu plus posés, ils devraient compter leur temps pour bien employé. Un excellent moyen pour se corriger de cette précipitation, c'est d'en faire le sujet de l'examen particulier. Elle mérite en effet d'être regardée comme un très grand mal, puisqu'elle est si contraire à l'esprit de Dieu, qui ne se trouve jamais dans le tumulte ; et puisqu'elle met un si grand obstacle à la perfection de l'homme, en le privant de la paix et de la tranquillité intérieure.
Quelle est la troisième sorte d'empressement ?
C'est celle qu'on remarque quelquefois dans ceux qui sont solidement vertueux, et véritablement mortifiés. Ce sont des gens qui ne cherchent que Dieu, qui ne paraissent sujets à aucun défaut, et qui seraient entièrement morts d'eux-mêmes, s'ils savaient réprimer cette activité naturelle, qui les fait agir par leur propre mouvement, où il ne faudrait que suivre le mouvement de la grâce. Il n'y a dans cette conduite aucune malice qui puisse déplaire à Dieu, mais il y a un empressement naturel qui empêche Jésus-Christ d'achever en eux son ouvrage, qui est de les faire vivre de sa propre vie, et de les élever à l'union divine. Ce n'est pas en suivant un mouvement déréglé, qu'ils s'égarent ; mais c'est en agissant de leur propre mouvement, lorsqu'ils devraient s'abandonner au mouvement du Saint-Esprit, qui se chargerait de leur conduite, s'ils voulaient le laisser faire, et qui ferait beaucoup plus et incomparablement mieux qu'ils ne font eux-mêmes. Mais comme ce divin Esprit ne travaille que dans la paix et avec douceur, il ne saurait communiquer sa vie divine qu'à des sujets morts à eux-mêmes, qui ne lui résistent point ; et il s'éloigne de ceux qui veulent trop faire, et qui traversent ses desseins par leur propre action ; ou du moins il ne fait pas en eux tout ce qu'il fait dans les âmes aisées à manier, qui se livrent à sa conduite.
Rien n'est donc plus contraire à la grâce, et plus funeste à l'homme, que l'empressement du cœur ; puisqu'il engage les uns dans le péché, qu'il est dans les autres une source d'imperfections, et que lors même qu'il n'a rien de mauvais, il ne laisse pas de rebuter le Saint-Esprit, et d'être un obstacle à une vie surnaturelle et divine.
Quel est le remède à cette troisième sorte d'empressement ?
Il semble qu'on ne puisse l'attendre que de la grâce : cependant ceux qui sont expérimentés dans la vie spirituelle, peuvent y contribuer beaucoup, en suivant ce conseil du Prophète : J'écouterai avec attention ce que le Seigneur me dira au fond du cœur : en s'accoutumant à réprimer jusqu'aux moindres saillies de la vivacité naturelle, à ne rien faire qu'avec réflexion, et qu'après avoir consulté l'Esprit de Dieu. C'était la grande pratique de Saint Ignace de Loyola ; il était sans cesse occupé à rentrer en lui-même et à réunir ses forces intérieures, et il avait coutume de dire que, faute de cette attention, la plupart des hommes spirituels ne correspondaient pas assez à la grâce. Comme il se faisait un devoir essentiel de cette correspondance ; il croyait toujours y avoir manqué, et ce seul point lui fournissait assez de matière pour se confesser tous les jours. En cela il ne faisait que suivre l'exemple de plusieurs grands Saints, qui ont toujours compté pour beaucoup, de troubler le moins du monde l'opération du Saint-Esprit, par leur inconsidération et leur activité naturelle.
CHAPITRE VI
De la Gourmandise
En quoi consiste le vice de la gourmandise ?
Principalement en trois excès. Le premier est de trop manger. Le second d'avoir de l'empressement pour certains mets. Le troisième, de manger hors des temps ordinaires, et de multiplier les repas.
Comment est-ce qu'on donne dans le premier excès ?
En prenant de la nourriture au-delà de ce que la raison permet, et que le besoin exige ; contre ce que Notre-Seigneur nous a si expressément recommandé : Prenez garde à vous, de peur que vos cœurs ne s'appesantissent par l'intempérance et par les excès de vin.
Quel préjudice porte à l'esprit le trop de nourriture qu'on donne au corps ?
Premièrement, le cœur en est appesanti, comme l'a remarqué le Fil de Dieu ; c'est-à-dire, qu'un homme accoutumé à se charger de nourriture se sent ordinairement accablé par un poids qui l'entraîne vers la terre, et qui le porte à suivre les inclinations des sens. En cet état, il n'est capable, ni d'élever son esprit aux objets spirituels, ni de leur donner son estime, ni par conséquent de faire oraison, et de vaquer aux autres exercices de piété. Secondement, on devient insensible aux charmes de la vertu, et on n'est plus touché des besoins des pauvres ; parce que la dévotion et la miséricorde sont des dons que le Saint-Esprit n'accorde qu'aux personnes en qui il habite, et il n'habite qu'en celles qui aiment l'abstinence et le jeûne : ce qui faisait dire à Saint Paul : Ne vous laissez point aller aux excès de vin ; mais remplissez-vous du Saint-Esprit. On peut dire en troisième lieu, qu'être sujet à sa bouche, est un vice qui dispose à tous les autres, et surtout à ceux qui rendent esclave de la chair ; car c'est la gourmandise qui les fait naître, et qui les entretient.
Comment peut-on remédier à ce premier excès ?
En faisant une étude particulière pour trouver le juste milieu entre le trop et le trop peu. Saint Ignace dans son Livre des Exercices, saint Vincent Ferrier dans celui de la Vie spirituelle, ont prescrit la manière dont on doit faire cette étude. Ils disent l'un et l'autre, qu'un homme qui veut se corriger du défaut dont nous parlons, pour devenir spirituel, doit retrancher peu à peu de la nourriture qu'il avait coutume de prendre, jusqu'à ce qu'il ait reconnu ce qui lui est nécessaire pour conserver ses forces. Mais ce n'est pas tout de trouver la juste mesure, il faut s'y tenir ; et ce n'est pas l'effet d'une vertu médiocre, puisque Saint Augustin a dit que celui qui se commande en ce point, mérité d'être appelé grand.
Quels effets produit l'empressement pour certaines viandes ?
Il a coutume de produire un désir ardent des mets qui sont agréables, un soin inquiet pour se les procurer, une grande sensualité à contenter le goût qu'on y trouve : ce qui est une espèce de capacité qui dégrade l'homme, et qui le rend esclave. On ne peut vaincre cette délicatesse que par la mortification et l'abstinence, qu'il faut entreprendre avec une sainte discrétion, en retranchant, non tout d'un coup, mais peu à peu, l'usage des viandes qui ragoûtent. Il y a des personnes courageuses qui ne gardent pas tant de mesure, et qui , voulant ôter d'abord à la sensualité toute espérance de se satisfaire, s'interdisent pour un ou deux ans, et même pour plus longtemps, l'usage des viandes agréables, afin de s'affranchir une fois pour toutes de cette espèce de captivité, et parce qu'elles sont persuadées que de la victoire de ce vice, dépend quelquefois celle de tous les autres.
Comment doit-on se comporter, lorsqu'on s'est délivré de ce honteux assujettissement à certaines viandes ?
Un homme qui a secoué cette servitude, et qui voit que son cœur, occupé du désir de plaire à Dieu et de procurer sa gloire, ne s'abaisse plus jusqu'au soin du corps, peut suivre ce conseil de Notre Seigneur : Mangez de ce qu'on vous servira. Il peut user indifféremment des viandes qu'on lui présente, parce qu'il sait par son expérience qu'il n'est attaché à aucune, et que tout lui est égal, de quelque manière qu'on le traite ; ce qui n'empêche pas qu'en certaines occasions il ne se prive pour l'amour de Dieu, tantôt d'un mets, et tantôt d'un autre.
Comment est-ce qu'un homme du monde peut pratiquer la mortification en cette matière ?
En se reposant de ce qu'on doit servir à sa table, sur ceux à qui il en a donné le soin ; sans trop s'informer des mets qu'on doit lui présenter, et sans se plaindre, lorsqu'on lui en sert quelqu'un qui n'est pas de son goût. Par ce moyen il mettra en pratique ce qu'enseigne le Livre de l'Imitation de Jésus-Christ : Domptez l'intempérance de la bouche, et vous n'aurez plus de peine ensuite à dompter les autres vices.
Comment peut-on remédier au troisième excès, qui consiste à manger hors des temps ?
En suivant la règle que donne sainte Thérèse, de prendre dans les repas ce qui est convenable, et de ne rien prendre hors de là. Ceux qui ne savent pas se contraindre, et qui mangent ce qui leur plaît, lorsque l'envie leur en prend ne comprennent pas combien il est important, quand on veut pratiquer la vertu, de se conformer à cette règle, hors des temps d'infirmité. On apporte à une Dame du fruit de la campagne ; elle en prend sur l'heure, et elle en mange, nous ne lui en ferons pas un crime : mais nous dirons qu'une personne qui aurait sa perfection à cœur, n'en userait pas ainsi ; et que le péché s'est introduit dans le monde, parce que la première des femmes se laissa surprendre par la vue d'un fruit agréable. Pour ceux qui ont toujours à portée quelques friandises dont ils mangent presqu'à tout moment, nous n'avons rien à leur dire : il faut que ces gens-là se croient incapables de rien faire entrer de spirituel dans leur esprit.
Sur ce principe, que doit-on penser de ceux qui ont coutume de déjeûner le matin, et de faire collation l'après-dîner ?
On ne doit pas les condamner légèrement, parce qu'on ne connaît pas leurs besoins ; mais on peut leur dire que, si ces soulagements ne leur sont pas nécessaires, ils feront bien de s'en priver ; qu'en se faisant un peu de violence, ils se déferont de cette habitude, qui leur nuit plus qu'ils ne pensent, et que si cette victoire ne devait pas leur être très utile, sainte Thérèse n'aurait pas donné l'avis que nous venons de rapporter.
Nous pouvons ajouter à ce que nous avons déjà dit de la gourmandise, que les Saints n'ont rien tant recommandé ni tant pratiqué que le jeûne. Saint Ignace fut huit jours sans prendre aucune nourriture ; il voulut que ses compagnons soutinssent la même épreuve, chacun selon ses forces, et il les fit passer, les un six, et les autres trois ou quatre jours sans rien prendre. Saint Jérôme dit de la Vierge Azelle, qu'elle demeurait les semaines entières sans manger ; et il rapporte quelque chose de semblable de lui-même. Une des mortifications que les Saints ont eue le plus à cœur, est l'usage modéré du vin, en quoi ils se sont réglés sur Saint Paul, qui ne permettait à son disciple d'en user en petite quantité qu'à cause de ses infirmités. Il est inutile de demander si ces Prédicateurs de l'abstinence en général voulaient en particulier qu'on se privât des viandes agréables qui sont propres à flatter le goût ; leur exemple le dit encore mieux que leur parole et leurs Écrits. On raconte du Père Charles Spinola, grand Missionnaire de la compagnie de Jésus, que durant plusieurs années qu'il a passées dans les Indes et au Japon, où il a souffert le martyre, il ne goûta jamais de fruit, quoique ces terres infidèles en portent qui sont excellents et délicieux. Saint Vincent Ferrier, dans son Livre de la Vie spirituelle, remarque que cette sorte d'abstinence est une source de grâces pour ceux qui aspirent à la perfection.
CHAPITRE VII
De l'Avancement en esprit
Qu'est-ce qu'avancer en esprit ?
C'est changer de bien en mieux ; ou, ce qui est le même, c'est passer d'un état moins parfait, à un autre plus parfait et plus excellent.
Quels sont les secours extérieurs qui aident à faire ce changement ?
Toutes sortes de secours spirituels ; mais en particulier ces trois, qui sont la compagnie des gens de bien, le changement d'état, le changement de Directeur.
Comment est-on aidé par le commerce qu'on a avec les gens de bien ?
Dieu permet quelquefois qu'on rencontre des personnes distinguées par leur piété, dont les discours et les exemples instruisent et encouragent : on conçoit de nouvelles idées de perfection ; on forme des désirs ardents d'aller à Dieu : c'est un renouvellement de ferveur et un accroissement de force, que procure la communication avec ces personnes. C'est ainsi que saint Xavier doit sa sainteté à la connaissance de Saint Ignace, que la providence lui ménage ; et le gentilhomme Bernard de Quintavalle, à la rencontre qu'il fit de Saint François. Quand on a le bonheur de rencontrer de ces personnes d'une éminente vertu, on doit s'unir à elles par une sainte amitié, et profiter de leurs entretiens et de leurs exemples pour faire de grands progrès.
Comment est-ce que le changement d'état contribue à l'avancement spirituel ?
Parce qu'en changeant d'état on change ordinairement d'idée, on trouve des moyens qu'on n'avait pas, et des occasions favorables qui invitent à faire de nouveaux efforts pour sa perfection. Il est évident que le veuvage, la promotion au Sacerdoce, l'entrée en Religion et les autres semblables événements de la vie, peuvent aisément devenir le commencement d'une très grande sainteté, principalement pour trois raisons.
1. Parce que ce changement d'ordinaire lève plusieurs obstacles qu'on avait à sa perfection ; comme il arrive à ceux qui, de l'état de mariage, passent à celui de viduité.
2. Parce que dans un nouvel état on trouve souvent des secours spirituels qu'on n'avait pas auparavant ; ce qui est certain pour les personnes qui entrent en Religion.
3. Parce que le changement est quelquefois un motif qui engage à une vie plus parfaite ; comme on le voit en ceux qui sont promus au Sacerdoce : le caractère de Prêtre les avertit qu'ils ne doivent pas se contenter d'une vertu médiocre.
Comment est-ce que le changement de Directeur peut contribuer au progrès spirituel ?
Parce qu'un Directeur, qui a beaucoup de zèle et de lumière, fait avancer à grands pas dans le chemin de la vertu, les âmes qui se rangent sous sa conduite. En matière de direction et de conduite spirituelle, il y a différents talents et divers degrés d'habileté. Quelques-uns se proposent de maintenir les âmes dans une médiocrité de vertu, et ne portent jamais leurs vues plus haut. Après avoir écouté les personnes qui s'adressent à eux, ils leur donnent l'absolution ; et pourvu qu'elles se soutiennent dans un train de vie ordinaire, ils ne se mettent pas en peine de leur avancement spirituel. D'autres, plus éclairés et plus zélés, connaissent d'abord les besoins et la portée d'une âme ; et sur ses dispositions ils règlent les desseins de perfection qu'ils ont sur elle. C'est un très grand avantage de trouver de tels Directeurs, et de se mettre entre leurs mains.
Nous ne prétendons point par ce conseil autoriser la conduite de ceux qui changent souvent par légèreté, et pour satisfaire leur goût, plutôt que par un vrai désir de profiter. Ce changement ne se doit faire que lorsqu'on a sujet de croire que c'est Dieu qui le veut pour nous sanctifier par ce moyen. C'est ainsi qu'en usa Madame de Chantal, première Supérieure de l'Ordre de la Visitation : et il parut bien dans la suite, par les grands progrès qu'elle fit, que c'était Dieu qui l'avait adressée au Saint Évêque de Genève. Les personnes qui ont de ces rencontres favorables, après s'être assurées de la volonté de Dieu par une mure délibération et par des prières ferventes, ne doivent pas faire difficulté de quitter leur ancien Directeur, pour aller à un autre dont elles attendent de grands secours.
D'où vient que plusieurs personnes ont tant de peine à changer de Directeur, quoiqu'elles reconnaissent que le changement leur serait très utile ?
Une crainte vaine et une fausse complaisance en arrêtent plusieurs ; elles regardent comme une ingratitude de quitter un Directeur qui les a conduites pendant longtemps, et qui a pris beaucoup de peine pour les instruire. La lâcheté et la paresse y ont souvent beaucoup de part ; accoutumé à une conduite pleine de douceur et de ménagement, on appréhende qu'une nouvelle conduite ne soit trop sévère, qu'elle n'exige trop de mortification et de renoncement à soi-même. Quelques-uns sont retenus par l'obéissance qu'ils ont vouée à leur ancien Directeur ; engagement qui est souvent très préjudiciable ; comme il parut bien en la Mère de Chantal que cette considération empêcha longtemps de s'adresser à Saint François de Sales.
Que faut-il donc faire en telles rencontres ?
Il faut qu'une personne, à qui Dieu fait connaître que le changement de Directeur lui est nécessaire, surmonte généreusement toute crainte humaine et toute lâcheté naturelle, et que, si elle croit avoir besoin de dispense pour un vœu fait contre la prudence, elle s'adresse aux Supérieurs, comme fit Madame de Chantal, pour plus grande sûreté, et comme plusieurs autres qui ont été contraints de l'imiter en ce point.
On ne saurait donc trop recommander aux âmes dévotes de ne point compter sur le goût qu'elles ont pour leur Directeur, et sur les avantages spirituels qu'elles en tirent, jusqu'à prendre avec eux de semblables engagements, qui causent toujours de l'embarras, à moins que Dieu ne leur fît connaître bien clairement que sa volonté est qu'elles s'engagent.
CHAPITRE VIII
Du relâchement
Qu'est-ce que se relâcher dans la vie spirituelle ?
C'est passer de l'état des parfaits, ou des gens de bien, à un état moins parfait.
Combien y a-t-il de sortes de personnes qu'on peut appeler lâches dans le service de Dieu ?
Il y en a de trois sortes : celles qui l'ont toujours été, et qui n'ont jamais eu de ferveur ; celles qui ont été ferventes, et qui se sont laissé aller à leur faiblesse naturelle ; et enfin les personnes tièdes, qui veulent toujours la perfection, mais qui la pratiquent mal, faisant peu de bien, et gâtant le peu qu'elles font par leur négligence. C'est des deux dernières sortes de personnes dont il est question, quand on parle de relâchement, et surtout de celles qui sont déchues de l'état de ferveur.
Quelles sont les causes du relâchement ?
Il y en a trois principales : la première est la négligence, qui est naturelle à l'homme, et qui, s'il n'y prend garde, le fait déchoir insensiblement de sa première ferveur. Ce n'est presque rien au commencement, rien de plus léger que les satisfactions qu'on s'accorde, encore a-t-on soin de les couvrir de divers prétextes, qui sont ordinairement suggérés par l'amour-propre, et quelquefois par le démon. Prétexte d'infirmité ; le corps a besoin de relâche, dit-on, il lui faut accorder quelque divertissement ; et sur ce principe mal entendu, on se laisse aller à des amusements qu'on regarde comme des soulagements nécessaires, dont on se passerait, si on ne se flattait pas.
Autre prétexte, c'est celui de la liberté qu'on croit avoir méritée par ses travaux passés. On établit pour maxime, que l'esprit de Dieu ne veut pas tant de contrainte ; et cette maxime est vraie, lorsqu'elle est bien appliquée, et qu'on ne s'en sert pas au préjudice de la vertu. C'est ainsi qu'on se trompe, en prenant un relâchement très réel pour la sainte liberté des enfants de Dieu. Les fonctions du zèle et les bonnes œuvres extérieures fournissent un troisième prétexte : on s'y adonne sans discrétion, et on ne se fait pas une peine de quitter l'oraison, l'examen de conscience, les pratiques de mortification, pour se répandre au-dehors.
Voilà comme se dissipent les forces de l'âme, comme on revient aux inclinations de la nature corrompue, et qu'on tombe enfin dans un entier relâchement. À quoi aussi ne contribue pas peu la fréquentation des personnes relâchées. Mais, sans que le mauvais exemple s'en mêle, il suffit d'avoir quelque égard aux inclinations de la nature, pour se relâcher bientôt.
Quelle est la seconde cause du relâchement ?
C'est le changement d'état, qui par la même raison pour laquelle nous avons dit au chapitre précédent, qu'il est utile à quelques-uns, et souvent nuisible à d'autres, en leur donnant occasion de déchoir de leur première ferveur. Par exemple, une personne qui était d'une grande régularité dans l'état de veuvage, si elle s'engage dans le mariage, court grand risque de se réduire à un genre de vertu fort inférieur à celui qu'elle pratiquait auparavant. Qu'un religieux qui mène une vie retirée et pénitente, étant simple particulier, soit élevé aux emplois de son Ordre : ce sera merveille, s'il ne se relâche dans la pratique de la mortification. Il y a bien peu de gens qui soient à l'épreuve de l'Épiscopat, et en qui cette dignité ne donne occasion à quelque diminution de ferveur. C'est ce qui obligea Saint Bernard à donner tant d'avis au Pape Eugène IIIe, qui avait été son disciple.
Ainsi voyons-nous dans le monde une infinité de gens, après avoir passé plusieurs années dans la dévotion, lorsqu'ils passent d'une fortune médiocre à une plus relevée, et qu'ils comment à goûter des emplois et des grandes affaires du siècle, abandonner leurs saintes pratiques, ouvrir les yeux à l'avarice, former de grands projets pour l'agrandissement de leur famille, et perdre beaucoup de leur ancienne dévotion. Et sans qu'ils changent eux-mêmes d'état, le seul établissement temporel de leurs enfants peut donner lieu au relâchement qui s'introduit dans leur âme, à la faveur des pompes et des vanités du siècle qui entrent dans leur maison. On ne saurait trop recommander à ces personnes d'être sur leurs gardes, pour empêcher que les changements du dehors n'en fassent aucun dans leur intérieur, et ne leur fassent perdre le goût de la modestie et de la simplicité chrétienne. Il serait très utile dans ces occasions de lire l'ouvrage de Saint Bernard, adressé au Pape Eugène.
Quelle est la troisième cause du relâchement ?
C'est le changement de Directeur : car comme on gagne beaucoup à changer, pour avoir de plus grands secours spirituels, on y perd aussi beaucoup, lorsqu'on rencontre un Confesseur moins fervent et moins éclairé que celui qu'on avait auparavant. Le mal vient de ce qu'étant obligé à changer dans le cas de mort ou d'absence, sans prendre les précautions nécessaires pour bien choisir. D'où il arrive assez souvent que le nouveau Directeur pensant bien différemment du premier, et n'étant ni assez éclairé ni assez ferme, on ne saurait manquer de beaucoup déchoir sous sa conduite. Il y a tel Directeur qui ne fera pas difficulté de dire à une femme du monde accoutumée à pratiquer la vertu, et à marcher dans la voie étroite, qu'il faut s'accommoder aux autres ; qu'on ne saurait avoir trop de complaisance pour un mari auquel on doit plaire ; qu'on peut, sans être coupable, se conformer aux bienséances que le monde prescrit, aux modes qu'il introduit, et que la vertu ne consiste point à retrancher les beaux habits, les ornements et les parures : ce qui s'appelle ouvrir la porte à un grand relâchement. Ce n'est pas qu'en matière d'habits et de parures on ne doive avoir égard à la condition des personnes ; mais en cela il ne faut consulter que le devoir et la bienséance de l'état, et ne jamais rien accorder à la complaisance.
C'est une maxime constante dans la vie spirituelle, qu'il ne faut rien rechercher de ses anciennes pratiques, parce que, pour peu qu'on relâche de sa régularité, tout va bientôt en décadence. C'est ce qui faisait dire à Saint François de Sales, qu'un bon Directeur doit être choisi entre mille ; et le bienheureux Jean de la Croix avertit les âmes dévotes de bien prendre garde à qui elles donnent leur confiance ; parce que le défaut de prudence ou de fermeté dans leur Directeur, peut non seulement les retarder beaucoup dans le chemin de la vertu, mais encore les faire retourner à leurs premières imperfections.
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