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dimanche 16 août 2020

Sur l'Amour de Dieu

Il est étrange qu'il faille exciter l'homme à aimer Dieu, qui est sont principe et sa fin, et l'unique source de son bonheur, et que Dieu se soit cru obligé de lui en faire un précepte. L'amour que nous avons pour nous-mêmes n'est-il pas suffisant pour nous engager à l'amour de Dieu, et nous faut-il pour cela d'autre motif que celui de notre plus grand et même de notre unique intérêt ? Vous m'ordonnez de vous aimer, ô mon Dieu ! disait saint Augustin, comme si ce n'était pas pour moi le plus grand des malheurs de ne pas vous aimer ! Quoi qu'il en soit, Dieu en a fait un précepte ; et le premier, le plus grand de tous les préceptes, celui auquel se réduisent tous les autres. Il est conçu en ces termes : Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre esprit, de tout votre cœur, de toute votre âme, et de toutes vos forces. Expliquons les paroles de ce commandement, et voyons à quelles marques nous pourrons connaître si nous les remplissons.
Vous aimerez d'un amour de raison, d'un amour de préférence, d'un amour autant au-dessus de tous les autres amours, que Dieu est au-dessus de tous les objets qui peuvent exciter l'amour de l'homme. Vous aimerez, non pour quelques instants, ni par intervalles, mais toujours et à tous les moments, depuis celui où votre raison a commencé à vous faire connaître Dieu, jusqu'au dernier soupir de votre vie. Cet amour sera la disposition actuelle et habituelle, fixe et permanente de votre cœur.
Vous aimerez d'un amour proportionné à l'état dans lequel Dieu avait créé le premier homme, et où il vous a mis par le Baptême, d'un amour infus par conséquent et surnaturel, et vous conserverez toujours précieusement la grâce sanctifiante à laquelle est attaché cet amour ; et si vous n'avez pas encore cette grâce, vous ferez tout ce qui dépend de vous pour l'obtenir ; et si vous l'avez perdue, vous ne négligerez rien pour la recouvrer au plus tôt. Dieu offre cette grâce à tous, et avec cette grâce son saint amour ; et quand l'homme est parvenu à l'âge de raison, c'est toujours sa faute s'il n'obtient pas l'un et l'autre tôt ou tard.
Vous aimerez le Seigneur votre Dieu. Les principaux motifs de l'amour de Dieu sont renfermés dans ces paroles. Il est Dieu ; l'être infiniment parfait, l'être infiniment aimable,  aimable en lui-même, par lui-même et pour lui-même, source de tout ce qu'il y a d'amabilité et de perfection dans les objets créés. Il mérite donc l'amour le plus pur, le plus désintéressé, le plus indépendant de tout autre amour. Il est votre Dieu. Vous avez avec lui tous les rapports qu'il est possible d'avoir. Il vous a tiré du néant ; il vous a fait tout ce que vous êtes ; il vous a donné tous les biens dont vous jouissez ; il vous les conserve, et vous conserve vous-même à chaque instant. Il a fait encore plus pour vous dans l'ordre de la grâce que dans celui de la nature ; sa révélation vous instruit de toute l'étendue de ses bienfaits ; méditez-les, et voyez ce que vous lui devez d'amour et de reconnaissance. Il vous en prépare de plus grands encore dans l'ordre de la gloire ; car il ne vous a créé, il ne vous a racheté, que pour vous rendre éternellement heureux par la possession de lui-même. L'amour éternel qu'il a eu pour vous l'a porté seul à vous faire, à vous promettre, à vous destiner de si grands biens ; et pour tout cela il vous demande uniquement que vous l'aimiez comme votre Créateur, votre Sauveur, votre Rémunérateur. Cela est-il juste ? Pouvez-vous vous refuser à ce devoir ? Il est encore le Seigneur, le souverain, l'unique Seigneur, le principe de tout, la fin de tout, le centre de tout. Rien n'est aimable que par lui et par rapport à lui ; vous ne pouvez sans rébellion lui refuser votre hommage, ni le partager avec aucun autre objet sans injustice. Son principal domaine, celui dont il est le plus jaloux, est votre cœur ; c'est par l'amour qu'il vent régner sur vous : il ne lui suffit point qu'on le craigne ; ce qu'il désire, ce qu'il commande par-dessus tout, est qu'on l'aime. Il exige de vous cet amour, sous peine du plus grand des malheurs, d'un malheur éternel, d'un malheur inévitable, auquel rien ne pourra vous soustraire. Tous les motifs de justice, de reconnaissance, d'espérance et de crainte se réunissent pour vous assujettir à cette loi d'amour.
Vous aimerez donc le Seigneur votre Dieu. Et comment ? De tout votre esprit, qui ne vous a été donné que pour le connaître. Vous l'aurez toujours présent à la pensée, en ce sens que vous bannirez de votre esprit toute pensée qui pourrait l'offenser, toute pensée qui pourrait vous dissiper, et vous attacher à tout autre objet, au préjudice de l'attachement que vous lui devez. Cette loi d'amour vous prescrit de vous instruire et de vous occuper des choses de Dieu, et de tout ce qui tend à son service, des devoirs de votre état, de mener, en un mot, une vie sérieuse, digne d'une créature faite uniquement pour Dieu.
Vous l'aimerez de tout votre cœur. Vos principales affections seront pour Dieu, et toutes vos autres affections se rapporteront à lui. Vous y renoncerez, pour peu qu'elles tendent à vous en éloigner. Dieu aura tout votre cœur, et il ne le partagera avec personne ; parce qu'il l'a fait pour lui seul, et que vous ne l'aimeriez pas comme il mérite, si vous aimiez avec lui quelque chose que vous n'aimiez pas pour lui.
Vous l'aimerez de toute votre âme ; c'est-à-dire que vous serez toujours disposé à sacrifier tout pour lui : vos biens, votre honneur, votre vie ; et que vous consentirez à renoncer à tout, à tout souffrir, à tout perdre, plutôt que de transgresser le précepte de l'amour de Dieu. Il faut donc que l'amour vous élève au-dessus de tout plaisir des sens, au-dessus de tout respect humain, au-dessus de toute crainte humaine, au-dessus de toutes les promesses et de toutes les menaces, au-dessus de tous les avantages que le monde pourrait vous offrir, ou dont il peut vous priver. Il faut que vous soyez constamment persuadé, dans la pratique, que c'est tout gagner que de tout perdre pour Dieu.
Enfin, vous l'aimerez de toutes vos forces ; c'est-à-dire, vous ne mettrez aucunes bornes à cet amour, parce que la mesure de l'amour de Dieu est de l'aimer sans mesure. Vous vous appliquerez continuellement à l'augmenter ; toutes vos intentions, toutes vos actions tendront à ce but ; et vous en ferez surtout l'objet de vos prières et de vos pratiques de piété. Oh ! que cette intention est noble, qu'elle est digne de Dieu et de l'homme, de faire oraison, de fréquenter les sacrements, d'exercer les œuvres de charité, de souffrir toutes les peines de cette vie uniquement dans la vue d'accroître en nous le saint amour ! que c'est bien là aimer Dieu de toutes ses forces !
Mais à quelles marques peut-on connaître si on l'aime ainsi ? Car voilà ce qui tourmente beaucoup de bonnes âmes, et sur quoi on a de la peine à les rassurer. Sur cela j'ai à leur dire : 1° que la crainte de ne pas aimer assez Dieu, que l'inquiétude où l'on est à ce sujet, que le désir de l'aimer davantage, sont des preuves non équivoques que notre cœur est tout à lui. J'ajoute néanmoins qu'il y a de l'amour propre dans ce que cette crainte et cette inquiétude ont d'excessif ; qu'il faut s'en rapporter là-dessus aux décisions d'un sage confesseur, et ne point troubler sa paix en s'examinant là-dessus avec anxiété.
2° Que ce n'est point par le sentiment de l'amour qu'il faut juger de sa réalité, mais par les effets qu'il produit. Les goûts et les affections sensibles ne dépendent pas de nous : Dieu les donne et les retire quand il lui plaît. Ces goûts sont trompeurs ; ils peuvent quelquefois venir de l'imagination, d'une complexion tendre, d'efforts indiscrets ; il est dangereux de s'y attacher : et le démon nous en procure quelquefois pour nous séduire. Dans cette attache à la dévotion sensible, c'est moins Dieu qu'on aime, que soi-même. C'est donc par les effets qu'il faut juger de la réalité de l'amour : si l'on est courageux à tout entreprendre pour Dieu, à tout souffrir pour Dieu ; si l'on compte pour rien sa propre consolation dans le service de Dieu ; si l'on ne se recherche en rien soi-même ; si l'on persévère au milieu des tentations, des dégoûts, de l'ennui, de l'abandon : car ce sont là les véritables épreuves de l'amour.
3° A mesure qu'on avance dans la vie intérieure, on réfléchit moins sur son amour et sur ses dispositions à l'égard de Dieu ; l'on s'abandonne à lui sur ce point comme sur tous les autres ; on l'aime sans penser et sans savoir qu'on l'aime ; et c'est alors qu'on l'aime avec plus de pureté. On n'est plus exposé à aucun regard de vaine complaisance sur soi ; l'âme se porte tout entière vers Dieu, et ne se retourne jamais sur elle-même. L'amour est sa vie, et sa vie est en Dieu. Elle est tout abîmée, toute perdue en lui ; et si elle était capable d'une réflexion pour se dire seulement qu'elle aime, elle sortirait de son état, et s'exposerait à déchoir.
4° En général, ce n'est point par les réflexions, ni par les retours fréquents sur soi-même, que l'amour s'acquiert et se conserve ; mais par la vue directe de Dieu, par une intention pure, par un renoncement continuel à toute vue propre, par une fidélité constante à suivre les mouvements de la grâce, et à n'écouter en rien notre propre esprit. L'amour a sa source en Dieu ; c'est lui qui le met en notre cœur ; lui seul lui donne l'accroissement, lui seul en connaît la nature et la perfection. Laissons-le faire : celui qui nous en donne le commencement nous en donnera le progrès ; pourvu que nous nous tenions constamment unis à lui, et que nous nous laissions conduire à son esprit. Jésus-Christ a dit : Je suis venu apporter le feu sur la terre ; et que veux je, sinon qu'il s'allume ? Présentons-lui nos cœurs, afin qu'il y mette ce feu divin ; une fois allumé, il ne s'éteindra jamais de lui-même ; sa flamme consumera tout ce qu'il y a de terrestre, d'impur dans notre âme ; il la consumera elle-même avec sa propriété, et la transformera en lui. Ainsi soit-il.


(Extrait du Manuel des âmes intérieures)


Reportez-vous à Du repos en DieuDe l'amour purMoyens d'acquérir l'amour de Dieu, Quels moyens prendrez-vous pour acquérir, conserver et augmenter en vous l'amour de Dieu ?, Litanies de l'amour de DieuSoupir d'amour vers Jésus, Prière de Sainte Gertrude, Élan d'amour, Prière, Acte d'amour parfait, de Sainte Thérèse d'Avila, Prière de Saint Augustin, pour demander l'amour divin, Motifs et marques de l'amour de Dieu, De l'amour parfait, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Se conformer en tout à la volonté de Dieu, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Instruction sur la Charité, Méditation sur l'excellence de la Charité, Prière pour demander la charité, De la confiance en Dieu, De la prière continuelle, Dieu seul, Sur les réflexions dans l'oraison, De la pensée de l'éternité, Sur la pensée de la mort, Sur les paroles du Psaume LXXXll : Je suis devenu, en votre présence, comme une bête de somme, et je suis toujours avec vous, Marthe et Marie, De la pureté d'intention, Le prix d'une âme, De la Providence de Dieu sur ses enfants, De la générosité, De l'anéantissement, Du moi humain, Conduite à tenir à l'égard des tentations, De la violence qu'il faut se faire à soi-même, Des tentations, Du directeur, Du cœur humain, Du monde, Faiblesse et corruption du cœur humain, Aveuglement de l'homme, Remèdes à l'amour-propre, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'amour du prochain, De l'esprit de Foi, De la fidélité aux petites choses, Sur les trois mots qui furent dits à saint Arsène : Fuyez, taisez-vous, reposez-vous, De l'emploi du temps, Ce que Dieu nous demande, et ce qu'il faut demander à Dieu, Commerce : Image de la vie spirituelle, De la liberté des enfants de Dieu, Instruction sur la Grâce, Instruction sur la Prière, Sur la sainteté, De la Crainte de Dieu, Conduite de Dieu sur l'âme, Moyens d'acquérir l'amour de Dieu, Quels moyens prendrez-vous pour acquérir, conserver et augmenter en vous l'amour de Dieu ?, Litanies de l'amour de DieuSoupir d'amour vers Jésus, Prière de Sainte Gertrude, Élan d'amour, Prière, Acte d'amour parfait, de Sainte Thérèse d'Avila, Prière de Saint Augustin, pour demander l'amour divin, Motifs et marques de l'amour de Dieu, De l'amour parfait, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Se conformer en tout à la volonté de Dieu, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Instruction sur la Charité, Méditation sur l'excellence de la Charité, Prière pour demander la charité, De la force en soi-même et de la force en Dieu, De la consommation en la Grâce, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Sur la croix, De la Simplicité, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la véritable Sagesse, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des Vertus, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'Union avec Jésus-Christ, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Le Paradis de la Terre, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la paix du cœur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la véritable Sagesse, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Avis important pour ceux qui ont des peines d'esprit, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Sur la vie nouvelle en Jésus-Christ, De l'activité naturelle, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie parfaite, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la Mortification, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des moyens de parvenir à la vraie et solide vertu, Idée de la vraie Vertu, De la vraie et solide dévotion, Degrés des vertus qu'on se propose d'acquérir, Pour bien faire l'oraison et pour en tirer le fruit qu'on a lieu d'en attendre, En quelque état que vous soyez, rendez respectable, par vos sentiments et votre conduite, votre titre de Chrétienne, En quoi consiste l'exercice de la présence de Dieu, De la doctrine de Jésus-Christ, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, et Des Conseils Évangéliques, par le R.-P. Jean-Joseph Surin.