Extrait du Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, Tome I, par le R.P. Jean-Joseph Surin :
De l'Union avec Jésus-Christ
En quoi consiste l'union avec Jésus-Christ ?
Nous ne parlons point ici de l'union qui est commune à tous les amis de Dieu, et qui a pour fondement la grâce sanctifiante : il y en a une plus particulière, qui est le fruit de la solide dévotion et de la ferveur de l'amour ; et cette dernière union est plus ou moins parfaite selon la disposition des sujets. La moins parfaite consiste à tenir son esprit et son cœur élevé vers Jésus-Christ, et à suivre, autant qu'on peut, les mouvements de la grâce. La plus parfaite est celle qui va jusqu'à une liaison si étroite, et une si grande familiarité, qu'il semble que l'homme extérieur aussi bien que l'homme intérieur n'ait plus d'autre vie que celle de Jésus-Christ.
Comment se fait l'union du corps avec l'Homme-Dieu ?
Par la force de la grâce, qui lui donne un sentiment si vif de la présence de Jésus-Christ, qu'il lui semble que son corps et ses membres sont véritablement le corps et les membres de ce Dieu-Homme. Jusque-là, que par son imagination et par ses sens il ne se distingue plus soi-même, il ne sent plus que Jésus-Christ, dans lequel il est comme perdu. C'est apparemment ce que saint Paul a voulu dire par ces paroles : Je vis, ou plutôt ce n'est plus moi qui vis, mais c'est Jésus-Christ qui vit en moi. (Gal. 2, 20)
En combien de manières se fait cette union du corps ?
En deux manières ; l'une passagère, et l'autre permanente et habituelle.
Comment se fait l'union passagère ?
Par une impression de la présence de Jésus-Christ si intime et si délicieuse, que rien n'en saurait exprimer la douceur et les effets. On l'appelle passagère, parce qu'elle ne dure qu'un certain temps, et c'est ordinairement après avoir reçu la sainte Eucharistie. Il semble alors aux âmes dont nous parlons, que Jésus-Christ se répand en elles, qu'il leur communique non seulement son esprit, mais encore sa vie naturelle ; qu'elles n'agissent plus que par lui, comme par le principe de leurs opérations ; de sorte que leurs paroles, leurs prières, leurs actions, même naturelles, leur paraissent venir de ce principe.
Comment se fait l'union habituelle ?
Par une impression qui dure, et qui, devenant ordinaire, rend comme permanent le sentiment de la présence de Jésus-Christ. C'est lui qui donne la force et le mouvement à tout : c'est en lui et par lui qu'on agit, qu'on parle, qu'on désire, qu'on s'attriste ou qu'on se réjouit, sans que l'âme puisse reconnaître en soi d'autre principe de ses actions et de ses divers sentiments, que J.-C. vivant et agissant en elle. Non seulement elle est toujours élevée vers ce divin Maître, mais elle se sent abîmée en lui, jusqu'à ne plus distinguer ses membres, des membres de J.-C. ; ce qui la remplit de sentiments affectueux et de goûts exquis.
Sur quoi fondez-vous ce que vous dites de cette union ?
Sur la doctrine de saint Paul. Nous avons cité au commencement de ce chapitre, ce qu'il dit dans son Épitre aux Galates : il dit encore, parlant aux Corinthiens : Est-ce que vous cherchez une preuve que J.-C, parle en moi ? (Cor. 13, 3) Et pour montrer que l'Apôtre dans ces endroits ne parle pas seulement de la grâce sanctifiante, mais dune grâce spéciale et d'une espèce de résidence de J.-C. ; nous n'avons qu'à comparer les paroles de saint Paul avec ce que nous savons de quelques Saints.
Il est écrit de sainte Catherine de Sienne, que parlant de cette faveur qu'elle recevait de Dieu, à son confesseur, saint Raimond de Pennafort, et que ce Saint ne comprenant rien à ce que lui disait la Sainte, Dieu voulut l'instruire par ses propres yeux, en lui faisant voir un jour le visage de Notre-Seigneur confondu avec le visage de sainte Catherine. C'est S. Raimond qui nous rend lui-même ce témoignage dans la vie de cette Sainte qu'il a écrite. Un auteur de ce siècle, homme sage et plein de piété, a écrit qu'il connaissait une personne sur qui la présence de J-C. faisait une telle impression, qu'elle ne voyait et ne sentait rien en soi qui lui fût propre, et qui n'appartînt à ce Dieu homme ; de sorte que, si on lui parlait de ses mains, elle ne savait que dire ; et que si on parlait des mains de Jésus-Christ, elle montrait les siennes pour celles de ce Dieu-homme, tant elle était absorbée et comme perdue dans le sentiment qu'elle avait de la présence de ce divin Sauveur. Il est inutile de demander si c'est Jésus-Christ résidant réellement, qui produit ces effets merveilleux , ou s'il les opère par la vertu de sa grâce et par la force de l'amour : il suffit de savoir que ces secrets, pour être impénétrables, n'en sont pas moins des faveurs réelles.
Comment se fait l'union spirituelle de l'âme de l'homme avec celle de Jésus-Christ ?
Par une espèce d'application des deux âmes, et par une liaison étroite entre leurs puissances, par le moyen de laquelle les biens renfermés dans la mémoire, dans l'entendement et dans la volonté de J.-C., sont communiqués à la mémoire, à l'entendement et à la volonté de l'homme, de la manière que l'explique sainte Gertrude, lorsqu'elle dit que l'âme de Jésus-Christ est imprimée sur la sienne, comme un cachet de cire.
Comment se fait cette communication de biens à la mémoire ?
Par une connaissance expérimentale, qui ne permet point à l'âme de douter que J.-C. ne réveille ses idées dans le besoin, et ne lui suggère à propos tout ce qui lui est nécessaire quand il s'agit de prier, d'agir, ou de parler pour sa gloire.
Comment se fait la communication d'entendement à entendement ?
Par une participation d'intelligence; l'homme éprouvant, lorsqu'il veut s'appliquer, qu'il se fait dans son esprit comme une effusion de lumière, de discernement et de connaissance, même pour les sciences naturelles. C'est comme une source qui s'ouvre dans l'entendement, et d'où la science et les lumières coulent en abondance, surtout lorsqu'il s'agit de parler. Alors, dit l'Écriture, il répandra comme une pluie les paroles de sa sagesse (Eccl. 39, 9). Notre Seigneur dans l'Évangile, parlant de cet esprit d'intelligence qu'il voulait communiquer aux Fidèles, le compare à des fleuves d'eau vive qui couleront de leur sein, à une source d'eau qui jaillit jusqu'à la vie éternelle. (Jean. 7, 38 et 4, 14)
Comment est-ce que la volonté de l'homme entre en participation de richesses avec la volonté de Jésus-Christ ?
Par la liaison qui est entr'elles, et par l'écoulement perpétuel de l'amour de J.-C. dans la volonté de l'homme. Ce ne sont que douceurs, que caresses, que désirs ardents de procurer la gloire de Dieu ; et on connaît que ces richesses sont communiquées par Jésus-Christ, qui se rend présent à l'âme, et qui la remplit de telle sorte, qu'elle ne voit, qu'elle ne goûte que lui en toutes choses, et qu'elle se sent incapable d'avoir aucune affection, ni aucun sentiment de joie, qui ne soit de lui et pour lui.
Il y a grande apparence que saint Paul était dans cette disposition, et que c'est ce qui lui a fait répéter si souvent le nom de Jésus dans ses Épitres. C'est sans doute pour la même raison, qu'on trouva ce nom sacré écrit sur le cœur de saint Ignace Martyr. C'est dans un semblable transport d'amour pour notre divin Sauveur, que saint Vincent Ferrier a dit au dernier chapitre du Traité de la vie spirituelle, qu'il viendrait un jour des gens dont toutes les affections, tous les sentiments, toutes les paroles se termineraient à Jésus-Christ. Quelques-uns croient qu'il a parlé en esprit de prophétie, et qu'il avait en vue des hommes qui mettent toute leur gloire à se consacrer au service de Notre Seigneur, et à porter son nom.
Au reste, ces faveurs insignes sont uniquement le partage des personnes, qui s'y disposent par une entière abnégation, et qui, mettant en pratique ce que nous avons dit de la Doctrine de J.-C., méritent qu'il accomplisse en elles cette belle promesse : Je me ferai connaître à lui. (Jean. 14, 21)
Ces communications de la part de Notre-Seigneur , qui s'insinue dans la volonté de l'homme, n'ont-elles jamais d'autre objet que Jésus-Christ ?
Il arrive quelquefois que la personne à qui J.-C. se communique de la sorte, n'a d'autre idée que celle du S. amour, auquel elle attribue toutes ces grâces : elle ne voit qu'amour, elle ne savoure qu'amour, elle est comme perdue et absorbée dans l'amour. C'est pour cela que sainte Catherine de Sienne terminait toutes ses Épitres par ces deux paroles, Jésus Amour, que S. François de Paule avait toujours à la bouche le mot de charité ; que sainte Françoise d'Assise employait dans ses cantiques le mot d'amour, sans ordre et sans mesure. Il s'est trouvé des âmes si occupées et si pénétrées de cette simple vue d'amour qu'elles ne répondaient autre chose à toutes les questions qu'on leur faisait : Qui êtes-vous ? Amour : Que cherchez-vous ? Amour, etc.
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