Extrait du CATÉCHISME SPIRITUEL DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE, TOME I, Composé par le R. P. J. J. SURIN, de la Compagnie de Jésus :
Saint Jean de la Croix |
Le Paradis de la Terre
Quel est ce Paradis ?
C'est l'assemblage des biens dont jouissent ceux qui sont parvenus à l'union divine.
Quels sont ces biens ?
Outre ceux dont nous avons parlé au chapitre précédent, il y en a encore de trois sortes qui renferment tous les avantages de l'union avec J. C., et qui forment ce que nous appelons le Paradis de la terre. 1.° La communication que l'âme reçoit des perfections divines. 2.° La connaissance et le goût que Dieu lui donne des vertus et des dons qu'il a mis en elle. 3.° Le commerce et la conversation familière avec Dieu.
Quels sont les biens de la première sorte ?
Ce sont les attributs et les perfections divines, dont l'âme jouit en quelque manière par la connaissance et l'amour que Dieu lui en donne. Nous entendons par ces attributs la majesté de Dieu, son immensité, sa grandeur, sa puissance, sa douceur, sa beauté, sa miséricorde, qui sont comme les sept Lampes allumées devant le trône de la Divinité. L'âme découvre ces perfections ; elle les contemple l'une après l'autre avec une joie incroyable ; elle les regarde comme des biens qui lui sont donnés par son Époux céleste, et elle en jouit en effet dans son intérieur par la contemplation et par le goût pratique qu'elle en a. Il est aisé de comprendre que ces excellents objets ne procurent pas seulement un plaisir indicible, mais encore un assouvissement de tous les désirs, quoique ce ne soit qu'à travers le voile de la Foi, qu'on participe à cette espèce de béatitude.
Quelle est la seconde sorte de bien ?
Ce sont les vertus et les dons surnaturels, que Dieu a mis dans l'homme, et dont il le fait jouir par la vue et par le goût qu'il lui en donne. L'homme voit alors son âme, comme un jardin délicieux semé de fleurs différentes, dont il reçoit l'odeur avec un contentement inexprimable, distinguant par la connaissance et par le sentiment les beautés particulières et les différentes qualités de chaque vertu. Mais quoique ces vertus lui appartiennent, et qu'il y ait contribué en cultivant son âme, il croit les tenir uniquement de Dieu, et il l'en remercie, comme si lui-même n'y avait point de part. On ne saurait croire quelle est la variété et l'abondance des dons surnaturels qui composent le trésor de l'homme, que Dieu appelle à cette félicité : il ne possède pas seulement les vertus propres de son état, mais encore plusieurs autres qui ne lui paraissent pas nécessaires ; et il voit évidemment que le dessein de Dieu est de l'enrichir, et d'accomplir en lui ce que dit saint Paul : De sorte qu'à l'égard des dons de grâce, vous ne manquez de rien.
L'âme connaît distinctement ces vertus dont Dieu l'a enrichie, comme une femme distingue dans une cassette les diamants de différent prix, que son époux lui a donnés. Et ce qui est merveilleux, c'est qu'au lieu qu'il lui eût été nuisible autrefois de trop s'arrêter à la considération des dons que Dieu lui faisait, elle peut maintenant les contempler sans être en danger de s'en rien attribuer ; parce que dans l'état de dégagement où Dieu l'a établie par sa miséricorde, elle regarde ses vertus comme de purs effets de la libéralité de celui qui, l'ayant choisie pour son épouse, a voulu l'orner lui-même et l'embellir de ses dons les plus précieux. Ce qui contribue encore beaucoup au bonheur de cette âme, outre le plaisir que lui procurent les vertus dont elle se voit ornée, c'est le plaisir que son céleste Époux y prend, à quoi elle est infiniment plus sensible qu'à son propre contentement.
En quoi consiste la troisième sorte de bien ?
En une espèce de commerce familier entre Dieu et l'âme, en vertu duquel elle peut dire comme l'Apôtre, qu'elle est en société avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ. Un entretien presque continuel et une intime correspondance sont le fruit de ce commerce. L'âme parle à Dieu, elle le consulte sur tout ce qu'elle doit faire ; Dieu lui parle à son tour, et lui donne à propos les avis, les conseils et les lumières dont elle a besoin, soit pour elle-même, soit pour ceux en faveur de qui elle s'intéresse. Non seulement il lui fait connaître en détail les moindres choses qui la regardent, mais par un surcroit de bonté et de familiarité qui passe tout ce qu'on peut dire, il l'entretient souvent sur des affaires et des desseins qui ne regardent que sa gloire, et qui ne la touchent elle-même en rien, disant à son occasion ce qu'il disait autrefois d'un de ses plus fidèles serviteurs : Pourrai-je cacher à Abraham ce que je dois faire ?
Outre cela, les communications amoureuses sont si grandes et si fréquentes, les caresses et les embrassements intérieurs si ordinaires, qu'on peut dire de cette âme qu'elle ne vit plus que d'amour. Ce n'est pas seulement en particulier pendant le repos de l'oraison, et dans le silence de la retraite, que Dieu se communique ainsi à elle, mais encore au milieu de ses actions extérieures, lorsqu'elle vaque aux fonctions de son emploi, et qu'elle converse avec les hommes. Au reste, cette assiduité de l'époux à s'entretenir avec elle, sans la quitter un moment, non seulement ne lui est point à charge, mais elle la soulage dans les fatigues, et la remplit de consolation.
Parmi les caresses que Dieu fait aux âmes de cet état, une des plus grandes est de les rendre comme participantes de ses divins attributs, et de les en mettre, pour ainsi dire, en possession, par l'élévation et la grandeur intérieure qu'il leur communique. C'est ce qui faisait dire au bienheureux Jacobon, Religieux de l'Ordre de saint François, qu'il se sentait maître de tout le monde ; ce qu'il disait par la force de l'opération divine, qui élevait son esprit de la même manière que si Notre Seigneur lui eût fait part de sa puissance et de son souverain domaine.
Ces faveurs ne paraîtront point incroyables à ceux qui savent que saint Paul a dit : Nous sommes comme n'ayant rien, et possédant tout. Mais Notre Seigneur s'exprime d'une manière bien plus claire, lorsqu'il dit, parlant à son Père : Je suis en eux et vous êtes en moi ; afin qu'ils soient consommés en l'unité, et que le monde connaisse que vous m’avez aimé moi-même ; c'est à dire, qu'en l'état dont nous parlons, l'âme sent que J. C. la possède, et que Dieu la possède aussi par J. C. Et voilà ce que nous appelons le Paradis de la terre, parce que c'est en effet le plus grand bonheur dont on puisse jouir à travers le voile de la Foi. C'est le Royaume de Dieu en nous, que nous demandons par cette prière : Que votre règne arrive. Et il ne faut pas croire que les traverses et les Tribulations de la vie puissent troubler cette félicité, puisque saint Jean nous assure qu'il a part avec nous à la tribulation et au Royaume.
Comment ce Paradis dont vous nous parlez, peut-il subsister avec la tribulation ?
Parce que la grâce de cet état est assez puissante pour changer les peines et les douleurs en plaisirs et en consolations : témoin S. Paul, qui a dit, je suis rempli de consolation, je suis dans un excès de joie au milieu de toutes nos tribulations. Ce que dit Notre Seigneur dans l'Évangile, est encore plus fort. Vous ne quitterez rien pour l'amour de moi, qui ne vous soit rendu au centuple dès-à-présent, jusque dans les persécutions. Et en effet nous voyons des personnes très-sensiblement affligées, qui regardent leurs souffrances comme des caresses de leur Époux céleste.
Tous les gens de bien peuvent-ils prétendre à ce bonheur ?
Il n'y a que ceux que Dieu y appelle, qui puissent y prétendre, et il n'y appelle ordinairement que les âmes d'une sainteté éminente. Nous en avons connu une de ces derniers temps, à qui Notre Seigneur dit, après dix-huit ans de souffrances : Ta vie sera désormais un Paradis. Et tous ceux qui l'ont connue comme nous, peuvent rendre témoignage que les peines et les maladies, dont elle a été attaquée, ne l'ont point empêchée de jouir de la félicité qui lui avait été promise.
Ne sont-ce point là de belles imaginations, plutôt que des vérités solides ?
Traiter d'imagination ce que nous venons de dire, ce serait condamner tous ceux qui en ont parlé avant nous, qui en ont dit beaucoup plus que nous, et qui ont appuyé leurs sentiments sur ce lui de plusieurs Saints et de plusieurs Auteurs graves. Ce serait traiter de vision tout ce qu'en a dit sainte Thérèse dans la septième demeure du château de l'âme ; Blosius dans plusieurs de ses ouvrages, et surtout au dernier chapitre de son Institution ; le bienheureux Jean de la Croix dans son Livre de la vive Flamme d'amour et dans son Cantique d'amour ; S. Bernard sur les cantiques ; S Bonaventure dans sa Théologie mystique ; et parmi les modernes, Thomas à Jesu, dans son Livre de l'oraison et de la contemplation divine.
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