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samedi 10 décembre 2022

Le Mystère de Noël



Extraits d'un sermon prêché le jour de Noël par Bossuet, devant Louis XIV et sa cour.


Vous savez assez, chrétiens, que le mystère que nous honorons, c'est l'anéantissement du Verbe incarné, et que nous sommes ici assemblés pour jouir du pieux spectacle d'un DIEU descendu pour nous relever, abaissé pour nous agrandir, appauvri volontairement pour répandre sur nous les trésors célestes...
Mais ce n'est pas ce qu'il y a de plus important, ni ce qui m'étonne le plus. Je confesse que je ne puis assez admirer cet abaissement de mon Maître ; mais j'admire encore davantage qu'on me donne cet abaissement comme un signe, pour reconnaître en lui le sauveur du monde : Et hoc vobis signum, nous dit l'ange. Votre Sauveur est né aujourd'hui, et voici la marque que je vous en donne : un enfant revêtu de langes, couché dans la crèche ; c'est-à-dire, courez à cet enfant nouvellement né, vous y trouverez... qu'y trouverez-vous ? Une nature semblable à la vôtre, des infirmités telles que les vôtres, des misères au-dessous des vôtres. Et hoc vobis signum. Reconnaissez à ces belles marques qu'il est le Sauveur qui vous est promis.
Est-il bien vrai ? le pouvons-nous croire ? Quoi ! les bassesses du DIEU incarné, sont-ce des marques certaines qu'il est mon Sauveur ? Oui, fidèle, n'en doute pas ; et en voici les raisons solides. Ta nature était tombée par ton crime : DIEU l'a prise pour la relever ; tu languis au milieu des infirmités : il s'y est assujetti pour les guérir ; les misères du monde t'effraient : il s'y est soumis pour les surmonter et rendre toutes ces terreurs inutiles. Divines marques, caractères sacrés par lesquels je connais mon Sauveur, que ne puis-je vous expliquer à cet auditoire avec les sentiments que vous méritez ! Du moins, efforçons-nous de le faire...
Ce qui nous empêche d'aller au souverain bien, c'est l'illusion des biens apparents, c'est la folle et ridicule créance qui s'est répandue dans tous les esprits, que tout le bonheur de la vie consiste dans ces biens externes que nous appelons les honneurs, les richesses et les plaisirs. Étrange et pitoyable ignorance !
C'est pourquoi le Fils de DIEU vient au monde, comme un réformateur du genre humain, pour désabuser tous les hommes de leurs erreurs, et leur donner la vraie science des biens et des maux ; et voici l'ordre qu'il y tient. Le monde a deux moyens d'abuser les hommes : il a premièrement de fausses douceurs qui trompent notre crédulité trop facile ; il a secondement de vaines terreurs qui abattent notre courage trop lâche. Il est des hommes si délicats qu'ils ne peuvent vivre s'ils ne sont toujours dans la volupté, dans le luxe, dans l'abondance. Il en est d'autres qui vous diront : Je ne demande pas de grandes richesses, mais la pauvreté m'est insupportable ; je n'envie pas le crédit de ceux qui sont dans les grandes intrigues du monde, mais il est dur de demeurer dans l'obscurité ; je me défendrai bien des plaisirs, mais je ne puis souffrir les douleurs. Le monde gagne les uns et il épouvante les autres. Tous deux s'écartent de la droite voie, et tous deux viennent à ce point, que celui-ci, pour obtenir les plaisirs sans lesquels il s'imagine qu'il ne peut vire, et l'autre, pour éviter les malheurs qu'il croit qu'il ne pourra jamais supporter, s'engagent entièrement dans l'amour du monde.
Mon Sauveur, faites tomber ce masque hideux par lequel le monde se rend si terrible ; faites tomber ce masque agréable par lequel il semble si doux ; désabusez-nous. Premièrement, faites voir quelle est la vanité des biens périssables : Et hoc vobis signum : « Voilà le signe que l'on vous en donne. » Venez à l'étable, à la crèche, à la misère, à la pauvreté de ce DIEU naissant. Si les plaisirs que vous recherchez, si les grandeurs que vous admirez étaient véritables, quel autre les aurait mieux mérités qu'un DIEU ? Qui les aurait plus facilement obtenus, ou avec une pareille munificence ? Quelle troupe de gardes l'environnerait ! Quelle serait la beauté de sa cour ! Quelle pourpre éclaterait sur ses épaules ! Quel or reluirait sur sa tête ! Quelles délices lui préparerait toute la nature qui obéit si ponctuellement à ses ordres ! Mais « il a jugé, dit Tertullien, que ces biens, ces contentements et cette gloire étaient indignes de lui et des siens » : Indignam sibi et suis judicavit. Il a cru que cette grandeur étant fausse et imaginaire, elle ferait tort à sa véritable excellence. Et ainsi, dit le même auteur, « en ne la voulant pas, il l'a rejetée ; ce n'est pas assez : en la rejetant, il l'a condamnée ; il va bien plus loin : en la condamnant, le dirai-je ? oui, chrétiens, ne craignons pas de le dire, il l'a mise parmi les pompes du diable auxquelles nous renonçons par le saint baptême. » C'est la sentence que prononce le Sauveur naissant contre toutes les vanités des enfants des hommes. Voilà la gloire du monde bien traitée : il faut voir qui se trompe, de lui ou de nous. Ce sont les paroles de Tertullien, qui sont fondées sur cette raison. Il est indubitable que le Fils de DIEU pouvait naître dans la grandeur et dans l'opulence : par conséquent, s'il ne les veut pas, ce n'est pas par nécessité, mais par choix ; et Tertullien a raison de dire qu'il les a formellement rejetées : Quam noluit, rejecit. Mais tout choix vient du jugement : il y a donc un jugement souverain par lequel JÉSUS-CHRIST naissant a donné cette décision importante, que les grandeurs du siècle n'étaient pas pour lui, qu'il les devait rejeter bien loin. Et ce jugement du Sauveur, n'est-ce pas la condamnation de toutes les pompes du monde ? Quam rejecit, damnavit. Le Fils de DIEU les méprise : quel crime de leur donner notre estime ! Quel malheur de leur donner notre amour ! Est-il rien de plus nécessaire que d'en détacher nos affections ? Et c'est pourquoi Tertullien dit que nous les devons renoncer par l'obligation de notre baptême ; Et hoc vobis signum : c'est la crèche, c'est la misère, c'est la pauvreté de ce DIEU enfant, qui nous montrent qu'il n'est rien de plus méprisable que ce que les hommes admirent si fort...
Il semble n'être venu sur la terre que pour fouler aux pieds toute cette vaine pompe, et braver pour ainsi dire, par la pauvreté de sa crèche, notre faste ridicule et nos vanités extravagantes. Car voyez où va son mépris : non seulement il ne veut pas de grandeurs humaines, mais, pour montrer le peu d'état qu'il en fait, il se jette aux extrémités opposées. Il a peine à trouver un lieu assez bas où il fasse son entrée au monde ; il rencontrer une étable à demi ruinée, c'est là qu'il descend. Il prend tout ce que les hommes évitent, tout ce qu'ils craignent, tout ce qu'ils méprisent, tout ce qui fait horreur à leurs sens, pour faire voir combien les grandeurs du siècle lui semblent vaines et imaginaires : si bien que je me représente sa crèche, non point comme un berceau indigne d'un DIEU, mais comme un char de triomphe où il traîne après lui le monde vaincu...
Accourez de toutes parts, chrétiens, et venez connaître à ces belles marques le Sauveur qui vous est promis. Oui, mon DIEU, je vous reconnais ; vous êtes le libérateur que j'attends. Les Juifs espèrent un Messie qui leur donnera l'empire du monde, qui les rendra contents sur la terre. Ah ! combien de Juifs parmi nous ! Combien de chrétiens qui désireraient un Sauveur qui les enrichit ; un Sauveur qui contentât leur ambition ou qui voulût flatter leur délicatesse ! Ce n'est pas là notre JÉSUS-CHRIST. À quoi le pourrons-nous reconnaître ? Écoutez, je vous le dirai par de belles paroles d'un ancien Père ! Si ignobilis, si inhonorabilis, si inglorius, meus erit Christus : « S'il est méprisable, s'il est sans éclat, s'il est bas aux yeux des mortels, c'est le JÉSUS-CHRIST que je cherche. » Il me faut un Sauveur qui fasse honte aux superbes, qui fasse peur aux délicats de la terre, que le monde ne puisse goûter, qui ne puisse être connu que des humbles de cœur. Il me faut un Sauveur qui m'apprenne par son exemple que tout ce que je vois n'est qu'un songe, qu'il n'y a rien de grand que de suivre DIEU et tenir tout le reste au-dessous de nous, qu'il y a d'autres maux que je dois craindre et d'autres biens que je dois attendre. Le voilà, je l'ai rencontré, je le reconnais à ces signes ; vous le voyez aussi, chrétiens. Reste à considérer maintenant si nous le croirons.
Il y a deux partis formés : le monde d'un côté, JÉSUS-CHRIST de l'autre. On va en foule du côté du monde, on s'y presse, on y court, on croit qu'on n'y sera jamais assez tôt. Là les délices, les réjouissances, l'applaudissement, la faveur ; vous pourrez vous venger de vos ennemis ; vous pourrez posséder ce que vous aimez ; votre amitié sera recherchée ; vous aurez de l'autorité, du crédit ; vous trouverez partout un visage gai et un accueil agréable ; il n'est rien de tel, il faut prendre parti de ce côté-là. D'autre part, JÉSUS-CHRIST se montre avec un visage sévère, il est pauvre et abandonné. L'un lui dit : « Mon Sauveur, que ne promettez-vous de semblables biens ? Vous seriez un grand et aimable Sauveur, si vous vouliez sauver le monde de la pauvreté ! — Je ne vous le promets pas. — Que je puisse contenter ma passion. — Je ne le veux pas. — Que je puisse seulement venger cette injure. — Je vous le défends. — Le bien de cet homme m'accommoderait ; je n'y ai point de droit, mais j'ai du crédit. — N'y touchez pas ou vous êtes perdu. — Qui pourrait souffrir un maître si rude ? Retirons-nous, on n'y peut pas vivre. — Mais du moins que promettez-vous ? De grands biens ? — Oui, mais pour une autre vie. — Je le prévois, mon Sauveur, vous n'aurez pas la multitude pour vous ; vous serez condamné, car le monde gagnera sa cause. On nous donne un signe pour vous connaître, mais c'est un signe de contradiction. Il s'en trouvera, même dans l'Église, qui seront assez malheureux de le contredire ouvertement par des paroles et des sentiments infidèles, mais presque tous le contrediront par leurs œuvres. — Et ne le condamnons-nous pas tous les jours ? Quand nous prenons des routes opposées aux siennes, c'est lui dire secrètement qu'il a tort et qu'il devait venir comme les Juifs l'attendent encore. S'il est votre Sauveur, de quel mal voulez-vous qu'il vous sauve ? Si votre plus grand mal c'est le péché, JÉSUS-CHRIST est votre Sauveur ; mais s'il en était ainsi, vous n'y tomberiez pas si facilement. Quel est donc votre plus grand mal ? C'est la pauvreté, c'est la misère ? JÉSUS-CHRIST n'est plus votre Sauveur ; il n'est pas venu pour cela. Voilà comme l'on condamne le sauveur JÉSUS.
Où irons-nous, mes frères, et où tournerons-nous nos désirs ? Jusqu'ici tout favorise le monde, le concours, la commodité, les douceurs présentes. JÉSUS-CHRIST va être condamné : on ne veut pas d'un Sauveur si pauvre et si nu... Prendrons-nous parti ?... — Attendons encore : peut-être que le temps changera les choses. — Peut-être ! Il n'y a point de peut-être ; c'est une certitude infaillible. Il viendra, il viendra ce terrible jour où toute la gloire du monde se dissipera en fumée ; et alors on verra paraître dans sa majesté ce JÉSUS autrefois né dans une crèche, ce JÉSUS autrefois le mépris des hommes, ce pauvre, ce misérable, cet imposteur, ce samaritain, ce pendu ! La fortune de ce JÉSUS est changée. Vous l'avez méprisé dans ses disgrâces ; vous n'aurez pas de part à sa gloire. Que cet avènement changera les choses ! Là, ces heureux du siècle n'oseront paraître, parce que, se souvenant de la pauvreté passée du Sauveur, et voyant sa grandeur présente, la première sera la conviction de leur folie, et la seconde en sera la condamnation. Cependant, ce même Sauveur, laissant ces heureux et ces fortunés, auxquels on applaudissait sur la terre, dans la foule des malheureux, tournera sa divine face au petit nombre de ceux qui n'auront pas roui de sa pauvreté, ni refusé de porter sa croix : Venez, dira-t-il, mes chers compagnons, entrez en la société de ma gloire, jouissez de mon banquet éternel...
Chrétiens, au nom de Notre-Seigneur JÉSUS-CHRIST, “qui, étant si riche par sa nature, s'est fait pauvre par l'amour de nous, pour nous enrichir par sa pauvreté,” détrompons-nous des faux biens du monde ; comprenons que la crèche de notre Sauveur a rendu pour jamais toutes nos vanités ridicules. Oui, certainement, ô mon Seigneur JÉSUS-CHRIST, tant que je concevrai bien votre crèche, les apparences du siècle ne me surprendront point par leurs charmes, elles ne m'éblouiront pas par leur vain éclat ; et mon cœur ne sera touché que de ces richesses inestimables que votre glorieuse pauvreté nous a préparées dans la félicité éternelle. Amen.

(Noël Histoire et Liturgie, Coutumes et Légendes, Littérature et Poésie, 1894)


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puis ayant ouvert leurs trésors, ils lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la myrrhe, Méditation sur la Nativité, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 14e Méditation : On lui donna le nom de Jésus, Litanies du Saint Nom de Jésus, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 13e Méditation : On lui donna le nom de Jésus, nom qui lui avait été donné par l'ange, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 12e Méditation : Après huit jours, le saint Enfant fut circoncis, Instruction sur la Circoncision, Méditation sur la Circoncision, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 11e Méditation : Les bergers revinrent en glorifiant et en louant Dieu de tout ce qu'ils avaient vu et entendu, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 10e Méditation : Les bergers se disaient les uns aux autres : Allons jusqu'à Bethléem, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 9e Méditation : Gloire à Dieu au plus haut des Cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 7e Méditation : Tout à coup l'Ange du Seigneur parut auprès d'eux, Salutation à Marie et à Jésus naissant, Litanies du Saint Enfant-Jésus, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 1re Méditation : Marie s'étant rendue avec Joseph à Bethléem, le temps de son divin enfantement arriva, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 2e Méditation : Je vous annonce un grand sujet de Joie, il vous est né aujourd'hui un Sauveur, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 3e Méditation : Marie mit au monde son fils premier-né, et l'enveloppa de langes, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 4e Méditation : Marie, après avoir enveloppé de langes le saint Enfant, le coucha dans la crèche, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 5e Méditation : Voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 6e Méditation : Il y avait là aux environs des bergers qui veillaient et se relevaient les uns les autres pendant la nuit, pour la garde de leurs troupeaux, Litanies du Saint Enfant-Jésus, et Dévotion au Saint Enfant-Jésus : Prière d'amour et Consécration.