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mercredi 11 décembre 2019

Des Habits, par le R.-P. Jean-Joseph Surin


Extrait du CATÉCHISME SPIRITUEL DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE, TOME II, Composé par le R. P. J. J. SURIN, de la Compagnie de Jésus :




Des Habits



À quoi faut-il faire attention dans le soin de s'habiller ?

À la nécessité, à la commodité, et à l'ornement.


Que demande la nécessité ?

Qu'on ait égard à la bienséance, et au besoin qu'on a de se munir contre les injures du temps. L'homme spirituel se renferme dans ces vues, et retranche par-là tout superflu, sans pourtant négliger l'ordre qu'il trouve établi, et les usages ordinaires de ceux de sa condition, qui vivent régulièrement. Car ce qui convient en ce genre, à un Religieux de saint François , qui met sa gloire dans la pauvreté, ne conviendrait pas à un Prêtre Séculier ; on peut dire de celui-ci, qu'il se contente du nécessaire, quand il ne porte dans ses habits que le moins que peuvent porter les hommes de son état.
On peut dire la même chose des personnes de qualité qui vivent dans le siècle. Une Dame qui pratique la piété, peut n'avoir rien de superflu dans ses habits, sans donner dans aucun inconvénient, et sans qu'on puisse dire qu'elle manque aux Bienséances de son état. Il n'est pas jusqu'aux Princesses qui ne puissent être vêtues simplement, sans que les gens sages s'en formalisent, dès qu'ils s'apercevront que c'est par piété et par modestie qu'elles en usent de la sorte. Il est vrai que ces personnes ont besoin de beaucoup de générosité pour renoncer au faste et à la vanité mondaine. Un Magistrat, un Gentilhomme, qui se conduiront par le même principe, peuvent se réduire au nécessaire sans être accusés de singularité, parce que les plus mondains savent que le propre des Chrétiens est de mépriser les choses de la terre, et que des choses qu'on méprise, on n'en emploie à ses usages que le moins qu'on peut.
Cependant la modestie et le mépris du monde ne dispensent pas des bienséances. Il ne conviendrait pas à une femme de qualité de porter un habit de grosse bure, parce qu'il suffît à la nécessité ; mais elle sera très-louable si elle se passe d'étoffes de prix, et qu'elle se contente des plus simples, parce qu'elle ne fera que suivre l'exemple de plusieurs personnes de son sexe les plus remarquables, qui se contentant de l'approbation de Dieu et de ses serviteurs, se sont mises au-dessus de la censure des mondains pour se conformer à la modestie. On peut dire en général, que la perfection en ce genre consiste à se contenter du nécessaire.


Pourquoi faut-il faire attention à la commodité ?

Pour éviter un défaut où tombent plusieurs personnes du sexe qui donnent dans la délicatesse, sous prétexte de commodité. On ne peut pas dire de certaines Dames, qu'elles aiment la pompe et la magnificence ; mais on ne sait que penser du soin excessif qu'elles prennent d'avoir toujours le plus beau linge qui puisse se trouver, et les étoffes les plus fines, pour être plus à leur aise. Ne vaudrait-il pas mieux un peu souffrir que de se distinguer de la sorte ? Cette affectation à chercher ses commodités , ne vient pas de l'Évangile, ni de l'esprit de la Croix qui doit être cher à tous les Disciples de Notre Seigneur. Il n'y a guère que de jeunes personnes qui doivent s'établir dans le monde, à qui on puisse permettre d'ajouter au nécessaire, non seulement la commodité, mais encore ce qui contribue à l'ornement. En quoi néanmoins elles doivent user de beaucoup de précautions.


À quoi faut-il avoir égard en matière d'ornement ?

Il ne convient guère aux hommes de chercher la parure et l'ornement dans les habits. Il y a pourtant des cérémonies, des fêtes publiques, des pompes et des solennités qui n'ont rien contre la bienséance, et qui autorisent quelque équipage extraordinaire dans ceux qui sont obligés d'y assister. Mais hors ces cas-là, il n'y a pas d’autres raisons qui puissent dispenser les hommes de la modestie dont nous venons de parler. Cependant la plupart des jeunes gens, dès qu'ils n'ont pas dessein d'entrer en religion, aiment à se distinguer par la nature et par la magnificence des habits ; et pour contenter cette espèce d'ambition, ils donnent dans des excès inexcusables.
Le désordre est encore plus grand dans les jeunes filles et dans plusieurs femmes mariées, qui veulent toujours paraître sous des étoffes précieuses, toutes brillantes d'or et de pierreries. Et si on leur représente que rien n'est plus contraire à l'humilité chrétienne, elles répondent qu'elles se rendraient méprisables si elles n'étaient superbement vêtues : comme si leur honneur consistait à ne le céder à personne en habits somptueux. On voit quelquefois des Dames dans nos Églises se mettre à genoux sur des carreaux de velours, si enrichis d'or et si magnifiques, qu'il n'y aurait rien de mieux à faire que d'y poser le Saint Sacrement si on voulait le placer comme il mérite.
Elles disent pour se justifier qu'elles ne font que suivre la coutume, et se conformer aux autres femmes de leur rang. Mais elles ne prennent pas garde que c'est la conduite des personnes sages et vertueuses qui doit fonder la coutume, et régler les bienséances de la condition, et non l'exemple de quelques femmes vaines et remplies de l'esprit du monde. On voit en effet des personnes du premier rang qui se renferment dans les bornes de la modestie et de la simplicité chrétienne, sans s'exposer au mépris et sans encourir le blâme, et qui trouvent même un sujet de confusion dans cette magnificence et cette superfluité mondaine où les autres mettent leur gloire; ce qui suffit pour montrer que la coutume et les bienséances de l'état sont une excuse frivole qui ne saurait être alléguée sérieusement, surtout par une personne qui fait profession de piété.
Il ne faut pas remonter bien haut pour être encore mieux convaincu que c'est la corruption du siècle qui a rendu commun parmi les personnes du sexe, l'usage des riches parures et des ornements précieux. Des gens qui vivent encore, ont vu le temps où il n'y avait que les Reines et les Princesses qui fissent porter après elles ces carreaux magnifiques dont nous venons de parler, et la mode n'en a été introduite dans les conditions inférieures, que par des personnes qui n'avaient rien de plus remarquable que leur vanité. On peut dire la même chose de la plupart des autres ornements qu'on porte par ostentation, et pour éblouir les yeux des hommes. Rien de plus commun que de voir ces sortes de parures, condamnées dans les saintes Écritures, blâmées par les Saints et par les Peres de l'Église. Les personnes, qui sans être d'un rang élevé donnent dans cette magnificence, sont encore plus coupables que les autres, parce qu'elles ne peuvent apporter que leur vanité pour excuse, et que par cette conduite elles semblent renoncer à la qualité de Disciple de Jésus-Christ.
Il y a une autre espèce d'ornement qui mérite encore mieux notre indignation, parce qu'il choque la modestie, et qu'il scandalise les bonnes mœurs. Ce n'est pas seulement pour se donner du lustre que certaines femmes se couvrent la gorge avec un linge clair et transparent. Ne dirait-on pas qu'elles ont dessein de montrer avec plus d'affectation ce qu'elles font semblant de cacher ?
De tout ce que nous avons dit dans ce chapitre, il est aisé de conclure que l'âge et la condition qui permettent quelquefois aux personnes du sexe de passer les bornes de la nécessité dans la manière dont elles s'habillent, ne leur permettent jamais de rien faire contre la modestie qui doit toujours éclater dans leurs ornements, et à laquelle il faut qu'elles aient toujours plus d'égard qu'à l'âge et aux bienséances de l'état.



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