Extrait du Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, Tome I, par le R.P. Jean-Joseph Surin :
De la vie intérieure, et de la familiarité avec Jésus-Christ
Qu'est-ce que la vie intérieure ?
C'est une vie fondée sur la foi, conduite par la grâce, et employée aux œuvres de dévotion et de sainteté.
Pourquoi l'appelle-t-on intérieure ?
Parce qu'elle tient l'homme occupé au-dedans de soi-même.
En quoi consiste la vie intérieure ?
En trois choses, qui sont, le recueillement, le renoncement, et la pratique des exercices de piété.
À quoi oblige le recueillement ?
1. À fermer l'entrée de son âme aux objets extérieurs, et à tout ce qui peut détourner l'homme de l'application au-dedans, pour l'occuper aux choses sensibles. 2. À donner une attention particulière à la présence de Dieu. 3. À avoir toujours au-dedans quelque sainte occupation.
À quoi doit s'étendre le renoncement ?
À tous les biens que l'homme peut rechercher avec trop d'empressement ; mais surtout aux biens naturels et extérieurs, qui flattent les sens, et qui contentent la cupidité ; à certains avantages qui regardent l'esprit, dans lesquels il est ordinaire de mettre sa complaisance, tels que sont la réputation, la science ; et il faut même nous défaire d'une certaine attache à nos intérêts spirituels : car jusque dans le soin de la perfection, et dans la pratique de la vertu, nous pouvons nous chercher nous-mêmes ; et le propre de la vie intérieure, est d'affranchir l'homme de toute sorte d'attache et de satisfaction naturelle.
Qu'est-ce que s'employer aux exercices de piété ?
C'est s'occuper continuellement de saintes pensées, et surtout s'appliquer à connaître Notre-Seigneur Jésus-Christ et à lier avec lui une espèce de commerce familier.
Comment peut-on contracter cette familiarité avec notre divin Sauveur ?
En s'instruisant à fond de sa vie, de ses actions, et de tout ce qui le regarde ; de sorte que la mémoire, l'esprit et le cœur en soient remplis. On peut partager la vie de Jésus-Christ en trois temps différents. Le temps de sa venue dans le monde, où sont comprises son Incarnation, sa Naissance et son Enfance. Le temps de sa demeure dans le monde, où l'on doit considérer sa conversation avec les hommes, sa Prédication, ses travaux et ses miracles. Le temps où il a quitté le monde, qui renferme sa Passion, sa Résurrection et son Ascension. Une âme intérieure s'occupe de ces objets, qui conduisent à la connaissance et à l'amour de Notre-Seigneur. Ce sont ces trois temps de sa vie dont il faut parler maintenant en particulier.
Jésus-Christ venant dans le monde
Qu'avez-vous à dire de cette première partie de la vie de N. S. ?
La venue de N. S. dans le monde, comprend tout ce qui s'est fait pour le donner à la terre depuis la conception de saint Jean-Baptiste jusqu'au temps où l'Enfant Jésus de retour de l'Égypte se retira à Nazareth. Pour considérer avec ordre ce saint avènement, il faut d'abord faire attention aux merveilles qui l'ont précédé et qui en ont été comme les préparatifs.
Le premier, qui regarde saint Joseph et la sainte Vierge, renferme les grâces accordées à ce grand Saint, pour le rendre digne d'être l'Époux de Marie ; l'élévation de Marie elle-même à une très-éminente sainteté ; le mariage de ces deux saintes personnes ; la merveille inouïe qu'opéra le Saint-Esprit, lorsque par sa vertu divine il forma le corps de Jésus dans les chastes flancs de Marie, qui devint Mère de Dieu sans cesser d'être vierge ; comme Joseph eut le nom et l'autorité de Père sans préjudice de la virginité qu'il avait vouée, aussi bien que son Épouse.
Un autre préparatif pour la venue du Messie, c'est le choix d'un Précurseur, qui devant servir comme d'aurore pour annoncer le lever de ce Soleil de Justice, devait être le plus grand parmi les enfants des hommes. Aussi ne voit-on que prodiges dans sa naissance et dans sa vie. Il est né de parents saints, qui l'ont mis au monde dans leur vieillesse, ce qui rend sa conception miraculeuse ; son nom est venu du ciel ; sa naissance et ses grandeurs ont été annoncées par un Ange dans le plus saint lieu de l'Univers, qui était le temple de Dieu. Il a été sanctifié et rempli du Saint-Esprit, dès le ventre de sa Mère, et il a signalé sa naissance par un grand miracle, rendant à son père la parole qu'il avait perdue. Dieu avait tellement disposé l'ordre des temps et des événements, que la conception de Jean-Baptiste fut bientôt suivie de la conception de Jésus ; sa naissance, de la naissance de Jésus ; sa prédication, de la prédication de Jésus ; son Baptême, du Baptême de Jésus ; et sa mort, de la mort de Jésus ; afin qu'il accomplît exactement toutes les fonctions de Précurseur, et que la sainteté d'un si grand homme servit comme d'ornement au grand œuvre de l'Incarnation du Verbe, et de la Rédemption des hommes.
Conformément à l'ordre établi, la conception du Précurseur ne précéda que de fort peu celle du Fils de Dieu, laquelle fut rendue illustre par l'Ambassade de Gabriel un de ses premiers Ministres, qu'il députa vers la sainte Vierge ; par le prodige opéré dans cette Vierge incomparable, qui fut Mère et Vierge tout ensemble, par la vertu toute puissante du Saint-Esprit, qui en concourant d'une manière surnaturelle à l'alliance que la nature humaine contractait avec la Divinité dans la personne du Fils, et par le ministère de la Mère, rendit ce Mystère encore plus auguste.
Cette génération inénarrable fut bientôt suivie des effets les plus surprenants ; le Verbe fait chair ayant agi en Sauveur avant que de sortir des flancs sacrés de sa sainte Mère. C'est par elle qu'il commença ses œuvres divines, en la comblant de grâces et en la remplissant des lumières les plus sublimes. Il fit ensuite sentir son pouvoir suprême à son Précurseur, qui tressaillit de joie dans les entrailles d'Élisabeth. Élisabeth même fut remplie du Saint-Esprit au premier abord de Marie ; Zacharie reçut le don de prophétie, et parlant en homme inspiré, il publia en termes très-relevés le Mystère de l'Incarnation. Ces premières opérations de Jésus sont intérieures, et il fallait qu'elles le fussent pour être conformes à son état, qui était caché et obscur.
Ces merveilles n'étaient que des dispositions à ce qu'il y a de plus grand dans le saint avènement de Jésus-Christ ; je veux dire à sa naissance. Le Ciel, la terre, les Anges et les hommes, l'ont honorée à l'envi ; le Ciel, par une nouvelle Étoile ; les Anges par leurs chants d'allégresse ; et les hommes par leurs adorations et leurs hommages. Les louanges du Messie ont été publiées jusqu'à trois fois par les Anges ; avant qu'il fût conçu, par l'Ange Gabriel parlant à la sainte Vierge ; avant qu'il fût né, par le même qui l'appela Sauveur du Peuple, lorsqu'il apparut à saint Joseph ; et enfin après qu'il fût né par une troupe d'Anges, un desquels parlant aux Bergers, lui donna encore le nom de Sauveur.
Et afin que rien ne manquât, et que tout âge et tout sexe contribuât à la gloire de ce saint avènement, la Providence voulut que le jour qu'on présenta Jésus au Seigneur, il se trouvât dans le Temple un saint vieillard et une sainte veuve qui célébrèrent ses louanges, et qui semblaient n'attendre pour mourir que de lui rendre cet hommage. Après quoi le Fils de Dieu disparut aux yeux des hommes pour mener une vie cachée et inconnue jusqu'au temps où il devait encore se montrer au monde, pour faire les fonctions publiques et éclatantes du Sauveur.
Voilà les grandeurs qui ont illustré sa venue ; elles se réduisent à la naissance glorieuse du Précurseur, aux louanges qui furent données par les Anges, à apparition de la nouvelle Étoile, à l'adoration des Mages, et au témoignage que rendirent le saint vieillard Siméon et Anne la Prophétesse.
Les humiliations et les souffrances ont aussi accompagné la venue du Sauveur. Les principales sont, le mariage de sa sainte Mère avec un pauvre Artisan, le trouble et les soupçons de saint Joseph quand il vit la sainte Vierge enceinte ; les incommodités de sa naissance dans le plus grand froid de l'hiver, sans secours, au milieu des ténèbres et dans une étable, n'ayant pu trouver d'autre retraite ; les douleurs et les ignominies de sa Circoncision ; le massacre des saints Innocents ; la fuite en Égypte ; et la cruelle persécution d'Hérode. Il ne faut pas omettre sa captivité de neuf mois dans les entrailles de sa Mère, et la cérémonie humiliante de la Purification.
Les moments les plus remarquables de son saint avènement, sont les quatre où se sont accomplis les quatre principaux Mystères. I. Le moment de son Incarnation. 2. Celui de sa naissance. 3. Celui auquel il reçut l'incomparable nom de Jésus. 4. Celui de son sacrifice dans le Temple, lorsqu'il s'offrit à son Père pour exécuter toutes ses volontés.
La venue de notre Seigneur a été célébrée par trois merveilleux cantiques. Par celui de la sainte Vierge, Mon âme glorifie le Seigneur, etc. Par celui de Zacharie, Béni soit le Seigneur Dieu d'Israël, etc. Par celui de Siméon, Je mourrai maintenant en paix, etc.
Jésus-Christ demeurant dans le monde
Qu'y a-t-il à remarquer dans cette seconde partie de la vie de N. S. ?
Le séjour de Jésus-Christ dans le monde, comprend tout le temps qui s'est écouté depuis sa retraite à Nazareth jusqu'à la veille de sa mort, et il présente d'abord à nos yeux, 1. une vie cachée dans la boutique d'un pauvre Artisan auquel Jésus était soumis, couvrant ainsi sa majesté du voile d'une vile profession et d'une humble dépendance. 2. Une vie publique, qui est de toutes les vies la plus illustre et la plus glorieuse, la plus éclatante en œuvres miraculeuses, et en prodiges de Doctrine, la plus admirable par la sainteté des mœurs, par l'efficace des paroles, et par l'assemblage de toutes les vertus qui répandaient une odeur merveilleuse. 3. Une vie souffrante, qui n'a été qu'une suite de travaux et qu'un tissu de contradictions et d'opprobres, que lui procuraient ses ennemis jaloux de sa gloire.
Ce qui doit nous occuper dans sa vie cachée, c'est, 1. Sa contemplation, qui n'était jamais interrompue au milieu d'un profond silence et d'une solitude parfaite, n'étant connu que de deux personnes, et ne cessant de prier pour le salut des hommes. 2. Sa soumission aux ordres de Marie et de Joseph. 3. Son emploi qui était bas et pénible, puisqu'il servait saint Joseph dans le métier de charpentier.
Dans sa vie publique et glorieuse, il faut faire attention à ses œuvres miraculeuses qui sont sans nombre et de toute espèce, aux honneurs qu'il a reçus de la part des hommes. Lorsqu'il parlait en public, il attirait toujours la foule ; des troupes innombrables le suivaient presque partout ; tout ce qu'il faisait, tout ce qu'il disait, était reçu avec applaudissement. Son autorité était si respectée, qu'il chassait du Temple ceux qu'il voulait, sans qu'aucun osât lui résister, quoiqu'ils fussent en grand nombre. Les peuples ont voulu le faire Roi ; on accourait de toute part à sa rencontre ; on montait sur les arbres pour le voir ; on se prosternait à ses pieds, et l'empressement était si grand, qu'on ne lui laissait pas le temps de prendre quelque nourriture.
Les Anges lui ont rendu à leur tour de très-grands honneurs en plusieurs rencontres ; mais en particulier lorsqu'ils vinrent dans le désert lui servir à manger après qu'il eut été tenté. Les démons fuyaient devant lui, et ils étaient contraints de l'appeler le Saint de Dieu.
Le Père Éternel a aussi contribué à l'honorer ; il a fait entendre jusqu'à trois fois, à sa prière, une voix du Ciel, sur les bords du Jourdain, sur le Tabor, et à Jérusalem, où il dit : Je l'ai déjà glorifié, et je le glorifierai encore.
Un grand sujet de contemplation tiré de sa vie publique, c'est son éminente Doctrine. Rien de plus grand, rien de plus sublime, rien de plus saint et de plus parfait, que les Instructions qu'il faisait aux peuples ; rien de plus surprenant que l'abondance et la variété de ces Instructions ; il enseigne toute vérité. Il prononçait ses discours d'une manière pleine de force et de charmes, qui ravissait tout le monde ; on accourait en foule au Temple pour l'entendre ; on relevait avec admiration chaque parole qui sortait de sa bouche, et ses ennemis mêmes surpris de tant de merveilles, ne pouvaient s'empêcher de dire que jamais homme n'avait si bien parlé.
La plupart de ses actions d'éclat appartiennent aussi à sa vie publique ; telles sont ses prédications, son Baptême, ses jeûnes, ses voyages, sa Transfiguration sur le Tabor, les miracles qu'il a faits pour fournir à divers besoins, tantôt en faveur de ses amis et de ses proches, et tantôt en faveur des étrangers, dans les déserts comme dans les villes, sur l'eau, sur les montagnes, dans la Judée et dans la Galilée : (car tout était plein de ses œuvres merveilleuses.)
La troisième chose que comprend son séjour dans le monde, ce sont ses peines et ses souffrances, qui consistent, 1. dans les efforts que la malice de ses ennemis a souvent faits pour le surprendre et pour le calomnier ; 2. dans les contradictions et les résistances qu'il a trouvées au sujet de sa Mission, de sa Doctrine et de ses actions ; 3. dans les injures qu'on lui a faites lorsqu'on l'a traité de fou, de possédé, d'homme sujet au vin ; lorsqu'on a voulu le lapider, le précipiter, l'enchaîner, comme un factieux. 4. On peut mettre au nombre de ses peines toutes les fatigues de sa vie, les incommodités de ses voyages, la faim et la soif qu'il endurait, ses veilles, ses longues oraisons, et son extrême pauvreté.
Jésus-Christ quittant le monde
Qu'y a-t-il à remarquer dans cette troisième partie de la vie de N. S. ?
Elle comprend tout ce qui s'est passé depuis la veille de sa mort, qu'il prit congé de ses amis, jusqu'au jour qu'il quitta la terre pour monter au Ciel ; c'est-à-dire, qu'elle renferme trois grands Mystères, sa Passion ignominieuse, sa glorieuse Résurrection, et son Ascension triomphante.
On divise ordinairement la Passion de Jésus-Christ en cinq parties. La première contient ce qu'il fit dans le Cénacle. La seconde, ce qu'il souffrit dans le Jardin. La troisième, les injures qu'il reçut chez les Supérieurs Ecclésiastiques. La quatrième, ce qu'il endura de la part des puissances Séculières. La cinquième, ce qu'il souffrit depuis sa condamnation jusqu'à sa sépulture.
Dans le Cénacle, il faut faire attention au lavement des pieds, à l'institution de l'Eucharistie, et à l'admirable discours de la Cène : car c'est en ces trois manières qu'il voulut signaler l'adieu qu'il fit à ses disciples. Il leur apprit l'humilité par son exemple, en s'abaissant devant eux jusqu'à leur laver les pieds ; il leur donna un dernier gage de son amour, en faisant de son propre corps une viande pour les nourrir ; il les consola et les instruisit, en leur adressant les plus belles paroles qu'il ait jamais dites.
Ce qu'il y a de plus remarquable de la part du Fils de Dieu, dans cette dernière Cène, c'est d'y avoir souffert la personne insupportable de son traitre ; de l'avoir admis à une action si auguste, à une communication si intime et si amoureuse, malgré la douleur indicible que la présence de ce perfide lui causait. Saint Jean assure qu'il ne put en parler sans s'émouvoir, lorsqu'il déclara à ses Apôtres qu'un d'entre eux le trahirait. Cependant il soutint jusqu'au bout la vue de ce malheureux ; il le reçut à sa table ; il lui lava les pieds, comme aux autres ; il tâcha de le gagner, et il ne fit rien pour se délivrer de sa présence, parce que son heure était venue, et qu'il était bien aise d'entrer par ce cruel déplaisir dans la carrière de ses souffrances.
Entre les paroles admirables de ce dernier entretien du Fils de Dieu, trois me semblent dignes d'une attention particulière. La première, est dans S. Jean : Jésus qui savait que tout lui avait été mis entre les mains par son Père, qu'il était venu de Dieu, et qu'il retournait à Dieu, se lève de table, quitte ses vêtements, prend un linge, verse de l'eau dans un bassin, et commence à laver les pieds de ses Disciples, qu'il essuie avec le linge qu'il avait devant lui. Pourquoi ce récit magnifique des grandeurs du Fils de Dieu, avant que de parler du plus grand exemple d'humilité qu'il ait jamais donné au monde ? Pour nous apprendre que notre Seigneur ne s'était représenté sa gloire, et son pouvoir sur toutes les créatures, que pour donner plus de poids et plus d'éclat à l'action humiliante qu'il allait faire, puisque sachant fort bien qu'il sortait du sein de Dieu, comme son Fils, et qu'il devait retourner triomphant au Ciel, pour y régner à jamais, il voulait néanmoins s'abaisser jusqu'à laver les pieds à de misérables pécheurs.
La seconde parole est rapportée au Chapitre 22 de saint Luc, et par les autres Évangélistes ; elle regarde la trahison de Judas : Voilà que celui qui me livre met la main au plat avec moi. Pour le Fils de l'Homme, il s'en va, selon ce qui est arrêté ; mais malheur à l’homme par qui il sera livré. Pour bien comprendre le sens de ces paroles, il faut entrer dans les sentiments de N. S. , et savoir qu'il se laissait conduire aux ordres de son Père, et c'est comme s'il disait : On trame le dessein de ma mort, je le sais et je pourrais l'empêcher ; je n'ignore de rien de tout ce qui se passe dans ce complot ; cependant j'agis toujours sans avoir nul égard à ce qu'on machine contre moi. Je n'ai point d'autre vue que de remplir les desseins de mon Père ; je m'abandonne à sa conduite, et je sacrifie volontiers mes intérêts et ma vie pour me conformer à ses ordres. On me trahit, et je me comporte comme si je n'en savais rien ; je ne dispose point de moi ; je suis destiné à la Croix, et ma mort est arrêtée dans les Conseils éternels de mon Père ; je n'ai rien à voir à ce qu'il a déterminé ; mon unique affaire est d'obéir.
Voilà ce que nous devons dire, lorsqu'il nous arrive quelque chose de fâcheux de la part des hommes. On songe à me nuire ; on interprète mes intentions en mauvaise part ; on me déchire par des médisances et par des calomnies ; on conspire contre moi, on me trahit. Je ne m'en mets point en peine ; je suis bien aise d'exécuter les arrêts du Ciel ; pourvu que je marche devant Dieu dans la droiture et la simplicité de mon cœur, tout le reste m'est indiffèrent.
Saint Jean rapporte une troisième parole qui mérite toute notre attention. Après que Judas eut reçu le morceau de pain de la main de Jésus-Christ, et qu'il l'eut mangé, Satan s'empara de lui, et cet Apôtre infidèle sortit du Cénacle pour exécuter sa trahison. Alors notre Seigneur voyant que sa mort était conclue, et que rien n'avait pu toucher le cœur de son Disciple perfide, parla en ces termes : C'est maintenant que le Fils de l'Homme est glorifié, et que Dieu est glorifié par lui ; c'est-à-dire, la résolution est prise, je n'échapperai pas à la mort ; en moins de vingt-quatre heures mon sacrifice sera accompli ; me voilà au comble de ma gloire, puisque je vais mourir ; mon Père va être glorifié ; et s'il est glorifié par moi, il est hors de doute que je le serai moi-même par lui. Ce qui est à remarquer dans ces paroles, c'est que notre Seigneur regarde sa mort comme une source de gloire pour lui et pour son Père.
Tout ce que dit notre Seigneur dans ce dernier entretien de sa vie, est digne d'admiration. Il parla à ses Disciples pour leur donner des préceptes, dont le premier et le plus important est de s'entr'aimer, et pour leur faire des promesses dont la principale regarde la venue du Saint-Esprit. Il pria son Père de lui donner la gloire qu'il lui avait promise, et qu'il achevait de mériter par sa Passion ; il lui demanda pour les siens qu'ils fussent parfaitement unis et solidement établis sur le fondement de la charité.
Dans la (seconde partie de la Passion, qui comprend ce qui se passa dans la Jardin des Oliviers, il faut faire attention aux souffrances intérieures de Jésus-Christ, et à ce qu'il eut à souffrir de la part de ses ennemis lorsqu'ils se saisirent de lui. Quand le Sauveur n'aurait pas dit qu'il était dans une tristesse mortelle, il suroit aisé de juger de l'excès de sa douleur par l'effet qu'elle produisit ; ce fut une sueur de sang qui sortait de son corps.
Ce qu'il faut remarquer pour notre instruction, c'est que dans cet état de désolation, notre Seigneur ne cherche le remède et l'adoucissement à ses maux que dans l'oraison et la communication avec Dieu. Il s'éloigne de ses Disciples, qui s'endorment au lieu de le consoler dans cette cruelle agonie ; mais le Ciel vient au secours de celui que la terre abandonne, et lui envoie un Ange pour le fortifier. Sa prière a trois qualités ; elle est longue ; il priait de plus en plus ; elle est réitérée ; il fit jusqu'à trois fois la même prière ; elle est accompagnée de résignation ; que ma volonté ne se fasse point, mais la vôtre.
La manière dont il fut saisi ne saurait être plus indigne ni plus cruelle, parce que l'artifice et la violence y concourent également ; l'artifice de Judas, qui le trahit par un baiser homicide, et la violence de la part des Soldats, qui viennent à lui avec éclat et à main armée, comme à un voleur. Ses Apôtres lui font deux affronts insignes, l'un le trahit et les autres l'abandonnent. Il oppose à ces deux affronts, deux insignes traits de douceur ; il reçoit favorablement le traître, et l'appelle son ami ; il prend soin de ceux qui l'abandonnent ; et parlant pour eux à ses ennemis ; puis donc que c'est moi que vous cherchez, leur dit-il, laissez aller ces gens-ci. Cependant, comme les merveilles l'accompagnent partout, il fait deux grands miracles en cette rencontre ; l'un de puissance en terrassant ses ennemis par cette seule parole, c'est moi ; et l'autre de douceur, en guérissant le valet du Prince des Prêtres, à qui Pierre avait coupé l'oreille : en l'un il agit en lion, et en l'autre il se comporte comme un agneau, mêlant ainsi dans toutes ses œuvres la bonté avec la grandeur, la majesté avec l'amour.
La troisième partie de la Passion, renferme ce qui se passa chez les Supérieurs ecclésiastiques, et nous fournit deux grands sujets de réflexions, qui sont la patience et le courage de notre Sauveur. Sa patience fut mise à toutes sortes d'épreuves ; on le chargea de fausses accusations, et il ne dit mot pour se défendre ; on en vint aux injures, le traitant de blasphémateur et d'homme digne de mort ; on le maltraita dans sa personne, lui donnant des soufflets et des coups de poings ; on lui fit de sanglants outrages ; on le couvrit de crachats ; on lui banda les yeux, et le frappant au visage, on lui dit en dérision : Montre que tu es Prophète, qui est-ce qui t'a frappé ? Et pour surcroît d'affliction, le meilleur de ses amis, et le premier de ses disciples, l'abandonna lâchement, et nia qu'il le connût ; mais Jésus, pour toute vengeance, jeta sur lui un regard de miséricorde qui fit passer le repentir dans le cœur de cet Apôtre.
Son courage parut en trois rencontres. 1. Lorsqu'un Officier insolent lui ayant donné un soufflet, en lui disant : Est-ce ainsi que vous répondez au Grand Prêtre ? Il lui répartit hardiment, mais sans aigreur : Si j'ai parlé mal à propos, montrez ce que j'ai dit de mal ; mais si j'ai parlé à propos, pour quel sujet me frappez-vous ? 2. Lorsqu'avec une généreuse liberté, il répondit au Prince des Prêtres : Pourquoi m'interrogez-vous ? Interrogez ceux qui m’ont entendu, sur ce que je leur ai dit. 3. Lorsque le Grand-Prêtre lui ayant demandé s'il était le Fils de Dieu, il répondit qu'il l'était, et qu'ils le verraient un jour, assis à la droite de Dieu, venir sur les nuées du Ciel pour juger les hommes. Il prévoyait bien qu'on lui ferait un crime de cette réponse, et qu'elle lui coûterait la vie ; mais rien ne peut l'empêcher de rendre à sa personne, et à la vérité, le témoignage qui leur est dû. À peine eut-il prononcé ces paroles, Ego sum, je suis le Fils de Dieu, que tout le monde s'écria qu'il était digne de mort ; et il est vrai qu'il mourut pour avoir confessé sa divinité et le Mystère de son Incarnation. Telle fut la troisième scène de la Passion qui renferme l'accusation faite contre J. C. devant le Conseil des Prêtres, sa condamnation et le commencement de son supplice ; car en même temps quelques-uns se mirent à lui cracher au visage, à le lui couvrir, et à lui donner des coups de poing.
La quatrième partie de la Passion, roule sur ce qui se passa chez les Puissances séculières, Pilate et Hérode ; et elle présente à nos yeux trois sortes de spectacles, qui méritent toute notre compassion. Le premier de ces spectacles, c'est de voir le Fils de Dieu, la Sagesse du Père, en présence d'Hérode , qui se moque de lui avec toute sa Cour, et qui le traite comme un fou. Le second, est de le considérer attaché à la colonne, et déchiré de coups de fouets. Le troisième, est de le contempler dans l'état où il était, lorsque Pilate le présenta aux Juifs, en leur disant : Voilà l'Homme, tandis qu'on s'écriait de tous côtés : Crucifiez-le, Crucifiez-le.
Dans le premier de ces états, qui est ignominieux, il est insulté par un Roi, et il est objet de mépris : dans le second qui est douloureux, il est maltraité par un Juge, et il est objet de cruauté : dans le troisième, qui est affreux, il est outragé par la populace, et il est objet de haine. Mais rien n'égale les deux injustices horribles qui furent faites au Sauveur. La première, lorsqu'il fut mis en parallèle avec Barabbas, et que cet insigne voleur, cet assassin l'emporta dans l'esprit du peuple, qui jugea Jésus-Christ, son bienfaiteur, indigne de vivre. La seconde, lorsque Pilate, qui connaissait son innocence, le livra pourtant à la mort, aimant mieux contenter la passion d'une multitude insensée, que de sauver un homme dont il admirait la vertu.
Tout ce qui est contenu dans cette quatrième partie, peut se réduire à deux chefs, qui sont les souffrances de Jésus-Christ, et ses paroles. Il eut à souffrir des accusations injustes. On lui imposa plusieurs crimes ; d'avoir troublé sa nation, d'avoir défendu de payer le tribut à César, d'avoir la qualité de Roi, et celle de Fils de Dieu. Tout cela lui fut objecté devant Pilate, qui le pressa en vain de se justifier. Il fut aussi chargé de plusieurs crimes devant Hérode, et il ne répondit rien. Il eut à souffrir des injures atroces : les Juifs le traitèrent de malfaiteur, et les Soldats l'appelèrent Roi par dérision. Des injures on vint aux opprobres ; il fut méprisé par Hérode, et par tous les gens de sa garde : chez Pilate on lui préféra Barabbas ; on demanda avec de grandes clameurs qu'il fût crucifié : on le traita comme un Roi de Théâtre, le couvrant d'un manteau de pourpre, lui mettant sur la tête une couronne d'épines, et une canne à la main droite ; ensuite on fléchissait les genoux devant lui, en lui disant pour l'insulter, Roi des Juifs, je vous salue ; on lui crachait au visage, on prenait la canne, et on lui en donnait sur la tête. Ces coups, la flagellation, et le couronnement d'épines, sont les tourments qu'il endura chez les Puissances séculières : venons aux paroles qu'il y dit.
Elles sont toutes adressées à Pilate, et marquent une grande générosité, et une admirable liberté d'esprit ; les plus remarquables sont ces trois.
1. Lorsqu'interrogé s'il était Roi, pressé de répondre [car autrement il ne parlait point], il répondit, qu'il l'était, mais que son Royaume n'était pas de ce monde ; c'est-à-dire, qu'il le tenait d’ailleurs, et que son titre venait de plus haut que la terre. Il ne dit point que sa Royauté ne s'étendit pas sur ce monde, mais qu'il ne l'avait pas reçue de ce monde. Non est hinc.
2. Lorsqu'interrogé de nouveau s'il était Roi, après avoir répondu que oui, il prit de là occasion de faire connaître la fin de son Incarnation, et dit qu'il était venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, et que c'était la fonction de sa Royauté sur la terre : Voulant par-là instruire son Juge, qui ayant l'autorité en main, n'osait se déclarer pour la vérité, en défendant l'innocence reconnue. Les termes dont il se sert sont fort énergiques, et renferment un grand sens : C'est pour rendre témoignage à la vérité, que je suis né et venu au monde. Comme s'il disait, que sa naissance éternelle en Dieu aussi bien que sa naissance temporelle dans le monde, tendent à manifester la vérité ; qu'en naissant par voie d'entendement dans l'éternité, il est la vérité produite et manifestée en Dieu ; et qu'il est né dans le temps, pour faire connaître aux hommes la première vérité, dont il est le principal témoin. Il finit cette belle instruction, en ajoutant que quiconque est pour la vérité, écoute sa voix.
3. Lorsque Pilate, pour engager Jésus à répondre, lui eut dit ces paroles : Vous ne me dites mot ? Ne savez-vous pas que j'ai le pouvoir de vous faire crucifier, et que j'ai aussi le pouvoir de vous relâcher ? Jésus lui répartit : Vous ne pourriez rien contre moi, s'il ne vous avait été donné d'en-haut. Ce Juge se glorifiait vainement de son pouvoir : Jésus mortifie son orgueil, en lui apprenant que le pouvoir qu'il avait de le faire mourir, venait d'une Puissance supérieure : et par-là même il l'instruit en quelque manière du dessein du Père Éternel sur la vie de son Fils ; et si ce Juge politique ne s'était pas aveuglé
lui-même, il aurait pu comprendre que cette Puissance supérieure, de laquelle il tenait son pouvoir, résidait dans celui qui lui parlait, et qui avait dit dans une autre occasion : Il est en mon pouvoir de donner ma vie, et il est en mon pouvoir de la reprendre.
Pilate était étrangement surpris ; il ne savait que penser du silence de Jésus-Christ ; et ses paroles lui donnaient encore plus à penser que son silence : l'un et l’autre jetaient le trouble dans sa conscience ; et au milieu de ces divers mouvements dont il était agité, il ne savait quel parti prendre. Mais son penchant à la complaisance, et ses vues politiques étouffaient les impressions salutaires que les paroles de Jésus-Christ faisaient sur son âme, et le déterminèrent enfin à livrer par un crime énorme, et par une indigne lâcheté, le plus innocent des hommes, à la discrétion de ses ennemis.
La dernière partie de la Passion comprend tout ce qui se passa depuis la condamnation de Jésus, jusqu'à sa sépulture ; et on y voit ce Dieu Homme, 1. Accablé de fatigue dans le chemin qu'il fit depuis Jérusalem jusqu'au lieu de son supplice. 2. Abîmé dans les douleurs sur le Calvaire. 3. Commençant à être glorifié par les choses extraordinaires qui arrivèrent après sa mort. Dans le chemin que fit Jésus-Christ, pour aller jusqu'au Calvaire, il faut considérer la peine excessive qu'il eut à porter sa Croix ; elle fut si grande cette peine, qu'il fallut obliger quelqu'un à la partager avec lui. Il faut faire attention aux différents sentiments que ce spectacle produisit dans ceux qui en furent témoins ; les uns s'en réjouissaient, et les autres s'en affligeaient. Enfin, il faut pénétrer le sens des paroles que dit le Sauveur pendant ce pénible voyage ; elles marquent une grande fermeté d'esprit, et elles sont comme autant de foudres que lance le Fils de Dieu contre les auteurs de sa mort.
Entendant les cris et les pleurs d'une foule de peuple et de femmes qui le suivaient, il se tourna vers elles, et leur dit : Ne me pleurez point, mais pleurez-vous vous-mêmes, et vos enfants ; parce que voilà le temps qui vient auquel les femmes stériles seront estimées heureuses : c'est alors qu'on dira aux montagnes : Tombez sur nous ; car si on fait cela au bois vert, que ne fera-t-on point au bois sec ? Ces paroles n'ont besoin que d'être pesées, pour faire une grande impression. Il n'y a plus qu'à remarquer que le Fils de Dieu, durant tout le cours de sa Passion, a menacé trois fois les hommes de son dernier Jugement, et que par trois fois il les à fait passer, de la vue de son état méprisable et ignominieux, a la considération, de son Avènement redoutable, et plein de majesté.
Sur le Calvaire, Jésus-Christ eut des tourments et des opprobres à endurer, et il y parla plusieurs fois. Ses tourments furent intérieurs et extérieurs. Les premiers eurent pour cause son délaissement de la part de son Père ; le souvenir des péchés des hommes, qui lui furent représentés comme la cause de sa mort ; l'affliction de sa sainte Mère, qu'il vit du haut de la croix, abimée dans la douleur. Ses tourments extérieurs consistent, 1. dans le crucifiement, lorsqu'il fut cloué sur la croix ; lorsque la croix fut élevée, et qu'il demeura suspendu durant l'espace de trois heures, dans une posture violente. 2. Dans la soif étrange qu'il endura, et à laquelle il demanda du soulagement. 3. Dans le fiel et le vinaigre qu'on lui fit boire.
Ses opprobres répondent à ses tourments. Il est crucifié au milieu de deux voleurs. Il meurt par Sentence du Juge, condamné comme un malfaiteur, au châtiment le plus infâme. Il se voit dépouillé de ses habits à la vue de tout un grand peuple. Il est en proie aux railleries et aux blasphèmes des passants, des soldats et des compagnons de son supplice, qui lui insultent, et qui le délient avec insolence de se garantir de la mort.
On rapporte sept paroles proférées par Jésus-Christ sur le Calvaire. La première fut une parole de clémence, par laquelle il priait son Père pour ceux qui le tourmentaient. La seconde est une parole de miséricorde, pour assurer le Paradis à un des voleurs qui étaient à ses côtés crucifiés avec lui. La troisième fut un effet de sa charité, pour donner à sa Mère un Fils adoptif, qui l'assistât dans ses besoins, et à son Disciple favori, la plus digne de toutes les Mères. La quatrième est une marque de son extrême souffrance ; il se plaint à son Père qu'il l'avait délaissé. La cinquième est une preuve de son exacte obéissance. Sachant qu'il avait été prédit de lui, qu'on lui donnerait dans sa soif du vinaigre à boire ; que cette Prophétie n'était pas encore accomplie, et qu'elle ne s'accomplirait point s'il ne parlait ; pour obéir aux ordres de son Père, et pour justifier les Écritures, il s'écria : J'ai soif. Par la sixième, il déclara que tout était accompli ; et ce fut un témoignage qu'il rendit de l'obéissance qu'il avait pratiquée jusqu'au bout, et du plaisir qu'il avait de voir la volonté de son Père accomplie. Comme s'il eût dit : A mon Père soit toute la gloire ; il ne reste rien à faire de tout ce qu'il m'a commandé, mes désirs sont pleinement satisfaits, et je n'ai plus qu'à mourir, afin que rien ne manque à mon obéissance.
Il prononça la septième et dernière parole, pour remettre son âme entre les mains de son Père, afin de finir sa vie comme il l'avait commencée, par une oblation volontaire de soi-même ; avec cette différence pourtant, qu'en venant au monde, il s'offrit à son Père pour souffrir, et que sur le point de mourir, voyant ses souffrances terminées, il s'offre pour entrer dans la gloire qui lui avait été promise. En disant cette dernière parole, il expira. C'est-à-dire, qu'il mourut faisant Oraison, et s'entretenant avec son Père : C'est la disposition où doivent être en sortant de ce monde, les enfants adoptifs de Dieu, à l'exemple de celui qui était Fils par nature, et premier-né entre plusieurs frères.
Ce qui se passa après la mort du Sauveur, est plus glorieux à ce Dieu-Homme , qu'il ne lui est ignominieux. Il est vrai qu'il reçut encore une espèce d'affront de la part d'un soldat qui lui ouvrit le côté d'un coup de lance, pour lui faire rendre ce qui lui restait de sang ; mais il reçut d'ailleurs tant d'honneur de la part de son Père et de la part de ses amis, qui prirent soin de sa sépulture, qu'on peut dire qu'après son trépas, il n'y eut plus que gloire pour lui. Le Ciel s'obscurcit, les pierres se fendirent, la terre trembla, les tombeaux s'ouvrirent, le voile du Temple se déchira, et le Ciel fit alors pour honorer la Mort et la Croix de notre Sauveur, les mêmes prodiges qui éclateront un jour dans la destruction du monde.
Ces prodiges eurent leur effet ; ceux qui avoient été présents à ce spectacle, et qui avoient insulté à J. C. dans son supplice, considérait ce qui venait d'arriver, s'en retournaient, se frappant la poitrine, et rendant témoignage à l'innocence du crucifié. Le Centurion qui avait présidé à l'exécution, reconnaît qu'on vient de faire mourir un homme juste, et qui était véritablement Fils de Dieu. Les soldats qui le gardaient, font la même confession, et semblent travailler à l'envi à rétablir la gloire de celui qui vient d'être puni comme un malfaiteur. Le Juge qui l'avait condamné permet que son corps soit inhumé avec les honneurs ordinaires, et que ceux qui l'ont honoré pendant sa vie, lui rendent les derniers devoirs après sa mort, selon la coutume des Juifs. Ce même Juge avait déjà ordonné qu'on mit sur la Croix, au-dessus de la tête de Jésus, ces paroles : C'est ici le Roi des Juifs, et malgré les remontrances des principaux de la nation, il ne voulut jamais permettre que cet écriteau fût changé.
C'est ainsi que Jésus-Christ est honoré après sa mort, et que le Juge, les Exécuteurs, les Spectateurs de son supplice, tout contribue à faire à sa mémoire comme une réparation publique. Le Disciple perfide y avait lui-même contribué par avance, en confessant son péché. Il est vrai que la mort triomphe de lui pour quelques heures ; mais ce n'est que pour rendre sa Résurrection plus éclatante, et son Ascension plus glorieuse, Nous aurons ailleurs occasion de parler de ces deux Mystères.
En attendant que cette occasion se présente, dites-nous quelque chose qui puisse servir de Sujet de méditation et d'entretien à une personne spirituelle ?
Jésus-Christ en ressuscitant et en montant au Ciel, a fait éclater singulièrement sa puissance, sa bonté, et la gloire de son corps, et c'est ce qui doit occuper les personnes qui méditent sur ces deux Mystères. Il a manifesté sa puissance par la victoire qu'il a remportée sur la mort dans le tombeau, où elle triomphe de tous les autres, par l'épouvante qu'il a jetée parmi les soldats qui gardaient son sépulcre ; par la justice qu'il a exercée dans les enfers, où il est descendu pour lier la puissance des Démons, et pour délivrer les anciens Patriarches de leur longue captivité. Sa bonté a paru dans le soin qu'il a pris de consoler par ses fréquentes apparitions, sa Sainte Mère, ses Apôtres, Magdelaine, et les autres femmes pieuses qui avoient été attachées à lui pendant sa vie. Il a glorifié son corps, par la beauté qu'il lui a communiquée, et par le merveilleux éclat dont il l'a revêtu ; par l'agilité, qui le faisait passer en un instant et sans peine, d'un lieu à un autre ; par la subtilité, qui le mettait en état d'entrer dans les maisons à la manière des esprits, les portes demeurant fermées ; enfin par l'impassibilité et par une vie toute surnaturelle et toute divine, qu'il a menée depuis sa Résurrection. Le Mystère de l'Ascension nous fournit les mêmes sujets de méditation. Jésus-Christ y donne des marques de sa puissance, en s'élevant au Ciel par sa propre vertu. Il y fait paraître sa bonté, en consolant ses Disciples, en leur donnant sa bénédiction, en leur promettant la venue du Saint-Esprit, et son assistance jusqu'à la consommation des siècles. Il y manifesta sa gloire, par la pompe de son triomphe, par l'apparition des Anges, qui annoncèrent aux assistants son second avènement en qualité de Juge, et par la nombreuse compagnie de plusieurs Saints ressuscités, qui montèrent au Ciel avec lui, comme autant d'illustres témoins de ses conquêtes et de ses victoires.
Tout ce que nous avons dit de Notre Seigneur venant dans le monde, demeurant dans le monde, et quittant le monde, sert à entretenir la vie intérieure : c'est en s'appliquant à ces considérations qu'on acquiert une sainte habitude de la présence de J. C., et qu'on entre dans une intime communication avec lui ; ce qui est l'exercice propre d'une âme qui s'occupe dans l'intérieur.
Quel fruit produit cette occupation ?
1. À force de penser à Jésus-Christ, l'âme conçoit pour lui un sentiment de tendresse qui devient dans la suite permanent. 2. Elle acquiert une facilité merveilleuse à se représenter la vie, les actions, et les exemples de ce Dieu-Homme. 3. Elle trouve dans cette occupation un remède toujours présent contre toute sorte de péchés. Et si à la contemplation des vertus de notre Sauveur, elle joint, comme elle le doit, la pratique exacte et constante des vertus qu'elle contemple, et l'usage des exercices de piété, elle est dans le chemin qui conduit bientôt à la perfection de la vie intérieure.
Reportez-vous à De la Réparation de l'Intérieur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Jésus, Sagesse souffrante et crucifiée, Des exercices de piété, par le R.-P. Jean-Joseph Surin : Comment faut-il s'occuper des souffrances de Jésus-Christ ?, Du Recueillement, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la présence de Dieu, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie parfaite, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'homme intérieur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'activité naturelle, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, VIE CHRÉTIENNE : Dévotion envers la Passion de Jésus-Christ, Le Saint Curé d'Ars dans sa conversation : Pensées de M. Vianney sur les joies de la vie intérieure, Saint Joseph, patron et modèle des âmes intérieures, Des Vertus, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie illuminative, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Dévotion au Sacré-cœur de Jésus : Don de l'Esprit et Vie intérieure, La dévotion au Cœur sacré de Jésus : Réparation, immolation, pénitence, confiance et pur amour, Jésus crucifié est le Livre des Élus, De la réformation de la mémoire, par Le R.-P. Jean-Joseph Surin, Instruction pour les personnes qui entrent dans la voie d'Oraison, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Que les âmes lâches fassent tous leurs efforts pour acquérir la bonne volonté qui leur manque, De l'Oraison et de la Contemplation, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Simple et courte méthode d'oraison mentale, De l'Oraison, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la Pénitence et de l'Oraison, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Pour bien faire l'oraison et pour en tirer le fruit qu'on a lieu d'en attendre, De la contemplation, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De quelques moyens de bien faire l'oraison mentale, Degrés des vertus qu'on se propose d'acquérir, Combien sont mal fondées les plaintes de ceux qui se disent incapables de méditer, En quoi consiste l'exercice de la présence de Dieu, Les voies du salut, De l'amour du Père Surin pour l'humilité, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De l'amour étonnant du Père Surin pour l'abjection, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De l'amour admirable du Père Surin pour les souffrances, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De l'imagination de l'homme, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de l'entendement, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de la colère, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie Purgative, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, par le R.P. Jean-Joseph Surin (1), Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, par le R.P. Jean-Joseph Surin (2), De la Mortification, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, En quoi consiste la perfection chrétienne : pour l'acquérir il faut combattre, et pour sortir victorieux de ce combat, quatre choses sont nécessaires, De la sècheresse dans l'oraison, Des amitiés, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Du devoir des Veuves, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Ce qu'est l'oraison mentale, par le R.P. D. Laurent Scupoli, Clerc Régulier Théatin, Méditation sur la nécessité des progrès dans la vertu, De la Réduction des Hérétiques, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de l'Amour, de la Haine, du Désir et de l'Aversion, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De quelques moyens de bien faire l'oraison mentale, Pour la direction et la progression spirituelles : Quel chrétien êtes-vous ?, Le souvenir de nos péchés est un moyen propre pour nous aider à supporter avec résignation, toutes les afflictions que Dieu nous envoie, Avis pour la lecture spirituelle, Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (1/4), Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (2/4), Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (3/4), et Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (4/4).