Extrait du Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, Tome II, par le R.P. Jean-Joseph Surin :
De la réformation de la colère
Qu'est-ce que la colère ?
C'est un mouvement ardent de l'âme, contre un mal présent, qui est difficile à repousser.
Qu'est-ce que réformer la colère ?
C'est se mettre en état de la réprimer, et de la faire éclater à propos.
Comment et dans quelles occasions faut-il réprimer la colère ?
Par un effort généreux que l'homme doit faire sur soi même, pour étouffer cette passion, principalement en trois rencontres. Premièrement, lorsqu'il se voit contrarié dans ses desseins par des accidents fâcheux qui l'irritent quelquefois contre des animaux, et contre des créatures insensibles. Un ancien Philosophe, pour faire comprendre combien cette colère est aveugle et déraisonnable, décrit un homme qui ne pouvant pas ouvrir une porte à son gré, s'indigne, entre en fureur, frappe du pied la porte, et jette la clef par terre, comme si c'étaient des ennemis qui pussent lui résister, et dont il pût se venger avec gloire. L'homme spirituel, accoutumé à se vaincre, réprime incontinent ces saillies, en y opposant la résignation et la tranquillité, que la grâce opère dans son cœur.
Il est aussi fort ordinaire de s'indigner contre les personnes avec qui on vit, lorsqu'elles sont inconsidérées, ou qu'elles ont un naturel violent. On a besoin de beaucoup de charité et de douceur, pour supporter les défauts qui choquent, et pour étouffer les mouvements d'indignation. Les âmes dociles à se laisser conduire à la grâce, reçoivent à propos les secours dont elles ont besoin pour se modérer dans ces rencontres.
Une troisième occasion où la colère est difficile à surmonter, c'est lorsqu'on se voit insulté, ou maltraité par les autres. La perfection demande alors, non seulement qu'on ne se venge point, mais encore qu'on ne s'aigrisse pas, et qu'on ne témoigne aucune inquiétude. C'est la Doctrine de Jésus-Christ qu'il a confirmée par son exemple. Nous voyons dans l'Évangile, que pour l'ordinaire, il ne répondait point à ceux qui lui faisaient outrage, et que lorsqu'il était à propos de leur répondre, il le faisait avec une modération et une douceur charmante. Ses vrais Disciples doivent l'imiter en ce point, et s'étudier à de venir doux comme des agneaux et des colombes, pour remporter une victoire complète sur la colère.
Y a-t-il des occasions où l’on puisse faire un saint usage de la colère ?
Il n'y en a qu'une ; et c'est lorsqu'il s'agit de soutenir les intérêts de Dieu, ou de venger le mépris qu'on en fait.
On remarque cette sainte colère dans les hommes Apostoliques, lorsqu'ils sont témoins de l'offense de Dieu, ou de quelque action qui leur paraît déraisonnable et indigne.
Il est dit de Jésus-Christ, qu'il regardait les Pharisiens avec indignation, et qu'il reprenait vivement leurs vices. S. Pierre dans le feu d'une semblable indignation, frappa de mort ceux qui avoient menti au Saint-Esprit. Moïse, voyant que le peuple avait idolâtré, jeta les Tables de la Loi au pied de la montagne. Le Prophète Élie commanda au feu du Ciel de descendre sur les Envoyés du Roi d’Israël, et de les dévorer.
Saint François faisant la visite des Maisons de son Ordre dans l'État de Florence, trouva que dans un Monastère, les jeunes Religieux employaient trop de temps à subtiliser sur certains points de Philosophie, et chargea le Provincial de mettre fin à ces disputes qu'il jugeait contraires à l'esprit d'oraison et de religiosité. Le Provincial promit de les faire cesser, et il n'en fit rien. Le Saint en étant averti, entra dans une sainte colère, et maudit le Provincial, qui étant tombé malade, envoya prier son Général de lui pardonner. Le Saint dit aux envoyés : je l'ai maudit, et il le sera ; sans qu'on pût tirer de lui d'autre réponse. À ces paroles, il partit du ciel un carreau qui tomba sur la chambre du malade, perça le toit et le plancher, et le tua lui même dans son lit.
On raconte de ce même Saint un trait beaucoup plus surprenant. Il dit un jour de quelqu'un, qu'il était prédestiné, et qu'il le savait par révélation : ces paroles furent rapportées à un Docteur qui avait beaucoup de capacité, mais peu de dévotion, et d'esprit de Dieu. Cet homme enflé de sa science, ayant rencontré S. François : et d'où savez-vous, lui dit-il, qu'un tel est prédestiné ? Je l'ai appris, répliqua le Saint, de celui-là même qui m'a dit que vous étiez damné. Et en effet, la nuit suivante il fut surpris et poignardé dans un crime qu'il commettait habituellement. Il y a plusieurs exemples semblables dans la vie de ce Saint, dont on peut dire, qu'il avait l'ire de Dieu.
Il est écrit de S. Xavier, qu'ayant formé le dessein d'aller à la Chine pour conquérir cet empire à Jésus-Christ, son voyage fut traversé par le Gouverneur de Malaca. Xavier n'oublia rien pour l'adoucir, et ne pouvant rien gagner sur son esprit, il passa de la douceur à une sainte indignation, mit la Ville à interdit, en qualité de Légat Apostolique, donna sa malédiction aux auteurs du retardement de son voyage, ordonna à tous les Peres de sa Compagnie de sortir du Pays ; il en sortit lui-même, et secoua la poussière de ses pieds à la porte de la Ville. Aussitôt après son départ, la ville fut affligée de peste ; le Gouverneur accusé de plusieurs crimes à la Cour, fut saisi par ordre du Roi, conduit en Portugal, et mis en prison, où il mourut de chagrin et de misère. Il y a tant d'exemples de cette colère Apostolique, qu'on ne peut pas douter que le Saint-Esprit n'en soit l'auteur.
Il est seulement à remarquer que ces mouvements d'indignation, qui viennent de Dieu, et qui ont Dieu pour objet, ne causent aucun trouble dans l'âme, et qu'ils la laissent aussi libre et aussi tranquille, que si elle était dans un mouvement de joie. On peut dire en général, de la colère, ce que nous avons déjà dit de la tristesse et de la haine : quand c'est la grâce qui les forme dans le cœur, non seulement elles n'éloignent pas Dieu, mais elles unissent à lui, et disposent à l'oraison, aussi bien que pourrait le faire une consolation céleste. La raison est que ce n'est pas un intérêt propre, ni aucune satisfaction particulière, qui touche l'âme dans ces rencontres ; mais le seul intérêt de Dieu, auquel elle veut plaire uniquement.
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