Extrait du CATÉCHISME SPIRITUEL DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE, TOME I, Composé par le R. P. J. J. SURIN, de la Compagnie de Jésus :
Réponse à quelques doutes touchant l'Oraison
Quels conseils faut-il donner aux personnes qui s'adonnant à l'Oraison, se plaignent de ne pouvoir s'y appliquer, et de n'en tirer aucun profit ?
Cette difficulté peut venir de deux causes. Premièrement, du défaut d'expérience et d'habitude. Il n'est pas surprenant que ceux qui sont nouveaux dans ce saint exercice, ne sachent pas s'entretenir avec Dieu. Il est juste aussi que Dieu éprouve les commençants en permettant qu'ils soient sujets à des inquiétudes et à des distractions qui les font beaucoup souffrir : Mais il faut les avertir que s'ils souffrent cette peine avec patience, et qu'ils demeurent fidèles dans la pratique de la vertu, Dieu les regardera d'un œil de miséricorde, qu'il changera leur ennui en consolation, et qu'ils goûteront tôt ou tard le fruit de leurs peines. Cependant ils doivent s'humilier à la vue de leur incapacité, persévérer avec ferveur dans la voie qu'ils ont embrassée, et ne point se rebuter pour les dégoûts et les sécheresses continuelles.
Secondement, la peine qu'on sent dans l'Oraison, peut aussi venir de ce qu'on n'a pas détruit les obstacles qui s'opposent à la communication avec Dieu. Les différentes attaches pour des objets créés, sont une source de distractions qui empêchent de dormir de ce doux sommeil, que les âmes pures et dégagées goûtent dans leurs entretiens avec le Seigneur. Qu'on travaille donc à préparer son cœur en rompant ses attaches naturelles, et qu'on tâche d'acquérir beaucoup de bonne volonté, et on trouvera de la facilité à faire Oraison.
Qu'est-ce que la bonne volonté ?
C'est une ferme et généreuse résolution de faire absolument tout ce qui convient dans la voie de la perfection, et de combattre les obstacles à mesure qu'ils se présentent. On ne laisse pas, malgré cette bonne volonté, de rencontrer des difficultés ; mais on a du courage et de la force pour les vaincre, là où ceux qui ne prennent pas une telle résolution, sont sujets à mille vains attachements, et portent toujours en eux-mêmes un cœur dissipé, par-là incapable de s'appliquer à l'Oraison, et d'en recueillir les fruits.
Quelle doit être la matière de l'Oraison ?
Ce doit être ordinairement la Vie et la doctrine de Jésus-Christ, sur quoi on doit méditer de telle sorte, que chacun ait égard à ses besoins et à ses dispositions présentes. Ceux qui ne font que de se donner à Dieu, doivent tout ramener à la considération de leurs défauts, et des moyens nécessaires pour y remédier. C'est à quoi le Saint-Esprit les porte par ses lumières et ses inspirations ; et s'ils s'y prennent d'une autre manière, il est dangereux qu'il n'y ait beaucoup de perte de temps dans leur Oraison, et même qu'ils ne tombent dans l'illusion, pour vouloir se donner une occupation plus relevée. Cela n'empêche pas que le Saint-Esprit ne puisse quelquefois élever les commençants à la contemplation des objets les plus sublimes ; mais leur occupation ordinaire doit être la Vie et la doctrine de J. C.
Les personnes avancées doivent s'appliquer aux mêmes sujets, et selon que leur état le demande, méditer sur les vertus de Notre-Seigneur, pour régler sur ces vertus leurs saintes pratiques de mortification, de recueillement et de conformité à la volonté de Dieu. Ceux mêmes qui sont parvenus à l'union divine, n'ont pas d'autre occupation, avec cette différence qu'ils ont plus de facilité, qu'ils sont quelquefois comme transportés hors d'eux-mêmes, et tout absorbés en Dieu.
Convient-il d'aller à l'Oraison sans en avoir prévu le sujet ?
Il y a bien peu de personnes qui puissent se dispenser de cette préparation prochaine. Il y en a quelques-unes, dont l'attrait est si puissant, qu'elles n'ont nulle peine à se mettre en la présence de Dieu, et à s'occuper de lui. Souvent même il leur arrive que l'attrait les porte à tout autre sujet que celui qu'elles avoient préparé. Il est vrai aussi que personne ne doit tellement s'attacher au sujet prévu, qu'il ne soit prêt à le quitter, poursuivre le mouvement de la grâce qui l'attire ailleurs. Cependant la pratique des plus grands Saints a été de choisir par avance le sujet de leur Oraison. Saint Xavier prenait à tâche de parcourir chaque mois la vie et la Passion de Jésus-Christ. Saint François de Sales ne manquait jamais de préparer la matière de son Oraison ; quoiqu'il sût par son expérience que Dieu l'attirant à son gré, ne lui permit pas de s'occuper du sujet qu'il avait choisi.
Combien de temps faut-il donner à l'Oraison ?
Nous avons dit ailleurs qu'on doit y employer environ une heure le matin; nous ajouterons ici qu'on ne saurait se dispenser d'y donner un temps considérable le soir, sans se porter quelque préjudice. Outre cela, comme l'Oraison est nécessaire pour réparer les forces de l'âme, et pour acquérir l'esprit de recueillement sans lequel on n'avance point dans le chemin de la vertu, il faut avoir recours à ce saint exercice, pour entretenir cet esprit, et pour le renouveler, lorsqu'on s'aperçoit qu'il commence à s'affaiblir ; et toutes les fois aussi qu'on a eu le malheur d'interrompre l'ouvrage de la perfection, en tombant dans quelque égarement, ou dans quelque dissipation considérable.
Que doit-on conseiller aux personnes qui ne peuvent se servir du raisonnement et des considérations dans l'Oraison ?
On doit leur dire, qu'il leur suffit d'envisager simplement et avec humilité, les Mystères ou les vérités sur lesquelles elles veulent méditer, pour tâcher d'y trouver du goût, et de s'arrêter à ce goût tandis qu'il dure. Ce serait donner la torture à leur esprit, que de vouloir l'engager dans des raisonnements et des considérations dont il n'est pas capable. Et d'ailleurs cette manière de prier par goût et par affection, est une voie excellente et abrégée, par laquelle on trouve d'abord ce qu'on chercherait peut-être longtemps par le discours et les réflexions : c'est par cette manière d'Oraison que plusieurs âmes simples ont fait en peu de temps de très-grands progrès.
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