lundi 20 janvier 2020

Du renouvellement de l'esprit, par le R.-P. Jean-Joseph Surin


Extrait du CATÉCHISME SPIRITUEL DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE, TOME II, Composé par le R. P. J. J. SURIN, de la Compagnie de Jésus :


Portrait de Saint Ignace de Loyola


Du renouvellement de l'esprit



Qu'est-ce que se renouveler en esprit ?

C'est passer du relâchement à la ferveur.


Qui sont ceux qui ont besoin de ce renouvellement ?

Ce sont ceux qui après avoir reçu beaucoup de grâces de la part de Dieu, se laissant aller à leur faiblesse, ou ne se défiant pas assez du danger des occasions et des occupations extérieures, viennent à se détourner de leurs premières voies, et sentent le besoin qu'ils ont de reprendre leurs premières idées de sainteté, leur ancienne ferveur, et leurs pratiques de vertu. C'est par exemple, une personne qui ayant vécu plusieurs années en Religion, et passé par différents emplois ; s'aperçoit en rentrant en elle-même, qu'elle ne suit plus les premières impressions que Dieu lui donna lorsqu'elle se consacra à son service, et que malgré les efforts qu'elle a faits pour se conformer à la perfection de son état, elle a beaucoup déchu, et qu'elle a mené une vie naturelle plutôt qu'une vie de grâce ; il est évident que cette personne a besoin de se renouveler en esprit.


Quelle est la pratique de ce renouvellement ?

Il faut voir parmi les points de perfection ceux qui sont les plus importants, qui renferment tous les autres, et qui contribuent le plus à l'avancement spirituel; en choisir trois ou quatre, et se bien convaincre du besoin qu'on a de les mettre en pratique pour se rétablir dans la ferveur, et pour devenir un homme parfait qui soit selon le cœur de Dieu. Lorsqu'il est question de prendre des moyens pour s'enrichir, on choisit les plus efficaces ; on entre dans les partis les plus avantageux, dans les commerces les plus lucratifs et les plus capables de satisfaire la cupidité. C'est ainsi que doit faire un homme qui veut se renouveler et se remettre au train de la perfection, il doit commencer par ce qu'il y a non seulement de plus solide, mais encore de plus avantageux et de plus excellent, et qui étant une fois conçu, goûté et bien pénétré, soit capable de ranimer sa ferveur, de le rapprocher de Dieu, et de le rendre bientôt parfait. Sur ce principe, une personne qui veut revenir à son premier état après s'être relâchée, ne peut rien faire de mieux que de renouveler en soi l'idée, l'estime et le goût de ces trois points importons dont je vais parler, et d'acquérir, en les mettant en pratique, la perfection qu'ils renferment.


Quel est le premier ?

Il est contenu dans ces paroles de Notre-Seigneur : Si vous ne devenez comme des enfants, vous n'entrerez point dans le Royaume des cieux. Après avoir bien compris le sens de cette maxime, il faut y confronter notre conduite, et voir si nous sommes en effet soumis comme des enfants à l'autorité de ceux qui nous gouvernent ; si nous leur laissons une pleine liberté de disposer de nous-mêmes comme il leur plaît, de nous corriger, de nous éprouver, et de nous donner des avis sur ce qui nous regarde, sans que nous le trouvions mauvais, et que nous manquions jamais de docilité, de douceur, de soumission et d'obéissance ; si nous abandonnons généreusement tous nos intérêts quand on nous choque, sans être délicats sur le point d'honneur, et sans exiger la réparation des injures ; enfin, s'il est aisé de nous ramener de la colère à la douceur et à la clémence, comme nous voyons que les enfants se laissent aisément apaiser. Saint Jean Climaque raconte sur ce sujet, qu'étant entré dans un monastère d'Égypte, où la régularité était en vigueur, il vit des Religieux qui avaient blanchi sous le joug du Seigneur, et qui étaient aussi souples et aussi dociles que le premier jour de leur entrée en Religion. L'Abbé les faisait venir en sa présence, il les mettait à diverses épreuves, et ces hommes vénérables se laissaient gouverner et manier avec une simplicité d'enfant. Comme ce point est d'une grande conséquence, et qu'il attire après soi la pratique de plusieurs grandes vertus, il est aisé de voir qu'on ne saurait entrer dans cette disposition sans se renouveler parfaitement.


Quel est le second point qui peut beaucoup contribuer au renouvellement de l'esprit ?

C'est de s'accoutumer à se conduire par des principes surnaturels et divins, prenant garde en toutes ses actions que le motif de la grâce l'emporte sur le motif de la nature ; par exemple, un Religieux qu'on destine à quelque emploi, ne doit point obéir, parce que l'ordre de son Supérieur est conforme à son inclination, et qu'il trouve sa commodité, son repos et son agrément dans l'emploi qu'on lui confie ; il ne doit avoir en vue que la volonté de Dieu auquel il veut plaire. Et si ce qu'on lui ordonne est pénible et désagréable, il doit l'embrasser avec joie comme une croix que Dieu lui impose. C'est ce qui s'appelle agir par des principes de grâce ; et qui entreprendrait ce saint exercice avec courage, reprendrait aisément l'esprit de ferveur, et rallumerait bientôt dans son cœur le feu de l'amour de Dieu.


Quel est le troisième point par lequel il faut commencer le renouvellement en esprit ?

C'est celui que saint Ignace recommande tant à ceux de sa Compagnie, et qu'il leur propose comme un degré précieux dans la vie spirituelle, c'est-à-dire, comme un point de perfection qui renferme de grandes richesses. Il consiste à estimer singulièrement, et à regarder comme un grand, trésor, tout ce qui nous expose à être moqués et méprisés des autres, et à passer dans leur esprit pour de méchants hommes ou pour des insensés. Que celui donc qui veut se renouveler en esprit, rentre en soi-même, et qu'il examine comment il est disposé à l'égard de cet excellent degré de perfection, et s'il ne le regarde point comme une idée chimérique qu'on ne peut réduire en pratique. Que si au contraire il est convaincu que c'est une vérité, et qu'après en avoir conçu de l'estime et de l'amour, il s'applique à y conformer sa conduite en vue de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont il est bien aise de porter les livrées, qui sont les humiliations et les mépris ; il peut croire que son intérieur sera bientôt entièrement renouvelé.
Un motif qui peut beaucoup aider à acquérir ce degré de perfection, est de se persuader que c'est la clef des trésors spirituels, et que si on n'en vient là, quoiqu'on puisse faire d'ailleurs, on ne parviendra jamais à l'union avec J. C. parce que l'état dont nous parlons, est celui où le Sauveur est né, où il est mort, et qu'il a chéri par-dessus tous les autres. Quiconque sera sensible à l'amour que Dieu lui a témoigné en se faisant homme pour lui, ne trouvera point cette perfection impraticable ; elle lui paraîtra même douce, pour peu qu'il ait d'amour et de reconnaissance pour notre aimable Rédempteur, parce que l'amour de Dieu rend tout aisé, et peut seul faire le bonheur de l'homme. On trouve aisément Dieu quand on le cherche en Jésus-Christ son Fils unique ; et on trouve toujours Jésus-Christ au milieu des humiliations et des opprobres ; il peut échapper à ceux qui veulent s'unir à lui dans les états différents de sa vie glorieuse, mais ceux qui le cherchent couronné d'épines, ayant pour Sceptre un roseau, pour manteau royal un morceau de pourpre ; ceux qui le cherchent au milieu du peuple et des soldats, traité comme un Roi de Théâtre, comme un imposteur et un faux Prophète, abandonné de tout le monde, et attaché à la Croix, le trouvent infailliblement ; et ils peuvent dire qu'en l'imitant en ce seul point, ils sont au nombre de ses véritables Disciples, puisqu'ils pratiquent le renoncement le plus parfait qui ne se trouve que dans l'amour du mépris. Il est vrai que ce degré de perfection étant extrêmement relevé, on a besoin d'un secours particulier de la grâce pour y arriver ; mais ce secours, Dieu ne le refuse point à ceux qui le demandent, et qui se disposent à le recevoir en cherchant eux-mêmes les mépris et les humiliations dont ils demandent à Dieu l'estime et l'amour.
Le Père Louis Dupont rapporte dans la vie du P. Balthazard Alvarez, que durant son second Noviciat qu'il faisait sous la conduite de ce grand homme, il apprit de lui à connaître et à goûter les trésors cachés dans l'amour du mépris ; et que cette connaissance dans laquelle il fit de grands progrès durant cette année d'épreuve, fut pour lui une source de richesses spirituelles tout le reste de sa vie. Ce qu'éprouva le P. Dupont, tout homme qui rentre en soi même pour se renouveler en esprit, peut l'éprouver à son tour ; il n'a qu'à se bien pénétrer de la même vérité, aussi bien que des deux autres dont nous venons de parler; qu'à s'y affectionner, qu'à ramener à ce but toutes les résolutions qu'il forme, qu'à se rendre familière la connaissance et la pratique de ces trois points de perfection, jusqu'à en faire sa principale étude et l'unique occupation de sa vie.
Ce serait là une excellente pratique pour les personnes Religieuses, qui renouvellent tous les ans les vœux qu’elles ont fait à Dieu, et qui prennent trois jours pour se disposer à ce renouvellement. Il leur serait très-utile de passer ces trois jours à méditer sur les points de perfection que nous avons proposés, et à en prendre un chaque jour pour s'en occuper. Ce qui serait encore mieux, ce serait de s'y appliquer ensuite pendant trois jours, rapportant ses Oraisons, ses Communions, ses examens de conscience, et tous ses exercices spirituels à la pratique de ces trois vérités. Comme on ne peut pas tout faire à la fois, n'est-il pas infiniment plus utile de donner toute son application à trois choses importantes, que d'en effleurer plusieurs autres qui le sont beaucoup moins ? Et n'est-il pas évident que celui qui à force de méditer et de savourer les trois vérités proposées, s'en serait bien pénétré, serait beaucoup plus avancé, plus riche et plus heureux que celui qui en aurait parcouru cent autres légèrement ?
Cependant comme les trois points de perfection dont nous venons de parler, renferment tout ce qu'il y a de plus élevé dans la vie spirituelle, et que rien n'est plus difficile que de devenir semblable à de petits enfants, d'agir en toutes choses par des principes surnaturels, et d'aimer à être méprisés ; il est à propos qu'à ces trois pratiques on en joigne trois autres. Le recueillement, la mortification des désirs et des inclinations naturelles, et le parfait dégagement de cœur. Ce sont des moyens fort connus et d'un usage fort étendu, lesquels peuvent beaucoup aider et servir comme de degrés pour s'élever aux trois autres points d'une perfection plus sublime. Il faudrait que celui qui veut se renouveler, joignît à chacun de ces points une des trois dernières pratiques pour adoucir son travail et pour en assurer le succès, c'est-à-dire l'union avec Dieu, qui est le terme de la perfection, l'unique objet des désirs que l'on forme, et de tous les mouvements qu'on se donne dans la vie spirituelle.



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