dimanche 16 février 2020

Des qualités qui sont propres dans la voie extraordinaire, par le R.-P. Jean-Joseph Surin


Extrait du CATÉCHISME SPIRITUEL DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE, TOME I, Composé par le R. P. J. J. SURIN, de la Compagnie de Jésus :


Saint Étienne (Carlo Crivelli)


Des qualités qui sont propres dans la voie extraordinaire



Quelles sont ces qualités ?

Il y en a trois principales ; savoir, la simplicité, l'efficace et la solidité.


En quoi consiste la simplicité ?

En ce que, toute abondante qu'est cette voie en grâces et en faveurs célestes, elle apprend aux âmes à passer par ces richesses spirituelles sans s'y arrêter. Elle est aussi très-simple de sa nature, parce qu'elle n'admet pour tout exercice qu'un regard de l'esprit et un acquiescement du cœur, et même ce regard et cet acquiescement sont des actes si subtils et si déliés, que l'âme qui les forme peut à peine s'en apercevoir.


Puisque l'âme en cet état semble ne rien faire, ne peut-on pas conclure qu’elle est oisive dans son oraison ?

Elle le serait sans doute si elle était sans action ; mais c'est ce que nous n'avons pas dit. Nous disons seulement que son action est si profonde et si délicate, qu'elle n'a pas la satisfaction de se rendre à elle-même témoignage de ce qu'elle fait ; que par le simple regard on ne connaît rien de distinct ; que l'acquiescement de la volonté n'est, à parler précisément, ni contrition, ni remerciement, ni offrande ; mais tout cela éminemment. Nous disons enfin que cette manière d'oraison est très agréable à Dieu, et qu'elle produit d'excellents effets.


Ne pourriez-vous pas par quelque comparaison nous rendre cette doctrine sensible ?

En voici une dont se sert un docteur mystique. Si une grande Reine faisait son plaisir d'habiller une Villageoise, et de la parer de ses propres mains ; tout ce que pourrait faire de mieux cette pauvre fille, ce serait d'être modestement attentive à ce qu'on ferait pour elle, de laisser satisfaire la Reine, de faire ensuite la révérence, et de se retirer ; cette conduite simple vaudrait mieux que tous les soins empressés qu'elle aurait pu se donner, et que tous les compliments qu'elle aurait pu faire. C'est la conduite qu'on doit garder dans l'exercice du repos dont nous avons parlé.


En quoi faites-vous consister l'efficace de cette voie ?

En ce que le regard unique et le saint acquiescement au bon plaisir de Dieu , ont une vertu singulière qui fortifie l'homme, l'élève au-dessus de lui-même, et le fait opérer d'une manière qui surpasse visiblement sa faculté naturelle.
Ce regard est l'instrument dont se sert le saint Esprit pour travailler dans les âmes ; c'est comme un trésor où il leur fait trouver ses dons les plus précieux ; le don de sagesse, c'est-à-dire, la connaissance expérimentale et savoureuse des objets spirituels et divins ; le don d'intelligence, c'est-à-dire, la faculté de comprendre les choses difficiles, et de les réduire à leurs principes éternels et immuables ; le don de conseil, c'est-à-dire, la prudence et la discrétion pour conduire les âmes ; le don de science, c'est-à-dire, la connaissance certaine des choses spirituelles, et quelquefois même de plusieurs qui sont de l'ordre naturel ; tous ces dons sont renfermés comme en un point dans l'unique regard dont nous parlons. C'est une lumière très simple où l'âme puise toute science et toute vertu ; de sorte qu'elle est toujours pourvue, et qu'elle n'a pas besoin de préparation soit pour parler aux peuples assemblés, soit pour instruire en particulier, parce que des fleuves d'eau vive coulent de son sein (Jean. 7, 38), couronnement à la promesse de N. S. Le Saint-Esprit seul a la clef de ce trésor qui ne s'épuise jamais, et il est dit de celui qui le possède : qu'il répandra comme une pluie les paroles de la sagesse. (Eccl. 39, 9)
Ce qu'est le simple regard à l'entendement qu'il éclaire, le simple acquiescement l'est à la volonté qu'il fortifie. C'est de cette source sacrée que découlent les autres dons du Saint-Esprit ; don de force, don de piété et de crainte de Dieu, les pieuses affections, les bons mouvements, les saintes saillies, les ardeurs du zèle. Mais (ce qu'on ne saurait assez observer) toute cette abondance de richesses vient d'un principe très-simple qu'on peut comparer à une fontaine qui se remplit par un seul tuyau, et qui se partage ensuite en plusieurs ; et c'est pour cela que l'Esprit de Dieu est appelé dans les saintes Écritures, unique et multiplié. (Sap. 7,22)
On peut donc dire de ceux qui marchent dans cette voie, qu'ils portent toujours en eux-mêmes, sans fatigue et sans embarras, tout ce qui leur est nécessaire en toutes sortes a occasions ; puisqu'un seul bien qu'ils possèdent, leur fournit à propos tous les autres, à mesure qu'ils en ont besoin. Il en est d'eux, comme d'un Prince, qui avec une seule clef ouvrirait toutes les portes d'un grand Palais ; ou comme d'un Médecin, qui trouverait dans une seule plante, le remède à toutes sortes de maux. C'est ainsi qu'une seule chose tient lieu de toutes les autres, à ceux dont nous parlons. Sans qu'ils se donnent aucun soin, un esprit très-simple qui est en eux, leur suggère tout ce qu'ils doivent dire ou faire dans les différentes occasions. Et c'est là-dessus qu'est fondé le commandement que Notre-Seigneur fait à ses disciples, de ne point compter sur leurs soins et sur leur industrie, quand ils auront à lui rendre témoignage devant les Puissances du monde. Ne songez point, ni comment vous parlerez, ni à ce que vous direz. (Matth. 10, 19)


Quel est cet esprit très-simple dont vous venez de parler ?

C'est le Saint-Esprit, qui n'étant que feu et que lumière, que paix et que liberté, forme lui-même dans l'esprit et dans le cœur, ce simple regard et ce doux acquiescement, par lesquels il opère ensuite de grandes choses, et rend les hommes puissants en œuvres et en paroles. Munis de ce secours, les Apôtres, sans science, sans étude, et sans talents naturels, ont fait plier tout le monde sous leurs volontés ; et rien ne prouve mieux l'efficace de ce don merveilleux, que ces paroles dont se servit Notre Seigneur pour le faire attendre à ses Apôtres : Tenez-vous dans la ville, leur dit-il, jusqu'à ce que vous soyez revêtus d'une force qui vienne d'en haut. (Luc. 24, 4)


Comment prouvez-vous la solidité de cette voie ?

Par son efficacité même. On peut dire de ceux qui sont dans cette voie, qu'ils rendent à Dieu le service le plus agréable qu'il puisse recevoir de la part des hommes. Tout autre service est imparfait ; toute autre conduite est faible en comparaison de celle-ci, qui est pleine de force, et capable de venir à bout de tout. Ceux qui ne sont pas favorisés de ce don, peuvent bien se rendre agréables à Dieu par l'humilité et l'abnégation intérieure ; ils peuvent faire beaucoup de bien avec le secours de Dieu. Mais la nature en eux se mêle souvent avec la grâce ; il y a beaucoup du leur dans ce qu'ils font. Aussi voyons-nous que leurs paroles sont peu efficaces, qu'elles font peu d'impression, et qu'ils ne sont pas capables d'entreprendre beaucoup pour Dieu, et d'exécuter de grands desseins pour sa gloire.
Les personnes que Dieu introduit dans la voie extraordinaire sont pleines de force ; elles portent au-dedans d’elles-mêmes une vive impression des vérités divines ; leur attrait est puissant ; leurs paroles sont persuasives ; elles embrasent les cœurs ; et par tout ce qu'elles font pour leur propre perfection et pour celle du prochain, il paraît bien que l'Esprit de J. C. habite en elles d'une manière particulière. Saint Étienne, premier Martyr, en est une preuve éclatante. Il est dit de lui dans les Actes des Apôtres (6, 10) : Que les Juifs ne pouvaient résister à la Sagesse et à l'Esprit qui parlait par sa bouche.
Rien de plus simple que la grâce de cet état, si on la considère en elle-même, puisqu'elle ne consiste qu'en un regard de l'esprit, et en un doux acquiescement du cœur ; et cependant rien de plus fertile en grandes actions, excepté au temps de l'impuissance, qui est le second degré de la voie extraordinaire. Car alors l'âme est privée de l'usage ordinaire de ses facultés intérieures ; quoique dans le fond elle agisse par une opération occulte qui la soutient, principalement dans tous ses besoins ; mais qui ne la console point, parce qu'elle lui est inconnue.


D'où, vient que vous ne parle point des extases, des ravissements, des visions et des paroles intérieures dont Dieu favorise les âmes dans cette voie ?

Parce que nous ne parlons ici que de ce qui concerne la pratique de la vertu. Outre que nous avons dit ailleurs, qu'on ne doit point s'attacher à ces sortes de grâces, ni les prendre pour appui ; il ne convient pas de les rejeter, ni de les mépriser, puisque ce sont des dons de Dieu ; mais il convient encore moins d'y mettre sa confiance. La pratique des Saints, est de les recevoir avec dégagement de cœur, et de fonder leur conduite sur la Foi.


N'y a-t-il point d'autre avis à donner aux personnes qui sont dans la voie extraordinaire ?

Le plus important est, qu'en suivant les mouvements de l'esprit intérieur qui les gouverne, elles ne s'écarte point de la règle extérieure prescrite à tous les hommes, laquelle comprend la doctrine de la foi, l'autorité des Supérieurs, et le sentiment commun des gens sages et spirituels. C'est en cet heureux accord de la Loi intérieure avec la Loi extérieure, que consiste la perfection. Tout est dans l'ordre, et rien n'est suspect, lorsque l'attrait de la grâce n'est point gêné par les règles du dehors, et lorsque les règles du dehors, c'est-à-dire, la foi, l'obéissance, et la droite raison rendent témoignage à l'attrait de la grâce. Il n'y a plus qu'un écueil à craindre, et c'est qu'on ne confonde quelquefois la prudence humaine avec la sagesse évangélique, qui doit guider la raison.
On ne peut donc trop recommander aux personnes que Dieu conduit par la voie extraordinaire, de faire consister leur principale perfection dans les vertus communes et nécessaires à tous, et de préférer constamment la pratique de l'humilité, à tous les dons les plus sublimes que Dieu leur communique. Lorsqu'aux vertus extraordinaires, qui sont propres de leur état, elles joignent la fidélité et l'exactitude à remplir tous les devoirs de la vie commune, elles ont atteint le plus haut point de sainteté où l'on puisse arriver sur la terre.
On remarque cette union admirable dans presque tous les Saints : nous n'en connaissons guère qui n'aient participé au don de la contemplation, et en qui ce don sublime n'ait contribué à nourrir et à faire croître l'humilité : de sorte qu'on peut leur appliquer ces paroles de l'Apôtre : Vous êtes mort, et votre vie est cachée en Dieu avec J. C. En effet, le secret et le silence au milieu duquel le S. Esprit opère dans les âmes de ce rang, est très-propre, non-seulement à les cacher en Dieu, mais encore à les faire mourir à elles-mêmes, au monde, et à toutes les choses de la terre.
Il est vrai que ceux qui meurent de la sorte, ne le font que pour vivre d'une vie de grâce, et que la grâce opère en eux et par eux de merveilleux effets. Mais quelque riches qu'ils soient en grâce et en dons surnaturels, ils font toujours grand fond sur la charité, l'humilité, et les autres vertus, qui rendent l'homme digne de la récompense éternelle. Ils savent que ce que Dieu agrée le plus dans les âmes, ce ne sont pas les dispositions sublimes qu'il met en elles, ni les faveurs extraordinaires qu'il leur accorde, mais le soin qu'elles prennent de pratiquer la vertu ; parce que c'est l'homme qui donne à Dieu, lorsqu'il pratique la vertu, au lieu que Dieu seulement donne à l'homme lorsqu'il accorde des faveurs singulières ; et il est écrit, qu'on est bien plus heureux de donner que de recevoir. (Act. 20, 35) Les dons sublimes, l'abondance des lumières, et la douceur des consolations élèvent l'homme sans aucun mérite de sa part : ce qui lui attire les grâces du Ciel, c'est de vivre saintement.


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