lundi 23 décembre 2019

Ce qui s'est observé dans un Ordre Religieux durant le premier siècle depuis son établissement, doit être regardé comme meilleur que tout ce qu'on peut inventer dans la suite, par le R.-P. Jean-Joseph Surin



Extrait du CATÉCHISME SPIRITUEL DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE, TOME II, Composé par le R. P. J. J. SURIN, de la Compagnie de Jésus :




Ce qui s'est observé dans un Ordre Religieux durant le premier siècle depuis son établissement, doit être regardé comme meilleur que tout ce qu'on peut inventer dans la suite : parce qu'une eau est plus pure à mesure qu'elle est plus proche de sa source ; et il est mal-aisé qu'après qu'une Religion a duré cent ans, il vienne sur l'institut des lumières plus parfaites que celles qu'on avait dans le premier siècle. S'il s'élève quelque dispute sur le point de l'Institut, touchant la manière dont on doit l'observer, la voie la plus courte et la plus sûre pour trouver la vérité, c'est de consulter ce qui se pratiquait du vivant du Fondateur et de ses premiers Compagnons.

Par exemple, dans un Ordre qui fait profession de pauvreté, on vient à douter si on peut recevoir de l'argent pour certaines fonctions ; il faut voir comment les premiers de l'Ordre se sont comportés en semblables rencontres, et surtout de quelle manière l'a ordonné et pratiqué celui qui a donné la Règle. Car si on se donne la liberté de disputer là-dessus, il n'est rien qu'on ne vienne à bout de justifier par la voie du raisonnement. Et quand même il y aurait de bonnes raisons pour permettre quelque changement dans la coutume, il faudrait, avant que de le faire, examiner si la crainte de renverser tout l'édifice en ôtant une seule pierre, ne doit pas prévaloir sur les raisons qui prouvent qu'il faut l'ôter.

Ce qui maintient l'Ordre des Chartreux, c'est l'horreur qu'ils ont pour la nouveauté : toute raison qui persuade le changement, quelque forte qu'elle soit, leur paraît faible, comparée aux raisons qui prouvent que tout changement est dangereux et capable d'introduire un entier relâchement.

Quelque avantageux que paraisse ce qu'on introduit de nouveau, en la place de ce qui a toujours été pratiqué, il ne saurait donner la sûreté, ni s'attirer la vénération, comme ce qui est anciennement établi. D'ailleurs nous sommes trop faibles pour nous retenir sur le penchant de ce précipice : un changement en attire ordinairement un autre. Il ne s'agit au commencement que du plus au moins parfait ; on passe ensuite à l'imperfection d'une manière imperceptible ; et malgré la volonté qu'on a d'éviter le dérèglement, on ne laisse pas d'y aller par des progrès insensibles, lorsqu'une fois on a goûté le changement.