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vendredi 30 avril 2021

ABRÉGÉ DU CATÉCHISME DE PERSÉVÉRANCE, PREMIÈRE PARTIE, Leçon XLII : Le Messie prédit, Prophéties de Daniel


ABRÉGÉ DU CATÉCHISME DE PERSÉVÉRANCE


PREMIÈRE PARTIE


Contenant l'histoire et l'explication de la religion


XLIIe LEÇON


LE MESSIE PRÉDIT


PROPHÉTIES DE DANIEL


(AV. J.-C. 551-538)



Q. Comment vécut Daniel après le miracle de la fournaise ardente ?
R. Après le miracle de la fournaise ardente, Daniel vécut loin du tumulte de la cour, priant avec ferveur pour la délivrance des Juifs.

Q. Comment le Seigneur le tira-t-il de son obscurité ?
R. Balthazar, petit-fils et successeur de Nabuchodonosor, profanait dans un festin les vases sacrés du temple de Jérusalem, lorsqu'une main parut sur la muraille, écrivant trois paroles mystérieuses : Mané, Thécel, Phares, qui remplirent le roi d'épouvante et lui firent appeler Daniel, pour en avoir l'explication.

Q. Que signifiaient ces trois mots ?
R. Le premier signifiait : Le Seigneur a compté les jours de votre règne et ils touchent à leur fin ; le second : Vous avez été pesé dans la balance et trouvé trop léger ; le troisième ; Votre royaume a été divisé et donné en partage aux Mèdes et aux Perses. Cette nuit-là même, la sentence fut exécutée : Cyrus s'empara de Babylone, et Balthazar fut tué.

Q. Daniel jouit-il de la faveur des nouveaux conquérants ?
R. Daniel jouit de la faveur des nouveaux conquérants ; c'est pourquoi il fut en butte à la jalousie des seigneurs de la cour, qui le firent jeter dans la fosse aux lions ; mais ces animaux ne lui firent aucun mal.

Q. Exposez les prophéties de Daniel.
R. En preuve de ses prédictions touchant le Messie, Daniel annonce : 1° la succession des quatre grands empires ; 2° l'époque précise où la ville de Jérusalem, détruite par Nabuchodonosor, sera rebâtie.

Q. Qu'annonce-t-il touchant le Messie ?
R. Il annonce que le Messie viendra dans 490 ans, qu'il rétablira le règne de la vertu sur la terre ; qu'il sera renié par les Juifs ; qu'il sera mis à mort ; que pour cela le temple et la ville de Jérusalem seront détruits, et que les Juifs seront dans un état de désolation qui durera jusqu'à la fin des temps.

Q. Que prouve cette prophétie ?
R. Cette prophétie prouve que le Messie est venu, puisque la ruine de Jérusalem et du temple, qui devait suivre la venue du Messie, a eu lieu il y a plus de dix-huit cents ans.

Q. Que prouve-t-elle encore ?
R. Elle prouve encore que Notre-Seigneur est vraiment le Messie prédit par Daniel, puisqu'il a paru au moment marqué par le Prophète ; qu'il a ramené le règne du vrai Dieu sur la terre et qu'il a été renié et mis à mort par les Juifs, dispersés depuis ce temps-là dans tout l'univers.


Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je prierai pour la conversion des Juifs.


Reportez-vous à Leçon I : Enseignement vocal de la Religion, Catéchisme, Leçon II : Enseignement écrit, Écriture et Tradition, Leçon III : Connaissance de Dieu considéré en Lui-même, Leçon IV : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, 1er Jour de la Création, Leçon V : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, 2e Jour de la Création, Leçon VI : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, 3e Jour de la Création, Leçon VII : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, Fin du 3e et commencement du 4e Jour de la Création, Leçon VIII : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, suite du 4e Jour de la Création, Leçon IX : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, 5e Jour de la Création, Leçon X : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, Fin du 5e et commencement du 6e Jour de la Création, Leçon XI : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, Suite du 6e Jour de la Création, Leçon XII : Connaissance de l'homme considéré en lui-même, Leçon XIII : Connaissance de l'homme considéré dans ses rapports avec les créatures, Leçon XIV : Connaissance de l'homme considéré dans ses rapports avec Dieu, Leçon XV : Connaissance des Anges, Leçon XVI : Chute de l'homme, Leçon XVII : Accord de la justice et de la miséricorde divine dans la punition et dans la transmission du péché d'Adam, Leçon XVIII : Nécessité et perpétuité de la Foi au Mystère de la Rédemption, Histoire de Job, Leçon XIX : Connaissance de la Religion, Nature et définition de la Religion, Leçon XX : Connaissance de la Religion, Que la Religion est une Loi, Leçon XXI : Le Messie promis et figuré : Adam et Abel, Leçon XXII : Le Messie promis et figuré, Noé, Troisième Figure du Messie, Leçon XXIII : Deuxième promesse et quatrième figure du Messie, Melchisédech, Leçon XXIV : Isaac, cinquième Figure du Messie, Leçon XXV : Le Messie promis et figuré, Jacob, Sixième Figure du Messie, Leçon XXVI : Le Messie promis et figuré, Joseph, Septième Figure du Messie, Leçon XXVII : L'Agneau pascal, Huitième Figure du Messie, Leçon XXVIII : La Manne, Neuvième Figure du Messie, Leçon XXIX : Les sacrifices et le serpent d'airain, Dixième et onzième Figure du Messie, Leçon XXX : Moïse, Douzième Figure du Messie, Leçon XXXI : Josué, Treizième Figure du Messie, Leçon XXXII : Gédéon, quatorzième Figure du Messie, Leçon XXXIII : Samson, Quinzième Figure du Messie, Leçon XXXIV : Sixième Promesse du Messie, Leçon XXXV : David, Seizième Figure du Messie, Leçon XXXVI : Salomon, Dix-septième Figure du Messie, Leçon XXXVII : Jonas, Dix-huitième Figure du Messie, Leçon XXXVIII : Le Messie prédit, Prophéties de David, Leçon XXXIX : Le Messie prédit, Prophéties d'Isaïe, Leçon XL : Le Messie prédit, Prophéties d'Osée, de Michée, de Joël et de Jérémie, Leçon XLI : Le Messie prédit, Prophéties d'Ézéchiel, Leçon XLIII : Le Messie prédit, Prophéties d'Aggée, de Zacharie et de Malachie.















jeudi 29 avril 2021

Du premier degré de l'Humilité, qui est d'avoir une humble opinion de soi-même


Saint Jérôme

Saint Laurent Justinien, dit que personne ne sait mieux ce que c'est que l'humilité, que celui qui a reçu ce don de Dieu ; que cette vertu est par elle-même très-difficile à connaître, et qu'il n'y a rien en quoi l'homme se trompe davantage, que dans la connaissance de la véritable humilité et dans le jugement qu'il en porte. Vous pensez, dit Saint Jean Climaque, qu'elle consiste à dire que vous êtes un pécheur et un composé de misères et de faiblesses ; si elle se bornait à cela, il n'y aurait rien au monde de plus aisé à pratiquer : nous serions tous humbles ; car nous tenons tous le même langage ; et plût à Dieu que notre cœur fût en cela d'accord avec nos lèvres ! Vous pensez encore qu'elle consiste à porter un habit vil et grossier, et à s'employer aux ministères les plus vils et les plus rebutants ; vous vous trompez également ; car il peut y avoir, et il y a souvent beaucoup d'orgueil caché sous ces dehors simples et modestes : il se peut faire encore que par cet extérieur on prétende se distinguer, et passer pour plus homme de bien et plus humble que les autres : il se peut faire enfin, que cet extérieur ne soit que raffinement d'orgueil. Plusieurs, dit Saint Jérôme, s'arrêtent à l'ombre et à l'apparence de l'humilité ; mais peu en ont la réalité. Il est aisé de marcher la tête penchée et les yeux baissés, de prendre un ton de voix humble, de soupirer de temps en temps, et de s'accuser à chaque instant d'être un pécheur : mais dites à ces prétendus humbles quelque chose qui puisse tant soit peu les piquer, et vous verrez bientôt combien ils sont éloignés de la véritable humilité. Laissons donc là tout ce déguisement de paroles et cet extérieur affecté : c'est la patience qui peut faire connaître si l'on est véritablement humble ; c'est elle qui est la pierre de touche de l'humilité.
Saint Bernard explique plus particulièrement en quoi consiste cette vertu, et il la définit ainsi : « L'humilité, dit.il, est une vertu qui rend l'homme vil et méprisable à ses propres yeux, par une intime connaissance de soi-même. L'humilité ne consiste donc point dans les paroles, ni dans les dehors ; elle consiste dans les sentiments du cœur ; elle consiste à avoir une basse opinion de soi-même, fondée sur la profonde connaissance qu'on a de son néant ; elle consiste à désirer d'être méprisé des autres. »
« Le premier degré de l'humilité, dit Saint Bonaventure, est d'avoir une basse opinion de soi-même ; et l'unique moyen de l'acquérir est de se connaître. » Il est donc besoin qu'avant toutes choses, vous cherchiez à vous connaître à fond. Après cela, estimez-vous pour ce que vous êtes, on vous le permet : vous serez bientôt humble dès que vous serez parvenu à vous connaître ; car vous verrez clairement que vous êtes peu de chose. Saint Isidore, dans son livre des Étymologies, dit que le mot de superbe, en Latin, vient de ce que celui qu'on appelle ainsi, veut être estimé au-dessus de ce qu'il est en effet. Aussi, une des raisons que quelques-uns donnent de l'amour que Dieu a pour l'humilité, c'est qu'il aime la vérité sur toutes choses : or l'humilité est la vérité même ; au lieu que l'orgueil et la présomption ne sont que mensonge et que tromperie. Vous n'êtes pas en effet ce que vous pensez être, ni ce que vous voulez que les autres pensent de vous: si vous voulez marcher dans la vérité et dans l'humilité, regardez-vous tel que vous êtes ; ce n'est certainement pas vous demander beaucoup.

(Abrégé de la Pratique de la Perfection Chrétienne)


Reportez-vous à Que la considération de ses péchés est un excellent moyen pour se connaître soi-même, et pour acquérir l'humilitéPrincipales Vertus dont l'Humilité est le fondement, Il n'y a point de Vertu solide sans l'Humilité : elle est le fondement de toutes les autres Vertus, Excellence et nécessité de l'Humilité, Prière pour demander l'humilité, Prière pour obtenir l'humilité, l'exemple de Saint Robert Bellarmin et de Saint Ignace, et comment acquérir cette vertu, Le Saint Curé d'Ars dans sa conversation : Humilité de M. Vianney, De l'amour du Père Surin pour l'humilité, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, Des vertus de Marie : l'humilité, De la merveilleuse humilité du séraphique saint François, Litanies de l'humilité, Méditation sur les effets de l'orgueil, Méditation sur l'humilité des Saints, Méditation sur la pratique de l'humilité Chrétienne, Méditation sur les avantages de l'humilité Chrétienne, La Crèche, Sur ces paroles : Vous avez tiré votre parfaite louange de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle. (Psaume 8), De deux sortes de Mortifications, De la nécessité de la Mortification : En quoi elle consiste, Sur Jésus-Christ, L'intérieur de Marie, De l'enfance spirituelle, et De la paix de l'âme.













mercredi 28 avril 2021

Discours de Sa Sainteté le Pape Pie XII, aux pèlerins réunis à Rome pour la Canonisation de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort


(21 juillet 1947)


Soyez les bienvenus, chers fils et chères filles, accourus en grand nombre pour assister à la glorification de Louis-Marie Grignion de Montfort, l'humble prêtre breton du siècle de Louis XIV, dont la courte vie, étonnamment laborieuse et féconde, mais singulièrement tourmentée, incomprise des uns, exaltée par les autres, l'a posé devant le monde « en signe de contradiction », « in signum, cui contradicetur » (Luc. 2, 34). Réformant, sans y penser, l'appréciation des contemporains, la postérité l'a rendu populaire, mais, par-dessus encore le verdict des hommes, l'autorité suprême de l'Église vient de lui décerner les honneurs des saints.
Salut d'abord à vous, pèlerins de Bretagne et du littoral de l'Océan. Vous le revendiquez comme vôtre et il est vôtre en effet. Breton par sa naissance et par l'éducation de son adolescence, il est resté breton de cœur et de tempérament à Paris, dans le Poitou et en Vendée ; il le restera partout et jusqu'au bout, même dans ses cantiques de missionnaire, où par une pieuse industrie, — qui réussirait peut-être moins heureusement à une époque plus critique et volontiers gouailleuse, il adaptait des paroles religieuses aux airs populaires de son pays. Breton, il l'est par sa piété, sa vie très intérieure, sa sensibilité très vive, qu'une délicate réserve, non exempte de quelques scrupules de conscience, faisait prendre par des jeunes gens primesautiers, et par quelques-uns même de ses Supérieurs, pour gaucherie et singularité. Breton, il l'est par sa droiture inflexible, sa rude franchise, que certains esprits, plus complaisants, plus assouplis, trouvaient exagérée et taxaient avec humeur d'absolutisme et d'intransigeance.
C'est en l'épiant malicieusement à son insu, en le voyant et en l'entendant traiter avec les petits et les pauvres, enseigner les humbles et les ignorants, que plus d'un découvrit avec surprise, sous l'écorce un peu rugueuse d'une nature qu'il mortifiait et qu'il forgeait héroïquement, les trésors d'une riche intelligence, d'une inépuisable charité, d'une bonté délicate et tendre.
On a cru parfois pouvoir l'opposer à saint François de Sales, prouvant ainsi qu'on ne connaissait guère que superficiellement l'un et l'autre. Différents, certes, ils le sont, et voilà bien de quoi dissiper le préjugé qui porte à voir dans tous les saints autant d'exemplaires identiques d'un type de vertu, tous coulés dans un même moule ! Mais on semble ignorer complètement la lutte, par laquelle François de Sales avait adouci son caractère naturellement aigre, et l'exquise douceur avec laquelle Louis-Marie secourait et instruisait les humbles. D'ailleurs, l'amabilité enjouée de l'évêque de Genève ne l'a pas plus que l'austérité du missionnaire breton, mis à l'abri de la haine et des persécutions de la part des calvinistes et des jansénistes et, d'autre part, la rudesse fougueuse de l'un, aussi bien que la patience de l'autre au service de l'Église leur ont valu à tous les deux l'admiration et la dévotion des fidèles.
La caractéristique propre de Louis-Marie, et par où il est authentique breton, c'est sa ténacité persévérante à poursuivre le saint idéal, l'unique idéal de toute sa vie : gagner les hommes pour les donner à Dieu. À la poursuite de cet idéal, il a fait concourir toutes les ressources qu'il tenait de la nature et de la grâce, si bien qu'il fut en vérité sur tous les terrains — et avec quel succès ! — l'apôtre par excellence du Poitou, de la Bretagne et de la Vendée ; on a pu même écrire naguère, sans exagération, que « la Vendée de 1793 était l'œuvre de ses mains ».
Salut à vous, prêtres de tous les rangs et de tous les ministères de la hiérarchie ecclésiastique, qui portez tous sur le cœur ce souci, cette angoisse, cette « tribulation », dont parle saint Paul (2 Co 1, 8) et qui est aujourd'hui, presque partout, le partage des prêtres dignes de leur beau nom de pasteurs d'âmes. Votre regard, comme celui de milliers de vos frères dans le sacerdoce, se lève avec fierté vers le nouveau saint et puise en son exemple confiance et entrain. Par la haute conscience qu'il avait de sa vocation sacerdotale et par son héroïque fidélité à y correspondre, il a fait voir au monde le vrai type — souvent si peu et si mal connu — du prêtre de Jésus Christ et ce qu'un tel prêtre est capable de réaliser pour la pure gloire de Dieu et pour le salut des âmes, pour le salut même de la société, dès lors qu'il y consacre sa vie tout entière, sans réserve, sans condition, sans ménagement, dans le plein esprit de l'Évangile. Regardez-le, ne vous laissez pas impressionner par des dehors peu flatteurs : il possède la seule beauté qui compte, la beauté d'une âme illuminée, embrasée par la charité ; il est pour vous un modèle éminent de vertu et de vie sacerdotale.
Salut à vous, membres des familles religieuses, dont Louis-Marie Grignion de Montfort a été le Fondateur et le Père. Vous n'étiez, de son vivant et lors de sa mort prématurée, qu'un imperceptible grain de froment, mais caché dans son cœur comme au sein d'une terre fertile, mais gonflé du suc nourricier de sa surhumaine abnégation, de ses mérites surabondants, de son exubérante sainteté. Et voici que la semence a germé, grandi, qu'elle s'est développée et propagée au loin, sans que le vent de la révolution l'ait desséchée, sans que les persécutions violentes ou les tracasseries légales aient pu l'étouffer.
Chers fils et chères filles, restez fidèles au précieux héritage que vous a légué ce grand saint ! Héritage magnifique, digne que vous continuiez, comme vous l'avez fait jusqu'à présent, à y dévouer, à y sacrifier sans compter vos forces et votre vie ! Montrez-vous les héritiers de son amour si tendre pour les humbles du plus petit peuple, de sa charité pour les pauvres, vous souvenant qu'il s'arrachait le pain de la bouche pour les nourrir, qu'il se dépouillait de ses vêtements pour couvrir leur nudité, les héritiers de sa sollicitude pour les enfants, privilégiés de son cœur, comme ils l'étaient du cœur de Jésus.
La charité ! voilà le grand, disons le seul secret des résultats surprenants de la vie si courte, si multiple et si mouvementée de Louis-Marie Grignion de Montfort : la charité ! voilà pour vous aussi, soyez-en intimement persuadés, la force, la lumière, la bénédiction de votre existence et de toute votre activité. Salut enfin à vous aussi, pèlerins accourus de divers pays et apparemment bien différents entre vous, mais dont l'amour envers Marie fait l'unité, parce que, tous, vous voyez en celui que vous êtes venus honorer le guide qui vous amène à Marie et de Marie à Jésus. Tous les saints, assurément, ont été grands serviteurs de Marie et tous lui ont conduit les âmes ; il est incontestablement un de ceux qui ont travaillé le plus ardemment et le plus efficacement à la faire aimer et servir.
La Croix de Jésus, la Mère de Jésus, les deux pôles de sa vie personnelle et de son apostolat. Et voilà comment cette vie, en sa brièveté, fut pleine, comment cet apostolat, exercé en Vendée, en Poitou, en Bretagne durant à peine une douzaine d'années, se perpétue depuis déjà plus de deux siècles et s'étend sur bien des régions. C'est que la Sagesse, cette Sagesse à la conduite de laquelle il s'était livré, a fait fructifier ses labeurs, a couronné ses travaux que la mort n'avait qu'apparemment interrompus : « complevit labores illius » (Sag. 10, 10). L'œuvre est toute de Dieu, mais elle porte aussi sur elle l'empreinte de celui qui en fut le fidèle coopérateur. Ce n'est que justice de la discerner.
Notre œil, presque ébloui par la splendeur de la lumière qui émane de la figure de notre Saint, a besoin, pour ainsi dire, d'en analyser le rayonnement. Il se pose d'abord sur les dons naturels, plus extérieurs, et il a la surprise de constater que la nature n'avait pas été vis-à-vis de lui aussi avare qu'il a pu sembler à première vue. Louis-Marie n'offrait pas, c'est vrai, le charme de traits agréables qui conquièrent soudain la sympathie, mais il jouissait — avantages en réalité bien plus appréciables — d'une vigueur corporelle qui lui permettait de supporter de grandes fatigues dans son ministère de missionnaire et de se livrer quand même à de rudes et très rudes pénitences. Sans s'amuser à éblouir son auditoire par les faciles artifices du bel esprit, par les fantasmagories d'une élégance recherchée et subtile, il savait mettre à la portée des plus simples le trésor d'une théologie solide et profonde — en quoi il excellait — et qu'il monnayait de manière à éclairer et convaincre les intelligences, à émouvoir les cœurs, à secouer les volontés avec une force de persuasion qui aboutissait aux courageuses et efficaces résolutions. Grâce à son tact, à la finesse de sa psychologie, il pouvait choisir et doser ce qui convenait à chacun, et s'il avait, par abnégation et pour être plus entièrement aux études et à la piété, renoncé aux beaux-arts, pour lesquels il avait beaucoup de goût et de remarquables dispositions, il avait gardé les richesses d'imagination et de sensibilité, dont son âme d'artiste savait user pour produire dans les esprits l'image du modèle divin. Toutes qualités humaines, sans doute, mais dont il s'aidait pour conduire les pécheurs au repentir, les justes à la sainteté, les errants à la vérité, conquérant à l'amour du Christ les cœurs desséchés par le souffle glacé et aride de l'égoïsme.
Incomparablement plus que sa propre activité humaine, il mettait en jeu le concours divin qu'il attirait par sa vie de prière. Toujours en mouvement, toujours en contact avec les hommes, il était en même temps toujours recueilli, toujours livré à l'intimité divine, luttant, pour ainsi dire, contre la justice sévère de Dieu pour obtenir de sa miséricorde les grâces victorieuses de l'obstination des plus endurcis ; il semblait, comme le patriarche en lutte contre l'ange, répéter sans cesse la prière irrésistible : « Je ne vous laisserai point que vous ne m'ayez béni » (Gen. 32, 27).
Il n'ignorait pas non plus que, sans la pénitence, l'abnégation, la mortification continuelle, la prière toute seule ne suffit pas à vaincre l'esprit du mal : « in oratione et ieiunio » (Marc. 9, 29). Et notre missionnaire joignait aux fatigues des plus intrépides apôtres les saintes cruautés des plus austères ascètes. N'a-t-il pas observé presque à la lettre la consigne donnée par le Maître à ses envoyés : « N'emportez rien pour le voyage, ni bâton, ni pain, ni sac, ni argent, et n'ayez point deux tuniques » (Luc. 9, 3) ? La seule soutane, usée et rapiécée, qu'il portait sur lui était si pauvre, que les mendiants qui le rencontraient se croyaient en devoir de l'assister de leurs aumônes.
Crucifié lui-même, il était en droit de prêcher avec autorité le Christ crucifié (cf. 1 Cor. 1, 23). Partout, envers et contre tous, il érigeait des Calvaires et il les réédifiait avec une indéfectible patience, lorsque l'esprit du siècle, inimicus crucis Christi (cf. Phil. 3, 18), les avait fait abattre. Il traçait moins un programme de vie qu'il ne peignait son propre portrait dans sa lettre « aux Amis de la Croix » : « Un homme choisi de Dieu entre dix mille qui vivent selon les sens et la seule raison, pour être un homme tout divin, élevé au-dessus de la raison et tout opposé aux sens, par une vie et lumière de pure foi et un amour ardent pour la Croix ».
Le grand ressort de tout son ministère apostolique, son grand secret pour attirer les âmes et les donner à Jésus, c'est la dévotion à Marie. Sur elle il fonde toute son action : en elle est toute son assurance, et il ne pouvait trouver arme plus efficace à son époque. À l'austérité sans joie, à la sombre terreur, à l'orgueilleuse dépression du jansénisme, il oppose l'amour filial, confiant, ardent, expansif et effectif du dévot serviteur de Marie, envers celle qui est le refuge des pécheurs, la Mère de la divine Grâce, notre vie, notre douceur, notre espérance. Notre avocate aussi ; avocate qui placée entre Dieu et le pécheur est toute occupée à invoquer la clémence du juge pour fléchir sa justice, à toucher le cœur du coupable pour vaincre son obstination. Dans sa conviction et son expérience de ce rôle de Marie, le missionnaire déclarait avec sa pittoresque simplicité que « jamais pécheur ne lui a résisté, une fois qu'il lui a mis la main au collet avec son rosaire ».
Encore faut-il qu'il s'agisse d'une dévotion sincère et loyale. Et l'auteur du « Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge » distingue en traits précis celle-ci d'une fausse dévotion plus ou moins superstitieuse, qui s'autoriserait de quelques pratiques extérieures ou de quelques sentiments superficiels pour vivre à sa guise et demeurer dans le péché comptant sur une grâce miraculeuse de la dernière heure.
La vraie dévotion, celle de la tradition, celle de l'Église, celle, dirions-Nous, du bon sens chrétien et catholique, tend essentiellement vers l'union à Jésus, sous la conduite de Marie. Forme et pratique de cette dévotion peuvent varier suivant les temps, les lieux, les inclinations personnelles. Dans les limites de la doctrine saine et sûre, de l'orthodoxie et de la dignité du culte, l'Église laisse à ses enfants une juste marge de liberté. Elle a d'ailleurs conscience que la vraie et parfaite dévotion envers la Sainte Vierge n'est point tellement liée à ces modalités qu'aucune d'elles puisse en revendiquer le monopole.
Et voilà pourquoi, chers fils et chères filles, Nous souhaitons ardemment que, par-dessus les manifestations variées de la piété envers la Mère de Dieu, Mère des hommes, vous puisiez tous, dans le trésor des écrits et des exemples de notre saint, ce qui a fait le fond de sa dévotion mariale : sa ferme conviction de la très puissante intercession de Marie, sa volonté résolue d'imiter autant que possible les vertus de la Vierge des vierges, l'ardeur véhémente de son amour pour elle et pour Jésus.
Avec l'intime confiance que la Reine des cœurs vous obtiendra de l'Auteur de tout bien cette triple faveur, Nous vous donnons en gage, à vous, à tous ceux qui vous sont chers, à tous ceux qui se recommandent du patronage de saint Louis-Marie Grignion de Montfort et qui l'invoquent en union avec vous, Notre Bénédiction apostolique.


Reportez-vous à Le Saint Esclavage de Jésus en Marie, d’après Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, De l'amour parfait, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, La Vierge Marie et les derniers Temps, L'inimitié entre Satan et MariePrière d'un enfant de Marie, Les attraits de la Sagesse incarnée, Jésus, Sagesse souffrante et crucifiée, Aspiration dans les tentations, Cantique de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, sur l'horreur du péché mortelCantique d'Action de Grâce des esclaves d'amour de Jésus en Marie, par Saint Louis-Marie Griginion de Montfort, Cantique de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort : Dieu sollicite la conversion du pécheur, Litanies de l'Amour de Marie, Acte d'aveugle abandon et d'amoureuse confiance en la douce Vierge Marie, C'est de Marie qu'il nous est né un Sauveur, Sermon du Saint Curé d'Ars pour la Fête de la Nativité de la Sainte Vierge, Méditation pour la Fête du Saint Nom de Marie, Fidentem piumque, du Pape Léon XIII, pour le mois du Rosaire, Adjutricem populi, du Pape Léon XIII, pour le retour des dissidents par le Saint Rosaire, Méditation pour la Fête de saint Luc, Figure biblique de la parfaite dévotion à la Sainte Vierge Marie : Rébecca et Jacob, Votre mémoire est une boîte à tentations dans laquelle le démon pioche, Inimitiés entre les enfants de Marie et les esclaves du Diable, Prions avec Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, Les sept fausses dévotion à la Sainte Vierge Marie, Le culte et l'amour de la Sainte Vierge ont commencé avec l’Église, Si un chrétien peut trop aimer et trop honorer la Sainte Vierge, La vraie dévotion à la Sainte Vierge Marie, Pratiques de dévotion envers Marie : Recourir souvent à Marie et aux Saints qui lui sont proches, Pratiques de dévotion envers Marie : L'Ave Maria, Jésus glorifié veut glorifier sa Mère, Discours sur la Visitation de Marie, Discours sur la Purification de Marie, Discours sur l'Assomption de Marie, Discours sur les douleurs de Marie, Petit chapelet de l'Immaculée Conception de Marie, et Litanies de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort.














mardi 27 avril 2021

ABRÉGÉ DU CATÉCHISME DE PERSÉVÉRANCE, PREMIÈRE PARTIE, Leçon XLI : Le Messie prédit, Prophéties d'Ézéchiel


ABRÉGÉ DU CATÉCHISME DE PERSÉVÉRANCE


PREMIÈRE PARTIE


Contenant l'histoire et l'explication de la religion


XLIe LEÇON


LE MESSIE PRÉDIT. — PROPHÉTIES D'ÉZÉCHIEL


(AV. J.-C. 580)



Q. Quel est le septième Prophète du Messie ?
R. Le septième Prophète du Messie est Ézéchiel, envoyé de Dieu pour reprendre le peuple juif captif à Babylone, l'encourager et le consoler.

Q. Quels événements prochains annonce Ézéchiel ?
R. En preuve de la vérité de ses prédictions touchant le Messie, Ézéchiel annonce aux Juifs qu'ils seront délivrés de leur captivité et que le temple de Jérusalem sera rebâti, ce qui eut lieu quelques années après.

Q. N'annonce-t-il pas d'autre événement ?
R. Il annonce aussi qu'à partir de sa prédiction, l'Égypte n'aura plus à l'avenir de prince de son sang ; et les plus grands impies de nos jours ont eux-mêmes reconnu l'accomplissement de cet oracle.

Q. Que dit Ézéchiel touchant le Messie ?
R. Ézéchiel dit que le Messie sera de la race de David ; qu'il sera le pasteur unique qui réunira les Juifs et les Gentils dans une seule bergerie ; qu'il établira une nouvelle loi plus parfaite que l'ancienne et qui subsistera toujours. — Notre-Seigneur présente seul tous ces caractères : il est donc le Messie prédit par Ézéchiel.

Q. Quel est le huitième Prophète du Messie ?
R. Le huitième Prophète du Messie, c'est Daniel qui parut aussi pendant la captivité de Babylone.

Q. Où Daniel fut-il élevé ?
R. Daniel et trois jeunes Israélites, nommés Ananias, Misaël et Azarias, furent élevés à la cour de Nabuchodonosor, roi de Babylone ; mais ils demeurèrent toujours fidèles à leur Religion, refusant de manger des viandes de la table du roi, pour ne pas blesser leur conscience.

Q. Comment le Seigneur récompensa-t-il leur fidélité ?
R. Le Seigneur récompensa leur fidélité, en leur donnant une grande science et en les rendant agréables à Nabuchodonosor.

Q. Qu'arriva-t-il à ce prince ?
R. Il arriva à ce prince d'avoir un songe mystérieux qui l'inquiéta beaucoup et dont il perdit le souvenir, tout en exigeant, sous peine de mort, qu'on lui en donnât l'explication.

Q. Que fit Daniel ?
R. Daniel, inspiré de Dieu, expliqua le songe du roi, qui annonçait les quatre grands empires, celui des Babyloniens, celui des Perses, celui des Grecs et celui des Romains, dont la succession devait préparer l'empire du Messie, c'est-à-dire l'Église.

Q. Que fit ensuite Nabuchodonosor ?
R. Ensuite Nabuchodonosor fit faire une statue d'une grande hauteur, et il ordonna à tout le monde de l'adorer ; mais les jeunes Hébreux refusèrent d'obéir. C'est pourquoi le roi les fit jeter dans une fournaise ardente, où le Seigneur les conserva miraculeusement.


Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je n'accepterai jamais d'aliments gras les jours défendus.


Reportez-vous à Leçon I : Enseignement vocal de la Religion, Catéchisme, Leçon II : Enseignement écrit, Écriture et Tradition, Leçon III : Connaissance de Dieu considéré en Lui-même, Leçon IV : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, 1er Jour de la Création, Leçon V : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, 2e Jour de la Création, Leçon VI : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, 3e Jour de la Création, Leçon VII : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, Fin du 3e et commencement du 4e Jour de la Création, Leçon VIII : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, suite du 4e Jour de la Création, Leçon IX : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, 5e Jour de la Création, Leçon X : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, Fin du 5e et commencement du 6e Jour de la Création, Leçon XI : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, Suite du 6e Jour de la Création, Leçon XII : Connaissance de l'homme considéré en lui-même, Leçon XIII : Connaissance de l'homme considéré dans ses rapports avec les créatures, Leçon XIV : Connaissance de l'homme considéré dans ses rapports avec Dieu, Leçon XV : Connaissance des Anges, Leçon XVI : Chute de l'homme, Leçon XVII : Accord de la justice et de la miséricorde divine dans la punition et dans la transmission du péché d'Adam, Leçon XVIII : Nécessité et perpétuité de la Foi au Mystère de la Rédemption, Histoire de Job, Leçon XIX : Connaissance de la Religion, Nature et définition de la Religion, Leçon XX : Connaissance de la Religion, Que la Religion est une Loi, Leçon XXI : Le Messie promis et figuré : Adam et Abel, Leçon XXII : Le Messie promis et figuré, Noé, Troisième Figure du Messie, Leçon XXIII : Deuxième promesse et quatrième figure du Messie, Melchisédech, Leçon XXIV : Isaac, cinquième Figure du Messie, Leçon XXV : Le Messie promis et figuré, Jacob, Sixième Figure du Messie, Leçon XXVI : Le Messie promis et figuré, Joseph, Septième Figure du Messie, Leçon XXVII : L'Agneau pascal, Huitième Figure du Messie, Leçon XXVIII : La Manne, Neuvième Figure du Messie, Leçon XXIX : Les sacrifices et le serpent d'airain, Dixième et onzième Figure du Messie, Leçon XXX : Moïse, Douzième Figure du Messie, Leçon XXXI : Josué, Treizième Figure du Messie, Leçon XXXII : Gédéon, quatorzième Figure du Messie, Leçon XXXIII : Samson, Quinzième Figure du Messie, Leçon XXXIV : Sixième Promesse du Messie, Leçon XXXV : David, Seizième Figure du Messie, Leçon XXXVI : Salomon, Dix-septième Figure du Messie, Leçon XXXVII : Jonas, Dix-huitième Figure du Messie, Leçon XXXVIII : Le Messie prédit, Prophéties de David, Leçon XXXIX : Le Messie prédit, Prophéties d'Isaïe, Leçon XL : Le Messie prédit, Prophéties d'Osée, de Michée, de Joël et de Jérémie, Leçon XLII : Le Messie prédit, Prophéties de Daniel.














lundi 26 avril 2021

Principales Vertus dont l'Humilité est le fondement



Pour faire connaître encore plus clairement la vérité de cette maxime des Saints, que l'humilité est le fondement de toutes les autres vertus, et pour montrer combien ce fondement nous est nécessaire, nous en rapporterons les principales en peu de mots. Premièrement, la foi a besoin de l'humilité : je ne parle pas des enfants qui reçoivent la foi dans le Baptême, sans en faire aucun acte, j'entends parler de ceux qui jouissent déjà de l'usage de leur raison. La foi demande un esprit humble et soumis, suivant ces paroles de Saint Paul : « Réduisant tous les esprits en servitude sous l'obéissance de Jésus-Christ ; » et l'orgueil de l'esprit est un empêchement et un obstacle à recevoir la foi, selon les paroles du Sauveur : « Comment pouvez-vous croire, vous qui vous distribuez la gloire les uns aux autres, et qui ne recherchez point la gloire qui ne vient que de Dieu seul ? » Mais si l'humilité est nécessaire pour recevoir le don de la foi, elle ne l'est pas moins pour le conserver ; et en effet, tous les Saints conviennent que l'orgueil est le principe de toutes les hérésies, et qu'elles naissent de ce qu'on se forme une si haute idée de soi-même et de ses propres lumières, qu'on en vient jusqu'à les préférer au sentiment général de toute l'Église.
L'espérance est pareillement appuyée sur l'humilité ; parce que celui qui est l'humble, connaît sa misère et sa faiblesse : il conçoit qu'il ne peut rien de lui-même ; et il se porte à Dieu avec plus d'ardeur, il établit en lui toute son espérance. La charité qui consiste à aimer Dieu, reçoit aussi un grand accroissement par le secours de l'humilité ; car une âme humble qui considère que tout ce qu'elle a vient de la main de Dieu, et qu'elle est très éloignée de le mériter, se sent excitée à aimer encore davantage son bienfaiteur : Qu'est-ce que l'homme, disait Job à Dieu, que vous le traitez si bien, et que vous attachez votre cœur à lui ? Quant à la charité qui s'exerce envers le prochain, on voit aisément combien l'humilité en facilite la pratique.
La patience, qui est une vertu si nécessaire au Chrétien, naît pareillement de l'humilité ; par la raison que celui qui est humble et qui connaît ses fautes et ses péchés, connaît en même temps qu'il est digne de toute sorte de châtiments ; de là il ne lui arrive aucune mortification qu'il ne la regarde comme étant au-dessous de ce que ses Fautes ont mérité ; et loin de s'en plaindre, il dit avec le Prophète Michée : Je souffrirai de bon cœur les effets de la colère du Seigneur, parce que j'ai péché contre lui.
La paix, ce bien si désirable pour tous les hommes et particulièrement si nécessaire à un Chrétien naît aussi de l'humilité : Jésus-Christ lui-même nous enseigne cette vérité quand il dit : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. Soyez humble et vous serez en paix avec vous-même et avec tout le monde : Il y a toujours des démêlés entre les orgueilleux, dit le Sage ; mais autant qu'ils sont exposés à avoir ces démêlés entr'eux, autant les humbles en sont-ils éloignés.
Il en est de même de la pauvreté : elle a tant de liaison et de rapport avec l'humilité qu'il semble que ce soient deux sœurs : aussi par cette pauvreté d'esprit que Jésus-Christ établit pour la première des Béatitudes, quelques Saints entendent l'humilité.
A l'égard de la chasteté, nous ne saurions douter que l'humilité ne soit une disposition essentielle pour la conserver, après les exemples que nous voyons dans la vie des Pères du désert, de tant de chutes honteuses arrivées à des hommes consommés dans la pénitence et dévoués à la vie solitaire. Ces chutes ne procédaient que d'un défaut d'humilité et de trop de présomption et de confiance en eux-mêmes ; et c'est le châtiment ordinaire que Dieu exerce contre les hommes superbes, en permettant de semblables chutes.
L'humilité est un si grand ornement à la chasteté et à la pureté, que Saint Bernard ne fait pas difficulté d'avancer que la pureté de Marie n'eût pas même été agréable à Dieu, sans son humilité.
Si nous considérons l'Oraison, comme le fondement de toute la vie spirituelle et intérieure, il est évident qu'elle est sans aucun mérite sans cette vertu de l'humilité ; mais qu'avec l'humilité elle pénètre le Ciel, suivant ses paroles du Sage : « L'Oraison de celui qui s'humilie, pénétrera les nues ; il ne sera point consolé qu'elle ne parvienne à Dieu ; et il ne s'en ira point que le Très-Haut ne l'ait regardé favorablement. » La vertueuse et humble Judith, retirée dans l'intérieur de sa maison, revêtue d'un cilice, couverte de cendres, et prosternée contre terre, s'écrie au Seigneur : La prière des personnes humbles et douces vous a toujours plu : Et le Saint Roi prophète dit, que Dieu a eu égard à l'Oraison des humbles ; qu'il n'a point méprisé leur prière. Ne craignez donc point qu'un homme humble soit rejeté avec confusion ; il obtiendra ce qu'il demande. Voyez combien la Prière du Publicain fut agréable à Dieu. Il n'osait lever les yeux au Ciel, ni s'approcher de l'Autel ; mais se tenant à l'entrée du Temple et frappant sa poitrine, il disait avec une humble connaissance de lui-même : Mon Dieu, ayez pitié de moi, qui suis un pécheur. Quel fut l'effet de sa prière ; de quel œil Dieu la regarda-t-il ? Je vous assure, dit Jésus-Christ, qu'il s'en retourna chez lui justifié ; et le Pharisien orgueilleux sortit du Temple avec sa condamnation.
Nous pourrions raisonner ainsi sur toutes les autres Vertus, et faire voir qu'elles dépendent également de l'humilité. Voulez-vous donc connaître un moyen sûr pour les acquérir, et un chemin court pour arriver bientôt à la perfection? vous le trouverez dans l'humilité.

(Abrégé de la Pratique de la Perfection Chrétienne)


Reportez-vous à Du premier degré de l'Humilité, qui est d'avoir une humble opinion de soi-même, Il n'y a point de Vertu solide sans l'Humilité : elle est le fondement de toutes les autres Vertus, Excellence et nécessité de l'Humilité, Prière pour demander l'humilité, Prière pour obtenir l'humilité, l'exemple de Saint Robert Bellarmin et de Saint Ignace, et comment acquérir cette vertu, Le Saint Curé d'Ars dans sa conversation : Humilité de M. Vianney, De l'amour du Père Surin pour l'humilité, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, Des vertus de Marie : l'humilité, De la merveilleuse humilité du séraphique saint François, Litanies de l'humilité, Méditation sur les effets de l'orgueil, Méditation sur l'humilité des Saints, Méditation sur la pratique de l'humilité Chrétienne, Méditation sur les avantages de l'humilité Chrétienne, La Crèche, Sur ces paroles : Vous avez tiré votre parfaite louange de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle. (Psaume 8), De deux sortes de Mortifications, De la nécessité de la Mortification : En quoi elle consiste, Sur Jésus-Christ, L'intérieur de Marie, De l'enfance spirituelle, et De la paix de l'âme.













dimanche 25 avril 2021

Méditation pour la Fête de Saint Marc, Évangéliste


Méditation

Pour la Fête de Saint Marc, Évangéliste


(25 avril)



Vous pleurerez, vous gémirez, et le monde se réjouira ; mais votre tristesse se changera en joie.


I. PRÉLUDE. — Me représenter saint Marc écrivant le saint Évangile.

II. PRÉLUDE. — Grand Saint, qui fûtes choisi du Seigneur pour écrire et pour annoncer son Évangile, obtenez-moi la grâce de retracer dans toute ma conduite les maximes sacrées de ce livre divin.

I. POINT. — Quels motifs m'engagent à lire et à méditer le saint Évangile.

La fête de saint Marc ramène naturellement mes pensées sur le saint Évangile qu'il eut l'honneur d'écrire et de prêcher. L'Évangile est le testament de Jésus-Christ ; c'est lui qui m'apprend à quelles richesses spirituelles ce divin Maître m'a donné droit de prétendre, et à quelles conditions je puis les acquérir. Rien n'est plus propre que la lecture de ce livre sacré à réveiller mes espérances, à élever mon cœur vers ma bienheureuse patrie, à me consoler dans mes peines, à m'animer sans cesse à la pratique des vertus. L'Évangile est comme une lettre écrite de la propre main de mon divin Sauveur, pour me révéler son amour, m'instruire de ses volontés, me conserver l'histoire de ses travaux, de ses souffrances, et me remettre sans cesse sous les yeux ses exemples divins. Quel soin ne dois-je pas avoir de le lire et de le méditer souvent ! avec quelle ferveur ne dois-je pas surtout m'appliquer à en retracer les maximes dans ma conduite !

II. POINT. — Quels fruits doivent produire en moi la lecture et la méditation du saint Évangile.

La lecture du saint Évangile produit dans les âmes bien disposées les plus heureux effets : elle les détrompe peu à peu des illusions du monde, leur inspire le goût des choses spirituelles, et les pénètre de l'esprit de Jésus-Christ. Tels sont les fruits que je dois m'efforcer de recueillir de cette précieuse lecture, moi que le Cœur de Jésus a prévenue de tant de grâces, moi qu'il a choisie de préférence à un grand nombre d'autres, pour connaître et pour imiter son divin Cœur d'une manière toute spéciale. Quel est-il donc cet esprit de l'Évangile, dont toutes nos actions doivent être animées ? c'est un esprit d'abnégation et de sacrifice : Si quelqu'un veut venir après moi, dit Jésus-Christ, qu'il se renonce soi-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive. C'est un esprit d'humilité : Quand vous aurez fait tout ce qui vous a été ordonné, dit encore notre divin Maître, persuadez-vous que vous êtes des serviteurs inutiles. C'est un esprit de sainte confiance et de noble intrépidité : Ne craignez point, petit troupeau, dit-il encore ; et ailleurs il ajoute : Ayez confiance, j'ai vaincu le monde. Enfin c'est un esprit d'amour : Jésus, dans une seule circonstance, revient jusqu'à cinq fois sur le précepte de la charité envers le prochain ; il la recommande comme son précepte particulier, et la désigne comme la marque distinctive qui doit faire reconnaître ses disciples. Mortification universelle, humilité profonde, tendre et sincère charité, telles sont donc les solides vertus que je dois puiser dans la lecture du saint Évangile, si je veux avoir part aux magnifiques promesses qu'il contient.

COLLOQUE avec saint Marc. — Lui rendre mes hommages de vénération. — Le prier de m'obtenir du Cœur de Jésus le véritable esprit de l'Évangile, et toutes les vertus dont l'âme de ses fervents disciples doit être ornée.

RÉSOLUTIONS. — Me rappeler plusieurs fois dans la journée que c'est sur les maximes de l'Évangile que Dieu me jugera.

BOUQUET SPIRITUEL.Mes disciples ne sont pas du monde ; comme je ne suis point moi-même du monde.

PRIÈRE.Âme de mon Jésus...


Tirée de Méditations sur les principaux mystères de la Très Sainte Vierge, et pour les fêtes des Saints... (Imprimatur, 1840).


Reportez-vous à Méditation pour la Fête de Saint Luc.














ABRÉGÉ DU CATÉCHISME DE PERSÉVÉRANCE, PREMIÈRE PARTIE, Leçon XL : Le Messie prédit, Prophéties d'Osée, de Michée, de Joël et de Jérémie


ABRÉGÉ DU CATÉCHISME DE PERSÉVÉRANCE


PREMIÈRE PARTIE


Contenant l'histoire et l'explication de la religion


XLe LEÇON


LE MESSIE PRÉDIT


PROPHÉTIES D'OSÉE, DE MICHÉE, DE JOËL ET DE JÉRÉMIE


(AV. J.-C 600)


Jérémie dictant ses prophéties à Baruch

Q. Quel est le troisième Prophète du Messie ?
R. Le troisième Prophète du Messie, c'est Osée, qui vécut du temps d'Isaïe et qui prouva la vérité de ses prédictions touchant le Messie, en annonçant deux événements prochains, savoir : la ruine de Samarie et la ruine du royaume de Juda.

Q. Que dit-il du Messie ?
R. Il dit que le Messie encore enfant sera conduit en Égypte ; qu'il en reviendra par l'ordre de son Père ; qu'il convertira les nations, et que, pour l'avoir méconnu, les Juifs seront errants par toute la terre. Tout cela s'est accompli en Notre-Seigneur et ne s'est accompli qu'en lui seul : Notre-Seigneur est donc le Messie prédit par Osée.

Q. Quel est le quatrième Prophète du Messie ?
R. Le quatrième Prophète du Messie, c'est Miellée, contemporain d'Osée, et qui autorisa sa mission en prédisant les malheurs prochains des royaumes d'Israël et de Juda.

Q. Qu'annonce-t-il touchant le Messie ?
R. Il annonce que le Messie naîtra à Bethléem ; qu'il sera Dieu et homme ; qu'il convertira les nations ; que son règne sera éternel, et qu'il sera notre réconciliation. Tous ces caractères réunis conviennent à Notre-Seigneur, et ne conviennent qu'à lui seul : Notre-Seigneur est donc le Messie prédit par Michée.

Q. Quel est le cinquième Prophète du Messie ?
R. Le cinquième Prophète du Messie, c'est Joël, né dans le même temps que les précédents, et qui prouva ce qu'il annonçait du Messie en prédisant un événement prochain, c'est-à-dire une famine épouvantable qui désola tout le pays.

Q. Qu'annonce-t-il du Messie ?
R. Il annonce que le Messie enverra le Saint-Esprit à son Église ; que les fidèles prophétiseront, et que le Messie viendra juger le monde avec une grande puissance et une grande majesté. Les deux premières parties de cette prophétie, accomplies déjà par Notre-Seigneur, répondent de l'accomplissement de la troisième ; Notre-Seigneur est donc le Messie prédit par Joël.

Q. Quel est le sixième Prophète du Messie ?
R. Le sixième Prophète du Messie, c'est Jérémie que Dieu suscita environ cinquante ans après ceux dont nous venons de parler. Afin de prouver ses prédictions touchant le Messie, il annonce, entre autres événements, la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor et la captivité de Babylone.

Q. Qu'annonce-t-il du Messie ?
R. Il annonce qu'à la naissance du Messie on fera mourir les petits enfants de Bethléem et des environs, et que leurs mères seront inconsolables ; que le Messie convertira les nations et qu'il établira une nouvelle alliance plus parfaite que la première. Tout cela convient à Notre-Seigneur et ne convient qu'à lui ; Notre-Seigneur est donc le Messie prédit par Jérémie.


Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je me dirai souvent : Dieu juge cette action, cette parole, cette lecture.


Reportez-vous à Leçon I : Enseignement vocal de la Religion, Catéchisme, Leçon II : Enseignement écrit, Écriture et Tradition, Leçon III : Connaissance de Dieu considéré en Lui-même, Leçon IV : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, 1er Jour de la Création, Leçon V : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, 2e Jour de la Création, Leçon VI : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, 3e Jour de la Création, Leçon VII : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, Fin du 3e et commencement du 4e Jour de la Création, Leçon VIII : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, suite du 4e Jour de la Création, Leçon IX : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, 5e Jour de la Création, Leçon X : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, Fin du 5e et commencement du 6e Jour de la Création, Leçon XI : Connaissance de Dieu par ses ouvrages, Suite du 6e Jour de la Création, Leçon XII : Connaissance de l'homme considéré en lui-même, Leçon XIII : Connaissance de l'homme considéré dans ses rapports avec les créatures, Leçon XIV : Connaissance de l'homme considéré dans ses rapports avec Dieu, Leçon XV : Connaissance des Anges, Leçon XVI : Chute de l'homme, Leçon XVII : Accord de la justice et de la miséricorde divine dans la punition et dans la transmission du péché d'Adam, Leçon XVIII : Nécessité et perpétuité de la Foi au Mystère de la Rédemption, Histoire de Job, Leçon XIX : Connaissance de la Religion, Nature et définition de la Religion, Leçon XX : Connaissance de la Religion, Que la Religion est une Loi, Leçon XXI : Le Messie promis et figuré : Adam et Abel, Leçon XXII : Le Messie promis et figuré, Noé, Troisième Figure du Messie, Leçon XXIII : Deuxième promesse et quatrième figure du Messie, Melchisédech, Leçon XXIV : Isaac, cinquième Figure du Messie, Leçon XXV : Le Messie promis et figuré, Jacob, Sixième Figure du Messie, Leçon XXVI : Le Messie promis et figuré, Joseph, Septième Figure du Messie, Leçon XXVII : L'Agneau pascal, Huitième Figure du Messie, Leçon XXVIII : La Manne, Neuvième Figure du Messie, Leçon XXIX : Les sacrifices et le serpent d'airain, Dixième et onzième Figure du Messie, Leçon XXX : Moïse, Douzième Figure du Messie, Leçon XXXI : Josué, Treizième Figure du Messie, Leçon XXXII : Gédéon, quatorzième Figure du Messie, Leçon XXXIII : Samson, Quinzième Figure du Messie, Leçon XXXIV : Sixième Promesse du Messie, Leçon XXXV : David, Seizième Figure du Messie, Leçon XXXVI : Salomon, Dix-septième Figure du Messie, Leçon XXXVII : Jonas, Dix-huitième Figure du Messie, Leçon XXXVIII : Le Messie prédit, Prophéties de David, Leçon XXXIX : Le Messie prédit, Prophéties d'IsaïeLeçon XLI : Le Messie prédit, Prophéties d'Ézéchiel.
















samedi 24 avril 2021

Le malheur du Monde, en ce qu'il ne connaît point Dieu, et son Fils Jésus-Christ



C'est une vérité que l'on aurait peine à croire, si notre divin Maître, qui est la vérité même, ne nous l'avait enseignée. Et c'est ce qu'il a déclaré parlant à son Père, à qui il dit : Père juste, le monde ne vous a point connu. Le Saint-Esprit l'avait déjà enseigné par ces paroles du Prophète Roi : Le Seigneur a jeté les yeux du haut du Ciel sur les enfants des hommes, pour voir s'il y en a quelqu'un qui connaisse Dieu et qui le cherche : ils se sont tous égarés. Il était dans le monde, écrit saint Jean l’Évangéliste ; et c'est lui qui a fait le monde, et le monde ne l'a pas connu. Oui même, après qu'il a été vu en la terre, selon la prédiction du Prophète Baruch, et qu'il a conversé avec les hommes, il est venu chez soi, car toute la terre lui appartient, et tous ceux qui l'habitent ; et les siens l'ont si peu connu, qu'ils ne l'ont pas reçu.
C'est bien ici qu'il faudrait répandre des torrents de larmes sur le malheur du monde, qui n'est pas, qui ne vit pas, qui ne marche pas seulement dans les ténèbres à l'égard des vérités de la Religion, des moyens du salut, des occasions de la damnation éternelle, à l'égard des illusions dont il est rempli, ce que nous avons déploré dans le Chapitre précédent ; mais à l'égard de Dieu même, et de son Fils Jésus-Christ. C'est pourquoi il ne faut pas s'étonner si nous avons dit que sa présence en toutes choses et sa divine providence lui étaient inconnues. Certainement le grand Apôtre prononce avec bien de la justice, qu'il est les ténèbres mêmes.
Voilà le dernier malheur du monde, et la cause de son malheur éternel. Car comme la connaissance de Dieu est absolument nécessaire pour arriver à notre fin, ce qui fait tout notre bonheur ; le défaut de cette connaissance, nous en mettant dans la privation, nous jette dans un mal infini. La vie éternelle consiste, dit notre divin Maître parlant à son Père, à vous connaître, vous qui êtes le seul dieu, et Jésus-Christ que vous avez envoyé ; et on ne peut parvenir à la vie éternelle sans cette connaissance. Il faut connaître Dieu, il faut connaître Jésus-Christ. Personne ne va à son Père que par lui ; et celui qui le voit, voit aussi son Père. Je suis, nous déclare-t-il, la lumière qui suis venu au monde ; afin que quiconque croit en moi, ne demeure pas dans les ténèbres. La plénitude de la véritable science consiste dans cette connaissance de Dieu et de son Fils Jésus-Christ : c'est ce que les Pères de l'Église enseignent. Ceux qui en sont plus divinement éclairés, ce sont les savants aux yeux de Dieu et de ses Anges. C'est ce qu'on appelle la science des Saints, que Dieu donne aux petits et humbles de cœur, aux personnes vraiment détachées d'elles-mêmes, du siècle, et de tout ce que le siècle estime ; dans laquelle il a rendu admirables des gens sans lettres, de simples femmes, pendant que cette science est cachée aux sages et aux prudents du monde. Nous avons connu un célèbre Docteur qui disait qu'il avait été longtemps sans connaître Dieu avec toute sa doctrine ; il voulait dire qu'il ne le connaissait pas par la science des Saints.
Or si c'est dans la connaissance de Dieu et de Jésus-Christ que consiste la vie éternelle, comme l'on n'en peut douter, on doit nécessairement convenir que c'est ce qui fait tout notre bonheur, et à même temps demeurer d'accord que son ignorance est la cause de tous nos maux. Et voilà le malheur, comme il a été déjà dit, et le très-grand malheur du monde, selon le témoignage que notre divin Maître en a rendu.
On aurait donc bien sujet d'aller crier de ville en ville, et de village en village, Au Dieu inconnu. Autrefois l'Apôtre l'a fait dans Athènes, le pays des savants du siècle, et au milieu d'un sénat, l'un des plus sages de la terre. Mais on peut le prêcher parmi le peuple Chrétien. On peut le crier, qu'il adore Dieu sans le connaître : car est-ce le connaître que de lui insulter jusque devant ses Autels où il réside corporellement, profanant la sainteté de ses Temples par les irrévérences que l'on y commet, s'y tenant en des situations peu modestes ? ce que l'on remarque assez communément, lorsque l'on s'assemble pour entendre les Sermons, dont il ne faut pas être surpris, si l'on en voit si peu d'effets, s'y préparant d'une si étrange manière. Est-ce le connaître, de n'avoir pas de honte de le traiter avec si peu de respect, et de n'oser ouvrir la bouche pour empêcher qu'il ne soit déshonoré de la sorte ? Ceux mêmes qui doivent élever leur voix, comme le son d'une trompette, pour me servir des expressions de l'Écriture, pour crier contre ces profanations, souvent demeurent muets, et quelquefois les commettent avec plus de hardiesse. Voici ce qu'on lit sur ce sujet dans les Sentences Chrétiennes et Cléricales de feu Monsieur Bourdoise Prêtre de la Communauté de saint Nicolas de Chardonnet, dont saint François de Sales a eu une si haute estime, et dont il se servait quand il allait prêcher dans Paris pour lui tenir compagnie. C'est lui qui parle dans ces Sentences que l'on a données au public. J'ai une fois en ma vie mis hors et chassé d'une Cathédrale cent treize causeurs en deux heures, et en aurais bien mis davantage, si le cent quatorzième qui se présenta, n'eût été un Prêtre Bénéficié de cette Église ; car alors je trouvai à qui parler, et là toute mon autorité et mon zèle furent trop courts. Là j'expérimentai qu'il n'y a rien à gagner aux Prêtres. Ces profanations, aussi bien que l'ignorance de Dieu nous ont obligés, assistés des miséricordes de notre bon Sauveur, et de la protection de son immaculée Mère Vierge, de donner au public deux Traités, dont l'un est de Dieu inconnu, et l'autre des horreurs des profanations des Églises.
Est-ce connaître Dieu, de faire si peu d'état de l'honneur qu'il nous fait, vermisseaux de terre que nous sommes, non seulement nous permettant de l'entretenir quand il nous plaît, mais nous y exhortant, qu'il semble que ce nous soit une peine de converser avec sa Majesté suradorable par l'oraison ; qu'une demi-heure que dure une Messe où il se trouve présent avec son sacré Corps et son précieux Sang, paraît un temps trop long, que l'on s'en ennuie. En userait-on de la sorte avec les Rois de la terre, s'ils permettaient de les entretenir, et de leur parler ? On passe la plupart des jours dans la conversation des viles créatures, on se plaint si l'on est seul, et dans leur privation ; et on crie contre la longueur d'une demi-heure s'il la faut donner à Dieu ; et encore comment la lui donne-t-on ?
Est-ce connaître Dieu, de négliger la divine Communion de son sacré corps ? Est-ce le croire ? Doute-t-on que tous les véritables trésors n'y soient renfermés ? Que ferait-on, si on avait le pouvoir de quelque trésor précieux d'or ou d'argent ? Mais il faut être dignement disposé pour participer à cette Communion vivifiante, il est vrai. Hé ! comment ne fait-on pas tout pour s'y préparer ? Je mourrai sans le pouvoir comprendre, comment il est possible de perdre une seule Communion par négligence ; je dis par négligence, puisque c'est se priver d'un trésor infini qui vaut mieux que le ciel et la terre.
Est-ce connaître Dieu, de lui préférer la créature, des voluptés criminelles aux plaisirs divins de son Paradis ; de lui préférer un peu d'or, d'argent, de biens temporels, des honneurs passagers : ce que fait tous les jours le monde par l'avarice, l'ambition, la vie sensuelle. En vérité c'est ne le pas connaître, de faire moins d'estime de sa possession, ou de sa perte, que des viles choses de la terre, pour lesquelles on s'embarrasse tant, ou pour les gagner, ou pour ne les pas perdre, et pour lesquelles on l'offense si criminellement.
Est-ce connaître Dieu, que de négliger ses divins intérêts, pendant que tout le monde est dans la recherche des siens propres, et des intérêts des autres créatures ? Les Intendants envoient des ordres pour les intérêts des Princes. On les exécute avec la dernière exactitude, et il est juste, et il le faut faire. Les mêmes Princes donnent des ordres pour punir les blasphémateurs, pour empêcher les profanations des Églises ; qui s'applique à leur exécution ? quelle attention y donnent les Magistrats et les autres Officiers ? Hélas ! à peine y pense-t-on. On blasphème, on profane la sainteté des Églises ; on n'y remédie point. Les plus pauvres, les gens de la plus basse condition trouvent des Avocats, des Procureurs qui plaident pour leurs intérêts : où sont les Avocats, les Procureurs qui plaident pour soutenir la cause d'un Dieu, qui entreprennent ses affaires ? Il est vrai, il y a les gens du Roi : où trouverons-nous les gens de Dieu ? Si l'on attaque les droits honorifiques, soit des Ecclésiastiques, soit des séculiers, on fait de grands et de longs procès. Chacun dit : Je suis obligé de garder mes droits. Ô mon Seigneur et mon Dieu, faites-nous penser et garder les vôtres. A la moindre nouvelle que l'on apprend que ces droits des créatures sont blessés, aussitôt on prend des mesures pour y remédier, pour en empêcher la continuation. On avertit, on sait mille et mille désordres que l'on commet contre la Majesté de Dieu ; ou l'on demeure comme insensible aux outrages de cette Majesté infinie, ou l'on s'y applique bien peu. On y fait peu de réflexion, on les oublie aisément ; ou les soins que l'on en prend, sont bien médiocres.
Après cela cessons de nous étonner si Dieu s'adresse même aux choses inanimées de ce qu'il n'est point connu, et par son peuple qu'il a élevé et nourri comme son enfant, et qu'il a comblé de ses bienfaits. Cieux, écoutez, dit-il par le Prophète Isaïe ; et toi terre, prête l'oreille. C'est de la sorte qu'il parle à ce qui n'a pas de sentiment, pour faire connaître aux hommes leur aveuglement. Il ajoute : Le bœuf connaît celui à qui il est, et l'âne l'étable de son maître ; mais Israël ne m'a pas connu, et mon peuple a été sans entendement. Dieu fait encore le même reproche par le Prophète Jérémie, dans lequel il appelle pour témoins de la perfidie de son peuple, les oiseaux du ciel. Moïse animé de son saint Esprit, appelle en témoignage le ciel et la terre. On peut remarquer ici que les ténèbres du pécheur son bien épaisses, la dureté de son cœur bien étrange, son insensibilité bien extrême, puisque Dieu s'en plaint même à ce qui et dépourvu d'intelligence.
Le saint Prophète Roi a dit de lui, qu'il a imité les bêtes qui sont sans raison, et qu'il leur est devenu semblable. Et lui parlant il s'écrie : Ne devenez pas comme le cheval et le mulet qui sont sans raison. Mais il est encore au dessous des bêtes, et plus stupide, puisque le bœuf et l'âne connaissent leur maître ; car ils les servent, et leur obéissent comme ils veulent, quoiqu'entre les animaux ils soient les plus stupides. C'est ce que remarque Saint Jérôme, qui pense que Dieu s'en sert pour ce sujet.
Mais puisque Dieu veut bien se servir de la comparaison de ces animaux, voici une chose assez surprenante à cet égard, et rapportée par une personne qui l'a vue, et qui en a été le témoin oculaire. Un esclave s'étant enfui de Rome, et s'étant caché dans une solitude, y rencontra un lion à qui il ôta une épine qui lui perçait le pied. A quelque temps de là cet esclave étant repris, il fut condamné à la mort, et exposé aux lions dans l'amphithéâtre de Rome selon la coutume de ce temps-là. Or il arriva que le lion qu'on lui lâcha pour le dévorer, était celui à qui il avait tiré l'épine du pied, et que l'on avait pris et enfermé avec les autres pour le supplice des criminels. Ce fut un spectacle bien surprenant à toute le peuple Romain assemblé dans l'amphithéâtre ; car à la vue de ce misérable esclave qui était presque déjà sans sentiment dans la crainte de la mort qui l'avait saisi, le lion qui le reconnut s'arrêta quelque temps comme immobile, et ensuite s'approchant de lui il commença à le flatter de sa queue comme les chiens font ordinairement, et à le lécher avec sa langue. Pour lors il se fit de grands cris d'une exclamation générale de tout le peuple étonné : on crie la liberté de l'esclave, et on l'obtient. L'Empereur même voulant savoir la cause d'un événement si singulier, l'apprit de la bouche de l'esclave ; ensuite on laissa le lion libre aussi bien que l'esclave, qui le conduisant comme un chien après lui dans les rues, on jetait des fleurs à pleine main sur le lion.
Que cet exemple est pressant ! Un lion a tant de reconnaissance pour un homme qui lui a tiré une épine du pied ; et nous qui devons tout à Dieu, et qui nous a délivrés de l'enfer, bien loin de reconnaître sa bonté infinie, nous le crucifions derechef, pour parler avec l'Apôtre, nous rendant coupables de sa mort par nos péchés qui en sont la cause. Saint Antoine de Padoue, pour convertir un hérétique, fit reconnaître la présence du sauveur en la sainte Hostie, d'une manière miraculeuse, par un cheval, qu'on avait laissé un temps considérable sans manger, et à qui présentant de l'avoine devant le très-saint Sacrement de l'Autel, il n'y toucha point, et la laissa pour se tenir en la manière qu'il pouvait en respect devant ce Sacrement adorable. Saint François d'Assise avait un agneau qui fléchissait les genoux, lorsqu'on les levait au très saint Sacrifice de la Messe. Malheur au monde, à la nation pécheresse, à la race corrompue des hommes qui ont si peu de respect pour ce Dieu caché en la divine Eucharistie.
A ces vues, ou il faut renoncer à avoir plus de cœur, ou il faut qu'il ne respire plus que pour le divin amour. Ah, que nous avons bien d'autres sujets que les anciens Prophètes de nous adresser aux Cieux et à la Terre, d'appeler à témoins les animaux en témoignage de ce que les hommes ni ne connaissent Dieu, ni ne l'aiment. Dieu ne nous élève plus, il ne nous nourrit plus d'une manne faite par le ministère des Anges, mais de son propre corps, de son propre sang, après qu'il s'est immolé sur une croix pour nous, et nous a donné jusqu'à la dernière goutte de son sang. Écoutez, pierres ; écoutez, rochers, vous avez bien amolli votre dureté, vous vous êtes bien brisés, lorsque cet aimable Sauveur a souffert. Ah, ce n'était pas pour vous, c'était pour les hommes, ces ingrats qui sont toujours insensibles à ses bienfaits. Tous les éléments, dit saint Grégoire, ont connu ce Dieu Sauveur en leur manière : les cieux par la nouvelle étoile qui a paru, la mer qui a obéi à sa voix, la terre qui a tremblé à sa mort, le soleil qui s'est éclipsé, les pierres qui se sont brisées, la mort par la résurrection de ceux qui étaient privés de vie. Et après cela le monde ne le connaît point.
Ici S. Bernard s'écrie : Que devons-nous donc faire pour le connaître ? Il répond : Nous avons plus besoin d'un cœur contrit et humilié, que de beaucoup d'étude. Nous avons plus besoin de soupirer et de pleurer, que de raisonner et d'étudier, de l'oraison que de la lecture. Il faut donner plus de temps à la contemplation des choses célestes, qu'à l'occupation des choses de la terre. Approchez-vous de Dieu, dit le Psalmiste, et soyez éclairés.
Que l'homme ne cherche point d'excuse dans son ignorance. Les hommes ont toujours été sans excuse, nous enseigne l'Apôtre aux Romains ; car par la connaissance que les créatures de ce monde ont des choses qui ont été faites, ce qui est invisible en Dieu, leur devient visible, même sa puissance éternelle et sa divinité. Il parle des Infidèles, qu'il appelle les créatures de ce monde, à la différence des Chrétiens qui sont appelés dans l’Écriture, la nouvelle créature. Le Saint-Esprit nous révèle que la lumière véritable éclaire tout homme venant en ce monde ; c'est-à-dire, tout homme capable de lumière, lorsque la raison est assez forte en son âme, pour être digne ou de punition, ou de gloire ; Dieu l'éclaire intérieurement et l'échauffe, en sorte que s'il ne manque pas à cette première grâce, il l'augmente et accomplit son œuvre, lorsque le jugement lui est venu à une juste maturité, et qu'il est obligé de se convertir à Dieu.
Mais entre tous les hommes, les Chrétiens qui connaissent et qui aiment peu Dieu, seront plus châtiés : car ils sont ce peuple qui marchait dans les ténèbres, et qui a vu une grande lumière, sur qui le jour s'est levé lorsqu'il habitait dans la région de l'ombre de la mort, à qui la lumière a été aussi claire que le soleil en plein midi. C'est le sujet de leur condamnation, comme nous le dit l’Évangile ; car ils ont aimé mieux les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Car quiconque fait mal, hait la lumière, et il ne se présente point à la lumière, de peur qu'il ne soit repris de ses œuvres.

(Extrait de Le malheur du Monde, par M. Henri-Marie Boudon)


Reportez-vous à Le malheur du Monde dans ses richesses, Le malheur du Monde dans les ténèbres, Ce que l'on entend par le Monde, Aveuglement de l'homme, Du vrai Religieux, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie mixte, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'homme intérieur, par le R.-P. Jean-Joseph SurinCe qui s'est observé dans un Ordre Religieux durant le premier siècle depuis son établissement, doit être regardé comme meilleur que tout ce qu'on peut inventer dans la suite, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Sur les trois mots qui furent dits à saint Arsène : Fuyez, taisez-vous, reposez-vous, Instruction sur les Conseils évangéliquesDu mondeMéditation sur les dangers du mondeMéditation sur l'amour de la retraiteMéditation sur les moyens de se sanctifier dans le mondeMéditation sur le détachement des biens de ce monde, Litanie pour se détacher des biens de ce monde, Méditation sur la gloire du monde, Méditation sur les obstacles que le monde oppose à notre salut, Méditation sur le renoncement au monde, Méditation sur deux règles qu'un Chrétien doit toujours observer pour faire son salut dans le monde, Méditation sur les affaires du monde comparées à celles du salut, Méditation sur l'affaire du salut, Que faut-il pour connaître sa vocation ? Premièrement, consulter Dieu, Que faut-il pour connaître sa vocation ? Deuxièmement, consultez-vous, vous-même, Que faut-il considérer dans le choix de la vocation ?, Quelle est ma vocation ?, Prière pour demander la grâce de connaître et d'accomplir la volonté de Dieu, Prière pour la vocation, Prière à Marie pour connaître sa vocation, Prière à Saint Joseph pour lui demander la grâce de connaître sa vocation, N'embrassez un état que par des motifs dignes d'une Chrétienne, En quelque état que vous soyez, rendez respectable, par vos sentiments et votre conduite, votre titre de Chrétienne, et Méditation sur ce qu'un Chrétien doit penser des richesses et des grandeurs du monde.