jeudi 20 août 2020

De la paix de l'âme

 

 
Une paix abondante est le partage de ceux qui chérissent votre loi. (Ps. 118)

Pour avoir cette paix abondante dont parle David, il ne suffit pas d'observer la loi de Dieu, il faut aimer et chérir cette loi. L'observer par la crainte de se perdre en la transgressant ; l'observer même parce que notre salut est attaché à son observation, c'est regarder moins à Dieu qu'à son propre intérêt ; c'est être fidèle à la loi en esclave et en mercenaire. Dans une telle disposition, qui est la plus commune parmi les chrétiens, il ne faut pas s'attendre à cette paix pleine et abondante, qui n'est promise qu'à ceux qui observent la loi par esprit d'amour. Cet esprit d'amour qui n'appartient qu'aux enfants, leur apprend à regarder Dieu comme leur père, sa loi comme un joug infiniment doux, sa gloire et l'accomplissement de sa volonté comme le premier de leurs désirs ; le bonheur de lui plaire comme leur plus grand avantage. Cette disposition n'exclut ni la crainte de l'enfer, ni le désir du paradis ; mais elle s'élève au-dessus de tout intérêt propre, et elle sert Dieu par des motifs plus parfaits, qui nous sont proposés dans l'Oraison dominicale.
Dès qu'une âme, par un généreux effort d'amour, et par une fidèle correspondance à l'attrait de la grâce, s'est déterminée à ne rien refuser à Dieu, et qu'elle s'est donnée à lui pour être tout ce qu'il lui plaira dans le temps et l'éternité ; dès ce moment Dieu verse en elle une paix ineffable, une paix qu'elle n'avait jamais goûtée jusqu'alors, une paix qui la remplit et lui inspire un profond mépris pour toutes les choses d'ici-bas. Cette paix est l'effet de la présence de Dieu dans le cœur, et tant que l'on conserve cette précieuse paix, on est assuré de se maintenir aussi dans la présence de Dieu. Cette paix est notre consolation, notre force, notre conseil ; elle est le principe de notre avancement. Plus elle devient intime, inébranlable, inaccessible à tout ce qui peut la troubler, plus nous croissons en perfection, en sorte que le comble de cette paix et le comble de la perfection, c'est la même chose.
Tout le secret consiste donc à conserver et à augmenter cette paix parmi toutes les variétés de la vie spirituelle. Voici quelques règles pour cela.
La première est de jouir de cette paix comme de la santé, sans y faire attention. Si quelqu'un était sans cesse à se tâter le pouls pour voir s'il n'est pas malade, il ne tarderait pas à le devenir. On s'exposerait de même à perdre la paix de l'âme, par une attention trop suivie à remarquer si on la possède. On confond quelquefois la paix avec le sentiment de la paix, et l'on croit ne l'avoir plus parce qu'on ne le sent plus. C'est une erreur. Dans les commencements la paix est accompagnée d'un sentiment délicieux, parce qu'on passe alors à un état qu'on n'avait pas encore éprouvé. Mais avec le temps et par l'habitude ce sentiment diminue ; on le perd même à la fin entièrement sans que la paix souffre pour cela aucune altération réelle. Au contraire, elle n'en est que plus solide et plus parfaite. C'est ainsi qu'un malade, lorsqu'il entre en convalescence, sent les forces et la santé lui revenir. Mais il ne sent plus rien lorsqu'il est parfaitement rétabli. Il ne faut donc pas regretter le sentiment de la paix, non plus qu'on ne regrette le sentiment de la santé au sortir de la convalescence.
La seconde est de faire toutes ses actions avec simplicité, sans trop réfléchir dessus ni en les faisant, ni après les avoir faites. Tout examen inquiet est contraire à la paix. Tant que la conscience ne reproche rien, il est inutile de l'interroger ; il faut seulement être attentif quand elle parle, et y avoir égard. Mais lorsqu'elle se tait, pourquoi se dire sans cesse à soi-même : Ai je bien fait ? ai je mal fait ? ai-je bonne ou mauvaise intention ? Tout cela ne sert qu'à entortiller l'esprit, et à le jeter dans la perplexité.
Troisième règle : toute pensée, toute crainte qui est vague, générale, sans objet fixe et déterminé, ne vient pas de Dieu, ni de la conscience, mais de l'imagination. On craint de n'avoir pas tout dit à confesse ; on craint de s'être mal expliqué ; on craint de n'avoir pas eu une véritable contrition ; on craint de n'avoir pas apporté les dispositions nécessaires à la communion, et ainsi de mille autres craintes vagues, sur lesquelles on se fatigue et l'on se tourmente. Tout cela ne vient pas de Dieu. Quand il fait quelques reproches à l'âme, ses reproches ont toujours un objet clair, précis et déterminé. Il faut donc mépriser ces sortes de craintes, et passer hardiment par-dessus.
Quatrième règle : Dieu ne trouble jamais une âme qui veut sincèrement aller à lui. Il l'avertit ; il la reprend même avec force ; mais il ne la trouble point ; elle voit sa faute, elle s'en repent, elle la répare, le tout paisiblement. Si cette âme est troublée, son trouble vient donc toujours ou d'elle-même, ou du démon ; et elle doit faire tout ce qui dépend d'elle pour s'en délivrer.
Cinquième règle : il ne faut absolument rien changer à sa conduite ordinaire, tandis qu'on est dans le trouble. Ainsi la communion, l'oraison, les lectures et les autres exercices doivent toujours aller leur train. Alors la paix reviendra infailliblement, et le démon n'aura rien obtenu de ce qu'il prétendait.
Enfin, la grande règle est de suivre l'obéissance, et de ne jamais se permettre rien contre la volonté bien connue du directeur. Quand on a eu lieu une fois de se convaincre que ce directeur nous conduit et se conduit lui-même selon l'esprit de Dieu, il n'y a plus d'autre parti à prendre que de s'en tenir à ses décisions, comme si elles sortaient de la bouche de Dieu même. Dieu ne manque jamais de donner, et pendant un assez longtemps, des preuves qui rassurent l'âme sur les lumières et la sagesse de son guide. Après qu'on a eu ces preuves, c'est manquer à Dieu même que d'hésiter et de se livrer à des doutes et à des appréhensions.
La paix se maintient donc par une grande fidélité à écouter Dieu, à écouter son directeur, et à ne point écouter l'amour-propre ni l'imagination.
Il ne faut jamais perdre sa paix pour les fautes dans lesquelles on tombe. On doit s'en humilier devant Dieu, s'en repentir, les réparer, s'il y a lieu, et n'y plus songer. C'est amour-propre de se troubler sous prétexte qu'on est toujours le même, qu'on ne se corrige pas, qu'on n'a fait aucun progrès dans la vertu. On se trompe de prendre ces sentiments pour de l'humilité. L'âme humble ne se trouble jamais de ses chutes.


(Extrait du Manuel des âmes intérieures)


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