Abrégé de la pratique de la perfection chrétienne du R.P. Alphonse Rodriguez, Extrait :
Où il est parlé plus amplement de la droiture et de la pureté d'intention que nous devons avoir en toutes nos actions.
On a coutume de donner à ceux qui s'emploient au salut du prochain, un très-bon avis touchant la manière dont ils doivent se comporter dans les fonctions qu'ils exercent ; avis qui est tiré de la doctrine des Pères, et qui peut encore servir à nous montrer combien notre intention doit être épurée en toutes choses, et avec quel détachement et quelle simplicité nous devons chercher Dieu en tout. Voici quel est cet avis : Quand vous entreprenez, disent-ils, quelque chose dont il peut résulter quelque avantage spirituel au prochain, que ce ne soit pas le bon succès de votre entreprise qui vous fasse principalement agir, mais le seul accomplissement de la volonté de Dieu. Ainsi quand nous confessons, quand nous prêchons, quand nous enseignons, nous ne devons point avoir principalement en vue la conversion, l'amendement, et le bien spirituel de notre prochain, mais nous devons envisager en cela la volonté de Dieu, et nous en acquitter le mieux que nous pourrons par le seul désir de lui plaire. Après quoi, que ce que nous faisons, réussisse ; que l'un s'amende par nos remontrances, et que l'autre tire quelque fruit de nos instructions, c'est l'affaire de Dieu et non pas la nôtre : J'ai planté, dit l'Apôtre (1 Cor. 3, 6), Apollon a arrosé, mais Dieu a donné l'accroissement. Ce que nous pouvons faire, c'est de planter et d'arroser comme le jardinier ; car ce n'est qu'à Dieu qu'il appartient de donner l'accroissement aux plantes, et de faire porter du fruit aux arbres que nous sommes chargés de cultiver. Le fruit des âmes, c'est-à-dire, leur conversion, leur amendement, et leur progrès dans la vertu, tout cela ne peut venir que de Dieu ; et ce n'est point de ce fruit que dépendent le mérite et la perfection de nos actions. Voilà, quelle est la pureté d'intention que nous devons essayer d'avoir ; et par ce moyen nous pourrons parvenir à jouir d'une paix et d'une tranquillité profonde. Quelque chose qui arrive, quelque contradiction que nous ayons à essuyer, quelque peu de succès que nous ayons dans les travaux du ministère, nous n'en serons point troublés, puisque la fin que nous nous serons proposée dans nos entreprises n'aura point été d'y réussir ; mais uniquement d'accomplir la volonté de Dieu, et de faire de notre mieux, dans la seule vue de lui plaire.
Ce n'est pas la valeur de l'offrande, dit Salvien, mais c'est l'affection avec laquelle on la fait, qui la rend agréable à Dieu. Il ne regarde pas combien on lui donne, dit Saint Grégoire, mais avec quel esprit on lui donne : il n'estime les présents que par le cœur ; ainsi on peut faire moins de choses qu'un autre, et lui plaire néanmoins davantage, si on agit avec une plus grande étendue de charité. Quelque service qu'on puisse rendre à Dieu, il ne peut être d'aucun prix à ses yeux que par l'étendue de notre amour, et c'est en quoi il fait éclater sa grandeur. Car, comme il n'a aucun besoin de nos biens, et que nous ne saurions rien ajouter à son bonheur, nos meilleures actions ne peuvent le rendre ni plus heureux ni plus parfait : ce qu'il demande de nous, c'est que nous l'aimions, et que nous fassions de notre mieux pour lui plaire. Nous en avons un exemple bien sensible dans les deux deniers qu'offrait cette veuve de l'Évangile. Le Fils de Dieu s'était arrêté dans le temple auprès du coffre ou du tronc qui était destiné pour recevoir les aumônes. Les pharisiens et les gens riches y mettaient beaucoup d'argent ; et une pauvre veuve s'étant avancée y mit deux deniers. Le Sauveur se tournant alors vers ses disciples : En vérité, leur dit-il (Marc 12, 43 et 44), je vous assure que cette pauvre veuve a plus donné que tous les autres : ils n'ont rien donné que de leur superflu ; mais pour elle, malgré son extrême pauvreté, elle a donné tout ce qu'elle avait, sans même se réserver rien pour vivre. C'est ainsi que Dieu juge de nos actions.
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