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jeudi 1 octobre 2020

De l'abandon




Mon Père, je remets mon esprit entre vos mains. (Jésus-Christ)


Jésus-Christ a fait cet acte d'abandon lorsqu'il était abandonné de son Père, traité de lui comme une victime chargée des péchés de tout l'univers, comme un objet de malédiction ; lorsqu'il éprouvait à la fois au dedans toutes les rigueurs de la justice divine, et au-dehors tous les tourments, toutes les ignominies que la rage de ses ennemis pouvait inventer ; lorsqu'on tournait en dérision sa sainteté, ses miracles, ses prophéties, sa qualité de roi et de Messie ; lorsque, de ses Apôtres, l'un l'avait trahi, l'autre renoncé, tous abandonné ; lorsque nu et pauvre, n'ayant absolument plus rien sur la terre, pas même sa sainte mère qu'il avait remise entre les mains de saint Jean, il était prêt à rendre en croix le dernier soupir. Ce fut alors que, recueillant toutes ses forces et tout son amour, acceptant de grand cœur tout ce qu'il souffrait dans l'âme et dans le corps de la part de Dieu et des hommes, destitué de tout appui, de toute consolation, il prononça ces grandes paroles : Mon Père, je remets mon esprit entre vos mains. Cette âme qui épuise à ce moment tous les fléaux de votre colère, cette âme qui est le rebut du ciel et de la terre, je la remets, je la sacrifie, je la perds entre vos mains.
Il n'est pas permis de douter que cet acte ne fût l'expression de l'amour le plus pur et le plus désintéressé. L'amour pur n'est pas, dans l'âme fidèle, séparé de la foi ni de l'espérance ; au contraire, il perfectionne l'une et l'autre. On n'en a pas le sentiment ni même la perception ; mais on en a la réalité dans le degré le plus sublime. C'est une erreur de penser que la charité, lorsqu'elle est à son comble ici-bas, détruise ou affaiblisse les deux autres vertus théologales, et c'est calomnier les partisans de la vie intérieure, de les accuser de cette erreur et de leur imputer l'abominable hérésie du quiétisme, lorsqu'ils enseignent que le comble de la perfection est de servir Dieu sans aucune vue d'intérêt, soit pour le temps, soit pour l'éternité.
Mais il est certain, par la doctrine et par l'expérience des Saints, que l'homme, aidé de la grâce, peut en quelque sorte imiter Jésus-Christ dans cet abandon. Il est certain que Dieu peut mettre une âme, et qu'il en a mis plusieurs à une pareille épreuve, et qu'il les a conduites par degrés jusqu'à lui faire le sacrifice des plus chers intérêts de son âme. J'avoue qu'on ne peut pas faire un tel sacrifice avec la grâce ordinaire, et qu'il faut avoir passé auparavant par des états très-relevés et très-purifiants, où personne ne peut se mettre de soi-même, et dont ce sacrifice est la consommation. Dieu seul par sa grâce extraordinaire peut faire entrer une âme dans cet état et la conduire par la main jusqu'au terme. Il n'y a point d'illusion à craindre par rapport à ces états, parce que la nature a en horreur, comme de sa destruction, ces sortes d'états ; et il est impossible de les imaginer ni de les feindre ; car ceux qui y sont réellement, ignorent habituellement qu'ils y sont ; ils marchent à tâton dans les ténèbres de la foi ; ils acceptent ces états par la partie supérieure de leur âme, mais la partie inférieure souffre les combats les plus violents ; elle rejette bien loin d'elle la souffrance, et elle est assurément bien éloignée de s'y complaire. S'il arrive que de telles âmes soient persécutées, ce ne peut être que par des gens qui n'ont nulle expérience, nulle connaissance de ces états ; et l'on ne saurait apporter trop de précautions, trop se défier de son propre esprit, trop invoquer Dieu lorsqu'il s'agit de prononcer sur cette matière.
Quand Dieu veut faire entrer une âme dans cette voie, il la porte d'abord à se donner tout à fait à lui. Il la met ensuite dans le recueillement passif et dans un état habituel d'oraison. Il lui donne du goût pour les livres qui traitent de la vie intérieure, et lui en communique une intelligence proportionnée à ses vues sur elle. Quelquefois aussi il l'éclaire par lui-même sans les secours des livres. Il a soin surtout de la mettre sous la direction d'un guide convenable et propre à l'avancer ; et il inspire à cette âme une docilité, une obéissance non communes.
Il l'exerce ensuite par degrés ; il la fait passer de renoncement en renoncement, d'épreuves en épreuves, qui deviennent de plus en plus intérieures et spirituelles. Il y joint aussi différents genres de tentations, soit de la part du démon, soit de la part des hommes. En même temps il l'aveugle sur elle-même et sur ses dispositions intimes ; elle ne sait plus où elle en est, si elle aime Dieu, si elle en est aimée ; elle croit l'offenser à chaque action ; elle prend son insensibilité pour endurcissement, l'éloignement apparent de Dieu pour un commencement de réprobation ; ce qui lui cause des tourments et des révoltes inexprimables. On essaye en vain de la rassurer, de la tranquilliser ; tous les raisonnements ne font sur elle aucune impression. Dieu la conduit ainsi de précipice en précipice, jusqu'à ce qu'enfin il la mette sur le bord du grand abîme, et l'engage à s'y jeter par un abandon généreux. Il la laisse quelque temps dans cet abîme ; après quoi il l'en retire et lui donne alors une vie nouvelle et glorieuse.
Tout ceci est une énigme, un mystère pour quiconque n'est pas éclairé d'une lumière surnaturelle. Il ne s'agit pas de traiter ces états de chimère, ni ceux qui y sont, de cerveaux dérangés, mais il faut respecter ce qu'on ignore, et du moins s'abstenir de prononcer.
Quant aux âmes qui ont quelque sujet de croire que Dieu les appelle à cet abandon, qu'elles ne s'effrayent pas, sous prétexte que cela passe leurs forces présentes, que ce sacrifice leur fait horreur, et qu'elles ne peuvent même en soutenir la pensée. C'est bien ici qu'il faut dire que ce qui est impossible aux hommes est possible et facile à Dieu. Il prépare l'âme ; il change intérieurement ses dispositions ; il l'épure et la dégage peu à peu de l'amour-propre ; il lui inspire une sainte haine d'elle-même, jusqu'à la convaincre qu'elle est véritablement digne de réprobation.
Tout cela est vrai ; il n'y a ni illusion, ni quiétisme à le croire, et encore moins à l'éprouver. Cet acte est le comble de la perfection pour la créature. Il est visible qu'il ne faut rien, absolument rien refuser à Dieu, pour qu'il puisse nous conduire jusque-là ; qu'il faut donner tout, nous détacher de tout, nous laisser arracher tout. Que peut-on trouver de dangereux dans une voie si parfaite.


(Extrait du Manuel des âmes intérieures)


Reportez-vous à En vain chercherait-on le repos hors de Dieu ; il n'est et ne peut être qu'en Dieu seulSur ces paroles : Vous avez tiré votre parfaite louange de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle, De la simplicité, Sur le Crucifix, L'intérieur de Jésus-Christ, Sur Jésus-Christ, La crèche, L'intérieur de Marie, De l'amour pur, De la jalousie de Dieu, De l'enfance spirituelle, De la lumière divine, Vérités fondamentales touchant la vie intérieure, De la paix de l'âme, De la vie de l'âme, Du repos en Dieu, Sur l'Amour de Dieu, De la confiance en Dieu, De la prière continuelle, Dieu seul, Sur les réflexions dans l'oraison, De la pensée de l'éternité, Sur la pensée de la mort, Sur les paroles du Psaume LXXXll : Je suis devenu, en votre présence, comme une bête de somme, et je suis toujours avec vous, Marthe et Marie, De la pureté d'intention, Le prix d'une âme, De la Providence de Dieu sur ses enfants, De la générosité, De l'anéantissement, Du moi humain, Conduite à tenir à l'égard des tentations, De la violence qu'il faut se faire à soi-même, Des tentations, Du directeur, Du cœur humain, Du monde, Faiblesse et corruption du cœur humain, Aveuglement de l'homme, Remèdes à l'amour-propre, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'amour du prochain, De l'esprit de Foi, De la fidélité aux petites choses, Sur les trois mots qui furent dits à saint Arsène : Fuyez, taisez-vous, reposez-vous, De l'emploi du temps, Ce que Dieu nous demande, et ce qu'il faut demander à Dieu, Commerce : Image de la vie spirituelle, De la liberté des enfants de Dieu, Instruction sur la Grâce, Instruction sur la Prière, Sur la sainteté, De la Crainte de Dieu, Conduite de Dieu sur l'âme, Moyens d'acquérir l'amour de Dieu, Quels moyens prendrez-vous pour acquérir, conserver et augmenter en vous l'amour de Dieu ?, Litanies de l'amour de DieuSoupir d'amour vers Jésus, Prière de Sainte Gertrude, Élan d'amour, Prière, Acte d'amour parfait, de Sainte Thérèse d'Avila, Prière de Saint Augustin, pour demander l'amour divin, Motifs et marques de l'amour de Dieu, De l'amour parfait, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Se conformer en tout à la volonté de Dieu, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Instruction sur la Charité, Méditation sur l'excellence de la Charité, Prière pour demander la charité, De la force en soi-même et de la force en Dieu, De la consommation en la Grâce, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Sur la croix, De la Simplicité, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la véritable Sagesse, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des Vertus, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'Union avec Jésus-Christ, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Le Paradis de la Terre, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la paix du cœur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la véritable Sagesse, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Avis important pour ceux qui ont des peines d'esprit, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Sur la vie nouvelle en Jésus-Christ, De l'activité naturelle, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie parfaite, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la Mortification, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des moyens de parvenir à la vraie et solide vertu, Idée de la vraie Vertu, De la vraie et solide dévotion, Degrés des vertus qu'on se propose d'acquérir, Pour bien faire l'oraison et pour en tirer le fruit qu'on a lieu d'en attendre, En quelque état que vous soyez, rendez respectable, par vos sentiments et votre conduite, votre titre de Chrétienne, En quoi consiste l'exercice de la présence de Dieu, De la doctrine de Jésus-Christ, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, et Des Conseils Évangéliques, par le R.-P. Jean-Joseph Surin.












 

lundi 21 septembre 2020

Comment Saint Jean-François Régis fuyait les honneurs



Aussitôt que Régis eut fini son cours de philosophie, c'était en 1621, ses supérieurs l'envoyèrent d'abord à Billom, puis à Auch, et enfin au Puy, pour y enseigner les belles-lettres. Ce fut en l'an 1625 qu'il se rendit au Puy, où il s'acquitta de ce nouvel emploi avec toute la perfection que demandait l'institut de la compagnie.
Il regardait sa classe comme une carrière où Dieu l'avait conduit, et qui demandait toute son application ; et persuadé qu'il ne pouvait rien faire de plus agréable à Dieu, ni de plus utile au public, que de former à la piété et dans les sciences les jeunes élèves que le Ciel lui avait confiés, il faisait tout céder à ce devoir. Un de ses amis lui remontra un jour qu'il devait mieux ménager son temps, et ne pas prodiguer en faveur de ses écoliers un loisir dont il pouvait se servir pour avancer lui-même dans des sciences qui lui feraient plus d'honneur. Ce conseil n'était pas assez épuré des sentiments de l'amour-propre, pour être du goût de Régis ; il n'en avait que pour les occupations auxquelles l'obéissance l'appliquait ; et il avoua à son ami que pourvu qu'il accomplît ce que le Seigneur demandait de lui, il comptait pour rien la honte de passer pour ignorant.

(Extrait de La Vie de Saint François Régis, par le R.-P. Daubendon)


Reportez-vous à Apprenez de votre bon Ange la science du salut, Confiance de Saint Jean-François Régis en la protection de son Ange gardien et Saint Pie X, ni noble ni Docteur en théologie.













vendredi 28 août 2020

De l'amour pur

 


L'amour pur est l'amour de Dieu non mélangé d'amour-propre. Ainsi, par quelque motif que soit produit un acte d'amour, soit par le motif de l'infinie perfection de Dieu, soit par le motif de l'espérance, soit par celui de la reconnaissance, cet acte est pur, dès qu'il n'est point souillé par l'amour-propre. Dieu seul connaît si nous l'aimons sincèrement et purement. Il a jugé à propos que nous n'eussions là-dessus aucune assurance, et cela pour notre bien, pour nous maintenir dans l'humilité et dans la confiance en lui.
L'amour-propre est donc l'ennemi de l'amour pur, ces deux amours ne peuvent subsister ensemble : l'un exclut nécessairement l'autre. Mais qu'est-ce que l'amour-propre ? C'est un amour de nous-mêmes, qui se rapporte et se termine à nous, et dont Dieu n'est pas la dernière fin. Cet amour-propre a lieu dans les choses spirituelles, quand on aime la vertu, les dons de Dieu, la sainteté de Dieu, Dieu lui-même par rapport à soi, au goût qu'on y trouve, à l'avantage qui en revient : en un mot, quand on s'établit centre de ses affections et de leurs objets ; lorsque cet amour se porte à des objets défendus, c'est un péché mortel ; il n'est que péché véniel ou imperfection, lorsqu'il s'attache à des objets bons et saints en eux-mêmes, et qu'il conserve d'ailleurs à Dieu la préférence qui lui est due pour lui-même, parce qu'alors le désordre n'est pas dans le fond et dans l'essence de l'amour, mais dans la manière dont on aime.
L'amour de Dieu est toujours infiniment pur dans sa source, qui n'est autre que Dieu lui-même. Il est pur, quoiqu'en différents degrés, dans les Anges et dans les bienheureux. C'est une chose indubitable que l'amour-propre n'entre point dans le ciel ; il faut que le cœur en soit purifié, soit dans cette vie, soit dans le purgatoire.
Comme la marche ordinaire de la grâce est de nous attirer à Dieu par une certaine douceur et par des goûts sensibles, le saint amour dans les commençants et toujours mélangé d'amour-propre ; et Dieu ne s'offense point de ce mélange, qui est une suite nécessaire de notre misère. Il se sert même de cet amour-propre, pour nous détacher des choses de la terre, et nous donner du goût pour celles du ciel ; il s'en sert pour nous faire faire dans ces commencements quantité de sacrifices que nous ne ferions pas autrement. C'est bien l'amour de Dieu qui nous porte à ces détachements et à ces sacrifices, à la pratique de la mortification et de l'oraison ; mais si l'amour-propre n'y trouvait point quelque pâture qui lui semble délicieuse et supérieure à tous les plaisirs de la terre, jamais on n'embrasserait la vie intérieure.
L'amour des commençants n'est donc pas pur, et, dans les règles ordinaires, il ne peut ni ne doit l'être. Mais peu à peu Dieu purifie cet amour de son côté ; et il apprend à l'âme à le purifier du sien. Dieu soustrait par intervalles, et pour un temps, les consolations : on est sec et distrait à l'oraison, à la communion ; les goûts, les élans, les transports affectueux deviennent plus rares, et durent moins de temps. L'âme d'abord se désole ; elle croit que Dieu l'abandonne ; elle est tentée de tout quitter. Si, en effet, elle quittait tout, ce serait une preuve qu'elle est mercenaire, qu'elle n'aime et qu'elle ne cherche qu'elle-même dans la dévotion. Mais si elle est fidèle dans le temps de sécheresse, si elle ne se relâche sur rien, si elle donne à Dieu avec la même générosité tout ce qu'il lui demande, elle commence dès lors à aimer Dieu pour lui-même, et non à cause de ses dons. Telles sont les premières purifications de l'amour.
Après des alternatives plus ou moins longues de consolations et de sécheresses, si l'âme est grande et généreuse, Dieu retire tout à fait le sensible, et ne lui fait goûter son amour que très-rarement, et par instants. L'amour ainsi dépouillé et nu devient plus pur et plus simple. L'âme ne sent plus qu'elle aime ni qu'elle est aimée ; elle ne s'en aperçoit plus ; elle n'y réfléchit plus. Elle aime pourtant et plus fortement que jamais ; mais sans retour sur elle-même, l'amour propre ne trouve plus à quoi s'attacher. La créature disparaît et laisse à Dieu le cœur tout entier. Dans cet état on ne produit guère d'actes formels ; mais on est dans un exercice simple et continuel d'amour. La preuve qu'on aime n'est plus dans le sentiment, mais dans l'oubli de soi-même ; on ne rentre plus dans son intérieur pour voir ce qui s'y passe, ni pour en jouir ; mais on s'éloigne toujours de plus en plus de soi pour s'enfoncer et se perdre en Dieu.
Ce ne sont pourtant pas encore là les grandes purifications de l'amour. Elles se font : 1° par les tentations, qui paraissent détruire en nous les vertus, et qui, en effet, les affermissent et les perfectionnent. Tentations contre la pureté, tentations contre la foi, tentations contre l'espérance, tentations contre la charité du prochain, tentations d'impiété et de blasphème, soulèvement de toutes les passions. Tout cela se passe dans les dehors de l'âme ; son fond n'en est pas altéré ; mais elle n'en sait rien ; elle croit y consentir ; et, quoiqu'on la rassure, elle conserve toujours une certaine crainte d'avoir péché. La voilà donc investie, couverte, pénétrée de sa misère ; elle ne voit en elle qu'ordure et corruption ; elle est bien éloignée alors de s'aimer et de s'estimer elle-même ; elle se méprise, se hait, se regarde comme un monstre. Voyez-vous comme l'amour-propre non seulement n'agit plus dans cette âme, et ne souille plus ses actions et ses motifs ; mais encore comme il se change en une disposition tout opposée ? C'est l'amour de Dieu et l'amour le plus pur qui produit cet effet : car l'âme ne se hait ainsi, que parce qu'elle se croit contraire à Dieu, parce qu'elle se croit pécheresse. Oh ! qu'elle est éloignée alors de consentir au péché! Elle préfèrerait plutôt l'enfer. Cependant les misères qu'elle éprouve la persuadent qu'elle n'est que péché et qu'abomination ; et Dieu ne la met en cet état, que pour lui inspirer une sainte haine d'elle-même, fondée sur la détestation du péché. Que cette haine est un bel acte de contrition ! et qu'elle expie d'une manière bien agréable à Dieu, non les péchés actuels de l'âme, mais ceux qu'elle a pu commettre autrefois !
2° L'amour de Dieu se purifie par les humiliations. Cette âme, qui peu de temps auparavant passait pour sainte dans tout une communauté, dans tout une ville, se voit tout à coup flétrie par des calomnies. On perd la bonne opinion qu'on avait d'elle ; on la regarde comme une hypocrite ; ses paroles les plus innocentes sont interprétées en mauvaise part ; ses actions les plus saintes sont jugées criminelles ; on l'abandonne ; on la fuit ; ses amis mêmes, ses plus intimes confidents se tournent contre elle ; l'autorité la condamne. Elle se tait cependant, elle se laisse juger et condamner. Ainsi, à sa conscience qui lui persuade qu'elle est coupable, se joint le témoignage des hommes qui la traitent comme telle. Elle n'a garde de concevoir contre eux ni haine, ni ressentiment ; et, quoiqu'elle ne se reproche aucune des choses dont on l'accuse, elle croit néanmoins mériter d'ailleurs tous les mauvais traitements qu'on lui fait. Que devient alors l'amour-propre ? Il ne trouve plus d'appui ni dans le témoignage de la conscience, ni dans l'opinion des hommes. Tout est soulevé contre lui au-dedans et au-dehors ; l'amour de Dieu qui devient toujours plus pur, le poursuit, le chasse, et ne lui laisse aucun asile.
3° La dernière purification de l'amour se fait par l'abandon de Dieu même. L'amour-propre persécuté semblait avoir encore cette asile. Dieu le lui ôte. En même temps qu'il livre l'âme aux apparences du péché, et à des humiliations très réelles de la part des hommes, il la traite lui même en juge sévère ; il paraît la rejeter et la réprouver. Sa justice lui porte les plus terribles coups ; elle croit sa perte assurée et sans retour. Quel état ! qu'il est affreux, qu'il est désespérant pour l'amour-propre ! Il lutte, il se défend tant qu'il peut dans ce dernier retranchement. Mais enfin il faut céder : Dieu est le plus fort ; et, par un dernier sacrifice qui est le fruit de l'amour le plus pur, l'amour-propre est arraché de l'âme jusqu'à la moindre racine. Par ce sacrifice, l'amour de Dieu est absolument débarrassé de tout mélange, et il règne seul dans le cœur d'où il a banni son ennemi.
Voilà par quels degrés l'amour divin parvient à sa dernière purification. C'est une erreur de dire ou de penser qu'il n'est pas compatible avec l'espérance. On ne perd jamais cette vertu, même dans les plus violentes tentations du désespoir ; Dieu et le démon se reconnaissent à leurs œuvres. Le démon commence par l'orgueil et finit par la chair. Dieu commence par attaquer la chair, et il finit par anéantir l'orgueil, se servant quelquefois à cette fin des tentations de la chair. L'état d'amour pur en tant qu'il exclurait l'espérance, est donc impossible ; le soutenir est une hérésie formelle.


(Extrait du Manuel des âmes intérieures)


Reportez-vous à L'intérieur de MarieDe la jalousie de Dieu, De l'enfance spirituelle, De la lumière divine, Vérités fondamentales touchant la vie intérieure, De la paix de l'âme, De la vie de l'âme, Du repos en Dieu, Sur l'Amour de Dieu, De la confiance en Dieu, De la prière continuelle, Dieu seul, Sur les réflexions dans l'oraison, De la pensée de l'éternité, Sur la pensée de la mort, Sur les paroles du Psaume LXXXll : Je suis devenu, en votre présence, comme une bête de somme, et je suis toujours avec vous, Marthe et Marie, De la pureté d'intention, Le prix d'une âme, De la Providence de Dieu sur ses enfants, De la générosité, De l'anéantissement, Du moi humain, Conduite à tenir à l'égard des tentations, De la violence qu'il faut se faire à soi-même, Des tentations, Du directeur, Du cœur humain, Du monde, Faiblesse et corruption du cœur humain, Aveuglement de l'homme, Remèdes à l'amour-propre, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'amour du prochain, De l'esprit de Foi, De la fidélité aux petites choses, Sur les trois mots qui furent dits à saint Arsène : Fuyez, taisez-vous, reposez-vous, De l'emploi du temps, Ce que Dieu nous demande, et ce qu'il faut demander à Dieu, Commerce : Image de la vie spirituelle, De la liberté des enfants de Dieu, Instruction sur la Grâce, Instruction sur la Prière, Sur la sainteté, De la Crainte de Dieu, Conduite de Dieu sur l'âme, Moyens d'acquérir l'amour de Dieu, Quels moyens prendrez-vous pour acquérir, conserver et augmenter en vous l'amour de Dieu ?, Litanies de l'amour de DieuSoupir d'amour vers Jésus, Prière de Sainte Gertrude, Élan d'amour, Prière, Acte d'amour parfait, de Sainte Thérèse d'Avila, Prière de Saint Augustin, pour demander l'amour divin, Motifs et marques de l'amour de Dieu, De l'amour parfait, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Se conformer en tout à la volonté de Dieu, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Instruction sur la Charité, Méditation sur l'excellence de la Charité, Prière pour demander la charité, De la force en soi-même et de la force en Dieu, De la consommation en la Grâce, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Sur la croix, De la Simplicité, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la véritable Sagesse, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des Vertus, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'Union avec Jésus-Christ, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Le Paradis de la Terre, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la paix du cœur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la véritable Sagesse, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Avis important pour ceux qui ont des peines d'esprit, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Sur la vie nouvelle en Jésus-Christ, De l'activité naturelle, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie parfaite, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la Mortification, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des moyens de parvenir à la vraie et solide vertu, Idée de la vraie Vertu, De la vraie et solide dévotion, Degrés des vertus qu'on se propose d'acquérir, Pour bien faire l'oraison et pour en tirer le fruit qu'on a lieu d'en attendre, En quelque état que vous soyez, rendez respectable, par vos sentiments et votre conduite, votre titre de Chrétienne, En quoi consiste l'exercice de la présence de Dieu, De la doctrine de Jésus-Christ, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, et Des Conseils Évangéliques, par le R.-P. Jean-Joseph Surin.












 

jeudi 27 août 2020

De la jalousie de Dieu

 

Sainte Thérèse d'Avila


Dieu se nomme en plusieurs endroits des Écritures, un Dieu jaloux, il va jusqu'à dire que ce titre de jaloux est son nom, pour marquer combien il lui est essentiel, et qu'il ne peut pas plus s'en dépouiller que de son être.
Mais de quoi est-il jaloux ? D'une seule chose : de l'hommage de notre esprit et de notre cœur ; non d'un hommage stérile et de simple spéculation, mais d'un hommage qui influe sur tous nos sentiments et toute notre conduite.
Et en quoi consiste l'hommage de l'esprit ? À reconnaître que Dieu est tout, principe de tout, fin de tout, et que hors de lui tout n'est rien. Il consiste en particulier à humilier notre esprit devant lui, à lui soumettre toutes nos lumières ; ou plutôt à être bien persuadé qu'il est lui-même notre lumière, soit dans l'ordre naturel, soit dans l'ordre surnaturel ; que nous ne voyons bien, que nous ne jugeons bien qu'autant que nous voyons comme il voit, et que nous jugeons comme il juge : ce qui emporte pour notre esprit une dépendance absolue du sien ; une mort continuelle à notre propre esprit pour ne consulter que le sien ; une fidélité constante à ne point agir selon notre propre esprit, mais selon le sien. Voilà l'hommage qu'il exige, et qu'il a droit d'exiger de notre esprit, et dont il est infiniment jaloux. Le lui refuser, c'est aller contre ses droits les plus essentiels ; c'est s'arroger l'indépendance en un point qui est la plus belle qualité de l'homme, savoir : l'intelligence et la raison ; c'est prétendre, ou qu'on ne tient pas de Dieu cette intelligence, ou qu'on peut en faire un bon usage sans la régler sur l'intelligence divine : prétention folle, injurieuse à Dieu, et source de tous les égarements de la créature. Lui rendre cet hommage, c'est nous acquitter de notre premier devoir envers l'intelligence suprême ; c'est mettre sa gloire à dépendre de lui dans toutes nos connaissances, dans tous nos jugements ; c'est pour nous un principe de sagesse et de bonne conduite, une assurance de ne jamais nous égarer. Tous les écarts de l'esprit humain en matière de foi et de morale, ne viennent que de n'avoir pas consulté la lumière primitive, la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde. Il faut donc en toutes choses, mais surtout dans les choses surnaturelles, d'où dépendent notre salut et notre perfection, tenir notre esprit anéanti, pour ainsi dire, sous l'esprit de Dieu.
Et l'hommage du cœur en quoi consiste-t-il ? À l'établir le centre de toutes nos affections, à l'aimer pour lui-même de toutes nos forces ; à nous aimer en lui et par rapport à lui ; à n'aimer aucune créature que d'une manière subordonnée, et soumise à l'amour principal que nous lui devons. Cela n'est-il pas juste ; si Dieu est infiniment aimable, si nous tenons de lui la faculté d'aimer, et s'il est évident qu'il ne peut pas permettre que nos affections se concentrent en nous-mêmes, ou dans quelque créature que ce soit ? La plus simple lueur de raison ne nous apprend-elle pas que cet hommage du cœur est dû à Dieu, qu'il n'est dû qu'à lui, qu'il lui est dû dans toute sa plénitude, qu'il lui est dû à tous les instants de notre existence ; qu'un cœur qui n'aime pas Dieu, qui ne l'aime pas souverainement, qui n'aime pas tout le reste et lui-même par rapport à lui, est un cœur dépravé, un monstre dans l'ordre moral ? Quand nous réfléchissons un moment sur ce qu'est Dieu, et sur ce que nous sommes, pouvons-nous douter que toutes nos affections ne lui appartiennent, qu'il en exige l'hommage, qu'il en est essentiellement jaloux, et qu'il ne peut souffrir le désordre contraire sans le réprouver et le punir ? Au reste, cet hommage si juste et si naturel est le principe de notre fidélité. Portons notre amour où nous voudrons, jamais nous ne serons heureux ici-bas, si nous ne le fixons en Dieu. C'est une chose d'expérience. Tout amour qui n'est pas dans l'ordre, est le tourment de celui qui aime, réunit-il d'ailleurs en lui tous les biens de la terre. Au contraire, tout amour bien réglé, dont Dieu est le premier objet, est pour le cœur une source de paix et de joie, que tous les maux du monde ne sauraient altérer.
Mais jusqu'à quel point Dieu est-il jaloux ? Il l'est sans mesure et à l'infini. Celui à qui tout est dû, qui mérite tout, qui exige tout, est nécessairement jaloux de tout, et ne peut se relâcher sur rien. Ô mon Dieu ! faites-moi concevoir, autant que j'en suis capable, jusqu'où va votre jalousie, afin qu'il ne m'arrive jamais de la blesser en rien. S'il est vrai que je ne dois aimer que vous seul pour vous-même, et que tout autre amour doit vous être rapporté ; s'il est vrai encore que tout amour qui n'est pas votre amour est amour-propre, votre jalousie à l'égard de cet amour-propre est donc infinie ; elle va donc au point de n'en pouvoir souffrir le moindre vestige dans un cœur, et de le poursuivre jusqu'à son entière destruction. Oui, mon Dieu, je le crois ainsi ; ma foi et ma raison me le disent.
Mais si cela est, comment puis-je détruire cet amour-propre si enraciné en moi, qui a commencé avec mon être, qui infecte et qui souille toutes mes affections ? Hélas ! je ne le connais pas dans toute son étendue, et, quand je le connaîtrais, comment puis-je le combattre ? Cet amour, c'est moi-même, et ce qu'il y a de plus intime en moi. Quelle force puis-je trouver en moi contre moi-même ?
Il est vrai, nul homme ne peut par ses propres forces combattre l'amour-propre. Mais il peut se livrer à Dieu ; il peut laisser agir contre cet amour la jalousie de Dieu ; aidé de la grâce, il peut seconder cette jalousie ; et, lorsqu'il s'agit de porter le dernier coup au malheureux moi humain, il peut consentir à souffrir ce coup, et à ne pas remuer sous la main qui l'immole. Il faut bien des combats et des épreuves pour en venir là. Mais une âme fidèle et généreuse, qui se délaisse entre les mains de Dieu, et qui ne se reprend jamais, de quelque manière qu'il la traite, en viendra là infailliblement. La jalousie de Dieu est trop intéressée à ne pas laisser son ouvrage imparfait. Cet ouvrage est commencé du moment que Dieu s'empare de l'âme, et qu'il y établit son règne. Si cette âme ne se retire pas du domaine de Dieu, elle peut compter que Dieu ne se désistera pas qu'il n'ait achevé son œuvre, selon l'étendue de ses desseins. Or, cette œuvre consiste à la purger entièrement d'amour-propre, à ne pas y en laisser la moindre fibre, à détruire le moi humain ; en sorte que l'âme n'aime rien, ne désire rien. Alors Dieu ne trouve plus d'affection propre, d'intérêt propre dans cette âme, et sa jalousie est satisfaite. Il est tellement essentiel que cette jalousie de Dieu à l'égard de l'amour-propre soit pleinement satisfaite, que, si elle ne l'est pas en ce monde, elle le sera en l'autre. Il est de foi que l'amour-propre, fruit du péché originel, n'a point de place dans le ciel, et que le seul amour qui y soit admis, est l'amour pur de Dieu. Si donc une âme, quelque sainte d'ailleurs qu'elle soit, sort de ce monde avec quelque reste d'amour-propre, il faut que le feu du purgatoire l'en purifie : ce feu, comme l'on sait, est le même que le feu de l'enfer, et le purgatoire ne diffère de l'enfer que par la peine du dam et des suites, et en ce qu'il n'est pas éternel.
Mais pourquoi Dieu est-il jaloux de la sorte ? Parce qu'il est Dieu, infiniment saint, infiniment amateur de l'ordre ; parce que son amour, tel qu'il le communique aux bienheureux, est incompatible avec l'amour-propre. Si un élu dans le ciel pouvait jeter un seul regard de complaisance sur lui-même, s'il pouvait un moment aimer sa félicité pour lui-même, s'il pouvait voir dans cette félicité autre chose que la bonté de Dieu, la gloire de Dieu, le bon plaisir de Dieu, à cet instant même il tomberait du ciel, et ne pourrait y rentrer qu'après avoir expié cet acte d'amour-propre.
Ô mon Dieu ! exercez sur moi dès ici-bas toute votre jalousie. Anéantissez mon esprit, purifiez mon cœur, et faites-vous rendre par l'un et par l'autre l'hommage qui vous est dû dans toute sa plénitude. Ainsi soit-il.


(Extrait du Manuel des âmes intérieures)


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samedi 22 août 2020

Vérités fondamentales touchant la vie intérieure

 



Première vérité

Dieu n'a donné à l'homme la liberté qu'afin qu'il la lui consacre, et le meilleur usage que l'homme puisse en faire, est de la remettre entre les mains de Dieu, de renoncer à se gouverner soi-même, et de laisser Dieu disposer de toutes choses, parce que, dans les desseins de Dieu, tout ce qui nous arrive par l'arrangement de sa providence, a pour objet notre salut éternel. Saint Paul l'a dit : Tout tourne au bien de ceux qui aiment Dieu. Si je me gouverne moi-même en quoi que ce soit, premièrement, il est fort à craindre que je ne me gouverne mal ; secondement, je réponds des suites, et si elles sont mauvaises, je ne suis pas assuré de pouvoir y remédier. Si, au contraire, je me laisse gouverner par Dieu, je ne réponds plus de rien ; Dieu se charge de tout ; je suis assuré que je serai bien conduit, et qu'il ne m'en arrivera rien qui ne soit pour mon plus grand bien, car Dieu m'aime infiniment plus que je ne m'aime. Dieu est infiniment plus sage et plus éclairé que je ne le suis, et si je laisse Dieu maître absolu de moi, il est absolument impossible que rien empêche l'exécution de ses desseins de bonté et de miséricorde sur moi. Cette première vérité est de toute évidence.


Seconde vérité

La seconde vérité n'est pas moins certaine par expérience, savoir : que la source de la paix de l'homme est dans le don qu'il fait de soi-même à Dieu, et que si ce don est plein et entier, généreux, irrévocable, la paix dont il jouira sera imperturbable et s'augmentera, s'affermira d'un jour à l'autre, même par les événements les plus propres en apparence à l'altérer. L'unique bonheur de la vie, le seul que nous puissions nous procurer par le bon usage de notre liberté, est la paix du cœur. Il n'y en a point de paix pour les impies, dit Dieu dans l'Écriture. Celle des personnes dévotes qui ne sont pas pleinement abandonnées à Dieu, est bien faible, bien chancelante, bien troublée, soit par le scrupule de la conscience, soit par la terreur des jugements de Dieu, soit par les divers accidents de la vie ; quand est-ce donc qu'une paix intime, solide, inaltérable, prend racine dans une âme ? Du moment qu'elle se donne tout à fait à Dieu, elle entre dès cet instant dans un repos qui n'est autre que le repos de Dieu même, sur lequel elle s'appuie. Nous participons nécessairement à la nature des objets auxquels nous nous attachons. Si je m'unis à des choses qui sont dans un mouvement continuel, j'éprouve la même agitation ; si je m'attache à Dieu, qui seul est immuable, je participe à son immuabilité, et rien ne peut m'ébranler, tant que je ne m'en sépare pas.


Troisième vérité

Nous ne sommes capables par nous-mêmes, ni de grandes, ni de petites choses ; mais nous devons plutôt désirer les petites, laissant à Dieu, quand il le jugera à propos, de nous en faire faire des grandes.
Les petites choses se présentent tous les jours, à tous les instants ; les grandes s'offrent rarement. Les petites choses ne sont pas moins propres à nous sanctifier que les grandes, si même elles ne le sont davantage ; parce qu'elles nous entretiennent dans l'humilité et ne donnent point de prise à l'amour-propre. La fidélité aux petites choses, l'attention à plaire à Dieu jusque dans la moindre bagatelle, prouvent la délicatesse de l'amour. On peut faire les petites choses avec des dispositions si relevées, qu'elles soient plus agréables à Dieu que de grandes choses faite avec des dispositions moins parfaites. Jetons un coup d'œil sur le ménage de Nazareth, et nous en serons convaincus. Enfin, une chose est certaine par l'Écriture sainte, c'est que celui qui néglige et méprise les petites choses, sera aussi négligent dans les grandes. Aspirons donc à la pratique des petites choses, et de tout ce qui est propre à nourrir en nous l'esprit d'enfance et de simplicité.


Quatrième vérité

L'amour de Dieu n'a en nous qu'un seul ennemi, qui est l'amour-propre ; le démon n'est fort contre nous, et n'a de pouvoir sur nous que par l'amour-propre. Le respect humain, si redoutable pour tant d'âmes, est enfant de l'amour propre. Toute la conduite de Dieu dans les divers états de la vie spirituelle, a pour unique objet la destruction de l'amour-propre. Tous les obstacles que nous y rencontrons, toutes les peines intérieures que nous y éprouvons, ne viennent que de l'amour-propre. À mesure que l'amour-propre s'affaiblit, que nous renonçons à notre propre jugement, que notre volonté plie sous celle de Dieu qui est sa gloire et son plaisir, à mesure aussi les difficultés s'aplanissent, les combats cessent, les peines disparaissent, la paix et le calme s'établissent dans le cœur. L'amour-propre, d'abord plus grossier, devient plus spirituelle et plus délicat à proportion que nous avançons. Plus il est spirituel, plus il est profond et intime, plus il est difficile à déraciner, plus il nous en coûte de détresse et d'angoisse intérieures pour nous en délivrer.
Nous ne connaissons l'amour-propre qu'autant que la lumière divine nous le découvre, et Dieu ne nous le découvre que par degrés, à mesure qu'il le veut détruire ; ainsi l'amour-propre ne nous est connu que par les attaques que Dieu lui livre, et que nous lui livrons conjointement avec Dieu, et l'amour divin occupe successivement la place que quitte l'amour-propre, jusqu'à ce qu'enfin il l'ait chassé de l'intime de l'âme, et qu'il y règne seul sans concurrent. Quand une âme est à lui, elle est parfaitement purifiée ; elle peut encore souffrir, mais elle n'oppose plus de résistance, et elle jouit de la plus profonde paix dans la souffrance.
Suivons donc les divers états de la vie spirituelle. Voyons, en général, et sans aucun détail, comment Dieu poursuit l'amour-propre de place en place dans chacun de ces états.
L'amour-propre le plus grossier réside dans les sens, et s'attache aux choses sensibles. Dieu l'en chasse, en purifiant les sens par des douceurs et des consolations célestes, qui inspirent à l'âme du dégoût et du mépris pour tous les plaisirs de la terre.
L'amour-propre s'attache à ces consolations, à cette paix, à ce recueillement sensibles ; pour lui ôter cet appui, Dieu retire peu à peu le sensible en laissant à l'âme sa paix et sa tranquillité.
Ensuite, par diverses sortes d'épreuves, il trouble en apparence cette paix, sur laquelle l'amour-propre se rassurait. On commence à perdre terre, et à ne plus trouver de ressource en soi-même.
Aux épreuves qui viennent de Dieu, se joignent les tentations du démon. L'âme se trouve salie par des pensées contre la pureté, contre la foi, l'espérance et la charité ; alors elle ne compte plus sur sa force, sur sa vertu ; elle se croit souillée par le péché, et son guide a bien de la peine à lui persuader qu'elle ne consent pas aux suggestions du démon. Les tentations augmentent toujours, et la résistance, je ne dis pas réelle, mais sensible, en apparence, diminue toujours ; en sorte qu'à la fin l'âme s'imagine qu'elle y consent ; elle se voit couverte de péchés, et, pour cette raison, se croit rejetée de Dieu en réprouvée ; c'est ici que l'amour propre se désole, et qu'il a peine à servir Dieu pour lui-même sans aucune consolation.
Cet état dure jusqu'à ce que l'âme apprenne à ne plus se regarder elle-même. Alors, l'amour propre est banni du fond de l'âme.
Et lorsque l'âme est ainsi morte à elle-même, Dieu lui communique une nouvelle vie, qui tient plus du ciel que de la terre, et où elle possède Dieu avec une ferme confiance, je dirais presque assurance de ne le perdre jamais. Elle se sent intimement unie à lui dans son fond, dans ses facultés ; le corps même entre à sa manière en participation de cette union. Elle aime, elle est aimée ; plus de crainte, plus de trouble, plus de tentations ; les souffrances, si elle en éprouve encore, sont les aliments de son amour. Elle attend la mort en paix, et meurt dans l'acte d'amour le plus pur.


Cinquième vérité

Dans toute la suite de la sanctification d'une âme, l'action de Dieu va toujours en augmentant, celle de l'âme va toujours en diminuant ; en sorte que tout son soin est de réprimer sa propre activité, afin de ne mettre plus aucun obstacle à l'opération divine. L'âme devient donc toujours de plus en plus passive, et Dieu exerce toujours de plus en plus son domaine sur elle, jusqu'à ce que la volonté de la créature soit tout à fait transformée dans la volonté de Dieu.
Le grand point donc, lorsqu'on s'est une fois donné parfaitement, est de se laisser dépouiller de tout. Car Dieu prend tout ce qu'on lui donne, ne laissant pas même à l'âme son être propre ; j'entends son être moral, et l'amour intime d'elle-même ; mais Dieu ne prend tout que pour rendre tout, dans un état d'excellence et de perfection qui est au-dessus de tout ce qu'on peut dire et penser.


Sixième vérité

Expliquons, par une comparaison, tout ce qui se passe à l'égard de l'âme dans la voie intérieure. Un fils, poussé par son bon naturel, proteste à son père qu'il l'aime de tout son cœur, sans aucune vue d'intérêt. Le père témoigne d'abord par des caresses combien il est sensible à cet amour de son fils. Ensuite, pour éprouver la vérité de ses sentiments, il retire ses caresses, il le rebute peu à peu, il paraît dédaigner ses services, il n'a d'attention que pour ses autres enfants, et paraît négliger celui-là ; il exige tout de lui avec la dernière rigueur, et le punit sévèrement des moindres fautes. Non seulement il ne lui donne rien, mais il le dépouille de tout, et le laisse, pour ainsi dire, dans une entière nudité ; il fait naître les occasions de lui demander les plus grands sacrifices ; il va enfin jusqu'à lui laisser croire qu'il ne lui donnera aucune part à son héritage. Cependant il persévère jusqu'à la fin à donner à son père tous les témoignages d'amour qui sont en son pouvoir ; il ne s'épargne rien ; il ne se recherche en rien ; il n'envisage en tout que le bon plaisir de son père. Rebuté, dépouillé, maltraité, il aime son père avec une force, une générosité, un désintéressement à toute épreuve.
Que ne fera pas ce père pour un fils qui l'a tant aimé ? Ne lui donnera-t-il pas pendant sa vie et après sa mort tout ce qu'il peut lui donner sans faire de préjudice aux autres ?
L'amour qui compte, qui calcule, qui regarde à ses intérêts, qui ne veut aller, en un mot, que jusqu'à un certain point, n'est point le parfait amour ; pour être vraiment digne de Dieu, il faut qu'il ne connaisse point de mesure, qu'il s'élève au-dessus de la raison et de la prudence humaine, qu'il aille jusqu'à la folie et la folie de la croix. C'est ainsi que Jésus-Christ a aimé son Père, et qu'il nous a aimés.
Nous gagnerons dans l'éternité tout ce que nous aurons perdu pour Dieu dans le temps ; nous perdrons dans l'éternité tout ce que nous lui aurons refusé dans le temps.


(Extrait du Manuel des âmes intérieures)


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jeudi 20 août 2020

De la paix de l'âme

 

 
Une paix abondante est le partage de ceux qui chérissent votre loi. (Ps. 118)

Pour avoir cette paix abondante dont parle David, il ne suffit pas d'observer la loi de Dieu, il faut aimer et chérir cette loi. L'observer par la crainte de se perdre en la transgressant ; l'observer même parce que notre salut est attaché à son observation, c'est regarder moins à Dieu qu'à son propre intérêt ; c'est être fidèle à la loi en esclave et en mercenaire. Dans une telle disposition, qui est la plus commune parmi les chrétiens, il ne faut pas s'attendre à cette paix pleine et abondante, qui n'est promise qu'à ceux qui observent la loi par esprit d'amour. Cet esprit d'amour qui n'appartient qu'aux enfants, leur apprend à regarder Dieu comme leur père, sa loi comme un joug infiniment doux, sa gloire et l'accomplissement de sa volonté comme le premier de leurs désirs ; le bonheur de lui plaire comme leur plus grand avantage. Cette disposition n'exclut ni la crainte de l'enfer, ni le désir du paradis ; mais elle s'élève au-dessus de tout intérêt propre, et elle sert Dieu par des motifs plus parfaits, qui nous sont proposés dans l'Oraison dominicale.
Dès qu'une âme, par un généreux effort d'amour, et par une fidèle correspondance à l'attrait de la grâce, s'est déterminée à ne rien refuser à Dieu, et qu'elle s'est donnée à lui pour être tout ce qu'il lui plaira dans le temps et l'éternité ; dès ce moment Dieu verse en elle une paix ineffable, une paix qu'elle n'avait jamais goûtée jusqu'alors, une paix qui la remplit et lui inspire un profond mépris pour toutes les choses d'ici-bas. Cette paix est l'effet de la présence de Dieu dans le cœur, et tant que l'on conserve cette précieuse paix, on est assuré de se maintenir aussi dans la présence de Dieu. Cette paix est notre consolation, notre force, notre conseil ; elle est le principe de notre avancement. Plus elle devient intime, inébranlable, inaccessible à tout ce qui peut la troubler, plus nous croissons en perfection, en sorte que le comble de cette paix et le comble de la perfection, c'est la même chose.
Tout le secret consiste donc à conserver et à augmenter cette paix parmi toutes les variétés de la vie spirituelle. Voici quelques règles pour cela.
La première est de jouir de cette paix comme de la santé, sans y faire attention. Si quelqu'un était sans cesse à se tâter le pouls pour voir s'il n'est pas malade, il ne tarderait pas à le devenir. On s'exposerait de même à perdre la paix de l'âme, par une attention trop suivie à remarquer si on la possède. On confond quelquefois la paix avec le sentiment de la paix, et l'on croit ne l'avoir plus parce qu'on ne le sent plus. C'est une erreur. Dans les commencements la paix est accompagnée d'un sentiment délicieux, parce qu'on passe alors à un état qu'on n'avait pas encore éprouvé. Mais avec le temps et par l'habitude ce sentiment diminue ; on le perd même à la fin entièrement sans que la paix souffre pour cela aucune altération réelle. Au contraire, elle n'en est que plus solide et plus parfaite. C'est ainsi qu'un malade, lorsqu'il entre en convalescence, sent les forces et la santé lui revenir. Mais il ne sent plus rien lorsqu'il est parfaitement rétabli. Il ne faut donc pas regretter le sentiment de la paix, non plus qu'on ne regrette le sentiment de la santé au sortir de la convalescence.
La seconde est de faire toutes ses actions avec simplicité, sans trop réfléchir dessus ni en les faisant, ni après les avoir faites. Tout examen inquiet est contraire à la paix. Tant que la conscience ne reproche rien, il est inutile de l'interroger ; il faut seulement être attentif quand elle parle, et y avoir égard. Mais lorsqu'elle se tait, pourquoi se dire sans cesse à soi-même : Ai je bien fait ? ai je mal fait ? ai-je bonne ou mauvaise intention ? Tout cela ne sert qu'à entortiller l'esprit, et à le jeter dans la perplexité.
Troisième règle : toute pensée, toute crainte qui est vague, générale, sans objet fixe et déterminé, ne vient pas de Dieu, ni de la conscience, mais de l'imagination. On craint de n'avoir pas tout dit à confesse ; on craint de s'être mal expliqué ; on craint de n'avoir pas eu une véritable contrition ; on craint de n'avoir pas apporté les dispositions nécessaires à la communion, et ainsi de mille autres craintes vagues, sur lesquelles on se fatigue et l'on se tourmente. Tout cela ne vient pas de Dieu. Quand il fait quelques reproches à l'âme, ses reproches ont toujours un objet clair, précis et déterminé. Il faut donc mépriser ces sortes de craintes, et passer hardiment par-dessus.
Quatrième règle : Dieu ne trouble jamais une âme qui veut sincèrement aller à lui. Il l'avertit ; il la reprend même avec force ; mais il ne la trouble point ; elle voit sa faute, elle s'en repent, elle la répare, le tout paisiblement. Si cette âme est troublée, son trouble vient donc toujours ou d'elle-même, ou du démon ; et elle doit faire tout ce qui dépend d'elle pour s'en délivrer.
Cinquième règle : il ne faut absolument rien changer à sa conduite ordinaire, tandis qu'on est dans le trouble. Ainsi la communion, l'oraison, les lectures et les autres exercices doivent toujours aller leur train. Alors la paix reviendra infailliblement, et le démon n'aura rien obtenu de ce qu'il prétendait.
Enfin, la grande règle est de suivre l'obéissance, et de ne jamais se permettre rien contre la volonté bien connue du directeur. Quand on a eu lieu une fois de se convaincre que ce directeur nous conduit et se conduit lui-même selon l'esprit de Dieu, il n'y a plus d'autre parti à prendre que de s'en tenir à ses décisions, comme si elles sortaient de la bouche de Dieu même. Dieu ne manque jamais de donner, et pendant un assez longtemps, des preuves qui rassurent l'âme sur les lumières et la sagesse de son guide. Après qu'on a eu ces preuves, c'est manquer à Dieu même que d'hésiter et de se livrer à des doutes et à des appréhensions.
La paix se maintient donc par une grande fidélité à écouter Dieu, à écouter son directeur, et à ne point écouter l'amour-propre ni l'imagination.
Il ne faut jamais perdre sa paix pour les fautes dans lesquelles on tombe. On doit s'en humilier devant Dieu, s'en repentir, les réparer, s'il y a lieu, et n'y plus songer. C'est amour-propre de se troubler sous prétexte qu'on est toujours le même, qu'on ne se corrige pas, qu'on n'a fait aucun progrès dans la vertu. On se trompe de prendre ces sentiments pour de l'humilité. L'âme humble ne se trouble jamais de ses chutes.


(Extrait du Manuel des âmes intérieures)


Reportez-vous à Sans l'Humilité, on ne saurait avoir la paix intérieure, Prière pour demander la paix intérieureVérités fondamentales touchant la vie intérieure, De la paix du cœur, par le R.-P. Jean-Joseph SurinMéditation sur la paix du cœurDe la vie de l'âme, Du repos en Dieu, Sur l'Amour de Dieu, De la confiance en Dieu, De la prière continuelle, Dieu seul, Sur les réflexions dans l'oraison, De la pensée de l'éternité, Sur la pensée de la mort, Sur les paroles du Psaume LXXXll : Je suis devenu, en votre présence, comme une bête de somme, et je suis toujours avec vous, Marthe et Marie, De la pureté d'intention, Le prix d'une âme, De la Providence de Dieu sur ses enfants, De la générosité, De l'anéantissement, Du moi humain, Conduite à tenir à l'égard des tentations, De la violence qu'il faut se faire à soi-même, Des tentations, Du directeur, Du cœur humain, Du monde, Faiblesse et corruption du cœur humain, Aveuglement de l'homme, Remèdes à l'amour-propre, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'amour du prochain, De l'esprit de Foi, De la fidélité aux petites choses, Sur les trois mots qui furent dits à saint Arsène : Fuyez, taisez-vous, reposez-vous, De l'emploi du temps, Ce que Dieu nous demande, et ce qu'il faut demander à Dieu, Commerce : Image de la vie spirituelle, De la liberté des enfants de Dieu, Instruction sur la Grâce, Instruction sur la Prière, Sur la sainteté, De la Crainte de Dieu, Conduite de Dieu sur l'âme, Moyens d'acquérir l'amour de Dieu, Quels moyens prendrez-vous pour acquérir, conserver et augmenter en vous l'amour de Dieu ?, Litanies de l'amour de DieuSoupir d'amour vers Jésus, Prière de Sainte Gertrude, Élan d'amour, Prière, Acte d'amour parfait, de Sainte Thérèse d'Avila, Prière de Saint Augustin, pour demander l'amour divin, Motifs et marques de l'amour de Dieu, De l'amour parfait, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Se conformer en tout à la volonté de Dieu, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Instruction sur la Charité, Méditation sur l'excellence de la Charité, Prière pour demander la charité, De la force en soi-même et de la force en Dieu, De la consommation en la Grâce, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Sur la croix, De la Simplicité, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la véritable Sagesse, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des Vertus, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'Union avec Jésus-Christ, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Le Paradis de la Terre, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la paix du cœur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la véritable Sagesse, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Avis important pour ceux qui ont des peines d'esprit, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Sur la vie nouvelle en Jésus-Christ, De l'activité naturelle, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie parfaite, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la Mortification, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des moyens de parvenir à la vraie et solide vertu, Idée de la vraie Vertu, De la vraie et solide dévotion, Degrés des vertus qu'on se propose d'acquérir, Pour bien faire l'oraison et pour en tirer le fruit qu'on a lieu d'en attendre, En quelque état que vous soyez, rendez respectable, par vos sentiments et votre conduite, votre titre de Chrétienne, En quoi consiste l'exercice de la présence de Dieu, De la doctrine de Jésus-Christ, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, et Des Conseils Évangéliques, par le R.-P. Jean-Joseph Surin.