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mercredi 28 avril 2021

Discours de Sa Sainteté le Pape Pie XII, aux pèlerins réunis à Rome pour la Canonisation de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort


(21 juillet 1947)


Soyez les bienvenus, chers fils et chères filles, accourus en grand nombre pour assister à la glorification de Louis-Marie Grignion de Montfort, l'humble prêtre breton du siècle de Louis XIV, dont la courte vie, étonnamment laborieuse et féconde, mais singulièrement tourmentée, incomprise des uns, exaltée par les autres, l'a posé devant le monde « en signe de contradiction », « in signum, cui contradicetur » (Luc. 2, 34). Réformant, sans y penser, l'appréciation des contemporains, la postérité l'a rendu populaire, mais, par-dessus encore le verdict des hommes, l'autorité suprême de l'Église vient de lui décerner les honneurs des saints.
Salut d'abord à vous, pèlerins de Bretagne et du littoral de l'Océan. Vous le revendiquez comme vôtre et il est vôtre en effet. Breton par sa naissance et par l'éducation de son adolescence, il est resté breton de cœur et de tempérament à Paris, dans le Poitou et en Vendée ; il le restera partout et jusqu'au bout, même dans ses cantiques de missionnaire, où par une pieuse industrie, — qui réussirait peut-être moins heureusement à une époque plus critique et volontiers gouailleuse, il adaptait des paroles religieuses aux airs populaires de son pays. Breton, il l'est par sa piété, sa vie très intérieure, sa sensibilité très vive, qu'une délicate réserve, non exempte de quelques scrupules de conscience, faisait prendre par des jeunes gens primesautiers, et par quelques-uns même de ses Supérieurs, pour gaucherie et singularité. Breton, il l'est par sa droiture inflexible, sa rude franchise, que certains esprits, plus complaisants, plus assouplis, trouvaient exagérée et taxaient avec humeur d'absolutisme et d'intransigeance.
C'est en l'épiant malicieusement à son insu, en le voyant et en l'entendant traiter avec les petits et les pauvres, enseigner les humbles et les ignorants, que plus d'un découvrit avec surprise, sous l'écorce un peu rugueuse d'une nature qu'il mortifiait et qu'il forgeait héroïquement, les trésors d'une riche intelligence, d'une inépuisable charité, d'une bonté délicate et tendre.
On a cru parfois pouvoir l'opposer à saint François de Sales, prouvant ainsi qu'on ne connaissait guère que superficiellement l'un et l'autre. Différents, certes, ils le sont, et voilà bien de quoi dissiper le préjugé qui porte à voir dans tous les saints autant d'exemplaires identiques d'un type de vertu, tous coulés dans un même moule ! Mais on semble ignorer complètement la lutte, par laquelle François de Sales avait adouci son caractère naturellement aigre, et l'exquise douceur avec laquelle Louis-Marie secourait et instruisait les humbles. D'ailleurs, l'amabilité enjouée de l'évêque de Genève ne l'a pas plus que l'austérité du missionnaire breton, mis à l'abri de la haine et des persécutions de la part des calvinistes et des jansénistes et, d'autre part, la rudesse fougueuse de l'un, aussi bien que la patience de l'autre au service de l'Église leur ont valu à tous les deux l'admiration et la dévotion des fidèles.
La caractéristique propre de Louis-Marie, et par où il est authentique breton, c'est sa ténacité persévérante à poursuivre le saint idéal, l'unique idéal de toute sa vie : gagner les hommes pour les donner à Dieu. À la poursuite de cet idéal, il a fait concourir toutes les ressources qu'il tenait de la nature et de la grâce, si bien qu'il fut en vérité sur tous les terrains — et avec quel succès ! — l'apôtre par excellence du Poitou, de la Bretagne et de la Vendée ; on a pu même écrire naguère, sans exagération, que « la Vendée de 1793 était l'œuvre de ses mains ».
Salut à vous, prêtres de tous les rangs et de tous les ministères de la hiérarchie ecclésiastique, qui portez tous sur le cœur ce souci, cette angoisse, cette « tribulation », dont parle saint Paul (2 Co 1, 8) et qui est aujourd'hui, presque partout, le partage des prêtres dignes de leur beau nom de pasteurs d'âmes. Votre regard, comme celui de milliers de vos frères dans le sacerdoce, se lève avec fierté vers le nouveau saint et puise en son exemple confiance et entrain. Par la haute conscience qu'il avait de sa vocation sacerdotale et par son héroïque fidélité à y correspondre, il a fait voir au monde le vrai type — souvent si peu et si mal connu — du prêtre de Jésus Christ et ce qu'un tel prêtre est capable de réaliser pour la pure gloire de Dieu et pour le salut des âmes, pour le salut même de la société, dès lors qu'il y consacre sa vie tout entière, sans réserve, sans condition, sans ménagement, dans le plein esprit de l'Évangile. Regardez-le, ne vous laissez pas impressionner par des dehors peu flatteurs : il possède la seule beauté qui compte, la beauté d'une âme illuminée, embrasée par la charité ; il est pour vous un modèle éminent de vertu et de vie sacerdotale.
Salut à vous, membres des familles religieuses, dont Louis-Marie Grignion de Montfort a été le Fondateur et le Père. Vous n'étiez, de son vivant et lors de sa mort prématurée, qu'un imperceptible grain de froment, mais caché dans son cœur comme au sein d'une terre fertile, mais gonflé du suc nourricier de sa surhumaine abnégation, de ses mérites surabondants, de son exubérante sainteté. Et voici que la semence a germé, grandi, qu'elle s'est développée et propagée au loin, sans que le vent de la révolution l'ait desséchée, sans que les persécutions violentes ou les tracasseries légales aient pu l'étouffer.
Chers fils et chères filles, restez fidèles au précieux héritage que vous a légué ce grand saint ! Héritage magnifique, digne que vous continuiez, comme vous l'avez fait jusqu'à présent, à y dévouer, à y sacrifier sans compter vos forces et votre vie ! Montrez-vous les héritiers de son amour si tendre pour les humbles du plus petit peuple, de sa charité pour les pauvres, vous souvenant qu'il s'arrachait le pain de la bouche pour les nourrir, qu'il se dépouillait de ses vêtements pour couvrir leur nudité, les héritiers de sa sollicitude pour les enfants, privilégiés de son cœur, comme ils l'étaient du cœur de Jésus.
La charité ! voilà le grand, disons le seul secret des résultats surprenants de la vie si courte, si multiple et si mouvementée de Louis-Marie Grignion de Montfort : la charité ! voilà pour vous aussi, soyez-en intimement persuadés, la force, la lumière, la bénédiction de votre existence et de toute votre activité. Salut enfin à vous aussi, pèlerins accourus de divers pays et apparemment bien différents entre vous, mais dont l'amour envers Marie fait l'unité, parce que, tous, vous voyez en celui que vous êtes venus honorer le guide qui vous amène à Marie et de Marie à Jésus. Tous les saints, assurément, ont été grands serviteurs de Marie et tous lui ont conduit les âmes ; il est incontestablement un de ceux qui ont travaillé le plus ardemment et le plus efficacement à la faire aimer et servir.
La Croix de Jésus, la Mère de Jésus, les deux pôles de sa vie personnelle et de son apostolat. Et voilà comment cette vie, en sa brièveté, fut pleine, comment cet apostolat, exercé en Vendée, en Poitou, en Bretagne durant à peine une douzaine d'années, se perpétue depuis déjà plus de deux siècles et s'étend sur bien des régions. C'est que la Sagesse, cette Sagesse à la conduite de laquelle il s'était livré, a fait fructifier ses labeurs, a couronné ses travaux que la mort n'avait qu'apparemment interrompus : « complevit labores illius » (Sag. 10, 10). L'œuvre est toute de Dieu, mais elle porte aussi sur elle l'empreinte de celui qui en fut le fidèle coopérateur. Ce n'est que justice de la discerner.
Notre œil, presque ébloui par la splendeur de la lumière qui émane de la figure de notre Saint, a besoin, pour ainsi dire, d'en analyser le rayonnement. Il se pose d'abord sur les dons naturels, plus extérieurs, et il a la surprise de constater que la nature n'avait pas été vis-à-vis de lui aussi avare qu'il a pu sembler à première vue. Louis-Marie n'offrait pas, c'est vrai, le charme de traits agréables qui conquièrent soudain la sympathie, mais il jouissait — avantages en réalité bien plus appréciables — d'une vigueur corporelle qui lui permettait de supporter de grandes fatigues dans son ministère de missionnaire et de se livrer quand même à de rudes et très rudes pénitences. Sans s'amuser à éblouir son auditoire par les faciles artifices du bel esprit, par les fantasmagories d'une élégance recherchée et subtile, il savait mettre à la portée des plus simples le trésor d'une théologie solide et profonde — en quoi il excellait — et qu'il monnayait de manière à éclairer et convaincre les intelligences, à émouvoir les cœurs, à secouer les volontés avec une force de persuasion qui aboutissait aux courageuses et efficaces résolutions. Grâce à son tact, à la finesse de sa psychologie, il pouvait choisir et doser ce qui convenait à chacun, et s'il avait, par abnégation et pour être plus entièrement aux études et à la piété, renoncé aux beaux-arts, pour lesquels il avait beaucoup de goût et de remarquables dispositions, il avait gardé les richesses d'imagination et de sensibilité, dont son âme d'artiste savait user pour produire dans les esprits l'image du modèle divin. Toutes qualités humaines, sans doute, mais dont il s'aidait pour conduire les pécheurs au repentir, les justes à la sainteté, les errants à la vérité, conquérant à l'amour du Christ les cœurs desséchés par le souffle glacé et aride de l'égoïsme.
Incomparablement plus que sa propre activité humaine, il mettait en jeu le concours divin qu'il attirait par sa vie de prière. Toujours en mouvement, toujours en contact avec les hommes, il était en même temps toujours recueilli, toujours livré à l'intimité divine, luttant, pour ainsi dire, contre la justice sévère de Dieu pour obtenir de sa miséricorde les grâces victorieuses de l'obstination des plus endurcis ; il semblait, comme le patriarche en lutte contre l'ange, répéter sans cesse la prière irrésistible : « Je ne vous laisserai point que vous ne m'ayez béni » (Gen. 32, 27).
Il n'ignorait pas non plus que, sans la pénitence, l'abnégation, la mortification continuelle, la prière toute seule ne suffit pas à vaincre l'esprit du mal : « in oratione et ieiunio » (Marc. 9, 29). Et notre missionnaire joignait aux fatigues des plus intrépides apôtres les saintes cruautés des plus austères ascètes. N'a-t-il pas observé presque à la lettre la consigne donnée par le Maître à ses envoyés : « N'emportez rien pour le voyage, ni bâton, ni pain, ni sac, ni argent, et n'ayez point deux tuniques » (Luc. 9, 3) ? La seule soutane, usée et rapiécée, qu'il portait sur lui était si pauvre, que les mendiants qui le rencontraient se croyaient en devoir de l'assister de leurs aumônes.
Crucifié lui-même, il était en droit de prêcher avec autorité le Christ crucifié (cf. 1 Cor. 1, 23). Partout, envers et contre tous, il érigeait des Calvaires et il les réédifiait avec une indéfectible patience, lorsque l'esprit du siècle, inimicus crucis Christi (cf. Phil. 3, 18), les avait fait abattre. Il traçait moins un programme de vie qu'il ne peignait son propre portrait dans sa lettre « aux Amis de la Croix » : « Un homme choisi de Dieu entre dix mille qui vivent selon les sens et la seule raison, pour être un homme tout divin, élevé au-dessus de la raison et tout opposé aux sens, par une vie et lumière de pure foi et un amour ardent pour la Croix ».
Le grand ressort de tout son ministère apostolique, son grand secret pour attirer les âmes et les donner à Jésus, c'est la dévotion à Marie. Sur elle il fonde toute son action : en elle est toute son assurance, et il ne pouvait trouver arme plus efficace à son époque. À l'austérité sans joie, à la sombre terreur, à l'orgueilleuse dépression du jansénisme, il oppose l'amour filial, confiant, ardent, expansif et effectif du dévot serviteur de Marie, envers celle qui est le refuge des pécheurs, la Mère de la divine Grâce, notre vie, notre douceur, notre espérance. Notre avocate aussi ; avocate qui placée entre Dieu et le pécheur est toute occupée à invoquer la clémence du juge pour fléchir sa justice, à toucher le cœur du coupable pour vaincre son obstination. Dans sa conviction et son expérience de ce rôle de Marie, le missionnaire déclarait avec sa pittoresque simplicité que « jamais pécheur ne lui a résisté, une fois qu'il lui a mis la main au collet avec son rosaire ».
Encore faut-il qu'il s'agisse d'une dévotion sincère et loyale. Et l'auteur du « Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge » distingue en traits précis celle-ci d'une fausse dévotion plus ou moins superstitieuse, qui s'autoriserait de quelques pratiques extérieures ou de quelques sentiments superficiels pour vivre à sa guise et demeurer dans le péché comptant sur une grâce miraculeuse de la dernière heure.
La vraie dévotion, celle de la tradition, celle de l'Église, celle, dirions-Nous, du bon sens chrétien et catholique, tend essentiellement vers l'union à Jésus, sous la conduite de Marie. Forme et pratique de cette dévotion peuvent varier suivant les temps, les lieux, les inclinations personnelles. Dans les limites de la doctrine saine et sûre, de l'orthodoxie et de la dignité du culte, l'Église laisse à ses enfants une juste marge de liberté. Elle a d'ailleurs conscience que la vraie et parfaite dévotion envers la Sainte Vierge n'est point tellement liée à ces modalités qu'aucune d'elles puisse en revendiquer le monopole.
Et voilà pourquoi, chers fils et chères filles, Nous souhaitons ardemment que, par-dessus les manifestations variées de la piété envers la Mère de Dieu, Mère des hommes, vous puisiez tous, dans le trésor des écrits et des exemples de notre saint, ce qui a fait le fond de sa dévotion mariale : sa ferme conviction de la très puissante intercession de Marie, sa volonté résolue d'imiter autant que possible les vertus de la Vierge des vierges, l'ardeur véhémente de son amour pour elle et pour Jésus.
Avec l'intime confiance que la Reine des cœurs vous obtiendra de l'Auteur de tout bien cette triple faveur, Nous vous donnons en gage, à vous, à tous ceux qui vous sont chers, à tous ceux qui se recommandent du patronage de saint Louis-Marie Grignion de Montfort et qui l'invoquent en union avec vous, Notre Bénédiction apostolique.


Reportez-vous à Le Saint Esclavage de Jésus en Marie, d’après Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, De l'amour parfait, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, La Vierge Marie et les derniers Temps, L'inimitié entre Satan et MariePrière d'un enfant de Marie, Les attraits de la Sagesse incarnée, Jésus, Sagesse souffrante et crucifiée, Aspiration dans les tentations, Cantique de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, sur l'horreur du péché mortelCantique d'Action de Grâce des esclaves d'amour de Jésus en Marie, par Saint Louis-Marie Griginion de Montfort, Cantique de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort : Dieu sollicite la conversion du pécheur, Litanies de l'Amour de Marie, Acte d'aveugle abandon et d'amoureuse confiance en la douce Vierge Marie, C'est de Marie qu'il nous est né un Sauveur, Sermon du Saint Curé d'Ars pour la Fête de la Nativité de la Sainte Vierge, Méditation pour la Fête du Saint Nom de Marie, Fidentem piumque, du Pape Léon XIII, pour le mois du Rosaire, Adjutricem populi, du Pape Léon XIII, pour le retour des dissidents par le Saint Rosaire, Méditation pour la Fête de saint Luc, Figure biblique de la parfaite dévotion à la Sainte Vierge Marie : Rébecca et Jacob, Votre mémoire est une boîte à tentations dans laquelle le démon pioche, Inimitiés entre les enfants de Marie et les esclaves du Diable, Prions avec Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, Les sept fausses dévotion à la Sainte Vierge Marie, Le culte et l'amour de la Sainte Vierge ont commencé avec l’Église, Si un chrétien peut trop aimer et trop honorer la Sainte Vierge, La vraie dévotion à la Sainte Vierge Marie, Pratiques de dévotion envers Marie : Recourir souvent à Marie et aux Saints qui lui sont proches, Pratiques de dévotion envers Marie : L'Ave Maria, Jésus glorifié veut glorifier sa Mère, Discours sur la Visitation de Marie, Discours sur la Purification de Marie, Discours sur l'Assomption de Marie, Discours sur les douleurs de Marie, Petit chapelet de l'Immaculée Conception de Marie, et Litanies de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort.














samedi 2 janvier 2021

Les attraits de la Sagesse incarnée


Rencontre de Jésus et Saint Jean-Baptiste



LES ATTRAITS DE LA SAGESSE INCARNÉE



Comme nous allons le voir, Montfort les ramène tous à cette constante DOUCEUR qui rayonnait de son Humanité sainte.

La douceur de son TEMPÉRAMENT. Elle est née de la plus douce, de la plus tendre et de la plus belle de toutes les mères. Expliquez-moi la douceur de Jésus. Expliquez-moi auparavant la douceur de Marie, sa Mère, à qui il ressemble dans la douceur du tempérament. Jésus est l’enfant de Marie, et, par conséquent, il n’y a en lui ni fierté, ni rigueur, ni laideur, et encore infiniment moins que dans sa Mère, puisqu’il est la Sagesse Éternelle, la douceur et la beauté même.

« Les Prophètes à qui, par avance, cette Sagesse Incarnée a été montrée, la nomment une brebis et un agneau de douceur : Agnus mansuetus (Jér., XI, 19). Ils prédisent qu’à cause de sa douceur, elle n’achèvera pas de rompre un roseau demi rompu, ni d’éteindre une mèche encore fumante : calamum quassatum non conteret, et linum fumigans non extinguet (Is. XLII, 3). C’est-à-dire qu’elle aura tant de douceur que, lorsqu’un pauvre pécheur serait à demi brisé, aveuglé et perdu par ses péchés, elle ne le perdra pas à moins qu’il ne l’y contraigne.

« Saint Jean-Baptiste, qui fut près de trente ans dans les déserts pour y mériter, par ses austérités, la connaissance et l’amour de cette Sagesse Incarnée, ne l’eut pas plus de vue, qu’il s’écria, en la montrant du doigt à ses disciples : Ecce Agnus Dei… Voilà l’Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde (Jean, I, 29). Il ne dit pas, comme il semblait devoir dire : Voilà le Très-Haut, voilà le Roi de gloire, voilà le Tout-Puissant ; mais comme il le connaissait plus qu’aucun homme qui ait été et qui sera jamais : Voilà l’Agneau de Dieu, voilà cette Sagesse Éternelle qui, pour charmer les cœurs et remettre nos péchés, a uni en soi toute la douceur de Dieu et de l’homme, du Ciel et de la terre ».

La douceur de son NOM. « Jésus est le nom propre de la Sagesse Incarnée. Que nous marque ce nom, si ce n’est une charité ardente, un amour infini et une douceur charmante ? Jésus, Sauveur, celui qui sauve l’homme, dont le propre est d’aimer et de sauver l’homme !

Nil canitur suavius,
Nil auditur jucundius,
Nil cogitatur dulcius
Quam Jesus, Dei Filius
.

« Aucun chant plus suave, aucune voix plus agréable, aucune pensée plus douce que Jésus, le Fils de Dieu.

« Oh, que ce nom de Jésus est doux à l’oreille et au cœur d’une âme prédestinée : c’est un miel très doux à la bouche, une mélodie agréable à l’oreille et une jubilation parfaite au cœur. Mel in ore, in aure melos, in corde jubilus (Saint Bernard) ».

La douceur de son VISAGE. « Ce très aimable Sauveur a un visage si doux et si débonnaire, qu’il charmait les yeux et les cœurs de ceux qui le voyaient. Les pasteurs, qui vinrent le voir dans l’étable, étaient tous si charmés de la douceur et de la beauté de son visage qu’ils demeuraient des jours entiers comme hors d’eux-mêmes à le regarder. Les rois eux-mêmes n’eurent pas plus tôt senti les traits amoureux de ce bel Enfant que, déposant toute fierté, ils tombèrent sans peine au pied de la crèche. Combien de fois se dirent-ils l’un à l’autre : Amis, qu’il est doux d’être ici ! On ne trouve point, dans nos palais, des plaisirs semblables à ceux qu’on goûte en cette étable à voir ce cher Enfants-Dieu.

« Jésus étant encore fort jeune, les personnes affligées et les enfants venaient, de tous les lieux circonvoisins, le voir pour se réjouir, et ils s’entre disaient : Allons voir le petit Jésus, le bel Enfant de Marie. La beauté et la majesté de sa face, dit saint Jean Chrysostome, était si douce et si respectable tout ensemble, que ceux qui le connaissaient ne pouvaient s’empêcher de l’aimer… Quelques auteurs assurent que, si les soldats romains et les Juifs lui voilèrent le visage, ce n’était que pour le souffleter et le maltraiter plus aisément, parce qu’il sortait de ses yeux et de son visage un éclat de beauté si doux et si ravissant qu’il désarmait les plus cruels ».

La douceur de ses PAROLES. « On ne l’a jamais entendu crier ni disputer, comme les Prophètes avaient prédit : Non contendet neque clamabit, neque audiet aliquis in plateis vocem ejus (Is., XLII, 2 ; Mat., XII, 19). Tous ceux qui l’écoutaient sans envie étaient si charmés des paroles de vie qui sortaient de sa bouche, qu’ils s’écriaient : Nunquam sic locutus est homo sicut hic homo (Jean, VII, 46) ; et ceux même qui le haïssaient, tout surpris de l’éloquence et de la sagesse de ses paroles, demandaient : Unde hui sapientia haec ? (Mat. XIII, 54). Jamais homme n’a parlé avec tant de douceur et de grâce. Où est-ce qu’il a reçu une telle sagesse dans ses paroles ?

« Plusieurs milliers de pauvres gens quittaient leurs maisons et leurs familles pour aller l’écouter jusque dans les déserts, passant plusieurs jours sans boire et sans manger, rassasiés de la douceur de sa seule parole. Ce fut par la douceur de ses paroles qu’il attira, comme avec un appât, ses apôtres à sa suite, qu’il guérit les malades les plus incurables et qu’il consola les plus affligés. Il ne fit que dire à Marie-Magdeleine toute désolée ce seul mot : Marie, et il la combla de joie et de douceur ».

La douceur de ses ACTIONS. « Jésus enfin est doux en ses actions et en toute la conduite de sa vie : Bene omnia fecit (Marc, VII, 37) ; il a bien fait toutes ses actions, c’est-à-dire que tout ce qu’a fait Jésus-Christ est fait avec tant de justesse, de sagesse, de sainteté et de douceur, qu’on n’y peut remarquer aucun défaut ni aucune difformité…

« Les pauvres et les petits enfants le suivaient partout comme leur semblable. Ils voyaient en ce cher Sauveur tant de simplicité, de bénignité, de condescendance et de charité, qu’ils faisaient la presse pour l’approcher. Un jour qu’il était à prêcher, les enfants s’empressèrent auprès de lui. Les apôtres les repoussaient. Jésus reprit ses apôtres et leur dit : Laissez venir à moi ces chers petits enfants (Marc, X, 14). Puis il les embrassa et les bénit en leur imposant les mains. Oh ! quelle douceur et quelle bénignité.

« Les pauvres, le voyant habillé pauvrement et simple en toutes ses manières, sans faste et sans fierté, ne se plaisaient qu’en sa compagnie, prenaient partout sa défense contre les riches et les orgueilleux qui le calomniaient et le persécutaient ; et lui, de son côté, leur donnait en toute rencontre mille louanges et bénédictions.

« Mais qui pourra expliquer la douceur de Jésus envers les pauvres pécheurs ! Avec quelle douceur il traitait Magdeleine la pécheresse ! Avec quelle douce condescendance il convertit la Samaritaine ! Avec quelle miséricorde il pardonnait à la femme adultère ! Avec quelle charité allait-il manger chez les pécheurs publics pour les gagner ! Ses ennemis ne prirent-ils pas occasion de cette grande douceur pour le persécuter, en disant qu’il faisait par sa douceur transgresser la loi de Moïse, et en l’appelant comme par injure l’ami des pécheurs et des publicains ? Avec quelle bonté et humilité tâcha-t-il de gagner le cœur de Judas qui le voulait trahir, en lui lavant les pieds et en l’appelant son ami ! enfin, avec quelle charité demanda-t-il pardon à Dieu son Père pour ses bourreaux, en les excusant à cause de leur ignorance !…

« Et qu’on ne s’imagine pas que Jésus, pour être maintenant triomphant et glorieux, en soit moins doux et condescendant. Au contraire, sa gloire perfectionne, en quelque manière, sa douceur : il n’a pas tant de désir de paraître que de pardonner, d’étaler les richesses de sa gloire que celles de ses miséricordes.

« Quand cette Sagesse incarnée et glorieuse s’est montrée à ses amis, elle leur a apparu non d’une manière tonnante et foudroyante, mais d’une manière douce et bénigne ; elle n’a pas pris la majesté d’une souveraine et du Dieu des armées, mais la tendresse d’un époux et la douceur d’un ami. Elle s’est quelquefois fait voir dans l’Eucharistie ; mais je ne me souviens pas avoir lu qu’elle y soit apparue autrement que sous la forme d’un doux et bel enfant…

« Après cela, n’aimerons-nous pas cette Sagesse Éternelle qui nous a plus aimés et nous aime encore plus que sa vie, et dont la beauté et la douceur surpassent tout ce qu’il y a de plus beau et de plus doux au ciel et sur la terre ! » (ASE N° 118 à 128 et 131).

On sait que, pendant la mission qu’il donnait à Saint-Laurent-sur-Sèvre, en avril 1716, le Père de Montfort fut brusquement terrassé par la maladie. Se sentant cette fois frappé à mort, il voulut néanmoins monter en chaire, en raison de la présence de Mgr de Champflour, évêque de la Rochelle, venu présider l’une des cérémonies. Tremblant de fièvre, la poitrine oppressée, haletante, il parla sur la douceur de Jésus, et avec un tel amour, en des termes si pleins d’onction que tout l’auditoire fondit en larmes.

Ce fut son dernier sermon. Nous en avons toute la substance dans les pages que nous venons de méditer.


LES ORACLES DE LA SAGESSE INCARNÉE



Plus encore que par sa mansuétude, Jésus se révèle la sagesse Incarnée dans ses Oracles évangéliques. Aussi Montfort a-t-il recueilli et rassemblé les plus propres à maintenir nos esprits en face du sérieux de cet enseignement. Il se contente de rapporter les paroles du divin Maître, sans y mêler aucun commentaire ; mais le choix des textes et leur ordonnance heureuse prouvent combien son âme les a pesés et médités avant de nous les livrer.

Nous allons donc entendre la Sagesse Éternelle nous parler, non plus par les Patriarches et les Prophètes de l’ancienne Loi, ni dans les immortelles sentences des livres sapientiaux ; mais directement par elle-même, en un langage qui sonne à nos oreilles. En Jésus-Christ, c’est le Verbe, Sagesse substantielle et personnelle, qui a parlé aux hommes.

Partant du principe fondamental posé par cette Sagesse infinie, à savoir que, pour être son disciple, il faut se renoncer jusqu’à la croix (Luc, IX, 32), garder ses commandements (Jean, XIV, 23), chercher la paix avec nos frères (Mat., V, 23), Montfort entre aussitôt avec le Christ dans le détail des renoncements exigés :

- renoncement aux affections charnelles (Luc, XIV, 26) ;
- renoncement aux biens de ce monde (Mat., XIX, 21, 29) ;
- renoncement à la volonté propre (Mat., VII, 21, 24) ;
- renoncement à toute duplicité : se convertir et devenir comme des enfants (Mat., XVIII, 3) ;
- renoncement à l’esprit de violence et d’orgueil : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes (Mat. XI, 29).

Pour réaliser ces renoncements, toujours durs à la nature, il faudra prier de la manière recommandée par la Sagesse (Mat. VI, 5, 7-8 ; Marc, XI, 24-25) ;

Il faudra savoir maîtriser ses sens par le jeûne (Mat. VI, 16), et réparer le passé par la pénitence (Luc, XV, 7 ; V, 32) ;
Il faudra trouver son bonheur sans les persécutions du monde (Mat. V, 10 ; Luc, VI, 22-23). Si le monde vous hait et vous persécute, sachez qu’il m’a eu en haine le premier… (Jean, XV, 18-19).

Bien des fois, nous serons tentés de découragement. Mais la Sagesse n’est-elle pas là pour nous soutenir, nous consoler ? Venez à moi, vous tous qui êtes affligés et chargés, et je vous consolerai (Mat., XI, 28).

N’est-elle pas le Pain de vie, capable de nous fortifier ? (Jean, VI, 51-52, 56-57).

Ne prend-elle pas soin de nous, quand les hommes nous font souffrit ?… Je vous promets que pas un cheveu de votre tête ne tombera que je n’en aie soin (Luc, XXI, 17-18).

Nous n’avons donc rien à craindre, pourvu toutefois qu’elle soit l’unique Souveraine de notre cœur, car personne ne peut servir deux maîtres à la fois…(Mat. VI, 24) ; et l’homme vaut ce que vaut son codeur. Si le cœur est mauvais, rien de bon n’en sortira (Mat., XV, 19-20 ; XII, 35).

Suivent quelques Conseils, dictés pareillement par l’Éternelle Sagesse :

Ne jamais regarder en arrière (Luc, IX, 62) et faire confiance au Sauveur (Luc, XII, 7 ; Jean, III, 17).

Aimer vivre dans la Lumière (Jean, III, 20) car Dieu est Esprit…(Jean, III, 20), et… la chair ne profite de rien… (Jean, VI, 64), et quiconque fait le péché se rend esclave du péché… (Jean, VIII, 34-35) ; mais celui qui est fidèle dans les petites choses comme dans les plus grandes (Luc, XVI, 10), celui-là fait des œuvres de lumière… (Mat., V, 16).

Rechercher une justice abondante, plus que celle des scribes et des pharisiens (Mat., V, 20) ; une justice prête à tous les sacrifices… qu’il s’agisse d’un membre, si ce membre nous scandalise (Mat., V, 29 ; XI, 12) ; ou de trésors que la rouille peut corrompre et les voleurs dérober (Mat., VI, 19-20) ; ou surtout de jugement porté sur le prochain, car le même jugement nous sera appliqué (Mat., VII, 1-2).

Se montrer toujours circonspect, soit vis-à-vis des faux prophètes couverts d’une peau de brebis (Mat., VII, 15-16) ; soit vis-à-vis des plus petits enfants : il faut prendre garde de n’en mépriser aucun, car leurs anges dans le Ciel voient sans cesse la face du Père (Mat., XVIII, 10). De plus, se montrer vigilant, puisque nous ne savons ni le jour, ni l’heure où le Seigneur viendra (Mat., XXV, 13).

Ne s’inquiéter que du salut de son âme et du jugement de Dieu. Donc, ne pas craindre ceux qui ne peuvent tuer que le corps (Luc, XII, 4-5), et ne pas se tourmenter au sujet de la nourriture et du vêtement, car le Père céleste sait bien ce qui nous est nécessaire (Luc, XII, 22, 30) ; mais avoir la ferme conviction que tout ce qui est présentement caché et secret sera un jour découvert et révélé (Luc, VIII, 17).

Pratiquer enfin le bien vis-à-vis de tous, amis et ennemis (Mat., XX, 26-27) ; V, 44), dans un grand esprit de désintéressement, surtout vis-à-vis des richesses (Marc, X, 23 ; Luc, XVIII, 23). Malheur, en effet, à ceux qui ont leur consolation en ce monde (Luc, VI, 24).

Telle est la Porte étroite, indiquée par la Sagesse (Mat., VII, 13-14 ; XX, 16). Toujours, son humble disciple se souviendra qu’il doit donner (Act. XX, 35), pardonner (Mat., V, 39-40), prier sans jamais s’en lasser (Luc, XVIII, 1 ; Mat., XXVII, 41), faire l’aumône (Luc, VI, 41), et aimer s’humilier (Luc, XIV, 11).

Il aura alors accès aux Béatitudes promises et ce sera sa récompense, même dès ici-bas :

Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des Cieux est à eux !
Heureux ceux qui sont doux, car ils posséderont la terre !
Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés !
Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés !
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde !
Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu !
Heureux les pacifiques, car ils seront appelés enfants de Dieu !
… (Mat., V, 3-9)

Tout ceci est la révélation de Dieu aux humbles et aux petits : Je vous bénis, Père, Seigneur du Ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux prudents du siècle, et les avez révélées aux petits… (Mat., XI, 25-26).

« Voilà, conclut Montfort, l’abrégé des grandes et importantes vérités que la Sagesse Éternelle est venue elle-même nous enseigner sur la terre, après les avoir pratiquées la première… Bienheureux ceux qui ont l’intelligence de ces vérités éternelles. Plus heureux ceux qui les croient. Mais très heureux ceux qui les croient, les pratiquent et les enseignent aux autres ; car ils brilleront dans le Ciel comme des étoiles pendant l’éternité » (ASE, N° 133-153).

Quel enrichissement dans ces pages sur tout ce qui avait déjà été dit pendant nos douze Jours préliminaires et pendant notre première Semaine ! Il sera bon de les relire et méditer souvent. Chaque fois, nous sentirons comme une grâce de réflexion profonde envahir notre entendement et le subjuguer. Remercions Marie, la Mère de la Sagesse Incarnée, pour tant de lumières déversées en nos âmes.


(Père Dayet, Exercices préparatoires à la consécration de Saint Louis-Marie de Montfort)



Reportez-vous à Litanies du Saint Nom de Jésus, Instruction sur la Fête de la Purification, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 31e Méditation : Il s'en alla ensuite avec eux à Nazareth, et il leur était soumis, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 30e Méditation : Après trois jours, ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 29e Méditation : Quand Jésus eut atteint l'âge de douze ans, Marie et Joseph le conduisirent à Jérusalem, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 28e Méditation : Le saint Enfant croissait et se fortifiait, étant rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était en lui, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 27e Méditation : Joseph, prenant la nuit même l'Enfant et sa Mère, se retira en Égypte, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 26e Méditation : Hérode voyant que les mages l'avaient trompé, entra dans une grande colère, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 25e Méditation : L'ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, et lui dit : Levez-vous, prenez l'enfant et sa mère, et fuyez en Égypte, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 24e Méditation : L'enfant que voilà est au monde pour la perte et le salut de plusieurs, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 23e Méditation : Il y avait à Jérusalem un homme juste et craignant Dieu, nommé Siméon, Discours sur la purification de Marie, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 22e Méditation : Ils portèrent Jésus à Jérusalem, afin de l'offrir au Seigneur, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 21e Méditation : Cependant Marie ne perdait rien de toutes ces choses et les méditait dans son cœur, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 20e Méditation : Ayant été averti en songe de ne point aller trouver Hérode, ils retournèrent en leur pays par un autre chemin, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 19e Méditation : Se prosternant, ils l'adorèrent ; puis ayant ouvert leurs trésors, ils lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la myrrhe, Discours aux jeunes époux, du Pape Pie XII, durant l'Octave de l’Épiphanie, le 10 janvier 1940, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 18e Méditation : Voici que l'étoile qu'ils avaient vue en Orient parut, allant devant eux, jusqu'à ce qu'elle vint s'arrêter sur le lieu où était l'enfant, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 17e Méditation : À la nouvelle de la naissance du saint Enfant, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 16e Méditation : Nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus pour l'adorer, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 15e Méditation : Voici que les Mages vinrent de l'Orient à Jérusalem, Méditation pour le Jour des Rois : Que votre Règne arrive, Instruction sur la Fête des Rois, Méditation sur l’Épiphanie : Les Mages confessent Jésus-Christ devant les hommes, Méditation sur l’Épiphanie : Les Mages à Jérusalem, Méditation pour l’Épiphanie : La vocation des mages prédite et figurée, notre vocation à la foi de Jésus-Christ, Méditation sur l’Épiphanie : Les Rois-Mages, Méditation sur l’Épiphanie : Du ministère de Marie dans la vocation des Gentils à la Foi, Remerciement, offrande et prière au Verbe de Dieu incarné, pour l'Octave de l'Épiphanie, Méditation sur l’Épiphanie, Méditation sur la Nativité, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 14e Méditation : On lui donna le nom de Jésus, Litanies du Saint Nom de Jésus, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 13e Méditation : On lui donna le nom de Jésus, nom qui lui avait été donné par l'ange, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 12e Méditation : Après huit jours, le saint Enfant fut circoncis, Instruction sur la Circoncision, Méditation sur la Circoncision, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 11e Méditation : Les bergers revinrent en glorifiant et en louant Dieu de tout ce qu'ils avaient vu et entendu, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 10e Méditation : Les bergers se disaient les uns aux autres : Allons jusqu'à Bethléem, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 9e Méditation : Gloire à Dieu au plus haut des Cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 7e Méditation : Tout à coup l'Ange du Seigneur parut auprès d'eux, Salutation à Marie et à Jésus naissant, Litanies du Saint Enfant-Jésus, Méditation pour la Fête de Noël : Vous trouverez un Enfant enveloppé de langes, et couché dans une Crèche, Instruction sur la Fête de Noël, Pratique de la Dévotion à l'enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 1re Méditation : Marie s'étant rendue avec Joseph à Bethléem, le temps de son divin enfantement arriva, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 2e Méditation : Je vous annonce un grand sujet de Joie, il vous est né aujourd'hui un Sauveur, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 3e Méditation : Marie mit au monde son fils premier-né, et l'enveloppa de langes, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 4e Méditation : Marie, après avoir enveloppé de langes le saint Enfant, le coucha dans la crèche, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 5e Méditation : Voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche, Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 6e Méditation : Il y avait là aux environs des bergers qui veillaient et se relevaient les uns les autres pendant la nuit, pour la garde de leurs troupeaux, Litanies du Saint Enfant-Jésus, et Dévotion au Saint Enfant-Jésus : Prière d'amour et Consécration.















lundi 29 juin 2020

Le renoncement à soi-même : Le double exemple de l’apôtre Judas et de l’apôtre Simon-Pierre


Saint Pierre (Batoni)


C’est donc aux âmes, résolues à suivre Jésus dans la voie de ses commandements et même dans celle de ses conseils évangéliques, qu’incombe ce labeur du renoncement à soi.

Mais pour se renoncer, il importe avant tout de se bien CONNAÎTRE. Comment lutter avec succès contre les tendances mauvaises de notre nature, si nous ne les connaissons pas ; d’autant plus qu’en chacun de nous, il y en a une qui domine les autres et qui nous sollicite plus impérieusement au mal dans la mesure où nous l’avons déjà satisfaite ?

Et comment accepter de reconnaître cette mauvaise tendance dominante, ainsi que nos autres défauts, sans un grand esprit d’humilité, sans confesser que, laissés à nous-mêmes, nous ne valons rien et ne pouvons rien ? Ne craignons donc pas de méditer les fortes vérités fondamentales que nous propose le Père de Montfort.

Avec lui, nous considérerons avant tout notre entière appartenance à Jésus-Christ : nous sommes des rachetés au prix de son sang ; nous ne sommes donc pas nos maîtres, nous dépendons de la grâce rédemptrice.

Ensuite, nous nous appliquerons à mieux connaître :

Notre déchéance originelle et les tristes conséquences qu’elle entraîne pour chacun de nous ;
Notre misère de pauvres pécheurs et le besoin profond que nous avons du secours de Marie Médiatrice ;
Notre faiblesse personnelle face aux ennemis de notre salut, si nous ne confions pas à Marie notre trésor de grâces.

Nous découvrirons ainsi les raisons qui nous obligent à nous renoncer :

Renoncer à tout ce qui serait contraire aux obligations découlant de notre appartenance à Jésus-Christ ;
Renoncer, si nous ne voulons pas perdre le mérite de nos bonnes actions, à ce que nous sentons monter des bas-fonds de notre nature par suite du péché originel et de nos péchés personnels ;
Renoncer à toute pensée de suffisance, à tout sentiment de complaisance en nous-mêmes ; ce qui nous porterait à négliger le plus grand Moyen de nous unir à Jésus-Christ ;
Renoncer encore à cette folle confiance de prétendre sauvegarder, à l’aide de nos petites industries, le trésor de grâces et de vertus que nous portons en des vases fragiles.

En dernier lieu, nous serons heureux de constater que nous avons choisi, selon le conseil de notre maître spirituel, la forme de dévotion à Marie qui nous porte le plus à ces renoncements et qui les facilite. Nous verrons qu’elle est la meilleure et la plus sanctifiante : c’est notre « secret de grâce », que s’empressent de saisir les âmes humbles et dociles à l’Esprit-Saint.

(...)

Autre chose est de renoncer à Satan et au monde ; autre chose de marcher dans les pas du Christ en renonçant à soi-même. Nous sommes ici dans le labeur de la vie vraiment chrétienne, labeur qui réclame de constants efforts pour l’acquisition du Royaume de Dieu.
Si nous nous refusons à ces efforts, non seulement nous ne ferons aucun progrès, mais quand l’occasion de pécher se présentera, nous succomberons ; et ce sera peut-être le commencement d’une série de chutes qui souilleront les pages de notre vie.
Qu’il importe donc de bien se connaître, afin de savoir lutter contre soi-même, surtout dans les moments de tentation.


Le double EXEMPLE de l’apôtre Judas et de l’apôtre Simon-Pierre va nous montrer maintenant d’une manière concrète, d’une part, le malheur d’une âme qui s’est laissés prendre par l’esprit du monde ; et, d’autre part, le grand danger où s’expose l’âme qui ne se renonce pas.

JUDAS, appelé à suivre Jésus en qualité d’apôtre, avait bien commencé. Il occupait même un rang privilégié dans la petite communauté apostolique, puisqu’il en était le trésorier, ce qui était une marque de confiance.

Pourquoi n’a-t-il pas persévéré ? Comment expliquer sa déchéance ? C’est qu’il s’était bientôt placé à un point de vue étroit, vil et méprisable : le profit honorifique et lucratif qu’il pouvait retirer de son titre d’apôtre et de sa collaboration à l’œuvre de Jésus. Comme beaucoup de ses compatriotes, il avait rêvé d’un Messie glorieux et conquérant, qui serait le Roi temporel d’Israël. Il espérait donc occuper une situation très avantageuse dans le royaume, délivré à la fois des Romains et de la race usurpatrice des Hérodes.

Les exemples, la prédication du Sauveur, et son intimité avec lui, auraient dû le détourner d’entretenir pareil espoir et si folle ambition. Il n’en fut rien.

Les pensées de Judas furent démasquées le lendemain du jour où avait eu lieu le grand miracle de la première multiplication des pains. Jésus avait profité de ce miracle pour annoncer au peuple, en termes précis et avec insistance, la merveille autrement grande de son Eucharistie. « Je suis le Pain de vie. Ma chair est une nourriture et mon sang un breuvage. Celui qui mange ma chair et boit mon sang porte en lui la vie éternelle, et moi je le ressusciterai au dernier jour » (Jean, VI).

Devant de telles affirmations, les esprits qu’aveuglait l’orgueil s’étaient cabrés ; et beaucoup de Juifs, qui avaient suivi jusque-là le Sauveur, trouvèrent un prétexte pour s’éloigner de lui définitivement. En face de cette désertion, Jésus, se tournant vers ses Apôtres, leur posa nettement la question de confiance : « Est-ce que, vous aussi, vous voulez vous en aller ? »

Simon-Pierre prit alors la parole au nom de ses frères : Ah, Seigneur, à qui donc irions-nous ? Vous seul avez tous les secrets de la vie éternelle, et vous nous les livrez dans vos paroles. Il n’y a pas d’autre Maître que vous. Nous savons que vous êtes le Christ, le Fils de Dieu.

Admirable protestation de foi ! Si Jésus avait déjà fait tant de miracles, son amour tout-puissant saurait bien encore accomplir le miracle eucharistique. Il n’y avait donc qu’à le croire sur sa parole.

Mais, parmi les Apôtres, Judas ne pensait pas ainsi. Grande avait été sa déception en entendant le sauveur promettre, non pas un bonheur terrestre, mais l’aliment d’une vie surnaturelle qui ne serait autre que Lui-même. Puisque Jésus n’entrait pas dans ses vues, il n’y avait plus qu’à le quitter. Aussi, son apostasie était chose décidée ; et, à défaut d’une place lucrative dans le royaume de son rêve, il prélèverait tout ce qu’il pourrait sur la caisse apostolique pour assurer son avenir temporel. Il devint voleur. Le mot est de l’apôtre saint Jean (XII, 6). La passion de l’argent ira même jusqu’à le conduire à la trahison et au déicide.

En vain, Jésus tentera de le faire rentrer en lui-même, par l’horreur même de la perspective entrevue : « Ne vous ai-je pas choisis tous les douze ? » dit-il à ses Apôtres. Cependant, malgré ce choix de prédilection, l’un de vous est un démon, c’est-à-dire semblable au diable qui, de bon, s’est fait méchant (Jean, IV, 7).

D’autres avertissements suivront, dont le malheureux ne voudra tenir aucun compte. Il s’en ira, tête baissée, vers la damnation. Au soir de l’institution de la sainte Eucharistie, Judas consommera son apostasie en livrant le divin Maître pour trente deniers d’argent. Après quoi, fou de désespoir, il ira se pendre. Triste fin d’une âme qui a préféré obstinément l’esprit du monde à l’esprit de Jésus. Oh ! remercions encore saint Louis-Marie de Montfort de nous avoir mis si fortement en garde contre ce pernicieux esprit qui n’aboutit à rien moins qu’à la damnation éternelle.


L’apôtre SIMON-PIERRE, lui, ne s’était jamais laissé prendre par l’esprit du monde. Son amour pour Notre-Seigneur était sincère ; son dévouement, sans égal ; sa foi, au-dessus de tout éloge. Nous venons de le voir confesser la divinité de Jésus en une circonstance apparemment tragique pour le succès de la prédication évangélique.

Un peu plus tard, à Césarée de Philippe, non loin des sources du Jourdain, une autre confession de Simon-Pierre sera plus explicite encore. Se trouvant seul avec ces apôtres, Jésus les interroge : « Qu’est-ce que les hommes disent de moi ? » Les appréciations sont variées, répondent-ils. Les uns vous prennent pour Jean-Baptiste ressuscité, d’autres pour Élie ou pour Jérémie, ou encore pour quelqu’un des anciens prophètes revenu sur la terre.

« Mais vous, poursuit le Sauveur, qui dites-vous que je suis ? » Sans l’ombre d’hésitation, Pierre répond : « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Rien de plus complet ne pouvait se formuler. L’Apôtre ne dit pas : nous estimons, nous croyons, nous sommes convaincus ; sa réponse affirme ce qui est. Vous, Seigneur, que nos yeux contemplent dans la réalité de votre nature humaine, vous êtes, par delà ce qui apparaît aux regards, vous êtes le Fils éternel du Dieu vivant ; vous êtes le Christ, c’est-à-dire l’Oint de Dieu, le Messie attendu, Fils de Dieu, du seul vrai Dieu (Dom Delatte, l’Évangile de Notre-Seigneur).

Assertion si belle et si pleine que, sur-le-champ, Jésus lui déclare qu’il sera la pierre fondamentale de son Église : « Et moi, à mon tour, en récompense de ta foi, je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle » (Matth., XVI).

Comment expliquer alors la chute, aux heures douloureuses de la Passion, d’un apôtre si fortement attaché à son divin Maître ?…

C’est qu’il ne connaissait pas le point faible de sa nature impétueuse. Il avait en lui-même une confiance allant jusqu’à la présomption ; et ses privilèges au sein du Collège apostolique ne le garantissaient pas contre les tentations qui pouvaient survenir.

Jésus lui-même prend soin de l’en avertir. À la dernière cène, il avait parlé de séparation prochaine, et de l’impossibilité pour les disciples de le suivre là où il allait, c’est-à-dire au martyre, à la croix.

« Où donc allez-vous, Seigneur ? » demanda Pierre anxieux. « Là où je vais, répondit Jésus, tu ne peux me suivre maintenant, mais tu me suivras plus tard. » Et Pierre d’insister : « Pourquoi ne puis-je pas vous suivre dès maintenant ? Je donnerais ma vie pour vous !

— Ah ! Simon, Simon, reprit Jésus, tu ne sais donc pas que Satan a reçu licence, car c’est son heure, de vous cribler, vous mes Apôtres, de vous secouer comme le froment qu’on épure. Tous, vous serez scandalisés cette nuit à cause de moi ».

Pierre entreprend alors de se justifier, tant il est sûr de lui-même et de sa tendresse pour le Sauveur : « Quand bien même tous les autres seraient scandalisés à votre sujet, moi je ne le serai pas ! »

« En vérité, je te le dis, affirme Jésus, toi, toi, Simon, aujourd’hui, cette nuit même, avant que le coq ait chanté deux fois, tu m’auras renié trois fois ».

Cette assertion est intolérable à l’Apôtre ; il conteste fortement, il ose contredire son divin Maître qui est la Vérité même : « Dussé-je mourir avec vous, non, je ne vous renierai pas. Seigneur, avec vous je suis prêt à aller et en prison et à la mort » (Luc, XXII, 33).

En face d’une telle présomption, Jésus se tait, il attendra la leçon des évènements qui vont se dérouler. Après son arrestation au jardin des Oliviers, tous les Apôtres avaient commencé par s’enfuir. Pierre pourtant se ravise et, suivant de loin la cohorte, réussit à pénétrer dans la cour du palais de Caïphe, où des serviteurs et des gardes se chauffaient autour d’un feu de braise. Imprudemment, il se joignit à eux et voulut attendre pour voir comment le jugement finirait.

Mais la portière, s’approchant du groupe et regardant Pierre avec attention : « Toi aussi, lui dit-elle, tu es un des disciples du Nazaréen ? – Non, répondit l’Apôtre. Je ne sais pas, je ne comprends pas ce que tu veux dire ».

Un premier chant du coq retentit, auquel Pierre ne prit pas garde. Et voici qu’une autre servante fit remarquer aux gens qui se chauffaient que celui-là était vraiment avec Jésus le Nazaréen. Pierre nia une seconde fois, et même avec serment : « Je ne connais pas l’homme dont vous me parlez ».

Une heure environ s’écoula. Le malheureux Pierre ne pouvait se résoudre à sortir et prenait même part à la conversation. Quelques-uns lui dirent alors : « Mais sûrement tu es Galiléen, ton accent te trahit ». Un des serviteurs du Pontife alla jusqu’à préciser : « Je t’ai vu avec lui dans le jardin ». Pierre protesta avec jurement et imprécation qu’il ignorait ce qu’on voulait dire, qu’il ne connaissait nullement cet homme-là.

Les dénégations duraient encore lorsque le coq chanta pour la seconde fois. L’Apôtre alors se souvint de la prédication du Seigneur : « Avant que le coq n’ait chanté deux fois, tu m’auras renié trois fois ». Hélas ! c’était fait. Et voilà dans quelles chutes lamentables on peut tomber, bien que n’ayant pas l’esprit du monde, lorsqu’on ne se connaît pas et qu’on ne se renonce pas.

Simon-Pierre n’avait pas voulu reconnaître la faiblesse de sa volonté une fois laissée à elle-même. Bien au contraire, il s’affirme avec force, allant jusqu’à s’exalter au-dessus des autres et à se croire impeccable. La principale culpabilité de Pierre est dans cette folle estime qu’il a de lui-même : au lieu de s’humilier devant les avertissements de Jésus, il tombe dans la présomption et la témérité. Le reste suit, dès que l’occasion se présente.

Ce péché de l’Apôtre doit nous montrer, plus que toutes les considérations et les raisonnements, le bien-fondé de notre première Semaine. En l’employant à la connaissance de nous-mêmes, dans un grand esprit d’humilité, nous nous attaquons à la cause des chutes toujours possibles. Nous prévenons ces chutes parce que, avec la grâce de Dieu qui ne manque pas à celui qui la demande, nous facilitons les renoncements qui s’imposent pour résister aux tentations et demeurer fidèles Jésus.

Ne craignons donc pas de projeter la lumière sur nous-mêmes. Ce labeur spirituel est indispensable. Que son austérité ne nous effraye point. Pour nous encourager, pensons dès maintenant à la joie des deux Semaines qui suivront, notre méditation fixée alors sur la Sainte Vierge et sur Notre-Seigneur Jésus-Christ. Notre Consécration à ces Maîtres divins exige que nous commencions par nous humilier et nous affranchir de l’obstacle du « moi » égoïste, de l’attachement à notre esprit propre et à notre volonté propre.

Si, dans notre passé, nous avons à déplorer des fautes qui rappellent le péché de faiblesse de l’apôtre Simon-Pierre, imitons son repentir en faisant confiance au Cœur toujours aimant du Sauveur. Un regard a suffi pour faire fondre en larmes l’apôtre infidèle et pour dissiper à tout jamais l’orgueilleuse estime qu’il avait de lui-même. Aussi, quand Jésus lui demandera un triple serment d’amour en compensation du triple reniement : « Simon-Pierre, m’aimes-tu, m’aimes-tu plus que les autres ? », l’Apôtre ne répondra pas à la direction posée. Il ne s’élèvera plus, il ne se comparera plus, il n’affirmera plus rien de sa personne : il ne se répandra plus en vaines protestations, en promesses verbales illusoires. Il aura renoncé à tout cela et se contentera d’en appeler au témoignage et à la science infinie de son Maître : Oui, Seigneur, vous qui lisez dans le fond de mon cœur, vous savez bien que je vous aime, et non plus moi comme auparavant.

L’humilité – une humilité profonde – était entrée dans son âme avec la triste expérience de sa chute et la connaissance de son défaut dominant. Il en sera de même pour nous. La connaissance que nous allons acquérir de nos faiblesses et de nos tendances défectueuses fera tomber nos illusions. Elle nous acheminera vers cette vertu d’humilité qui, seule, favorise de façon efficace le renoncement à soi demandé par Notre-Seigneur.


(Père Dayet, Exercices préparatoires à la consécration de Saint Louis-Marie de Montfort)


Reportez-vous à Saint Pierre, Chef et Pasteur de l'Église de Jésus-Christ, Qu'est-ce que la persévérance ?Prière à Saint Pierre, Prière à Saint Pierre, pour obtenir de vivre et de mourir dans l'unité de la Sainte Église Romaine, ou pour demander une grâce quelconque, Litanies de Saint Pierre, ApôtreCommerce : Image de la vie spirituellePrière pour la PersévéranceL'inimitié entre Satan et Marie, Le Saint Esclavage de Jésus en Marie, d’après Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, Un signe des temps : Le siècle de Saint Vincent Ferrier et Notre-Dame de Lourdes, Inimitiés entre les enfants de Marie et les esclaves du Diable, Prière d'un enfant de MarieSur la vaine curiosité, Par quelles armes battre le Tentateur ?, La Vierge Immaculée de Guadalupe, Pèlerinage et Méditation sous forme de dialogue, Cantique de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort : Dieu sollicite la conversion du pécheur, De l'Amour du Père Surin pour tout ce que Notre-Seigneur a aimé, et premièrement de sa grande dévotion à la très-sainte Vierge, Cantique de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, sur l'horreur du péché mortel, Cantique d'Action de Grâce des esclaves d'amour de Jésus en Marie, par Saint Louis-Marie Griginion de Montfort, Litanies de l'Amour de Marie, Figure biblique de la parfaite dévotion à la Sainte Vierge Marie : Rébecca et Jacob, Votre mémoire est une boîte à tentations dans laquelle le démon pioche, Prions avec Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, et La Vierge Marie et les derniers Temps.













jeudi 26 mars 2020

Jésus, Sagesse souffrante et crucifiée




Nous voici aux Mystères de la Passion. La dépendance de Jésus à l’égard de sa sainte Mère ne se révèle pas de prime abord dans les trois premiers. Cependant, comme nous retrouvons Marie au portement de la Croix et au crucifiement, où va se consommer l’œuvre rédemptrice, c’est une invitation pour nous à découvrir sa participation aux souffrances qui ont précédé.
Nous nous demanderons donc comment Jésus dépend de Marie dans les trois Mystères de son agonie, de la Flagellation et du Couronnement d’épines. Tout uniment ensuite, nous le contemplerons le long de la Voie douloureuse et sur la montagne du calvaire, ayant sa Mère à ses côtés. Que de grâces alors ont été déversées sur les âmes qui ont suivi ou même simplement approché la Très Sainte Vierge !
Cette méditation devra nous faire apprécier de plus en plus la valeur surnaturelle des souffrances dans nos courtes vies terrestres. « On va dans la Patrie par le chemin des croix », chantait Montfort. Jésus et Marie marchent devant nous. Demandons-leur lumière et force pour les suivre courageusement.


LES TROIS PREMIERS MYSTÈRES DOULOUREUX



Ces Mystères peuvent être envisagés comme renfermant, en leurs douleurs spéciales, l’expiation offerte par Jésus à son Père pour les innombrables péchés issus de chacune des trois grandes convoitises : l’amour de l’argent, celui des plaisirs de la chair, et l’orgueil de l’esprit. Au jardin de l’Agonie, Jésus souffre en son âme plus particulièrement à la vue des crimes qu’engendre l’amour de l’argent et qui damnent un si grand nombre. À la Flagellation, il souffre dans son corps en expiation des péchés de la chair. Au Couronnement d’épines, il souffre dans sa tête adorable et expie les péchés de l’esprit. Expiation dominante en chacun des trois Mystères, mais nullement exclusive.
Dans le Mystère de l’Agonie, justement appelé la Passion du Cœur de Jésus, notre très doux Sauveur a vu passer devant son esprit tous les péchés du monde et, d’une manière plus intense, les crimes qu’engendre la misérable avarice. N’est-ce pas, d’ailleurs, dans le temps même où il entre en sa volontaire et terrible Agonie, que Judas, « l’un des Douze », le vend pour trente pièces d’argent ; et n’est-ce pas en ce jardin des Oliviers que le traître va bientôt venir, à la tête d’une bande armée, consommer le crime de sa trahison ?

Ainsi, Judas a commis son forfait et sombré ensuite dans le désespoir, en conséquence de la hideuse passion qui dévorait son âme. Il a préféré l’argent au sang de son divin Maître. Combien d’autres se damnent à sa suite, leurs regards obstinément rivés à la terre ! Il faut croire qu’un très grand nombre de damnés – peut-être le plus grand nombre – le sont par amour de l’argent et de tout ce qu’on peut obtenir par l’argent, puisque chaque fois que l’Évangile parle de damnés, c’est toujours pour leur attachement calculé aux richesses de ce monde et à la dureté de cœur qui s’en suit (voir la Parabole du commerçant avare (Luc, XX, 15-21), et celle du mauvais riche (Luc, XVI, 19-31). « On ne peut servir à la fois Dieu et Mammon » (Luc, XVI, 13)).

On ne s’imagine pas quel univers d’iniquités sort de cette misérable passion de l’argent : les cupidités, les idolâtries, les vols, les mensonges, les parjures, les suicides, les divisions de familles, les simonies, les trahisons, les hypocrisies, les haines tenaces, les cruautés, les meurtres, les guerres injustes, les guerres avec leur cortège de crimes et de violences de toutes sortes…

Jésus a eu la vision de tout cela, et il en a ressenti une douleur de cœur indescriptible. Quae utilitas in sanguine meo ? (Ps. XXIX, 10). Pourquoi mon sang va-t-il être versé pour tant et tant de malheureux qui n’en profiteront pas, qui se perdront sans retour et me haïront éternellement ? Cette pensée de l’inutilité des souffrances rédemptrices pour un très grand nombre provoque en son âme une telle épouvante, un tel abattement qu’il supplie son Père par trois fois d’éloigner, si possible, ce calice d’amertume ; et ne trouvant autour de lui aucune humaine consolation : Torcular calcavi solus (« J’étais seul à fouler le pressoir » (Is. LXIII, 3)), son Cœur en est comme broyé, il étouffe sous la pression d’angoisse. Une sueur de sang inonde tout son corps et baigne la terre où il est prosterné.

Mais ce Cœur, que la douleur étreint si violemment, où donc a-t-il été formé, si ce n’est dans le sein de la Vierge marie ? Cor Jesu, in sinu Virginis a Spiritu sancto Formatum, disons-nous dans les Litanies du Sacré-Cœur. « Cœur de Jésus, formé dans le sein de la Vierge par la vertu de l’Esprit-Saint, c’est-à-dire miraculeusement formé de la substance de Marie. Et ce sang, qui s’échappe par tous les portes et se répand sur la terre du jardin des Oliviers, où donc a-t-il pris sa source sinon dans le cœur très pur de cette Mère immaculée, qu’on a raison d’appeler « Notre-Dame du précieux Sang » ?

Marie a préparé le Cœur de Jésus à soutenir ce formidable choc en retour de l’immense tristesse de son âme, coopérant ainsi à l’expiation qu’il offrait à la Justice de Dieu. Elle est donc bien dans ce Mystère de l’Agonie. Elle y est profondément, bien que d’une manière plus cachée. C’est à nous de l’y découvrir, Jésus dépend d’elle et d’elle seule en ce désarroi de tout son être humain, en cet affolement de sa sensibilité, ouverte comme la nôtre et plus que la nôtre à la peur, à l’effroi, à l’accablement devant la souffrance et la mort. Les hautes régions de son âme lui demeuraient assurément très unies, en même temps que soumises, sans fléchissement, à la volonté du Père des Cieux.

« Allons, levez-vous, dit-il aux siens après la victoire remportée sur lui-même, voici qu’approche celui qui me trahit » (Mat. XXVI, 46 ; Marc, XIV, 42).

La même dépendance s’étend sur les Mystères de la Flagellation et du Couronnement d’épines. Celui de la Flagellation se présente, avons-nous dit, comme étant plus spécialement l’expiation rédemptrice des péchés de la chair. Si un très grand nombre d’âmes se damnent pour des crimes d’avarice, combien d’autres se ferment à jamais le Ciel, surpris par la mort en leurs habituelles et honteuses débauches ! Que de péchés graves se commettent dans l’entraînement de la passion sensuelle ! Que d’orgies, que d’abominations et de raffinements, que d’impuretés et d’impudicités ! Péchés de luxure qui crient vengeance, au point d’avoir provoqué le déluge, la destruction de Sodome et Gomorrhe, et combien d’autres châtiments.

Jésus va souffrir épouvantablement en expiation de ces fautes sans nombre. Dans le prétoire de Pilate, son sang divin se répandra de nouveau, mais cette fois par suite des blessures infligées à sa chair innocente. Pour commencer, voilà son corps, « ce corps sacré, si beau, si chaste et plus que virginal ; ce corps que nul œil humain n’avait vu depuis les jours de sa première enfance, le voilà dénudé, le voilà exposé à des yeux haineux, curieux, impudents, cyniques (Mgr Gay, Mystères du Rosaire) ». Quelle humiliation et quelle torture pour le plus beau, le plus pur des hommes ; pour le plus sublime des maîtres de la sainteté et de la grandeur morale ! Il s’en est plaint dans les Psaumes : « Pour vous, mon Dieu, j’ai soutenu l’opprobre… » (Ps. 67, 9). « Ils m’ont considéré de près, ils m’ont examiné… (Ps. 21, 18) se vantant de cela et criant : Allons, c’est bien, nos yeux l’ont vu » (Ps. 34, 21).

Bientôt, sa chair vole en lambeaux sous les coups de lanières garnies d’osselets ou de balles de plomb. Les soldats de la garnison frappent avec violence, se succédant sans répit ni intervalle, et s’excitant eux-mêmes par des railleries, des grossièretés, des blasphèmes.

Combien de temps dura le supplice ? Combien de coups reçut la Victime ? La limite ordinaire fut sans doute dépassée. « Ils ont frappé sur mon dos comme le forgeron sur l’enclume ; ils ont prolongé sans mesure leur iniquité » (Ps. 128, 3). Leur but n’était-il pas, sur l’ordre donné par le procurateur, de réduire le patient au point où le peuple le prendrait en pitié ?

En vérité, Dieu trouvait là une compensation suffisante à toutes les abominations charnelles. La sainteté, la charité, la pureté de cette hostie vivante et gémissante, en proie à d’incommensurables douleurs, couvrait et absorbait le mal ; sans compter qu’elle arrachait au cœur du Père des Cieux des grâces de miséricorde, en vue du retour à la maison de famille des enfants prodigues de tous les siècles, qui se laisseront toucher par le repentir.

Durant cette longue Flagellation de son pauvre corps, combien souvent la pensée de Jésus dut se porter aussi vers sa Mère ! C’est d’elle seule qu’il avait reçu cette chair, aujourd’hui si affreusement torturée. Caro Christii, caro Mariae, a-t-on pu dire à propos du sacrement de l’Eucharistie, appelé dès le IVe siècle par saint Grégoire de Nysse le sacrement de la Vierge. C’est pourquoi l’Église ne cesse de chanter dans l’une de ses hymnes au Saint Sacrement : Ave, verum Corpus natum de Maria Virgine. « Salut, ô vrai Corps né de la Vierge Marie ! ». Comme elle lui donna ce Corps pour être notre nourriture dans l’Eucharistie, elle le lui donna pareillement pour être matière à expiation rédemptrice dans sa Passion. Jésus continue ainsi de dépendre de sa sainte Mère. S’il souffre indiciblement en tout son Corps déchiré, c’est comme Fils de Marie, comme Verbe fait chair en Marie : Verbum caro factum. Au plus intime de son âme, il en gardait la claire vision, sachant qu’elle communiait à ses tourments et adorait avec lui les volontés du Père.

Au Couronnement d’épines succédant à la Flagellation, Jésus nous apparaît Victime de rédemption pour expier plus spécialement les péchés de l’esprit, les péchés d’orgueil dont la tête est la source et l’organe. L’orgueil à son apogée rejette le Christ, son message et ses miracles, ferme les yeux à l’évidence, s’obstine dans le mensonge et la haine, ne recule ni devant aucune grave accusation, ni devant aucune injuste condamnation. Il s’adore lui-même et entend se mettre à la place de Dieu.

Les chefs religieux de la nation juive, Caïphe à leur tête, en sont avec les Pharisiens la vivante manifestation. Pour eux Jésus, qui se dit le Fils de Dieu, est un blasphémateur. Il mérite la mort. On l’amène donc devant le tribunal de Pilate. On l’accuse de pousser le peuple à la révolte, de défendre de payer le tribut à César, et, par-dessus tout, de se dire le Roi des Juifs. Sa Royauté n’est qu’imposture. Nous ne voulons pas qu’il règne sur nous. Enlevez-le. Faites-le disparaître. Qu’il meure crucifié ! C’est à nous que doivent revenir les hommages de la nation.

Péché très grave, le plus grave qui puisse être. Orgueil audacieux qui fait lever la tête et au-dessus des hommes pour les dominer et contre Dieu pour le braver. En expiation de cet outrage à la Majesté divine, Jésus va souffrir dans sa Tête adorable que la Flagellation semble avoir épargnée. La tête, cette partie la pus noble du corps de l’homme, où siège l’intelligence, où brille, sur le front et dans les yeux, un reflet de la lumière d’En-Haut. La tête, sur laquelle, en signe de Souveraineté reconnue, se posent la couronne des rois et la tiare des pontifes.

Aussi, les soldats de Pilate, qui ont entendu la principale accusation lancée par les Juifs, vont-ils s’appliquer à tourner en ridicule cette prétendue Royauté. On assemble la cohorte. Une couronne d’épines est vite tressée et enfoncée brutalement sur la tête du Sauveur. Et pour que rien ne manque à cette parodie sacrilège, on lui jette sur les épaules un haillon écarlate, on lui met entre les mains, en guise de sceptre, un de ces roseaux creux mais solides, que nous nommons bambous et qui croissent nombreux en Judée (Mgr Gay, Mystères du Rosaire). On le fait asseoir sur quelque tronçon de colonne ; puis, l’un après l’autre, ces païens défilent devant lui, ployant le genou, se moquant et disant : « « Salut, Roi des Juifs ! » Les uns lui donnent des soufflets, d’autres souillent de crachats l’auguste Visage. Il y en a qui, lui ôtant le roseau des mains, lui en assènent des coups sur la tête, ajoutant le sarcasme à la rage de faire souffrir.

Les épines, longues et aiguës, transpercent le front et les tempes. Les cheveux sont arrachés, les yeux se voilent de sang, les oreilles bourdonnent de douleur. Jésus reparaît ainsi devant les Juifs, portant toujours la couronne et la pourpre, n’ayant presque plus figure humaine. Ecce Homo ! « Voilà l’homme ! », leur dit Pilate, celui qui s’est dit votre Roi ; voyez ce qu’il est devenu. Quelle crainte peut-il vous inspirer désormais ?

Oui, voilà l’Homme-Dieu, le Fils bien-aimé, en qui le Père a déclaré solennellement par deux fois avoir mis ses complaisances ; l’Enfant de la Vierge, à qui l’ange de l’Annonciation l’avait promis comme un Roi, et un Roi dont le Règne n’aurait jamais de fin : Et Regni ejus non erit finis (Luc, I, 32-33). Roi, aujourd’hui couronné d’épines, tourné en dérision, « n’ayant plus ni éclat, ni beauté (Isaïe, LIII, 2) », souffrant d’intolérables élancements dans ce que toute mère – mais surtout Marie Immaculée – chérit le plus en son enfant, comme étant plus particulièrement son bien et sa propriété : le visage qui prote la ressemblance du sien, la chevelure, le front, les yeux, où elle se reconnaît. Tête jadis caressée et baisée en témoignage d’amour et d’affection envers la divine Personne de son Fils. Tête royale, sacerdotale, sacrée, innocente ! Tête douloureuse, excessivement douloureuse ! Tête humiliée, excessivement humiliée ! Visage souillé, outragé, profané, rendu méconnaissable ! Tête et visage de Jésus, Fils de Marie ;apparemment ce qu’il y a de plus Elle en Lui ; puisqu’en voyant le jeune Nazaréen, tous ses compatriotes pouvaient dire et beaucoup le disaient : « Regardez, c’est sa Mère ! ».

O Jesu, Fili Mariae ! Ô Jésus de la Vierge Marie, qu’il nous est bon de retrouver ainsi votre dépendance filiale, même en ces Mystères d’où votre sainte Mère est corporellement absente ! Si notre foi se plaît à découvrir, sous les voiles eucharistiques, ce que vous tenez d’elle, combien plus lorsque nos yeux peuvent regarder votre Humanité douloureuse. Ainsi, vous ne cessez de nous apparaître le fruit béni de ses chastes entrailles.

Vue réconfortante qui ne doit pas nous quitter, lorsque nous méditons ces Mystères de notre Rosaire. Mais voici que se manifeste la présence elle-même de la Vierge dès la sortie de Jésus du prétoire de Pilate.



LE PORTEMENT DE LA CROIX ET LE CRUCIFIEMENT



Contemplons notre divin Sauveur chargé de la croix. Elle est lourde de tous les péchés issus des trois grandes convoitises, pour lesquels il a déjà tant souffert. Les supplices de la Flagellation et du couronnement d’épines, poussés à l’extrême, ont épuisé ses forces. Il n’avance qu’avec peine, trébuchant pour ainsi dire à chaque pas. Il défaille, tombe, se relève sous les coups pour tomber encore. Ses bourreaux, craignant qu’il ne puissent atteindre le calvaire (car il faut faire vite), contraignent un passant, un étranger qui revient des champs, à porter la Croix derrière lui. Est-ce alors, ou peu auparavant, qu’eut lieu cette rencontre de Jésus et de sa sainte Mère, dont la tradition de Jérusalem nous a conservé le souvenir (P. de la Broise, La Sainte Vierge) ? Ce dont nos cœurs ne peuvent douter, c’est que Marie, accompagnée de Jean et des habituelles suivantes de Jésus, s’est présentée à son Fils dès qu’elle aura pu le joindre à travers la foule et la sombre escorte des soldats et des larrons.

Pauvre et vaillante Mère, apercevant son Jésus en cet état méconnaissable où l’ont réduit, en quelques heures, les cruels traitements des hommes! Elle ne le quittera plus jusqu’à la mise au tombeau. Ensemble, ils gravissent le Calvaire, semant des grâces sur leur passage. L’une de ces grâces fut sans doute la transformation qui dut commencer de se faire dans l’âme de Simon le Cyrénéen, au contact de la Croix et au voisinage de Marie implorante. Si les Évangélistes nous ont conservé son nom, celui de sa patrie d’origine (Cyrène de Lybie, en Afrique), et les noms de ses deux fils, Alexandre et Rufus, c’est donc qu’ils étaient alors des personnages bien connus de la première communauté chrétienne (Rufus est nommément désigné dans l’Épître aux Romains).

Grâce aussi que l’avertissement donné aux femmes de Jérusalem, à ces inconnues qui suivaient le cortège ou se trouvèrent sur son passage, faisant entendre des lamentations selon l’habitude orientale. Elles pleurent, simplement mues de pitié naturelle pour celui qui allait mourir.

« Filles de Jérusalem, leur dit Jésus, ne pleurez pas sur moi ; bien plutôt, pleurez sur vous et sur vos enfants ». Car vous appartenez à cette nation ingrate qui me renonce et me tue. Pleurez sur les maux qui vous attendent : la ruine de votre ville, la destruction de votre patrie, la dispersion de votre peuple. En ces jours qui sont proches, on dira : « Heureuses les stériles, et les entrailles qui n’ont pas enfanté, et les mamelles qui n’ont pas nourri ! » On verra des mères, rendues folles par la faim, dévorer leurs propres enfants. On souhaitera alors d’être englouti sous les montagnes et les collines. Et ces désirs de l’impossible ne seront encore que l’annonce de ce qui arrivera au grand Jour du Jugement. C’est la nécessité de la Justice ; si l’on me traite comme on le fait, moi le bois vert, le Saint et la source de toute sainteté, quel sera le sort réservé aux coupables impénitents et opiniâtres, rebelles à la Royauté de Dieu et de son Christ, bois sec bon pour le feu éternel (Luc, XXIII, 27-31. Voir Mgr Gay, Rosaire, II).

Oui, grâce que ce dernier avertissement du Sauveur ; lumière suprême projetée sur sa vie, sa doctrine, ses souffrances, son sacrifice, sa mort. Marie entendit ces paroles ; elle aura prié pour ces femmes, jeunes encore, et dont plusieurs vécurent assez pour voir la ruine de Jérusalem.

Mais, entre toutes les grâces de la montée douloureuse, il faut signaler la fidélité de l’apôtre Jean. Alors que tous les autres ont fui, alors que Simon-Pierre ne s’est ressaisi que pour pénétrer dans la cour du palais de Caïphe et y renier son Maître, Jean a pu suivre, sans en être inquiété, les différentes phases du procès. S’il était particulièrement aimé de Jésus, il l’était également de Marie. C’est elle qui l’attire et le retient en ces heures tragiques. C’est elle qui lui vaut cette présence à ses côtés le long de la montée et sur le Calvaire, pour être le témoin officiel des derniers moments de la vie terrestre du Sauveur et des événements qui marquèrent sa mort. Grâce de choix, faveur inestimable que cette participation aux ultimes souffrances du Rédempteur en compagnie de Marie Corédemptrice ! Lui, qui, la veille, a reposé sa tête sur la poitrine de Jésus, il va entendre à présent ses dernières paroles, et il verra de ses yeux le côté ouvert par la lance du soldat romain.

À cette fidélité de Jean s’ajoute celle des saintes femmes, les pourvoyeuses du collège apostolique, qui avaient suivi le Sauveur depuis la Galilée dans son récent voyage à Jérusalem pour la Pâque. Elles étaient nombreuses, et se groupèrent, au Golgotha, à quelque distance de l’endroit du supplice. Quelques-unes cependant purent s’approcher avec la Sainte Vierge et saint Jean, Marie Salomé, Marie de Cléophas, parentes de Jésus, et Marie-Madeleine (Jean, XIX, 25. Voir Dom Delatte). Toutes ces femmes, on le pense bien, aimaient d’une très grande et respectueuse affection la Mère de Jésus. Mises tout à coup en face de cette Pâque ensanglantée, comment n’auraient-elles pas témoigné aussitôt leur profonde sympathie à celle qu’elles voyaient si cruellement frappée dans son amour maternel ? Et puisqu’elles ne pouvaient plus servir le Sauveur et ses apôtres, ce leur fut une consolation d’accompagner Marie accourant au-devant de son Fils et de former ainsi le groupe des amies fidèles montant au calvaire.

Avec Marie et Jean, elles furent les consolatrices du Cœur de Jésus mourant. Que de grâces leur auront values ces heures de fervente assistance à son sacrifice ! Parmi elles, et les plus proches, il y avait deux mères d’apôtres, prêtres consacrés de la veille : Salomé, la mère de Jean et de Jacques le Majeur ; Marie de Cléophas, mère de Jacques le Mineur et de Jude. Les voilà intimement unies à la sainte Mère du Souverain Prêtre offrant au Père des Cieux son immolation rédemptrice !

Il y avait Marie-Madeleine, la pardonnée, se tenant tout près de Marie l’Immaculée, et baignant son âme dans le sang de la divine Victime. Faveur inouïe, prodige d’infinie miséricorde ! Ses larmes du calvaire, jointes aux larmes, aux douleurs, aux prières de la Vierge, auront sans doute contribué à obtenir la conversion de l’un des larrons crucifiés aux côtés de Jésus. Comme son compagnon, il avait commencé par insulter le sauveur. Mais bientôt, à la vue de sa patience dans les tourments, de la compassion de sa sainte Mère, de la fidélité des amis silencieux, en contraste avec les Juifs blasphémateurs et la foule hurlante, il se ravise, il ouvre toute grande son âme à la foi en la Divinité et en la Royauté supra-terrestre de Celui qu’il vient d’entendre pardonner à ses bourreaux. Il confesse l’innocence totale de Jésus, et, se tournant vers lui, il implore humblement un souvenir en sa faveur : « Seigneur, souvenez-vous de moi lorsque vous serez dans votre Royaume – Aujourd’hui, répond Jésus, tu seras avec moi dans le Paradis » (Luc, XXIII, 42-43). C’est la seule fois, a-t-on remarqué, que Notre-Seigneur ait fait cette promesse ; c’est la première fois qu’il ait parlé du paradis, et c’est à un pécheur qu’il parle ainsi (Louis Rouzic, Les sept Paroles et le Silence de Jésus en croix).

Quelle floraison de grâces sur cette montagne du Calvaire, véritable montagne de la myrrhe et de l’encens, où la souffrance et la prière se tiennent embrassées dans tous ces cœurs fidèles au divin crucifié et sincèrement unis à sa Mère douloureuse ! C’est le moment où Jésus Rédempteur offre son sacrifice suprême. Comment, à cette heure où tout se consomme, ne dépendrait-il pas filialement de Celle qui, jadis, donna son consentement à sa venue ici-bas, l’offrit au Temple le quarantième jour après sa naissance, et ne l’éleva, ne le vit grandir qu’en vue de son immolation sanglante ? Cette longue préparation trouve ici son achèvement total. C’est pourquoi Jésus a voulu sa Mère présente aux douleurs de ses derniers instants et participantes à l’oblation de sa vie.

Elle a donc suivi les préparatifs du supplice ; elle a vu le dépouillement brutal, le crucifiement sans pitié qui va disloquer, déformer les membres, leur causant des souffrances indicibles. Elle considère à présent le corps élevé de terre, immobilisé dans les tortures d’une agonie lente, exposé aux regards d’une foule qui se repaît du « spectacle », comme écrira saint Luc (Omnis turba erorum qui simul aderant ad spectaculum istud. XXIII, 48). Elle entend les sarcasmes, les défis, les insultes des ennemis triomphants. Elle aperçoit les soldats qui jettent leurs dés pour se partager les vêtements de son Fils, cette robe sans couture tissée de ses mains.

Debout au pied de la croix, un glaive à travers l’âme, elle souffre et prie avec le divin Patient. Elle l’offre et l’immole comme lui-même s’offre et s’immole. Elle le sacrifie pour nous. Ce Corps sanglant et pantelant est en toute vérité son Hostie. L’union du Fils et de la Mère ne fut jamais plus grande. Aussi, après le pardon demandé pour ses bourreaux et l’assurance du paradis donné au larron pénitent, c’est à Marie que Jésus s’adresse : « Mulier, ecce filius tuus » (Jean, XIX, 26). « Femme, voilà votre fils », dit-il en désignant l’apôtre Jean.

« Femme », dans la pleine et la plus belle acception de ce mot ; c’est-à-dire ma compagne, mon associée, l’aide semblable toujours à mes côtés, parce qu’il m’a plu de ne point cheminer seul sur la terre ; ma fidèle coopératrice à la même œuvre, qui me fut comme de moitié en toutes choses. Femme, nouvelle Ève, véritable Mère des vivants de ma vie divine, de tous les hommes rachetés dans mon sang, que représente ici mon disciple le plus cher. Moi, je vais mourir, j’achève notre œuvre rédemptrice, et je veux que vous en fassiez bénéficier jusqu’à la fin des temps, par le ministère de mes prêtres, de mes apôtres, tous ceux qui croiront en moi. Ils ne seront pas orphelins. Vous serez leur Mère, leur Mère selon la grâce, comme je suis votre Fils selon la nature. Ecce filius tuus. Ecce Mater tua.

Parole testamentaire très aimante, elle rejoint la douce annonce de Nazareth, elle projette sur les douleurs de la Vierge une lumière pleinement révélatrice. De même qu’il a fallu les souffrances et la mort de Jésus pour que nous ayons droit à l’héritage céleste, il fallait aussi les souffrances de Marie, sa communion d’âme à la mort en croix de son Fils, pour qu’elle puisse nous enfanter à la vie surnaturelle. Nous sommes nés de Dieu et de Marie dans la nuit douloureuse du Calvaire.

Jésus se recueille à présent dans ce long silence de plusieurs heures qui précéda sa mort. C’est la grande Élévation de sa Messe sanglante. Il prie, il murmure à son Père les versets des Psaumes qui ont détaillé à l’avance les souffrances de sa Passion et nous ont décrit sa détresse : Deus, Deus meus, quare me dereliquisti ? « O Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? » C’est le premier verset du Psaume 21, que l’on récite le Vendredi Saint au dépouillement des autels. Cette prière intense et prolongée est ce qui donne du poids aux tortures de son pauvre corps martyrisé. L’âme est plus vivante et plus religieuse que jamais, toute imprégnée de patience, d’abandon, de soumission totale. Elle domine et maîtrise la lente agonie, à ce point qu’on entendra Jésus, au moment d’expirer, prononcer d’une voix forte – qui n’est pas celle d’un moribond – le sixième verset du Psaume 30, le faisant précéder du mot « Père » : In manus tuas commendo spiritum meum. « Père, je remets mon âme entre tes mains ». De son plein gré il offre sa vie. Personne ne la lui ôte (Jean, X, 18). Lui-même la dépose librement sous les yeux de sa sainte Mère, silencieuse, priante et consentante comme lui.

Consummatum est
. Maintenant, tout est accompli ; son obéissance, sa dépendance est consommée. Il l’a poursuivie aussi loin que possible, jusqu’à la mort et la mort de la croix. Et inclinato capite, emisit spiritum. « Et ayant incliné la tête, ajoute saint Jean (XIX, 30), il rendit le dernier soupir ». C’est donc qu’il l’avait redressée, pour prendre, autant que cela lui était possible sur son gibet, l’attitude de maître de sa vie et du sacrifice de sa vie.

Ce geste, de même que le son de la voix, les paroles entendues, l’expression du visage de Jésus mourant, frappèrent d’un tel étonnement le centurion de service qu’il n’hésita pas à reconnaître que « cet homme (dont il voyait la Mère) était vraiment le Fils de Dieu ». Ses soldats de garde, très émus eux aussi, confessèrent comme lui la divinité du condamné (Matth., XXVII, 54 ; Marc, XV, 39 ; Luc, XVIII, 47). La Maternité corédemptrice de Marie exerçait son action bienfaisante.

Ainsi, depuis son Agonie du jardin des Oliviers jusqu’à son Agonie de la Croix, Jésus n’a cessé d’offrir ses souffrances et de prodiguer ses grâces en dépendance de sa sainte Mère. Sagesse douloureuse, Sagesse crucifiée et expirante, il garde la même amoureuse conduite qui fut celle de toute sa vie terrestre. Quel encouragement à sanctifier nos souffrances, nos épreuves, nos humiliations ; à porter toutes nos croix, petites ou grandes, en union avec Marie ! Non seulement les porter, mais les aimer, les désirer, les embrasser avec joie quand elles nous arrivent, afin d’augmenter notre surnaturelle ressemblance, notre configuration à son divin Fils.

C’est pour cela que la Très Sainte Vierge, loin de ménager les croix à ses fidèles serviteurs et esclaves, les leur envoie plus nombreuses, plus lourdes, plus persistantes qu’à d’autres qui ne lui sont pas si totalement dévoués. C’est la marque sur eux de ses prédilections ; de même que la facilité avec laquelle on les voit porter ces croix est le signe de la douceur et de l’onction qu’elle verse alors dans leurs âmes (Traité de la Vraie Dévotion, 153-154).

Réjouissons-nous donc avec saint Louis-Marie de Montfort, cet amant passionné de la croix, et entendons-le nous dire : « Depuis qu’il a fallu que la Sagesse Incarnée soit entrée dans le Ciel par la croix, il est nécessaire d’y entrer après elle par le même chemin… La vraie Sagesse fait tellement sa demeure dans la croix que, hors d’elle, vous ne la trouverez point dans ce monde ; et elle s’est tellement incorporée et unie avec la croix qu’on peut dire en vérité que la Sagesse est la Croix et que la Croix est la Sagesse » (ASE, N° 180).

Parole profonde. Montfort ne craint pas d’identifier Jésus avec la croix ou la croix avec Jésus. Aimer la souffrance, c’est donc aimer Jésus ; comme aimer Jésus, le Jésus de Marie, c’est aimer la souffrance.


(Père Dayet, Exercices préparatoires à la consécration de Saint Louis-Marie de Montfort)



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