L'Apôtre termine la grande histoire du mal en disant : « Et le Dragon persécuta la femme qui enfanta le fils : Persecutus est mulierem quae peperit filium. »
La persécution nous est connue ; mais quelle femme en est l'objet ? C'est la Femme par excellence, mère du Fils par excellence. C'est la femme dont il fut dit au Dragon lui-même, aussitôt après sa première victoire : « J'établirai la guerre entre toi et la femme, entre ta race et la sienne ; elle t'écrasera la tête, et toi tu tendras des pièges à son talon. » Voulez-vous la connaître ? Prêtez l'oreille à la voix des siècles passés et des siècles présents : tous répètent le nom de MARIE.
Mais comment Marie, dont le passage sur la terre s'est accompli en quelques années, dans un coin obscur de la Palestine, peut-elle être l'objet d'une persécution aussi durable que les siècles, aussi étendue que le monde ? Marie est la femme immortelle. Quarante siècles avant sa naissance, elle vivait dans Ève ; et Satan le savait. Depuis dix-huit siècles, elle vit dans l'Église ; et Satan le sait encore.
Marie vivait dans Ève. Elle y vivait comme la fille dans sa mère, ou plutôt comme le type dans le portrait. Suivant les Pères, Adam fut formé sur le modèle du Verbe incarné, et Ève sur le modèle de Marie. Dès l'origine, Marie fut, dans Ève, la mère de tous les vivants, parce qu'elle devait enfanter la vie : Mater cunctorum viventium. Ce mystère, connu de Satan, explique sa haine particulière contre la femme. Sans doute la femme coupable a été condamnée à la domination de l'homme et à des douleurs propres à son sexe. Mais cette condamnation suffit-elle pour expliquer sa triste condition, dans tous les siècles et sur tous les points du globe ? Que sont les souffrances de l'homme, comparées aux humiliations, aux outrages, aux tortures de la femme ? D'où vient cette différence ?
Croire qu'elle a sa cause uniquement dans la culpabilité plus grande de la femme primitive, nous semble une affirmation hasardée, pour ne pas dire une erreur. Il est vrai, suivant saint Thomas, que le péché d'Ève fut, sous plusieurs rapports, plus grand que celui d'Adam ; mais il est vrai aussi, suivant le même docteur, que, sous le rapport de la personne, le péché d'Adam fut plus grand que celui d'Ève. Comment prouver qu'aux yeux de la justice divine, il n'y a pas une sorte de compensation qui ramène les coupables à l'égalité ? S'il reste une différence défavorable à la femme, suffit-elle pour justifier l'énorme aggravation de sa peine ? Suffit-elle surtout pour expliquer la préférence incontestable qu'elle a toujours eue dans la haine de Satan ?
Dans tous les pays où il a régné, où il règne encore, la femme est la plus malheureuse créature qu'il y ait sous le ciel. Esclave-née, bête de somme, battue, vendue, outragée de toute manière, accablée des plus rudes travaux, son histoire ne peut s'écrire qu'avec des larmes, du sang et de la boue. Pourquoi cet acharnement du Dragon contre l'être le plus faible, et dont il semble par conséquent avoir moins à craindre ? D'où vient cette prédilection à choisir la femme, et surtout la jeune fille : pour médium, pour organe de ses mensonges, pour instrument de ses manifestations ridicules ou coupables (l’histoire est pleine de ces honteuses préférences) ? Nous n'en saurions douter, c'est une vengeance du Dragon.
Dans la femme, dans la vierge surtout, il voit Marie. Il voit celle qui doit lui écraser la tête ; et, à tout prix, il veut torturer la femme, l'avilir, la dégrader, soit pour se venger de sa défaite, soit pour empêcher le monde de croire à l'incomparable dignité de la femme, et ébranler ainsi jusque dans ses fondements le dogme de l'Incarnation : Persecutus est mulierem (cette préférence de haine, dit Gamerarius, se remarque jusque dans l'ordre purement physique. L'opinion est que les serpents, cruellement ennemis de l'homme, le sont encore plus de la femme ; qu'ils l'attaquent plus souvent, et que plus souvent ils la tuent de leurs morsures. Un fait évident le confirme, c'est que dans une foule d'hommes, s'il y a une seule femme, c'est elle que le serpent cherche à mordre).
À ce compte, ne semble-t-il pas que c'est l'homme, et non la femme, qui devrait avoir la préférence dans la haine de Satan ? Car enfin, ce n'est pas la femme, mais l'homme-Dieu qui a détruit l'empire du démon. Sans doute, le vainqueur du Dragon est le fils de la femme ; mais il est vrai aussi que sans la femme, sans Marie, ce vainqueur n'aurait pas existé, et que Satan continuerait paisiblement d'être, ce qu'il fut autrefois, le Dieu et le roi de ce monde. L'observation est d'autant plus juste, que le vainqueur de Satan n'est pas venu de l'homme, mais de la femme, sans aucune participation de l'homme.
C'est donc à juste titre que le Dragon s'en prend de sa défaite, non à l'homme, mais à la femme. C'est donc à juste titre que Dieu même lui annonça que la femme, et non pas l'homme, lui écraserait la tête. C'est donc à juste titre que l'Église fait hommage à Marie de ses victoires, et qu'elle lui redit de tous les points du globe : Réjouissez-vous, Marie ; vous seule avez détruit toutes les hérésies d'un bout de la terre à l'autre. C'est donc à juste titre que la femme est l'objet préféré de la haine de Satan : Persecutus est mulierem. C'est donc à juste titre, enfin, qu'à tous les triomphes de Marie correspondent les rugissements du Dragon, et que ces rugissements deviennent d'autant plus affreux, que le triomphe est plus éclatant.
Comme ces idées à la fois si rationnelles et si mystérieuses, si sublimes et si simples, expliquent à merveille la lutte acharnée, inouïe, dont nous sommes aujourd'hui témoins ! Pour soulever tant de fureurs, qu'a fait l'Église ? Ne le demandons pas. En proclamant le dogme de l'Immaculée Conception, elle a glorifié l'éternelle ennemie de Satan d'une gloire jusqu'alors inconnue. Or, en élevant jusqu'aux dernières limites le triomphe de Marie, elle a fait tomber sur le Dragon le dernier éclat de la foudre, dont il fut menacé il y a six mille ans. C'est vraiment aujourd'hui que le pied virginal de la femme pèse de tout son poids sur la tête du serpent. Que Pie IX souffre des angoisses inouïes : il les a méritées.
Persécutée dans Ève, sa mère, et dans toutes les femmes, ses sœurs, avec une rage dont l'histoire peut à peine retracer le tableau, Marie fut persécutée dans sa personne. De la crèche à la croix, quelle fut sa vie ? Femme des douleurs, comme son Fils fut l'homme des douleurs, à elle appartient le droit exclusif de répéter, de génération en génération : « Vous tous qui passez par le chemin, regardez et voyez s'il est une douleur comparable à la mienne ! » À nulle autre, par conséquent, ne convient, comme à elle, le titre de Reine des martyrs.
Marie meurt, et la persécution ne s'arrête pas devant sa tombe. En effet, comme Marie avait vécu dans Ève, sa mère et sa figure, elle vit dans l'Église, sa fille et son prolongement. Nous disons sa fille ; car le sang divin qui a enfanté l'Église est le sang de Marie. Nous disons son prolongement ; comme Marie, l'Église est vierge et mère tout ensemble. Vierge, jamais l'erreur ne l'a souillée ; mère, elle enfante autant de Christs qu'elle enfante de chrétiens : Christianus alter Christus. Marie fut l'épouse du Saint-Esprit ; l'Église a le même privilège. C'est lui qui la protège, qui la nourrit, qui en prend soin et qui la rend mère d'innombrables enfants.
Ainsi, la femme, objet de la haine éternelle du Dragon, c'est Ève, c'est Marie, c'est l'Église, ou plutôt c'est Marie toujours vivante dans Ève et dans l'Église. Femme par excellence, en qui un privilège sans exemple réunit les gloires les plus incompatibles de la femme, l'intégrité de la vierge et la fécondité de la mère ; femme de la Genèse et de l'Apocalypse, placée au commencement et à la fin de toutes choses : soyez bénie ! Votre existence nous donne le dernier mot de la grande lutte que, sans vous, nul ne saurait comprendre ; de même que votre mission, immortelle comme votre existence, explique l'immortalité de la haine infernale dont vous êtes l'objet et nous avec vous : Persecutus est mulierem quae peperit masculum.
Extrait de "Traité du Saint Esprit" de Mgr Gaume.
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