La connaissance des vérités que nous venons de proposer, a fait dire aux Maîtres de la vie spirituelle, que de la mortification dépendait notre avancement et notre perfection. Vous ne ferez de progrès, dit Saint Jérôme, qu'autant que vous vous ferez de violence. Voulez-vous savoir quel progrès vous avez fait dans la vertu ? Examinez ce que vous avez fait pour vous mortifier : quelle victoire vous avez remportée sur vos passions, dans quelle disposition vous êtes à l'égard de l'humilité et de la patience ; si vous êtes entièrement détaché des choses de la terre ; si les affections de la chair et du sang sont bien mortes en vous ; c'est par-là, et non par les consolations et les douceurs de l'oraison, que vous pourrez juger du progrès que vous avez fait dans la vertu. Saint Ignace était de ce sentiment ; il faisait plus de cas de la mortification que de l'oraison ; et c'était par la mortification qu'il jugeait de l'avancement de ceux dont il avait la conduite. Saint François de Borgia en portait le même jugement ; et lorsqu'on lui parlait de quelqu'un comme d'un Saint : Il le sera en effet, répondait-il, s'il est véritablement mortifié.
Il est vrai que la perfection du Chrétien ne consiste pas essentiellement dans la mortification, mais dans l'amour de Dieu, et que l'homme n'est parfait qu'autant qu'il est uni à Dieu par le lien de cet amour : mais si, par le moyen de la mortification, nous parvenons à nous détacher de l'amour des plaisirs sensuels, l'amour du Créateur prédominera en nous ; ce sera là notre pente, et alors notre cœur s'élèvera à Dieu avec plus d'activité et de vitesse que la pierre ne tombe vers son centre. « Vous nous avez faits pour vous, ô mon Dieu, et notre cœur ne saurait trouver de repos qu'en vous ! » Voilà pourquoi les Saints disent que la mortification est la mesure de l'avancement et de la perfection du Chrétien : car celui qui sera extrêmement mortifié, sera aussi également touché de l'amour de Dieu, et sera par conséquent très parfait : d'où il s'ensuit, conclut Saint Augustin, que nous ne pouvons avancer dans la perfection et dans l'amour de Dieu, qu'à proportion que nous avancerons dans la mortification. « La diminution de la concupiscence, dit-il encore, est l'augmentation de la charité ; et la souveraine perfection est d'avoir entièrement éteint la concupiscence. »
(Abrégé de la pratique de la perfection chrétienne)
Reportez-vous à De deux sortes de Mortifications, De la nécessité de la Mortification : En quoi elle consiste, De l'union étroite qui doit être entre la Mortification et l'Oraison, De la violence qu'il faut se faire à soi-même, De la haine de soi-même, et de l'Esprit de Mortification qui en est inséparable, Un
des plus grands châtiments que Dieu puisse exercer contre l'homme,
c'est de l'abandonner à ses passions, et aux désirs déréglés de son cœur, De la Mortification, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la nourriture du corps, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Méditation sur le combat de la chair contre l'esprit, Moyens pour persévérer dans la sobriété et dans l'abstinence, De l'anéantissement, Méditation sur le Carême : Jésus ayant jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim ensuite, Instruction sur le Carême, Méditation sur le véritable jeûne, Méditation sur la Loi du jeûne, Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, par le R.P. Jean-Joseph Surin, Prière pour demander la victoire sur ses passions, De l'activité naturelle, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, et Sur la vaine curiosité.
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mardi 9 mars 2021
Que de la pratique de la mortification dépend absolument notre avancement
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Le Petit Sacristain

mercredi 25 mars 2020
De quelques points de ferveur essentiels à une âme qui veut arriver à la perfection, par le R.-P. Jean-Joseph Surin
Extrait du CATÉCHISME SPIRITUEL DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE, TOME I, Composé par le R. P. J. J. SURIN, de la Compagnie de Jésus :
De quelques points de ferveur
essentiels à une âme qui veut arriver à la perfection
Qu'entendez-vous par ferveur ?
C'est l'ardeur et l'activité d'une âme à suivre les mouvements du S. Esprit, et à tendre sans relâche à ce qu'il y a de plus parfait. Or il y a six points principaux où cette ferveur doit s'exercer.
Quel est le premier ?
C'est un soin continuel de se tenir en recollection et en esprit d'oraison : de ne rien souffrir qui affaiblisse cette sainte disposition, et de la renouveler sans cesse ; sans se contenter de faire comme les hommes lâches et imparfaits, qui se recueillent par intervalle, pour retomber bientôt dans leur première dissipation. Il faut avoir au contraire une attention habituelle à la présence de Dieu, et à tout ce qui peut contribuer à l'avancement spirituel, pour se conformer à ce qui est écrit dans Évangile : qu'il faut toujours prier, et ne point se relâcher. Cette pratique demande qu'on soit attentif aux mouvements de la grâce, qu'on les suive en tout, et qu'on se fasse un devoir indispensable de cette exacte vigilance : de sorte que si par fragilité on s'était un peu trop répandu au-dehors, on soit fidèle à recourir d'abord à l'oraison, ou du moins à élever son esprit à Dieu, pour rentrer dans son premier recueillement. Cette ardeur et cette application de l'âme s'appelle à juste titre, ferveur.
Quel est le second point de ferveur ?
Il regarde la mortification, qui doit être continuelle, et en toutes choses, quand on désire véritablement d'avancer en esprit ; c'est-à-dire, qu'on doit être toujours sur ses gardes, pour ne laisser échapper aucune occasion de se vaincre soi-même, de renoncer aux plaisirs des sens et aux inclinations de la nature, comme faisait ce saint Religieux de la Compagnie de Jésus, qui pouvait dire avec vérité, que depuis qu'il s'était donné à Dieu, il n'avait jamais manqué de fidélité à se mortifier lorsque l'occasion s'en était présentée. Au reste, ces hommes fervents ne manquent jamais de ces sortes d'occasions, parce qu'ils s'appliquent à les chercher dans les actions les plus ordinaires de la vie : comme sont les repas, le sommeil, la conversation, où ils savent satisfaire à la nécessité, sans accorder aucune satisfaction à la nature. Et l'on peut dire que cette mortification continuelle leur est nécessaire, pour fournir quelque aliment au feu de l'amour divin.
Quel est le troisième point ?
Il consiste à se porter avec ardeur à la pénitence, et à ne laisser passer aucun jour sans faire souffrir quelque châtiment à son corps. Ceux qui mènent une vie véritablement fervente, prennent la discipline tous les jours, ou usent de quelque autre instrument de mortification, pour s'assurer de leur bonne volonté, et de leur vigilance infatigable à s'avancer dans les voies de la perfection. Cette conduite engage le Seigneur à les combler de ses grâces.
Quel est le quatrième point ?
C'est une résolution généreuse de satisfaire à toutes ses obligations, aux plus petites comme aux plus grandes, et de n'en violer aucune, sous quelque prétexte que ce soit. Il faut qu'après plusieurs années on puisse dire avec vérité, qu'on n'a rien négligé de tout ce qui était prescrit. Ce point regarde en particulier ceux qui vivent en communauté ; ils doivent être persuadés que leurs règles leur déclarent la volonté de Dieu, qu'elles leur marquent le chemin de la perfection ; et ils doivent se faire une affaire capitale de les garder inviolablement, lors même qu'elles n'obligent pas sous peine de péché.
Quel est le cinquième point ?
C'est de se faire une sainte habitude de parler toujours de Dieu, ou de ce qui regarde son service, et l'avancement dans la vertu. Cette pratique contribue beaucoup à augmenter la ferveur dont elle est l'effet. Aussi les hommes zélés pour leur perfection, la gardent-ils constamment, et ils ne peuvent comprendre qu'on puisse lier des conversations dont Dieu ne soit pas le sujet ; parce qu'ils sont persuadés qu'elles sont nuisibles, et que l'âme en rapporte toujours quelque tiédeur et quelque relâchement.
Quel est le sixième point de ferveur ?
C'est une résolution ferme et constante de s'employer aux bonnes œuvres, et de ne penser du matin au soir qu'à ce qui peut procurer la gloire de Dieu, le salut du prochain, et sa propre perfection ; comme il convient à un serviteur fidèle, qui prend à cœur les affaires de son maître, et qui n'a que de l'indifférence pour toutes les autres. Dans cette disposition on ne travaille, on ne respire, pour ainsi dire, que pour les œuvres de piété, de charité et de mortification, sans pouvoir penser à des choses où l'intérêt de Dieu ne se trouve pas.
C'est par cette ferveur que s'entretient et que s'augmente le feu de l'amour divin, que nous ayons vu éclater en certaines âmes, qui se sont engagées à chercher en toutes choses la plus grande gloire de Dieu. C'est l'unique fin que S. Ignace se proposait. Sainte Thérèse, et quelques autres après elle, en ont fait un vœu particulier, et l'ont gardé avec autant de joie, que de fidélité et de constance. Ceux qui ne savent pas par expérience ce que peut l'amour de Dieu, pour faciliter toutes choses, s'imagineront que c'est là une source de gène et de grandes peines d'esprit ; mais ceux qui ont contracté ces sortes d'obligations, bien loin d'en être accablés, y ont trouvé au contraire du soutien, du soulagement, et un adoucissement merveilleux dans toutes les peines de cette vie.
Reportez-vous à On satisfait à la plainte de ceux qui éprouvent des sécheresses dans l'oraison, De quelques industries cachées qui conduisent bientôt à la perfection, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Ce qu'il faut faire pour éviter les pièges et les tentations du démon, De la vraie et solide dévotion, Réponse à quelques doutes touchant la Pénitence, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la Pénitence et de l'Oraison, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'heureux état d'une âme qui a établi sa perfection et sa félicité dans l'acquiescement au bon plaisir de Dieu, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'amour parfait, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des qualités qui sont propres dans la voie extraordinaire, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la voie surnaturelle ou extraordinaire, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'avancement de l'âme et des principaux moyens qui peuvent le procurer, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie parfaite, par le R.-P. 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Jean-Joseph Surin, Du Recueillement, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la contemplation, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'Oraison qui convient à la voie extraordinaire, et Avis nécessaires à ceux qui sont dans cette voie, par le R.-P Jean-Joseph Surin, Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, par le R.P. Jean-Joseph Surin (1), Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, par le R.P. Jean-Joseph Surin (2), De la nourriture du corps, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des moyens extérieurs qui aident à acquérir la perfection, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des moyens intérieurs qui aident à la perfection, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la conduite des âmes, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'étude des Lettres, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Réflexions sur la nature et les forces des Démons, et sur l'économie du Royaume des ténèbres, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des exercices de piété, par le R.-P. Jean-Joseph Surin : Quels sont les devoirs de piété dont il faut s'acquitter envers les Saints ?, Des exercices de piété, par le R.-P. Jean-Joseph Surin : Quels exercices de piété prescrivez-vous à l'honneur des Anges ?, Des exercices de piété, par le R.-P. Jean-Joseph Surin : Comment faut-il s'occuper des souffrances de Jésus-Christ ?, Des exercices de piété, par le R.-P. Jean-Joseph Surin : Comment faut-il s'exercer en ce qui regarde la Doctrine de Jésus-Christ ?, De la vie intérieure, et de la familiarité avec Jésus-Christ, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Jésus condamné à mort, Pilate lave ses mains, De la Mortification, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'amour du Père Surin pour la pauvreté, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De la présence de Dieu, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'homme intérieur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Du renouvellement de l'esprit, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'activité naturelle, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Prière pour demander la grâce de connaître et d'accomplir la volonté de Dieu, Seigneur, que vous plaît-il que je fasse ?, Des Habits, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie illuminative, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de la mémoire, par Le R.-P. Jean-Joseph Surin, Degrés des vertus qu'on se propose d'acquérir, Combien sont mal fondées les plaintes de ceux qui se disent incapables de méditer, En quoi consiste l'exercice de la présence de Dieu, Les voies du salut, De l'amour du Père Surin pour l'humilité, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De l'amour étonnant du Père Surin pour l'abjection, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De l'amour admirable du Père Surin pour les souffrances, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De l'imagination de l'homme, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de l'entendement, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de la colère, par le R.-P. 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Le Petit Sacristain

mardi 18 février 2020
De l'heureux état d'une âme qui a établi sa perfection et sa félicité dans l'acquiescement au bon plaisir de Dieu, par le R.-P. Jean-Joseph Surin
Extrait du CATÉCHISME SPIRITUEL DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE, TOME I, Composé par le R. P. J. J. SURIN, de la Compagnie de Jésus :
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Saint Ignace de Loyola |
De l'heureux état d'une âme qui a établi sa perfection et sa félicité
dans l'acquiescement au bon plaisir de Dieu
En quoi consiste ce bienheureux état ?
Dans la parfaite conformité à la volonté divine dont nous avons parlé au deuxième chapitre de cette troisième partie. L'âme à force d'estimer l'accomplissement de cette sainte volonté, à force de l'aimer et de le souhaiter, y trouve son repos et son bonheur, jusqu'à ne chercher sa satisfaction que dans le bon plaisir de Dieu, qu'elle préfère à toutes les choses de la terre.
Pouvons-nous prétendre à ce bienheureux état ?
L'Écriture sainte nous apprend que nous le pouvons, et la troisième demande de l'Oraison Dominicale ne laisse aucun doute là-dessus.
Y a-t-il en effet des Saints qui aient joui de ce bonheur pendant leur vie ?
Tous ceux qui sont parvenus à l'union intime, qui est le comble de la perfection évangélique, ont joui de ce bonheur, qui est un effet et une suite de la parfaite union. Il est vrai pourtant que cette disposition a éclaté particulièrement dans quelques Saints, comme il est aisé de s'en convaincre par l'histoire de leur vie. On peut mettre de ce nombre le fameux Pauvre dont Thaulere parle, et de nos jours S. François de Sales, un des plus grands zélateurs de la volonté divine, qui a le plus contribué à en inspirer l'amour à tout le monde.
Quels sont les avantages de cet état ?
Il y en a trois principaux ; savoir, l'élévation, la douceur et l'utilité.
En quoi consiste l'élévation de cet état ?
1°. En ce qu'il renferme le plus haut point de perfection où l'on puisse arriver sur la terre. 2°. En ce qu'il relève les moindres actions, et leur donne un mérite singulier aux yeux de Dieu. 3.° En ce qu'il fait l'occupation des Bienheureux dans le Ciel, et celle de Dieu même, qui est particulièrement grand, parce qu'il fait en tout sa volonté.
En quoi consiste la douceur de cet état ?
En ce qu'il nous donne un avant-goût de la béatitude, et qu'il est seul capable de faire notre félicité dans cette vie.
En quoi consiste son utilité ?
En ce que le motif qui domine dans cet état, c'est-à-dire, le bon plaisir de Dieu, donne à toutes les actions un mérite incomparablement plus grand que tous les autres motifs qu'on peut se proposer.
Que faut-il faire pour atteindre à cet état ?
Aimer la volonté de Dieu, s'appliquer à la connaître et à l'exécuter en toutes choses.
Comment peut-on acquérir cet amour ?
En se proposant les avantages que nous venons de décrire.
Quelles sont les règles dont on peut se servir pour connaître la volonté de Dieu ?
Il y en a quatre, qui sont, la foi, l'obéissance, l'inspiration et la raison.
Qu'entendez-vous par la foi ?
J'entends toutes les vérités révélées dans l'Écriture, et enseignées par l'Église, où il nous est aisé d'apprendre nos devoirs envers Dieu, envers le prochain, et envers nous-mêmes.
Qu'entendez-vous par l'obéissance ?
La volonté des personnes qui ont autorité sur nous pour régler notre conduite.
Qu'est-ce que l'inspiration ?
C'est, où une pensée que Dieu fait naître dans l'esprit, ou un mouvement qu'il imprime à la volonté, ou tous les deux ensemble. L'inspiration vient, ou immédiatement de Dieu, ou par le ministère des Anges ; elle supplée à la Foi et à l'obéissance, et nous porte à faire ou à ne pas faire certaines choses, qui ne sont ni commandées ni défendues.
Que faut-il entendre par la raison, qui est la quatrième règle ?
Il faut entendre les principes de la prudence, et les maximes par lesquelles les gens sages ont coutume de se gouverner.
Toutes ces règles sont-elles également sures ?
Non, sans doute, si on les considère en elles-mêmes ; il y en a qui se peuvent aisément se tromper ; mais c'est toujours par la faute de ceux qui les consultent. Quand on les entend bien, et qu'on sait les appliquer, on ne s'écarte jamais de la volonté divine en les suivant.
Quel ordre faut-il garder dans l'application de ces règles ?
La subordination qui doit être entre ces règles, demande que la Foi soit consultée la première ; que si on ne trouve pas dans la Foi l'éclaircissement de ses doutes, on ait recours à l'obéissance : que si l'obéissance ne s'explique point, on ait égard à l'inspiration ; et qu'au défaut de l'inspiration, on suive la raison humaine.
Une autre règle, qui se réduit à l'inspiration, c'est l'attrait intérieur que le Saint-Esprit donne aux personnes qui ont le cœur droit, et que S. Ignace, au commencement de ses constitutions, appelle la Loi intérieure, qu'il dit être plus puissante et plus efficace pour nous aider, que toutes les Lois extérieures. Cet attrait dirige la raison, et aide beaucoup à connaître la volonté de Dieu.
Comment faut-il consulter la raison dans le doute ?
Saint Ignace, que nous venons de citer, prescrit certaines règles qu'il faut suivre, pour bien choisir. 1. Se mettre dans une parfaite indifférence à l'égard des deux partis ; de sorte que l'inclination ne fasse pencher d'aucun côté. 2. Examiner et peser avec soin les raisons de part et d'autre. 3. Avoir recours à la prière. 4. Prendre l'avis des gens sages, et ensuite s'arrêtera ce qui paraît le meilleur, c'est-à-dire, le plus conforme aux règles que nous avons données.
N'y a-t-il point d'autre règle pour connaître la volonté de Dieu ?
Il y en a d'autres, telles que sont les Canons des saints Conciles, les Constitutions des Ordres Religieux, approuvées par le Saint Siège, les Ordonnances particulières des Supérieurs Ecclésiastiques, les Lois des Princes, et les ordres des Magistrats politiques. Mais toutes ces règles, et plusieurs autres, peuvent se réduire ou à la Foi, ou à l'obéissance.
Que demande l'exécution, qui est la troisième chose nécessaire pour arriver à l'heureux état d'acquiescement au bon plaisir de Dieu ?
Elle demande que la volonté de Dieu soit, 1. La matière de nos actions ; de sorte que nous ne désirions, nous n'aimions et nous n'entreprenions rien qui ne soit prescrit et réglé par cette volonté divine, 2. Qu'elle soit le motif de nos actions, et que nous ne nous déterminions jamais que par le désir de plaire a Dieu. 3. Qu'elle soit le principe et la première cause efficiente de nos actions ; ce qui s'accomplit, lorsqu'à force de nous rendre dépendants de l'Esprit de Dieu, nous l'engageons à se charger de notre conduite, et à donner le premier mouvement à tout ce que nous faisons. Et c'est alors que se vérifient ces paroles de saint Paul : Ceux qui sont poussés par l'Esprit de Dieu, sont enfants de Dieu.
Que faut-il faire pour meurt en pratique ce point de perfection ?
Il faut s'établir dans une fervente résolution de ne chercher, et de n'envisager en toutes choses que la volonté de Dieu. Cette pratique en renferme trois, qui sont le comble de la perfection, et que les Mystiques appellent la Conformité, l'Uniformité et la Déiformité. La conformité consiste à s'accommoder en tout à la volonté de Dieu, et à ne s'en écarter jamais. En se conformant à la volonté de Dieu, on s'accoutume à l'avoir toujours en vue, et à se la proposer toujours pour motif ; et c'est ce qu'on appelle Uniformité. Enfin, à force de s'affectionner à la volonté de Dieu, l'âme se purifie et se transforme jusqu'à devenir semblable à celui qu'elle aime, autant que la faiblesse humaine peut le permettre ; et c'est ce qu'on entend par la Déiformité.
À quelles personnes convient une telle pratique ?
Aux personnes de bonne volonté, c'est-à-dire, à ceux qui veulent le bien de tout leur cœur, et qui ne négligent rien pour leur perfection. Mais cette disposition est plus rare qu'on ne pense. Bien des gens qui se croient dévots, même plusieurs de ceux qui ont embrassé une sainte profession, et qui exercent les ministères les plus sacrés, en sont si éloignés, qu'on peut dire, qu'ils n'ont pas encore fait le premier pas. Pour avoir cette bonne volonté dont nous parlons, il ne suffit pas d'être homme de bien, et de faire plusieurs bonnes œuvres ; il est nécessaire d'entrer dans un certain ordre, et dans un certain chemin de perfection.
Quel est donc ce premier pas qui coûte tant à la nature ?
C'est une résolution fixe et généreuse d'écarter tous les obstacles à la sainteté, et de renoncer à toutes les satisfactions naturelles, pour ne se conduire que par la lumière divine, faisant tout le bien qu'elle nous fait connaître, sans y résister jamais. Comme peu de gens ont le courage de faire cette première démarche, il ne faut pas s'étonner qu'il y en ait si peu qui soient véritablement parfaits, et qui puissent prétendre aux avantages de ce bienheureux état d'acquiescement au bon plaisir de Dieu.
Quels sont les avantages de cette pratique ?
Il est naturel que cette sainte pratique de ne perdre jamais de vue la volonté de Dieu, produise trois excellents effets dans une âme qui la garde constamment. Le premier est une tranquillité inaltérable, que nul accident de cette vie ne peut troubler. Le second est une grande pureté d'intention, laquelle étant incompatible avec les moindres fautes, et n'envisageant rien d'humain, purifie bientôt l'âme ; de sorte qu'elle devient aux yeux de Dieu plus belle et plus éclatante que le Soleil. Le troisième est une parfaite liberté, qui consiste dans l'affranchissement de tout soin inquiet, et dans un entier dégagement de toutes les créatures. On est sans contrainte et sans embarras, parce qu'on ne dépend que de Dieu, qu'on ne cherche que Dieu, et que tout est indifférent, hormis la volonté de Dieu. De là vient dans la conduite, une admirable simplicité, qui fait le comble et le plus bel ornement de la perfection ; parce qu'elle met une âme au-dessus de toute considération humaine, et lui donne une noble élévation ; d'où regardant avec mépris tout ce qui tient de la créature, elle n'a plus d'égard et plus d'attention que pour le bon plaisir de Dieu.
L'âme ne goûte jamais mieux le bonheur de son état, que lorsqu'elle est parvenue à cette noble simplicité, d'où elle retire trois grands avantages. Car premièrement, la tranquillité dont elle jouit en Dieu, la remplit de joie. Secondement, la pureté de son cœur produit une ardeur vive et affectueuse, qui l'accompagne partout, et qui lui facilite les choses les plus difficiles. Troisièmement, quand il s'agit de travailler et de souffrir beaucoup pour Dieu, elle sent une force merveilleuse, et ne trouve rien qui l'arrête ou qui la gène : ce qui est le fruit de la parfaite liberté, dans laquelle elle s'est établie.
Sur quoi est fondé ce que vous avez dit de l'acquiescement au bon plaisir de Dieu ?
Sur cette vérité incontestable : Que rien n'arrive en ce monde sans la volonté de Dieu ; ce qui s'accomplit en plusieurs manières. Car, dit saint Augustin, il y a des choses que Dieu fait lui-même ; il y en a qu'il ordonne, et il y en a qu'il permet. On peut donc rapporter tout à Dieu, et se conformer en tout à sa sainte volonté, même à l'occasion des péchés qui se commettent dont Dieu ne peut pas être l'auteur parce que ces péchés entrent dans l'ordre de sa Providence, qui les fait servir à ses desseins, pour la gloire de ses Élus, et pour la confusion de ses ennemis. Une âme convaincue de cette vérité, ne peut perdre sa paix et sa tranquillité, quoiqu'il arrive ; parce que rien ne peut arriver, où elle ne reconnaisse la divine volonté, qui est la base et le fondement de sa tranquillité intérieure. Et comme c'est par estime et par amour qu'elle se conforme à la volonté de Dieu, la conformité produit la joie et procure une espèce de Paradis sur la terre.
Reportez-vous à De la Providence de Dieu sur ses enfants, Se conformer en tout à la volonté de Dieu, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'amour parfait, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Exemples tirés de l’Écriture Sainte, qui nous faciliteront la pratique de la confiance en Dieu, Des qualités qui sont propres dans la voie extraordinaire, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'Oraison qui convient à la voie extraordinaire, et Avis nécessaires à ceux qui sont dans cette voie, par le R.-P Jean-Joseph Surin, De la voie surnaturelle ou extraordinaire, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'Oraison et de la Contemplation, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la conduite des âmes, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la contemplation, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'avancement de l'âme et des principaux moyens qui peuvent le procurer, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie parfaite, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Du bon Directeur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Instruction pour les personnes qui entrent dans la voie d'Oraison, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Que les âmes lâches fassent tous leurs efforts pour acquérir la bonne volonté qui leur manque, Simple et courte méthode d'oraison mentale, De l'Oraison, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la Pénitence et de l'Oraison, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Pour bien faire l'oraison et pour en tirer le fruit qu'on a lieu d'en attendre, Du Recueillement, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Du vrai Religieux, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Ce qui s'est observé dans un Ordre Religieux durant le premier siècle depuis son établissement, doit être regardé comme meilleur que tout ce qu'on peut inventer dans la suite, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie mixte, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des amitiés, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la conversation, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des Vertus, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'étude des Lettres, par le R.-P. 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Jean-Joseph Surin, De l'homme intérieur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Du renouvellement de l'esprit, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'activité naturelle, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Prière pour demander la grâce de connaître et d'accomplir la volonté de Dieu, Seigneur, que vous plaît-il que je fasse ?, Des Habits, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la nourriture du corps, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, par le R.P. Jean-Joseph Surin (1), Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, par le R.P. Jean-Joseph Surin (2), De la vie illuminative, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de la mémoire, par Le R.-P. Jean-Joseph Surin, De quelques moyens de bien faire l'oraison mentale, Degrés des vertus qu'on se propose d'acquérir, Combien sont mal fondées les plaintes de ceux qui se disent incapables de méditer, En quoi consiste l'exercice de la présence de Dieu, Les voies du salut, De l'amour du Père Surin pour l'humilité, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De l'amour étonnant du Père Surin pour l'abjection, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De l'amour admirable du Père Surin pour les souffrances, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De l'imagination de l'homme, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de l'entendement, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de la colère, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie Purgative, par le R.-P. 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mardi 21 janvier 2020
De l'homme intérieur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin
Extrait du CATÉCHISME SPIRITUEL DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE, TOME II, Composé par le R. P. J. J. SURIN, de la Compagnie de Jésus :
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Sainte Thérèse d'Avila |
De l'homme intérieur
Qu'est-ce qu'un homme intérieur ?
C'est celui qui sait s'occuper au-dedans de soi-même, et qui s'y applique en effet aux exercices intérieurs pour se rendre plus parfait et plus agréable à Dieu.
Pour bien entendre ceci, il faut savoir que l'homme, dès qu'il est en état de se connaître et de se servir de sa raison, se voyant environné des choses extérieures, est porté naturellement à s'en occuper, à s'y attacher et à y chercher son bonheur. Cet amusement dure jusqu'à ce qu'à la faveur des lumières de la Foi, découvrant les objets surnaturels, il commence à rentrer en soi-même, et à se convaincre que son unique bien consiste à cultiver son âme, et à la rendre agréable aux jeux de Dieu. Alors voyant que son bonheur et sa perfection ne peut venir que du dedans, il perd l'estime et l'affection qu'il avait pour les choses extérieures, et en retire son attention pour la renfermer dans son intérieur. Il fait d'ailleurs réflexion que Dieu est en lui d'une manière bien plus parfaite qu'en toutes les autres créatures qui ne sont pas si nobles que l'homme ; et il s'affermit de plus en plus dans la résolution de se passer du dehors, et de s'appliquer au-dedans où il trouve le seul objet qui soit digne de ses soins, et qui puisse faire sa félicité. Ceux qui sont ainsi disposés, sont véritablement intérieurs ; et c'est d'eux que parle l'Auteur du Livre de l'Imitation de J. C. quand il dit : heureux sont les yeux qui ne veulent point voir ce qui se passe dans le monde, et qui ne regardent que ce qui peut toucher l'âme.
À quelles marques peut-on connaître qu'un homme est véritablement intérieur ?
Particulièrement à ces trois ; la première est, le peu de cas qu'il fait des biens extérieurs ; la science, la grandeur, l'autorité, à moins qu'elles ne contribuent au salut, lui paraissent comme de l'ombre et de la fumée. Aussi ne se donne-t-il aucun mouvement pour courir après ces objets, où il ne trouve qu'un fardeau et un embarras, et nul avantage pour l'éternité : il n'a nulle peine à leur refuser son estime et son affection pour la donner toute entière aux biens spirituels et invisibles. Au contraire, celui qui n'est pas intérieur, est fort frappé par les avantages naturels qu'il remarque dans les autres.
Il ne faut dans une Communauté qu'un homme qui se distingue par son savoir, par son éloquence, par sa dextérité, ou par quelqu'autre talent extérieur, pour attirer bientôt les regards et l'attention de tous les autres, surtout des jeunes gens qui lui donneront à l'envi des marques de leur estime, de leur respect, et de leur admiration. Si cet homme recommandable paraît dans quelque action publique, par exemple dans une prédication, son discours sera suivi d'applaudissements et de louanges extraordinaires ; mais louanges fort humaines, et où l'intérêt de Dieu n'aura que bien peu de part. C'est en effet tout ce qui convient à l'action qu'il vient de faire ; et un homme intérieur qui l'examinerait de près, y trouverait beaucoup d'éclat aux yeux des hommes, et peu de mérite devant Dieu.
Quelle est la seconde marque qui distingue l'homme intérieur ?
C'est de s'occuper beaucoup au dedans de lui-même. Comme les hommes dissipés sont toujours au-dehors, et ne savent même ce que c'est que d'agir au-dedans ; l'homme spirituel au contraire emploie les facultés de son âme à divers exercices intérieurs. Le premier dont nous avons parlé au premier Chapitre de cette Partie, est de se rendre attentif à la présence de Dieu. Le second, est de veiller sur les mouvements de son cœur, pour les réprimer ou pour les régler et les modérer lorsqu'ils viennent de la nature, et pour les mettre en exécution lorsqu'ils viennent de Dieu ; ce qui l'engage à ne perdre jamais de vue son intérieur. Le Livre de l'Imitation de J. C. appelle heureux ceux qui en usent de la sorte. Heureux celui qui porte sa connaissance jusqu'à la vie cachée et intérieure. Outre ces deux exercices, qu'on peut appeler deux moyens généraux qui conduisent à toute sorte de biens, l'homme intérieur a toujours quelque dessein particulier à exécuter pour la perfection de son âme ; par exemple, quelque vice à combattre, quelque vertu à acquérir ; ou bien il s'applique à modérer et à supprimer l'activité naturelle, jusqu'à ce qu'il soit élevé à l'état passif, où n'agissant pas par son choix, il n'a de mouvement et d'occupation que celle que Dieu lui donne.
Quelle est la troisième marque pour connaître l'homme intérieur ?
Lorsqu'au soin de s'occuper au-dedans, il ajoute la facilité à s'y retirer, et à y résider comme dans une maison où il trouve tous les biens et tous les plaisirs qui lui conviennent. On ne parvient à cet état que par une grâce spéciale, et après s'être longtemps appliqué aux saints exercices dont nous venons de parler. On peut dire alors qu'on est véritablement intérieur ; Dieu habite dans l'âme comme dans son Temple ; et on y jouit de lui au milieu d'un parfait repos. Cette jouissance et ce repos sont la récompense du soin constant qu'on a pris de travailler au-dedans avec le secours ordinaire de la grâce. C'est alors Dieu qui travaille, on n'a d'autre soin que de le laisser faire, et de suivre ses mouvements. Et comme il met par son opération, toutes sortes de biens et de richesses dans une âme, on se trouve si avantageusement occupé au-dedans, qu'on n'a pas la première pensée de s'occuper au-dehors.
On ne doit pas s'étonner que les hommes dont nous parlons, mènent une vie tout à fait intérieure ; leur âme est comme un palais magnifique composé de divers appartements richement meublés, où Dieu se fait un plaisir de les entretenir, et de leur faire part de ses trésors les plus précieux. Ce sont les différentes opérations de Dieu qui ont donné occasion aux Docteurs mystiques de comparer l'âme à un Palais, et d'y distinguer plusieurs demeures, et comme divers étages élevés les uns sur les autres. S. Bernard dans son Livre de la Maison intérieure, apprend à l'homme comment il faut bâtir et orner cette maison au dedans de lui-même. Gerson parle fort souvent d'un appartement de l'âme, et comme d'une espèce de salle où il distingue trois parties ; dans la première il place les sens, dans la seconde, la raison ; et dans la troisième, l'intelligence. Saint Augustin (comme nous l'avons remarqué ailleurs,) met de la différence entre l'intime de l'âme et le sommet de l'esprit. Tout le monde sait que les Docteurs et les Peres spirituels distinguent dans l'âme la partie supérieure et l'inférieure. On sait que sainte Thérèse, qui avait certainement l'esprit de Dieu, a fait un Ouvrage où elle représente l'âme sous la figure d'un château avec différentes demeures.
En tout cela il n'y a rien que de conforme à la plus saine et à la plus exacte Théologie. Quoique notre âme soit une substance spirituelle et fort simple par rapport à l'action, elle équivaut à plusieurs autres substances dont elle renferme éminemment en elle-même la vertu et la capacité. On peut donc y distinguer du haut et du bas, parce qu'en effet elle a de l'élévation et de la profondeur dans sa manière d'agir ; et que selon les différents degrés de capacité, Dieu opère en elle de plusieurs manières très-différentes. Celui en qui Dieu agit de la sorte, et qui s'occupe en effet de ce que Dieu opère en lui, est véritablement intérieur.
Cependant on trouve des Censeurs de la Théologie mystique, qui oubliant ces premiers principes, et n'ayant pas assez de respect pour les pensées et les expressions des Saints, prétendent que comparer l'âme à un Palais, c'est bâtir en l'air et faire des châteaux imaginaires. Leur erreur vient de ce qu'ils ne se conduisent que par la raison, au lieu de consulter la Doctrine et les idées des Saints dans l'examen qu'ils font des choses surnaturelles. Ils ne font pas difficulté de dire que sainte Thérèse n'ayant point de Théologie, ne pouvait pas s'exprimer en termes propres : comme si c'était ici une question de mots, et qu'il ne fût pas évident que cette grande Sainte pensait avec plusieurs autres grands Saints et savants personnages, qu'il y a dans notre âme comme différentes demeures, selon ses différents degrés de capacité, et conformément aux opérations différentes de la grâce.
Cela prouve que pour comprendre les choses mystiques, il ne suffit pas d'avoir de l'esprit, de l'étude et de la capacité, mais qu'il faut apporter à la lecture des Auteurs qui en traitent, les mêmes dispositions qu'y apportaient les Bonaventures, les Suarez, les Alvarez de Paz, les Iessius, et plusieurs autres excellents Docteurs. Ces grands hommes qui étaient véritablement spirituels, et qui avoient l'esprit de Dieu, n'ont rien trouvé que de vrai, de solide et de consolant, dans ce qui a paru aux autres des idées chimériques, et des systèmes faits à plaisir.
D'où vient donc que plusieurs Savants n'ont pas l'intelligence de ces Mystères ?
C'est que s'appuyant sur des principes naturels tirés des sciences humaines, leurs lumières se trouvent trop courtes pour atteindre à des objets divins, qu'on ne peut découvrir qu'à la faveur des lumières que la piété et la grâce répandent dans les hommes parfaits. Les grands hommes dont nous venons de parler, outre qu'ils étaient très savants, étaient en même temps fort intérieurs. Ce n'est pas merveille qu'ils aient pénétré des mystères qui sont cachés aux Savants ordinaires, et que ce qui paraît à ceux-ci obscurité et ténèbres, soit pour eux lumière et vérité.
Il faut conclure de ce que nous avons dit dans ce Chapitre, que pour les hommes véritablement spirituels, il y a une maison intérieure où Dieu lui-même les occupe, et où ils se font un plaisir d'habiter. C'est la Doctrine du Livre de l'Imitation de J. C. L'occupation essentielle d'un homme intérieur, est de marcher en la présence de Dieu, sans jamais sortir hors de soi, et sans avoir d'attache à rien d'extérieur. On marche avec Dieu au-dedans lorsqu'on sait s'occuper de lui et avec lui dans son intérieur, et que les facultés de l'âme trouvent de quoi s'entretenir dans cette communication ; mais il est sûr qu'on n'en peut venir là qu'après avoir renoncé à toute affection au-dehors. On demeure volontiers au dedans de soi-même quand on n'est pas frappé de ce qui se passe autour de soi, ou qu'on est accoutumé à y faire peu de réflexion. Mais celui qui se plaît à considérer les choses extérieures, est aisément détourné de l'attention au-dedans. On voit des Prêtres qui ne peuvent dire la Messe dévotement, qu'avec des ornements riches, et sur des Autels bien parés. Il y a des gens que le moindre bruit distrait et détourne de la prière ; c'est une marque qu'ils ne sont pas fort intérieurs. On écrit de saint Ignace, qu'il pouvait se recueillir et faire oraison dans une place publique, aussi aisément qu'à son Oratoire. Celui que rien du dehors ne trouble et ne touche, et qui trouve Dieu dans son intérieur, quand il s'y retire, est arrivé à l'état le plus parfait et le plus heureux de cette vie.
Reportez-vous à On satisfait à la plainte de ceux qui éprouvent des sécheresses dans l'oraison, De la présence de Dieu, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la Réparation de l'Intérieur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Du renouvellement de l'esprit, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vraie et solide dévotion, De l'activité naturelle, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'avancement de l'âme et des principaux moyens qui peuvent le procurer, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Réponse à quelques doutes touchant l'Oraison, par le R.P. Jean-Joseph Surin, De la voie surnaturelle ou extraordinaire, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Prière pour demander la grâce de connaître et d'accomplir la volonté de Dieu, Seigneur, que vous plaît-il que je fasse ?, Du Recueillement, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Du vrai Religieux, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Du bon Directeur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Ce qui s'est observé dans un Ordre Religieux durant le premier siècle depuis son établissement, doit être regardé comme meilleur que tout ce qu'on peut inventer dans la suite, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie mixte, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie intérieure, et de la familiarité avec Jésus-Christ, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie parfaite, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, VIE CHRÉTIENNE : Repas, Récréations, Conversations et Visites, Des amitiés, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la conversation, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des Vertus, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'étude des Lettres, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des Habits, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la nourriture du corps, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Méditation sur la connaissance des vertus et des vices, VIE CHRÉTIENNE : Conduite pour sanctifier les Dimanches et Fêtes de l'année, VIE CHRÉTIENNE : La prière du Matin, la Bonne Pensée, la Méditation, et la Lecture Spirituelle, Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, par le R.P. Jean-Joseph Surin (1), Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, par le R.P. Jean-Joseph Surin (2), De la vie illuminative, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de la mémoire, par Le R.-P. Jean-Joseph Surin, Instruction pour les personnes qui entrent dans la voie d'Oraison, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Que les âmes lâches fassent tous leurs efforts pour acquérir la bonne volonté qui leur manque, De l'Oraison et de la Contemplation, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Simple et courte méthode d'oraison mentale, De l'Oraison, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la Pénitence et de l'Oraison, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Pour bien faire l'oraison et pour en tirer le fruit qu'on a lieu d'en attendre, De la contemplation, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De quelques moyens de bien faire l'oraison mentale, Degrés des vertus qu'on se propose d'acquérir, Combien sont mal fondées les plaintes de ceux qui se disent incapables de méditer, En quoi consiste l'exercice de la présence de Dieu, Les voies du salut, De l'amour du Père Surin pour l'humilité, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De l'amour étonnant du Père Surin pour l'abjection, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De l'amour admirable du Père Surin pour les souffrances, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De l'imagination de l'homme, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de l'entendement, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de la colère, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie Purgative, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la Mortification, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, En quoi consiste la perfection chrétienne : pour l'acquérir il faut combattre, et pour sortir victorieux de ce combat, quatre choses sont nécessaires, De la sècheresse dans l'oraison, Du devoir des Veuves, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Ce qu'est l'oraison mentale, par le R.P. D. Laurent Scupoli, Clerc Régulier Théatin, Méditation sur la nécessité des progrès dans la vertu, De la Réduction des Hérétiques, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de l'Amour, de la Haine, du Désir et de l'Aversion, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De quelques moyens de bien faire l'oraison mentale, Pour la direction et la progression spirituelles : Quel chrétien êtes-vous ?, Le souvenir de nos péchés est un moyen propre pour nous aider à supporter avec résignation, toutes les afflictions que Dieu nous envoie, Avis pour la lecture spirituelle, Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (1/4), Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (2/4), Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (3/4), et Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (4/4).
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lundi 20 janvier 2020
Du renouvellement de l'esprit, par le R.-P. Jean-Joseph Surin
Extrait du CATÉCHISME SPIRITUEL DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE, TOME II, Composé par le R. P. J. J. SURIN, de la Compagnie de Jésus :
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Portrait de Saint Ignace de Loyola |
Du renouvellement de l'esprit
Qu'est-ce que se renouveler en esprit ?
C'est passer du relâchement à la ferveur.
Qui sont ceux qui ont besoin de ce renouvellement ?
Ce sont ceux qui après avoir reçu beaucoup de grâces de la part de Dieu, se laissant aller à leur faiblesse, ou ne se défiant pas assez du danger des occasions et des occupations extérieures, viennent à se détourner de leurs premières voies, et sentent le besoin qu'ils ont de reprendre leurs premières idées de sainteté, leur ancienne ferveur, et leurs pratiques de vertu. C'est par exemple, une personne qui ayant vécu plusieurs années en Religion, et passé par différents emplois ; s'aperçoit en rentrant en elle-même, qu'elle ne suit plus les premières impressions que Dieu lui donna lorsqu'elle se consacra à son service, et que malgré les efforts qu'elle a faits pour se conformer à la perfection de son état, elle a beaucoup déchu, et qu'elle a mené une vie naturelle plutôt qu'une vie de grâce ; il est évident que cette personne a besoin de se renouveler en esprit.
Quelle est la pratique de ce renouvellement ?
Il faut voir parmi les points de perfection ceux qui sont les plus importants, qui renferment tous les autres, et qui contribuent le plus à l'avancement spirituel; en choisir trois ou quatre, et se bien convaincre du besoin qu'on a de les mettre en pratique pour se rétablir dans la ferveur, et pour devenir un homme parfait qui soit selon le cœur de Dieu. Lorsqu'il est question de prendre des moyens pour s'enrichir, on choisit les plus efficaces ; on entre dans les partis les plus avantageux, dans les commerces les plus lucratifs et les plus capables de satisfaire la cupidité. C'est ainsi que doit faire un homme qui veut se renouveler et se remettre au train de la perfection, il doit commencer par ce qu'il y a non seulement de plus solide, mais encore de plus avantageux et de plus excellent, et qui étant une fois conçu, goûté et bien pénétré, soit capable de ranimer sa ferveur, de le rapprocher de Dieu, et de le rendre bientôt parfait. Sur ce principe, une personne qui veut revenir à son premier état après s'être relâchée, ne peut rien faire de mieux que de renouveler en soi l'idée, l'estime et le goût de ces trois points importons dont je vais parler, et d'acquérir, en les mettant en pratique, la perfection qu'ils renferment.
Quel est le premier ?
Il est contenu dans ces paroles de Notre-Seigneur : Si vous ne devenez comme des enfants, vous n'entrerez point dans le Royaume des cieux. Après avoir bien compris le sens de cette maxime, il faut y confronter notre conduite, et voir si nous sommes en effet soumis comme des enfants à l'autorité de ceux qui nous gouvernent ; si nous leur laissons une pleine liberté de disposer de nous-mêmes comme il leur plaît, de nous corriger, de nous éprouver, et de nous donner des avis sur ce qui nous regarde, sans que nous le trouvions mauvais, et que nous manquions jamais de docilité, de douceur, de soumission et d'obéissance ; si nous abandonnons généreusement tous nos intérêts quand on nous choque, sans être délicats sur le point d'honneur, et sans exiger la réparation des injures ; enfin, s'il est aisé de nous ramener de la colère à la douceur et à la clémence, comme nous voyons que les enfants se laissent aisément apaiser. Saint Jean Climaque raconte sur ce sujet, qu'étant entré dans un monastère d'Égypte, où la régularité était en vigueur, il vit des Religieux qui avaient blanchi sous le joug du Seigneur, et qui étaient aussi souples et aussi dociles que le premier jour de leur entrée en Religion. L'Abbé les faisait venir en sa présence, il les mettait à diverses épreuves, et ces hommes vénérables se laissaient gouverner et manier avec une simplicité d'enfant. Comme ce point est d'une grande conséquence, et qu'il attire après soi la pratique de plusieurs grandes vertus, il est aisé de voir qu'on ne saurait entrer dans cette disposition sans se renouveler parfaitement.
Quel est le second point qui peut beaucoup contribuer au renouvellement de l'esprit ?
C'est de s'accoutumer à se conduire par des principes surnaturels et divins, prenant garde en toutes ses actions que le motif de la grâce l'emporte sur le motif de la nature ; par exemple, un Religieux qu'on destine à quelque emploi, ne doit point obéir, parce que l'ordre de son Supérieur est conforme à son inclination, et qu'il trouve sa commodité, son repos et son agrément dans l'emploi qu'on lui confie ; il ne doit avoir en vue que la volonté de Dieu auquel il veut plaire. Et si ce qu'on lui ordonne est pénible et désagréable, il doit l'embrasser avec joie comme une croix que Dieu lui impose. C'est ce qui s'appelle agir par des principes de grâce ; et qui entreprendrait ce saint exercice avec courage, reprendrait aisément l'esprit de ferveur, et rallumerait bientôt dans son cœur le feu de l'amour de Dieu.
Quel est le troisième point par lequel il faut commencer le renouvellement en esprit ?
C'est celui que saint Ignace recommande tant à ceux de sa Compagnie, et qu'il leur propose comme un degré précieux dans la vie spirituelle, c'est-à-dire, comme un point de perfection qui renferme de grandes richesses. Il consiste à estimer singulièrement, et à regarder comme un grand, trésor, tout ce qui nous expose à être moqués et méprisés des autres, et à passer dans leur esprit pour de méchants hommes ou pour des insensés. Que celui donc qui veut se renouveler en esprit, rentre en soi-même, et qu'il examine comment il est disposé à l'égard de cet excellent degré de perfection, et s'il ne le regarde point comme une idée chimérique qu'on ne peut réduire en pratique. Que si au contraire il est convaincu que c'est une vérité, et qu'après en avoir conçu de l'estime et de l'amour, il s'applique à y conformer sa conduite en vue de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont il est bien aise de porter les livrées, qui sont les humiliations et les mépris ; il peut croire que son intérieur sera bientôt entièrement renouvelé.
Un motif qui peut beaucoup aider à acquérir ce degré de perfection, est de se persuader que c'est la clef des trésors spirituels, et que si on n'en vient là, quoiqu'on puisse faire d'ailleurs, on ne parviendra jamais à l'union avec J. C. parce que l'état dont nous parlons, est celui où le Sauveur est né, où il est mort, et qu'il a chéri par-dessus tous les autres. Quiconque sera sensible à l'amour que Dieu lui a témoigné en se faisant homme pour lui, ne trouvera point cette perfection impraticable ; elle lui paraîtra même douce, pour peu qu'il ait d'amour et de reconnaissance pour notre aimable Rédempteur, parce que l'amour de Dieu rend tout aisé, et peut seul faire le bonheur de l'homme. On trouve aisément Dieu quand on le cherche en Jésus-Christ son Fils unique ; et on trouve toujours Jésus-Christ au milieu des humiliations et des opprobres ; il peut échapper à ceux qui veulent s'unir à lui dans les états différents de sa vie glorieuse, mais ceux qui le cherchent couronné d'épines, ayant pour Sceptre un roseau, pour manteau royal un morceau de pourpre ; ceux qui le cherchent au milieu du peuple et des soldats, traité comme un Roi de Théâtre, comme un imposteur et un faux Prophète, abandonné de tout le monde, et attaché à la Croix, le trouvent infailliblement ; et ils peuvent dire qu'en l'imitant en ce seul point, ils sont au nombre de ses véritables Disciples, puisqu'ils pratiquent le renoncement le plus parfait qui ne se trouve que dans l'amour du mépris. Il est vrai que ce degré de perfection étant extrêmement relevé, on a besoin d'un secours particulier de la grâce pour y arriver ; mais ce secours, Dieu ne le refuse point à ceux qui le demandent, et qui se disposent à le recevoir en cherchant eux-mêmes les mépris et les humiliations dont ils demandent à Dieu l'estime et l'amour.
Le Père Louis Dupont rapporte dans la vie du P. Balthazard Alvarez, que durant son second Noviciat qu'il faisait sous la conduite de ce grand homme, il apprit de lui à connaître et à goûter les trésors cachés dans l'amour du mépris ; et que cette connaissance dans laquelle il fit de grands progrès durant cette année d'épreuve, fut pour lui une source de richesses spirituelles tout le reste de sa vie. Ce qu'éprouva le P. Dupont, tout homme qui rentre en soi même pour se renouveler en esprit, peut l'éprouver à son tour ; il n'a qu'à se bien pénétrer de la même vérité, aussi bien que des deux autres dont nous venons de parler; qu'à s'y affectionner, qu'à ramener à ce but toutes les résolutions qu'il forme, qu'à se rendre familière la connaissance et la pratique de ces trois points de perfection, jusqu'à en faire sa principale étude et l'unique occupation de sa vie.
Ce serait là une excellente pratique pour les personnes Religieuses, qui renouvellent tous les ans les vœux qu’elles ont fait à Dieu, et qui prennent trois jours pour se disposer à ce renouvellement. Il leur serait très-utile de passer ces trois jours à méditer sur les points de perfection que nous avons proposés, et à en prendre un chaque jour pour s'en occuper. Ce qui serait encore mieux, ce serait de s'y appliquer ensuite pendant trois jours, rapportant ses Oraisons, ses Communions, ses examens de conscience, et tous ses exercices spirituels à la pratique de ces trois vérités. Comme on ne peut pas tout faire à la fois, n'est-il pas infiniment plus utile de donner toute son application à trois choses importantes, que d'en effleurer plusieurs autres qui le sont beaucoup moins ? Et n'est-il pas évident que celui qui à force de méditer et de savourer les trois vérités proposées, s'en serait bien pénétré, serait beaucoup plus avancé, plus riche et plus heureux que celui qui en aurait parcouru cent autres légèrement ?
Cependant comme les trois points de perfection dont nous venons de parler, renferment tout ce qu'il y a de plus élevé dans la vie spirituelle, et que rien n'est plus difficile que de devenir semblable à de petits enfants, d'agir en toutes choses par des principes surnaturels, et d'aimer à être méprisés ; il est à propos qu'à ces trois pratiques on en joigne trois autres. Le recueillement, la mortification des désirs et des inclinations naturelles, et le parfait dégagement de cœur. Ce sont des moyens fort connus et d'un usage fort étendu, lesquels peuvent beaucoup aider et servir comme de degrés pour s'élever aux trois autres points d'une perfection plus sublime. Il faudrait que celui qui veut se renouveler, joignît à chacun de ces points une des trois dernières pratiques pour adoucir son travail et pour en assurer le succès, c'est-à-dire l'union avec Dieu, qui est le terme de la perfection, l'unique objet des désirs que l'on forme, et de tous les mouvements qu'on se donne dans la vie spirituelle.
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Le Petit Sacristain

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