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mercredi 26 août 2020

Comment M. Vianney fut persécuté par les démons

 

 

C'est une pensée de Bossuet, dans son Discours sur les Démons, que ce que nous perdons pour la chair, nous le gagnons pour l'esprit. « Le jeûne fortifie et engraisse l'âme, et autant nous assujettissons nos corps par la mortification et la pénitence, autant diminuons-nous les forces de notre irréconciliable ennemi. Il ajoute que c'est aussi ce qui augmente la rage des démons ; car c'est une envie furieuse qui les enflamme contre nous. Ils voient qu'étant leurs inférieurs par nature, nous les passons de beaucoup par la grâce ; ils ne sauraient considérer sans un extrême déplaisir que, dans des membres mortels, approcher la pureté des substances incorporelles (Bossuet, Sermon sur les Démons, pour le premier Dimanche de Carême). »

La vie de M. Vianney confirme cette doctrine d'une manière éclatante. On eût dit que plus il remportait d'avantages sur le démon, plus il l'excitait contre lui. « Quand vous le surmontez, remarque Tertullien, vous ne domptez pas son audace, mais vous enflammez son indignation (de Poenit., n. 7). » C'est-à-dire que cet esprit superbe, qui a entrepris de s'égaler à Dieu, ne croira jamais qu'une simple créature soit capable de lui résister, et, plus une grande âme fait d'efforts pour échapper à son empire, plus il dresse contre elle ses redoutables batteries. Considérant que la majesté de Dieu est inaccessible à sa colère, il décharge sur l'homme, qui en est la vivante image, toute l'impétuosité de sa rage ; comme on voit un ennemi impuissant, lorsqu'il ne peut atteindre celui qu'il poursuit, repaître en quelque sorte son esprit d'une fantaisie de vengeance, en déchirant sa peinture.
De là, ces luttes si fréquentes dans la vie des saints, où les puissances infernales, servant d'instrument à la divine Providence, concourent à la perfection des élus de Dieu par les tentations qu'elles leur suscitent et les victoires qu'elles leur ménagent.
On ne peut prononcer le mot de tentation, sans que le souvenir de la Thébaïde et de saint Antoine se présente aussitôt à l'esprit ; car les tentations de cet homme célèbre sont devenues proverbiales. Pendant qu'il habitait cette montagne de Kolsim d'où il régna sur le désert et sur plusieurs générations de cénobites, les visiteurs qui affluaient en si grand nombre dans sa terrible solitude, n'y venaient presque jamais sans entendre autour de lui un mélange confus et formidable de vois de toutes sortes, un bruit d'armes et de chevaux, comme s'il avait été assiégé par une armée d'esprits invisibles. Saint Hilarion n'était pas plus tôt en prière, qu'il entendait des aboiements de chiens, des mugissements de taureaux, des sifflements de serpents et plusieurs autres cris épouvantables de divers monstres qui tâchaient de l'effrayer. Les démons faisaient autour de la cellule de saint Pacôme un tel vacarme qu'ils semblaient vouloir la détruire de fond en comble. Ils apparaissaient à saint Abraham une hache à la main, comme pour démolir sa cabane ; d'autres fois ils mettaient le feu à la natte sur laquelle il priait.
La vie de saint Benoît, de saint François d'Assise, de saint Antoine de Padoue, de saint Jean de Dieu, de saint Vincent Ferrier, de saint Pierre d'Alcantara, de saint Nicolas de Tolentino, pour ne nommer que les plus illustres ; celle de saint Madeleine de Pazzi, de sainte Catherine de Gênes, de sainte Marguerite de Cortone, de saint Françoise Romaine, de sainte Rose de Lima, de sainte Hedwige, de saint Lidwine, de sainte Thérèse, et, à une époque plus rapprochée de nous, celle de Jean de Castillo et de Sébastien del Campo, jésuites, de Dominique de Jésus-Marie et de Franc, carmes déchaussés, de Christine de Stumbèle, de sainte Crescence de Kauffbeyern, de Christine l'admirable, de la Solitaire des rochers, de Benoîte, la petite bergère du Laus, celle enfin de Marie de Moerl, l'extatique du Tyrol, offrent des similitudes frappantes avec ce que nous allons raconter (voir les légendes du Bréviaire Romain, Surius, les Bollandistes, Papebroch, Ribadéneira, la Mystique de Görres, liv. V, c. XXV, XXVI et XXVII).
Il y avait six ans que M. Vianney était à Ars ; il venait d'ouvrir aux petites orphelines du pays sa chère maison de refuge, quand des bruits étranges commencèrent à troubler le repos de ses nuits et le silence de son presbytère. Voici comment on lui a entendu raconter à lui-même l'origine de ces persécutions : « La première fois que le démon est venu me tourmenter, c'était à neuf heures du soir, au moment où j'allais me mettre au lit. Trois grands coups retentirent à la porte de ma cour, comme si on avait voulu l'enfoncer avec une énorme massue. J'ouvris aussitôt ma fenêtre et je demandai : “Qui est là ?...”, mais je ne vis rien, et j'allai tranquillement me coucher en me recommandant à Dieu, à la très-sainte Vierge et à mon bon ange. Je n'étais pas endormi que trois autres coups plus violents, frappés non plus à la porte extérieure, mais à celle de la montée d'escalier qui conduit à ma chambre, me firent ressauter. Je me levai et m'écriai une seconde fois : “Qui est là ?...” Personne ne répondit.
Lorsque ce bruit commença, je m'imaginai que c'étaient des voleurs qui en voulaient aux beaux ornements de M. le vicomte d'Ars, et je crus qu'il était bon de prendre des précautions. Je priai deux hommes courageux de coucher à la cure pour me prêter main-forte, en cas de besoin. Ils vinrent plusieurs nuits de suite ; ils entendirent le bruit mais ne découvrirent rien et demeurèrent convaincus que ce vacarme avait une autre cause que la malveillance des hommes. J'en acquis moi-même bientôt la certitude ; car, pendant une nuit d'hiver qu'il était tombé beaucoup de neige, trois énormes coups se firent entendre, vers le milieu de la nuit. Je sautai précipitamment à bas de mon lit ; je pris la rampe et descendis jusque dans la cour, pensant trouver cette fois les malfaiteurs en fuite et me proposant d'appeler au secours. Mais, à mon grand étonnement, je ne vis rien, je n'entendis rien, et, qui plus est, je ne découvris sur la neige aucune trace de pas... Je ne doutai plus alors que ce ne fût le démon qui voulait m'effrayer. Je m'abandonnai à la volonté de Dieu, le priant d'être mon défenseur et mon gardien, et de s'approcher de moi avec ses anges, quand mon ennemi viendrait de nouveau me tourmenter. »
Si le but du démon était de frapper de terreur le pauvre Curé, il n'avait que trop réussi ; car M. Vianney a avoué que dans les premiers temps, alors que la cause de ces bruits mystérieux, qui se renouvelaient toutes les nuits pendant des heures entières, n'était point connue, il mourait de peur dans son lit ; sa santé ne pouvait manquer d'en être profondément altérée ; on le voyait sécher et dépérir. Des personnes charitables s'offrirent à faire le guet autour de la maison et à coucher dans la chambre voisine de la sienne. Quelques jeunes gens armés s'établirent en embuscade au clocher, afin de mieux surveiller les abords de la cure.
Il y en eut parfois qui furent très-effrayés, entre autres le charron du village, André Verchère. Une nuit que son tour de faction était venu, il s'installa, avec son fusil, dans un chambre du presbytère. Quand vint minuit, un bruit effroyable se fit entendre à côté de lui, dans la pièce même ; il lui sembla que les meubles volaient en éclats sous une grêle de coups. La pauvre sentinelle de crier au secours, et M. le Curé d'accourir. On regarde, on examine, on fouille les coins et les recoins, mais inutilement.
Quand M. Vianney se fut bien assuré que ces bruits n'avaient aucune cause humainement assignable, il prit le parti de congédier tous ces gardiens dont la présence lui était inutile. Il eut moins peur et finit par s'y habituer.
Il nous a confié qu'avant cette période de luttes extérieures, il y en avait eu une autre, pendant laquelle il avait été tourmenté intérieurement de la manière la plus persistante et la plus pénible par des pensées de désespoir. Il voyait continuellement l'enfer sous ses pieds, et une voix lui disait qu'il y avait sa place marquée d'avance. La crainte d'être damné l'obsédait jour et nuit. Après avoir combattu et surmonté cette tentation, la résistance extérieure était plus facile. que de constance néanmoins, que de force d'âme il lui fallut ! Car ce martyr ne fut pas de quelques nuits ; il dura trente-cinq ans, avec des phases et sous des formes diverses, mais sans qu'il y eût presque jamais d'intermittence.
Ordinairement, à minuit, trois grands coups contre la porte du presbytère avertissaient le Curé d'Ars de la présence de son ennemi ; et, suivant que son sommeil était profond ou léger, d'autres coups plus ou moins rudes se succédaient en approchant. Après s'être donné le divertissement d'un horrible tintamarre dans l'escalier, le démon entrait ; il se prenait aux rideaux du lit et les secouait avec fureur, comme s'il avait voulu les arracher. Le pauvre patient ne pouvait comprendre qu'il en restât un lambeau.
Il arrivait souvent que l'esprit malin heurtait comme quelqu'un qui veut entrer ; un instant après, sans que la porte fût ouverte, il était dans la chambre remuant les chaises, dérangeant les meubles, furetant partout, appelant M. le Curé d'une voix moqueuse : « Vianney ! Vianney ! » et ajoutant à son nom des menaces et des qualifications outrageantes : « Mangeur de truffes ! Nous t'aurons bien, va, nous t'aurons bien !... nous te tenons ! nous te tenons ! » D'autres fois, sans se donner la peine de monter, il le hélait du milieu de la cour, et, après avoir longtemps vociféré, il imitait une charge de cavalerie ou le bruit d'une armée en marche. Tantôt il enfonçait des clous dans le plancher, à grands coups de marteau ; tantôt il fendait du bois, rabotait des planches, sciait des lambris, comme un charpentier activement occupé dans l'intérieur de la maison ; ou bien il taraudait toute la nuit, et il semblait à M. Vianney qu'il allait, le matin, trouver son plafond criblé de trous ; ou bien encore il battait la générale sur la table, sur la cheminée et principalement sur le pot à eau, cherchant de préférence les objets les plus sonores.
Quelquefois le Curé d'Ars entendait, dans la salle basse au-dessous de lui, bondir comme un grand cheval échappé, qui s'élevait jusqu'au plafond et retombait lourdement, des quatre fers, sur le carreau. D'autres fois, c'était comme si un gendarme chaussé de grosses bottes en eût fait résonner le talon sur les dalles de l'escalier. D'autres fois encore, c'était le bruit d'un grand troupeau de moutons qui paissait au-dessus de sa tête. Impossible de dormir avec ce piétinement monotone. Une nuit que M. Vianney était plus agacé que de coutume, il dit : « Mon Dieu, je vous fais volontiers le sacrifice de quelques heures de sommeil pour la conversion des pécheurs. » Sur-le-champ, l'infernal troupeau s'en alla ; le silence se fit, et le pauvre Curé put reposer un instant. Nous tenons tous ces détails de M. Vianney lui-même.
Pendant plusieurs nuits consécutives, il entendit dans la cour des clameurs si fortes et si menaçantes qu'il en tremblait d'effroi. Ces voix parlaient dans une langue inconnue et avec la plus grande confusion, en sorte qu'elles réveillaient en lui le souvenir encore récent de l'invasion. Il comparait leur tumulte au bruit qu'aurait fait une armée d'Autrichiens, ou bien il se servait d'un autre mot non moins caractéristique, disant que des troupes de démons avaient tenu leur parlement dans sa cour.
Ces histoires, on le pense bien, firent grand bruit ; elles excitèrent, comme il arrive toujours, des rumeurs en sens divers et de vivres contradictions. Elles avaient le tort de se passer dans les ténèbres. La nuit est complice de l'erreur. Il se mêle aux choses qu'elle couvre de ses ombres une bague incertitude, dont la critique peut aisément s'armer et l'incrédulité se prévaloir ; tandis que la solitude profonde dans laquelle le Curé d'Ars ensevelissait sa vie rendait cette critique difficile. Toutefois il n'est pas permis de supposer que M. Vianney se soit trompé ni qu'il ait voulu tromper. Certes, ceux qui l'ont connu savent que la mort eût été pour lui préférable au mensonge. Il n'avait pas le tempérament d'un visionnaire ; il n'était point du tout crédule ; il possédait toutes les qualités d'un bon témoin, de bons yeux, de bonnes oreilles, un bon jugement. Ces choses ne se passèrent pas une fois, mais cent et cent fois par an, pendant trente ans ; elles furent attestées par lui des milliers de fois ; il n'y avait rien dont il parlât plus volontiers.
Ainsi, nous trouvons dans les notes de Catherine de nombreuses confidences, recueillies, jour par jour, de la bouche même du saint Curé, et contemporaines des premières persécutions qu'il eut à subir. Qu'on nous permette de les rapporter ici textuellement.
« M. le Curé nous a dit plusieurs fois, ces jours passés : « Je ne sais pas si ce sont des démons ; mais ils viennent par grosses bandes. On dirait un troupeau de moutons. Je ne peux quasi pas dormir. » À quelque temps de là, il nous a dit : « Cette nuit, quand j'étais sur le point de m'endormir, le grappin (Nom de guerre que M. Vianney donnait au démon dans ses moments de belle humeur, et sous lequel il prit l'habitude de le désigner ensuite. C'est chose assez frappante que ce rapport qu'ont eu entre elles quelques âmes saintes, en adoptant, pour qualifier l'ennemi commun, des mots d'une énergie singulière. Le Curé d'Ars appelait Satan le Grappin. Mademoiselle de Montmorency, dans la Solitaire des rochers, l'appelle le Teigneux) s'est mis à faire du bruit, comme quelqu'un qui relie un tonneau avec des cercles de fer. »
On peut se convaincre, en lisant le savant livre de Görres, qu'il n'est pas un seul des phénomènes que nous venons de mentionner qui n'ait ses analogues dans l'histoire de la mystique diabolique : coups frappés aux portes, chants entendus dans la cheminée, hurlements de bêtes féroces, bruits de toute nature... Il faut voir en particulier les chapitres XXI et XXII du livre V, où il est question d'un esprit qui grattait à la porte, chantait dans la cheminée, battait du tambour, se logeait sous le lit ou derrière la taie de l'oreiller, imitait des cris d'animaux sauvages, haletait comme un chien essoufflé... Mais continuons.
« 15 septembre. — M. le Curé nous a recommandé d'élargir sa paillasse parce que le démon le jetait hors de son lit. « Je ne l'ai pas vu, a-t-il ajouté, mais plusieurs fois il m'a saisi et m'a précipité de mon lit. »
« 18 octobre. — M. le Curé nous a dit hier que le démon voulait le tuer.
« 4 décembre. — Ce soir, M. le Curé est venu nous voir et il nous a dit : « Je vais vous raconter quelque chose. Le grappin m'a fait sa visite ; il soufflait si fort que j'ai cru qu'il voulait me renifler. Il semblait vomir du gravier ou je ne sais quoi dans ma chambre. Je lui ai dit : “Je m'en vais là-bas (à la Providence) dénoncer tes intrigues, afin de te faire mépriser.” Il s'est tu tout de suite. »
« Mais voici qui est plus extraordinaire, et c'est le cas de s'écrier avec Bossuet : « Qui pourrait dire la profondeur de Satan, et par quels artifices ce serpent coule (Sermon sur les Démons) !...»
Un soir, c'est Catherine qui parle, M. le Curé était venu chez nous voir un malade. À mon retour de l'église, il me dit : « Vous aimez les nouvelles ; eh bien ! je vous en apporte une toute fraîche. Écoutez ce qui m'est arrivé ce matin. J'avais quelque chose sur ma table ; vous savez ce que c'est ?... » — c'était sa discipline, — « Elle s'est mise à marcher comme un serpent !... Cela m'a un peu effrayé. Vous savez qu'il y a une corde au bout : j'ai pris cette corde ; elle était aussi raide qu'un morceau de bois : je l'ai remise sur ma table ; elle a recommencé à marcher jusqu'à trois fois. — Vous faisiez peut-être branler votre table, objecta une des maîtresses présentes à la conversation ? — Non, reprit M. le Curé, je ne la touchais pas. »
Voilà des témoignages bien nets, bien précis, et dont le Curé d'Ars n'était pas avare : n'importe ! les démentis persévérèrent. Ils partaient surtout des rangs du clergé, qu'on a tort, soit dit en passant, de supposer crédule. La crédulité est en raison inverse de la foi. Philosophe ! race crédule ! a dit un ancien (Sénèque). Il faut croire à quelque chose : ce besoin est si fort, si impérieux dans l'homme, qu'il préfère croire trop, croire tout, plutôt que de ne rien croire. Il préfère abdiquer toute raison plutôt que de renoncer à toute foi. Qui ne croit pas en Dieu est d'autant plus près de croire au diable. Mais quand on a soumis sa raison aux divins enseignements de la foi, qu'a-t-on besoin de croire à autre chose qu'à ce que Dieu a révélé et que l'Église enseigne ?
Les confrères du Curé d'Ars se montraient donc, en général, peu disposés à admettre la réalité de ces manifestations diabolique ; ils leur cherchaient des causes naturelles et physiologiques, et croyaient en trouver dans les jeûnes et les veilles immodérés du saint homme : explication sommaire et commode plus que satisfaisante. « Si le Curé d'Ars vivait comme les autres, disaient-ils, s'il prenait sa dose de sommeil et de nourriture, cette effervescence d'imagination se calmerait, son cerveau ne se peuplerait pas de spectres, et toute cette fantasmagorie infernale s'évanouirait.*

* Nous n'avons qu'un mot à dire touchant les soi-disant explications physiologiques des phénomènes de ce genre. Si ces explications peuvent être admises, lorsqu'il s'agit de se rendre compte de faits entourés de circonstances pathologiques concomitantes qui en décèlent la nature, et qui, d'habitude, ne font jamais défaut, il devient impossible de leur attribuer la même cause, quand ils se trouvent unis, comme chez M. Vianney, à l'accomplissement si régulier de toutes les fonctions de l'organisme, à cette sérénité d'idées, à cette délicatesse de perception, à cette sûreté de jugement et de vue, à cette plénitude de la possession de soi-même, au maintien de cette miraculeuse santé qui ne connaissait presque pas de défaillances, au milieu de l'incessante série de travaux qui absorbaient l'existence du vénérable Curé d'Ars. Et, du reste, ces phénomènes extraordinaires, sensibles pour lui, ne l'étaient-ils pas, en bien des circonstances, également pour les autres ? Les témoignages ici ne manquent pas. Faudra-t-il, pour se donner le vain plaisir de douter, mettre sans motif en suspicion des dépositions respectables et désintéressées ? Disons-le : un scepticisme obstiné à l'endroit des faits d'ordre surnaturel, tels que ceux dont nous retraçons l'histoire, impliquerait, chez des catholiques surtout, une infirmité morale autrement certaine que la créance raisonnée à laquelle de prétendus esprits forts veulent bien donner le nom d'aveugle crédulité.

Ainsi a-t-on coutume de raisonner quand on juge avec des idées préconçues ; ainsi a raisonné tout le dix-huitième siècle, et encore aujourd'hui, dans un certain monde, on ne sait pas raisonner autrement. Le sens des choses surnaturelles s'est tellement affaibli parmi nous, que nous ne pouvons nous décider à croire aux phénomènes qui dépassent la sphère naturelle où nous respirons habituellement. Nous aimons mieux nier ces faits, les attribuer à l'illusion et à la supercherie, que de nous donner la peine de les examiner sérieusement et de nous exposer ainsi à rencontrer quelque agent invisible et supérieur dont nous redoutons la présence. Le merveilleux effraye autant qu'il attire : nous voulons le connaître, et n'osons l'approcher.
Au plus fort de ces préventions, voici ce qui arriva : — ce drame infernal a été raconté de la même manière par les différentes personnes qui en furent témoins ; un de ces témoins vit encore et s'est offert à en signer les détails. — C'était dans l'hiver de 1826, il y avait à Saint-Trivier-sur-Moignans un vénérable curé, nommé M. Granger, qui s'était mis en rapport avec l'abbé Vianney, dès les premiers jours de son ministère à Ars ; il avait su l'apprécier et il le voyait souvent. Jaloux de procurer à ses paroissiens le bienfait de la présence au milieu d'eux d'un prêtre si mortifié et si zélé, il le pria de se joindre aux missionnaires qui donnaient alors les exercices du grand jubilé. M. Vianney consentit à tout ce que son voisin voulut : il resta trois semaines à Saint-Trivier, prêcha de temps en temps et confessa beaucoup.
Comme les vexations auxquelles il était en butte, de la part du démon, faisaient alors grand bruit, ses confères s'en amusaient et lui disaient sur le ton du badinage : « Allons ! allons ! cher Curé, faites comme les autres ; nourrissez-vous mieux : c'est le moyen d'en finir avec toutes ces diableries. »
Un soir, on le prit sur une gamme plus haute ; la discussion s'anima du côté des contradicteurs, et leur raillerie s'échappa en jets plus amers et moins contenus. Il fut convenu que toute cette mystique infernale n'était que rêverie, délire, hallucination, et le pauvre Curé fut traité, en toutes lettres, de visionnaire et de maniaque. Il ne répondit pas un mot à ces savantes diatribes ; il se retira dans sa chambre, insensible à tout, sauf à la joie d'avoir été humilié. Un instant après, Messieurs les rieurs se souhaitaient une bonne nuit et gagnaient leur appartement respectif, avec l'insouciance de philosophes qui, s'ils croyaient au démon, n'avaient du moins qu'une foi très-médiocre à son intervention dans les affaires du Curé d'Ars.
Mais voilà qu'à minuit ils sont réveillés en sursaut par un affreux vacarme : la cure est sens dessus dessous ; les portes battent ; les vitres frissonnent ; les murs chancellent ; de sinistres craquements font craindre qu'ils ne s'écroulent. En un instant, tout le monde est debout. On se souvient que le Curé d'Ars a dit : « Vous ne serez pas étonnés si, par hasard, vous entendez du bruit cette nuit. » On se précipite dans sa chambre... il reposait tranquillement. « Levez-vous, lui crie-t-on, la cure va tomber ! — Oh ! je sais bien ce que c'est, répond-il en souriant. Il faut aller vous coucher ; il n'y a rien à craindre. » On se rassure, et le bruit cesse. À une heure de là, quand tout est redevenu silencieux, un léger coup de sonnette retentit. L'abbé Vianney se lève et trouve à la porte un homme qui avait fait plusieurs lieues pour venir se confesser à lui. Il se rend aussitôt à l'église et y reste jusqu'à la messe, occupé à entendre un grand nombre de pénitents.
Un des missionnaires, M. l'abbé Chevalon, de pieuse mémoire, ancien soldat de l'Empire, demeura si frappé de cette étrange aventure qu'il disait, en la racontant : « J'ai promis au bon Dieu de ne pus plaisanter sur ces histoires d'apparitions et de bruits nocturnes ; et quant à M. le Curé d'Ars, je le tiens pour un saint. »
Le lecteur aura remarqué, sans doute, la coïncidence des événements de la nuit avec l'arrivée soudaine d'un pécheur venu de loin pour se confesser. C'était chose ordinaire, qui, après de nombreux précédents avait fini par devenir un indice presque infaillible. Chaque fois que les taquineries du démon redoublaient de fréquence et d'intensité, le Curé d'Ars prévoyait que la grâce lui amènerait bientôt quelque grand pécheur à convertir : ses pressentiments étaient rarement trompés. Si bien que par la suite, au lieu de se troubler de cette recrudescence de colère infernale, il l'accueillait comme le signe avant-coureur des miséricordes de Dieu et des consolations réservées à son ministère. Souvent, quand il se levait après une nuit de lutte et d'insomnie cruelles, il trouvait, à la porte, des étrangers qui avaient marché toute la nuit et qui le priaient d'entendre leur confession.
L'esprit du mal variait ses moyens d'attaque : il ne se contentait plus de frapper aux portes et de troubler le repos de M. Vianney par des bruits effrayants, il était sans cesse à imaginer de nouveaux tours dont l'audace déguisait mal la faiblesse. Souvent il se cachait sous son lit, voire sous son chevet, et faisait, toute la nuit, retentir à son oreille tantôt des cris aigus, tantôt des gémissements lugubres, des plaintes étouffées, de faibles soupirs ; quelquefois il l'entendait geindre bruyamment comme un homme qui se livre à un travail pénible, d'autres fois râler comme un malade à l'agonie.
'Le démon est bien fin, disait-il un jour, dans son catéchisme, mais il n'est pas fort. Un signe de croix le met en fuit. Tenez, il n'y a pas encore trois jours qu'il faisait un grand tapage au-dessus de ma tête. On aurait dit que toutes les voitures de Lyon roulaient sur le plancher... Pas plus loin qu'hier soir, il y avait des troupes de démons qui secouaient ma porte ; ils parlaient comme une armée d'Autrichiens ; je ne comprenais pas un mot de leur jargon. J'ai fait le signe de la croix ; ils sont tous partis. »
Il y eut une nuit où il fut réveillé en sursaut et se sentit soulevé en l'air : « Peu à peu je perdais mon lit, dit-il ; je m'armai vitement du signe de la croix, et le grappin me laissa. »
Une autre nuit, le diable imagina de prendre la forme d'un coussin très-doux, très-moelleux, dans lequel la tête du pauvre Curé enfonçait voluptueusement comme dans de la ouate ; en même temps il en sortait un gémissement plaintif. Il avoua que cette fois il eut grand peur ; il lui sembla que ce nouveau genre de piège mettait son âme en péril. Il invoqua le secours du ciel, et l'illusion disparut.
Ayant été appelé à Montmerle, après la mission de Saint-Trivier, le démon le suivit sur ce nouveau théâtre de son zèle, et comme il devait y faire beaucoup de bien, le mauvais esprit s'apprêta lui-même à lui faire le plus de mal qu'il pourrait : c'est pourquoi il le molesta de son mieux et sans répit. Dès la première nuit, il le traîna dans son lit tout autour de sa chambre, en sorte qu'il ne put pas fermer l'œil. Le lendemain, M. Vianney s'étant rendu à l'église de bonne heure, suivant son habitude, trouva la foule entourant son confessionnal ; mais à peine y fut-il entré, qu'il se sentit soulevé et ballotté comme s'il avait été emporté dans une frêle barque sur un courant rapide.
Il a souvent cité ce fait, et la première fois que M. l'abbé Toccanier, alors vicaire de Montmerle, vit le saint prêtre, dont il devait être plus tard le compagnon et l'ami, M. Vianney lui dit : « J'ai fait une mission chez vous, anciennement, et je m'en suis bien vu avec le grappin. Il s'amusait, la nuit, à me promener dans ma chambre sur un lit à roulettes. »
Les effets que nous avons mentionnés jusqu'ici semblent indiquer que la malice et la lutinerie ne sont pas étrangères au royaume des esprits. « Leurs manifestations, dit le savant Görres, ont quelque chose d'indéterminé, de singulier, quelquefois de bruyant et d'espiègle. On dirait qu'ils aiment à regarder de temps en temps à travers ces masques comiques, et à voir les pauvres mortels se pavaner dans leur sotte gravité et s'enorgueillir de leur vaine civilisation, qui ne croit pas, mais qui tremble ; qu'ils aiment à descendre parmi eux, dans un moment de bonne humeur, pour les agacer et se moquer d'eux. Toutefois, on voit qu'ils redoutent ceux qui ne badinent pas avec eux. L'ironie a une certaine affinité avec l'esprit malin. Aussi y a-t-il quelque chose de déréglé et de désagréable dans le comique de ces esprits, et, à travers leurs plaisanteries, nus avons vu plus d'une fois percer comme un éclaire de lumière équivoque du feu qui les dévore (Mystique, 2e part., liv. V, c. XXIII). »
C'est ainsi que nous avons entendu M. le Curé se plaindre de ce que le démon avait voulu le tuer... Quand il alla à Saint-Trivier pour y prêcher le jubilé, il partit à pied, avant le jour, et sans être accompagné ; il marchait en récitant son chapelet ; l'atmosphère était comme embrasée, et, de chaque côté de la route, les buissons lui paraissaient en feu. C'était Satan qui, prévoyant les heureux fruits que M. Vianney allait faire dans les âmes, enveloppé du fluide ardent qui le dévore, le suivait pas à pas, cherchant à l'effrayer et à le décourager. Lui, cependant, n'en continuait pas moins son chemin, confiant en la très-efficace protection de la Mère de Dieu et de son bon ange, et ne voyant dans ces nouvelles manœuvres de l'ennemi que le présage des bénédictions de Dieu sur ses travaux. En effet, son passage à Saint-Trivier fut marqué par les plus consolants triomphes de la grâce.
Une des fantaisies les plus bizarres du démon, celle qui trahit le mieux ses ignobles instincts, est l'histoire du tableau contre lequel il s'est acharné si longtemps. M. le Curé avait sur son palier, à la place même où l'on voit encore aujourd'hui une image grossière de la sainte Vierge, une toile qu'il aimait beaucoup, bien que ce fût une œuvre très-médiocre. La vue de cette peinture parlait à son âme et l'attendrissait en lui rappelant le plus chaste et le plus divin de nos mystères : c'était une Annonciation.
Voyant que M. le Curé honorait cette sainte image d'un culte particulier, que faisait ce méchant grappin ? Tous les jours il la couvrait outrageusement de boue et d'ordure. On avait beau la laver, on la retrouvait, le lendemain, plus noire et plus contaminée que la veille. Ces lâches insultes se renouvelèrent jusqu'à ce que M. Vianney, renonçant aux consolations qu'elle lui donnait, prit le parti de la faire enlever. Beaucoup ont été témoins de ces odieuses profanations, ou du moins en ont pu observer les traces sensibles. M. Renard dit avoir vu ce tableau indignement maculé : la figure de la sainte Vierge n'était plus reconnaissable.
Ce fait doit être mis au rang de ceux dont il est le moins permis de douter. Nous avons entendu M. le Curé y faire publiquement allusion, et, parmi ses auditeurs assidus, il n'en est point qui n'en sache les détails par cœur.
Nous n'en finirions pas si nous voulions rapporter la série entière de ces persécutions et de ces combats qui durèrent autant que la vie de notre héros. Il y avait peu de sujets de conversation sur lesquels il fût plus fécond et plus intarissable que sur celui-là. Il ne faisait aucune difficulté de répondre aux questions sans nombre qu'on lui adressait à ce propos ; quelquefois, il ne les attendait même pas : c'était lui, le premier, qui racontait sur un ton aimable et plaisant ses plus récentes aventures avec le grappin.
« Monsieur le Curé, lui disaient ses missionnaires, le démon nous laisse bien tranquilles. Nous avons beau vivre près de vous, nous ne voyons rien, nous n'entendons rien ; c'est apparemment que nous n'en valons pas la peine. » — « Oh ! répondait-il, c'est que vous êtes bien sages. » — « Ces bruits, ces voix que vous entendez dans la nuit, tout ce tintamarre ne vous fait pas peur ? — « Oh ! non, je sais que c'est le grappin : ça me suffit. Depuis le temps que nous avons affaire ensemble, nous nous connaissons ; nous sommes camarades... D'ailleurs, le bon Dieu est meilleur que le diable n'est méchant ; c'est LUI qui me garde. Ce que Dieu garde est bien gardé. »
Que de fois, dans cette courte visite d'une heure après midi, où, pendant plusieurs années, il nous a été donné de voir de si près la sainteté, que de fois M. Vianney nous a dit gaîment à mes confrères et à moi, — il me semble l'entendre encore avec sa petite voix si faible et si douce : " « Aujourd'hui, le grappin est venu gratter à ma porte ; il ne m'a pas laissé dormir... » ou bien : « Aujourd'hui, il était bien en colère : c'est bon signe. Il soufflait comme un bœuf !...» Et, en disant cela, M. le Curé imitait la respiration forte et bruyante du grappin.
Sur la fin de sa vie, les attaques du démon furent moins vives et moins continuelles : elles cessèrent tout à fait les six derniers mois. Auparavant déjà, ses malices étaient moins noires et ses menées plus timides : c'étaient comme les derniers traits d'un ennemi qui se retire, désespérant de vaincre, ou comme les voix confuses d'une armée en déroute, qui se perdent et s'éteignent dans le lointain. Le prince des ténèbres ne venait plus gère l'importuner la nuit ; il se contentait de troubler l'instant de repos que le Curé d'Ars prenait après son repas, et dont il avait un extrême besoin. Tantôt il lui donnait le charivari à sa porte, contrefaisant tour à tour le grognement d'un ours, le hurlement d'un loup, l'aboiement d'un chien, tantôt il l'appelait de sa voix rude et insolente : « Vianney ! Vianney ! viens donc ! » lui donnant à entendre que de nombreux pénitents l'attendaient.
C'est très-souvent que le saint homme nous a confié, soit aux uns, soit aux autres, le désappointement qu'il eut un jour, lorsque le diable, détachant un précieux bénitier qui était à la tête de son lit, le mit en pièces sous ses yeux, et le broya comme avec un pilon. Il en fut de même d'un pot d'onguent servant à des liniments pour sa jambe malade, après la chute qu'il fit au mois de novembre 1858.
Plus tard, une statue de sainte Philomène avait été entreposée dans une des salles basses du presbytère, jusqu'à ce qu'elle fût bénite par M. Vianney et envoyée dans une paroisse de l'Auvergne, en reconnaissance des bienfaits obtenus par l'intercession de la chère et glorieuse thaumaturge. Le jour où cette bénédiction eut lieu, le Curé d'Ars dit à son missionnaire et aux personnes présentes à la cérémonie : « Pendant tout le temps que sainte Philomène a été ici, le démon a fait des siennes... Cette statue l'ennuyait ; il a bataillé autour d'elle tant qu'il a pu ; mais il s'attaquait à forte partie. »
Après cet ensemble prodigieux de faits et cette masse imposante de preuves et de témoignages, on a moins de peine à croire que l'incendie du lit de M. Vianney, survenu trois ans avant sa mort, soit l'œuvre du démon, comme on est autorisé à l'inférer de plusieurs propos très-claires et de l'opinion générale de la population (Görres, dans sa Mystique diabolique, 2e part., liv. V, c. XXIII, cite plusieurs cas d'incendie allumé par le démon).
Voici le fait dans toute sa simplicité, et ici, je n'ai qu'à évoquer mes souvenirs personnels, car j'étais présent. Plusieurs mois du plus intime et du plus doux tête-à-tête me mirent en position d'apprendre beaucoup de choses, qui devaient plus tard entrer dans la composition de cet ouvrage.
Un matin, on était aux jours gras et on célébrait, pour la première fois, les quarante heures à Ars : la foule était énorme, le travail de Dieu dans les âmes plus profond et plus éclatant que jamais. En sortant de très-bonne heure pour me rendre à l'église, je fus saisi, sur le seuil de la porte, d'une odeur de roussi si infecte et si pénétrante que je faillis être renversé. Je traversai rapidement la place. La sainte messe, le catéchisme et quelques confessions me conduisirent jusqu'à sept heures. Quand j'eus fini, je trouvai tout le village attroupé autour de la cure,. J'aurais pu croire à un événement tragique, s'il n'avait été manifeste, en regardant cette foule, que l'impression générale était la gaîté ; on riait, on plaisantait, on s'interpellait d'un bout de la place à l'autre, et les mots de lit et de grappin étaient tout ce que je pouvais saisir dans ce brouhaha.
« Qu'est-ce ? demandai-je en m'approchant d'un groupe. » — « Comment ! vous ne savez pas que le diable a mis le feu, cette nuit, au lit de M. le Curé ? Voyez, voyez !...» Je vis, en effet, à traves la porte entrebâillée de la cour, quelques hommes passer en emportant des débris à demi consumés. J'entrai et allai droit à la chambre de M. Vianney, où je trouvai tout le désordre et toutes les traves d'un incendie à peine éteint. Le lit, le ciel de lit, les rideaux et ce qui était à l'entour, quelques tableaux qui tiraient leur valeur de la dévotion de M. le Curé, les vieilles peintures sur verre qu'il aimait tant et dont il nous disait, quelques jours auparavant, que « ses bons sains  étaient la seule chose en ce monde à laquelle il tînt encore un peu, et qu'il n'avait pas consenti à les vendre, parce qu'il voulait les laisser en héritage aux missionnaires, » tout avait été consumé. Le feu ne s'était arrêté que devant la châsse de sainte Philomène, et, à partir de ce point littéralement pris, il avait tracé du haut en bas une ligne droite et d'une précision géométrique, détruisant tout ce qui était en deçà de la sainte relique, épargnant tout ce qui était au delà. Comme il s'était allumé sans cause apparente, il s'est éteint de même : et c'est chose vraiment remarquable et en quelque façon miraculeuse, qu'il ne se soit pas communiqué, par les épais rideaux de serge, au plancher si noir et si enfumé, qui aurait dû flamber comme de la paille. Ce qu'il y eut aussi de très particulier, c'est que M. le Curé, qui était survenu au milieu de ce déménagement et de ce pêle-mêle, n'eut pas l'air de s'en apercevoir. Il croisa plusieurs personnes chargées de débris ; il ne leur fit aucune question. Je le trouvai à la sacristie, et je voulus lui dire quelques mots de l'accident qui mettait le pays en émoi ; il se contenta de faire une petite moue accompagnée d'un geste d'indifférence. Ce ne fut qu'après la sainte messe, en signant les images, qu'il s'interrompit tout à coup : — je le vois encore, la plus levée, son regard doux et profond arrêté sur moi : — « Il y a longtemps, me dit-il, que je demandais cette grâce au bon Dieu ; il m'a enfin exaucé... Je pense que, cette fois, je suis bien le plus pauvre de la paroisse : ils ont tous un lit, et moi, grâce à Dieu, je n'en ai plus... » Puis, sans autre réflexion, il se remit à signer les images que la foule lui présentait.
« Pauvre monsieur le Curé ! dis-je avec un accent tel qu'il crut voir de le pitié là où il n'y avait que de l'admiration. — Oh ! reprit-il, il y a moins de mal que si c'était le plus petit péché véniel. » Une fois déjà, il avait exprimé la même pensée, dans une circonstance que l'on connaîtra plus tard.
À midi, quand il vint me voir, nous causâmes un peu plus au long de l'événement de la nuit. Je lui dis qu'on s'accordait généralement à le considérer comme une mauvaise plaisanterie du démon, et je lui demandai s'il croyait vraiment que l'esprit malin y fût pour quelque chose. Il me répondit très positivement, avec le plus grand sang-froid : « Oh ! mon ami, c'est bien visible ! Ne pouvant pas brûler l'homme, il a voulu se donner le plaisir de brûler son lit... Il est en colère, ajouta-t-il, c'est bon signe : il va nous venir de l'argent et des pécheurs. »
C'est alors qu'il me fit cette belle et profonde réflexion : « Le démon n'est jamais plus fâché que lorsqu'il voit que, de ce même argent dont il se sert pour corrompre et perdre les âmes, nous faisons sortir leur salut. » En effet, M. Vianney reçut dans la semaine des sommes importantes pour son œuvre des missions, et il y eut un mouvement extraordinaire à Ars, durant quelques jours.
Il me parla aussi des quarante heures, des bienfaits de cette sainte institution, des joies que la présence visible de l'adorable eucharistie ajoutait aux joies ordinaires du pèlerinage. Ses yeux étaient pleins de larmes ; son âme débordait dans chacune de ses paroles. « C'est bien une autre flamme, disait-il, et un autre incendie !... C'est un incendie d'amour. »
On est tenté de se demander si Satan a quelquefois pris un corps pour tourmenter sa victime, s'il lui est apparu visiblement et sous quelle forme. Nous ne pouvons répondre que par deux faits. M. Vianney vit, un jour, à trois heures du matin, un gros chien noir, les yeux flamboyants, le poil hérissé, grattant la terre du cimetière, à l'endroit où avait été déposé, quelques semaines auparavant, le corps d'un homme mort sans confession. Cette vue l'effraya beaucoup. On lit dans la légende de saint Stanislas de Kostka que, pendant une maladie qui vint à la suite de ses mortifications, l'angélique jeune homme vit aussi le démon sous la forme d'un horrible chien prêt à s'élancer sur lui. L'affreuse vision se renouvela trois fois; et trois fois il la mit en fuit avec le signe de la croix.
M. Vianney a encore raconté que le diable lui était apparu sous la forme de chauves-souris qui remplissaient sa chambre et voltigeait autour de son lit ; les murailles en étaient toutes noires.
Il est une autre question que le lecteur se sera faite sans doute. M. le curé a-t-il été seul à entendre les bruits dont nous avons parlé, ou bien a-t-on des exemples que d'autres personnes aient été témoins immédiats de ces manifestations surnaturelles ? Les exemples, il est vrai, ne sont pas très-nombreux. Il en est pourtant d'assez remarquables, sans parler de ceux que nous avons mentionnés en commençant.
En 1829, au plus fort de cette lutte, un jeune prêtre du diocèse de Lyon, le fils de la bonne veuve d'Écully avec laquelle nous avons fait connaissance, dès les premières pages de ce livre, et qui rendit de si touchants services à M. le Curé, l'abbé Bibost, vint à Ars faire une retraite auprès de l'homme de Dieu. M. Vianney, qui avait encouragé et guidé ses premiers pas dans la carrière sacerdotale, le reçut avec une extrême bonté, et voulut qu'il logeât chez lui.
Je connaissais particulièrement ce prêtre, dit M. l'abbé Renard, et la Providence me favorisa en faisant coïncider avec le sien un voyage que je fis dans ma paroisse natale. « Dès notre première entrevue, la conversation tomba sur les choses extraordinaires qui se passaient à Ars, et dont la rumeur remplissait le pays : « Vous couchez à la cure, lui dis-je, eh bien ! vous allez me donner des nouvelles du diable. Est-il vrai qu'il y fait du bruit ? l'avez-vous entendu ? — Oui, me répondit-il, je l'entends toutes les nuits. Il a une voix aigre et sauvage qui imite le cri d'une bête fauve. Il s'attache aux rideaux de M. le Curé et les agite avec violence. Il l'appelle par son nom ; j'ai saisi très-distinctement ces paroles : “Vianney ! Vianney ! que fais-tu là ? Va-t'en ! va-t'en !” — “Ces bruits et ces cris ont dû vous effrayer ?” — “Pas précisément. Je ne suis pas peureux, et, d'ailleurs, la présence de M. Vianney me rassure. Je me recommande à mon ange gardien, et je viens à bout de m'endormir. Mais je plains sincèrement le pauvre Curé ; je ne voudrais pas demeurer toujours avec lui. Comme je ne suis ici qu'en passant, je m'en tirerai tant bien que mal, à la garde de Dieu !” — Avez-vous questionné M. le Curé là-dessus ? » — « Non, la pensée m'en est venue plusieurs fois, mais la crainte de lui faire de la peine m'a fermé la bouche. Pauvre Curé ! pauvre saint homme ! comment peut-il vivre au milieu de ce tapage ? »
En 1842, il vint à Ars un ancien militaire attaché, dans ce temps-là, à une brigade de notre gendarmerie départementale. Ce brave homme s'était levé à minuit, et, mêlé à un groupe de pieux fidèles, il attendait, à la porte de l'église, l'arrivée de M. Vianney. Comme le saint Curé tardait à paraître, il avait senti le besoin de s'isoler, et, pour vaincre le sommeil, il avait fait quelques pas autour de la cure. Cet homme était triste : il avait eu de récents chagrins. Il lui en restait un sentiment vague d'inquiétude et de terreur religieuse dont il ne se rendait pas compte. Ce sentiment le poussait vers Dieu, mais il hésitait sur le seuil du confessionnal. La vérité l'attirait et elle lui faisait peur. Beaucoup d'âmes ont connu ces combats. Pour l'amener à faire le pas décisif, il fallait une force plus grande que celle de ses réflexions aidées du silence de la nuit.
Tout à coup, il est arraché à sa rêverie par un bruit étrange qui semblait partir de la fenêtre du presbytère. Il écoute... une voix forte, aigre et stridente répète, à plusieurs reprises, ces mots qui arrivent très-distinctement à son oreille : « Vianney ! Vianney ! viens donc ! viens donc !... » Ce cri le glace d'horreur. Il s'éloigne, en proie à la plus vive agitation. Une heure sonnait en ce moment à la grande horloge du clocher. Bientôt M. le Curé paraît, une lumière à la main. Il trouve cet homme encore tout ému ; il le rassure, le conduit à l'église, et, avant de l'avoir interrogé et d'avoir entendu le premier mot de son histoire, il le renverse par ces paroles : « Mon ami, vous avez des chagrins ; vous venez de perdre votre femme, à la suite de ses couches. Mais ayez confiance ; le bon Dieu viendra à votre aide... Il faut d'abord mettre ordre à votre conscience ; vous mettrez ensuite plus facilement ordre à vos affaires. » — « Je n'essayai pas de résister, dit le gendarme, je tombais à genoux comme un enfant, et je commençai ma confession. Dans mon trouble, je pouvais à peine lier deux idées ; mais le bon Curé m'aidait. Il eut bientôt pénétré le fond de mon âme ; il me révéla des choses dont il ne pouvait avoir connaissance et qui m'étonnèrent au delà de toute expression. Je ne croyais pas qu'on pût lire ainsi dans les cœurs. »
A la Providence, au dire de Catherine et des autres directrices que nous avons interrogées, on entendait, la nuit, des bruits de pas dans les escaliers et dans les dortoirs. On faisait enquête sur enquête, et l'on ne découvrait rien.
En 1857, un missionnaire d'Ars, que de cruelles douleurs tenaient éveillé, entendit, à minuit, des coups violents frappés contre le mur de son alcôve, à un endroit où personne ne pouvait avoir accès. La religieuse qui le soignait les a entendus comme lui.
Parmi tant d'âmes bourrelées qui ont trouvé le repos à Ars, nous savons deux malheureux qui, la veille du jour où sont tombées leurs chaînes criminelles, ont entendu toute la nuit des bruits affreux, des coups frappés à la porte et contre le mur de l'appartement où ils avaient leur dernière entrevue. Le moment était grave et solennel : il décidait de leur éternité.
Nous omettons beaucoup d'autres traits, parfaitement avérés, pour ne pas étendre hors de toute mesure un chapitre déjà long. Toutefois, cette étude serait incomplète si nous ne rappelions qu'il est venu à Ars, à diverses époques et de divers lieux, plusieurs personnes donnant des marques plus ou moins évidentes de possession. Deux de ces malheureux, un homme et une femme, sont connus de tous les habitants d'Ars ; ils y ont fait de fréquentes apparitions, et ont presque toujours trouvé, aux pies de M. Vianney, un peu de soulagement et de réconfort, dans un état des plus extraordinaires et des plus effrayants.

Sans se prononcer d'une manière ouverte et sans consentir, pour des raisons fondées sur la prudence et l'humilité, à pratiquer les exorcismes, M. Vianney les traitait au saint tribunal, l'un comme si le corps seulement, l'autre comme si l'âme et le corps eussent été possédés. Au milieu des crises les plus violentes, nous les avons vus se calmer instantanément sous la bénédiction et la parole du saint prêtre de Jésus-Christ. Mes confrères et moi avons assisté à des scènes d'un caractère à tout le moins fort étrange. Nous pourrions redire ici des choses prodigieuses que nous avons entendues si elles se rapportaient plus directement à notre sujet, et si elles n'impliquaient, de notre part, la prétention de résoudre une question que nous ne pouvons ni ne voulons préjuger, manquant à la fois de lumière et d'autorité pour cela. Mais nos lecteurs ne nous pardonneraient pas de leur avoir dérobé la connaissance d'une pièce que nous trouvons dans des manuscrits très-authentiques, et qui se présente avec tous les signes de la plus incontestable sincérité, sous le titre de Dialogue entre une possédée des environs du Puy-en-Velay et le Curé d'Ars. Ce colloque a eu lieu, l'après-midi du 23 janvier 1840, dans la chapelle de Saint-Jean-Baptiste, en présence de huit témoins. Voici le résumé ou plutôt la reproduction littérale qui en a été faite sous la dictée de M. le Curé.

LA POSSÉDÉE. — Je suis immortelle.
M. LE CURÉ. — Vous êtes donc la seule personne qui ne mourrez pas ?
LA POSSÉDÉE. — Je n'ai fait qu'un péché dans ma vie, et je fais part de ce beau fruit à tous ceux qui veulent. Lève la main, absous-moi ! tu la lèves bien quelquefois pour moi.
M. LE CURÉ, lui parlant latin. — Tu quis es ?
LA POSSÉDÉE, lui répondant dans la même langue. — Magister Caput. Et continuant en français, mais en français diabolique : Vilain crapaud noir, que tu me fais souffrir !... Nous nous faisons mutuellement la guerre ; c'est à qui vaincra l'autre. Mais, quoi que tu en aies, il t'arrive bien de temps en temps de travailler pour moi : tu crois ton monde disposé, et il ne l'est pas... Pourquoi fais-tu l'examen de conscience de tes pénitents ? à quoi bon tant de recherches ? est-ce que celui que je leur fais faire ne suffit pas ?
M. LE CURÉ. — Tu dis que tu fais l'examen de conscience de mes pénitents ? Ils ont pourtant recours au bon Dieu avec de s'examiner.
LA POSSÉDÉE. — Oui, du bout des lèvres. Je te dis que c'est moi qui fais leur examen. Je suis plus souvent dans la chapelle que tu ne penses : mon corps s'en va, mais mon esprit demeure... J'aime bien quand on y cause... Tous ceux qui y viennent ne sont pas sauvés... Tu es un avare.
M. LE CURÉ. — C'est difficile que je sois un avare. J'ai peu, et le peu que j'ai, je le donne de bon cœur.
LA POSSÉDÉE. — Ce n'est pas de cette avarice que je parle, c'est d'une autre. Tu es avare des âmes ; tu m'en arraches tant que tu peux ; mais je tâcherai bien de les ravoir. tu m'as arraché une robe noire ; à moi maintenant de la rattraper... Tu es un menteur. Il y a longtemps que tu dis que tu veux t'en aller, et tu restes toujours. Que fais-tu donc là ? Tant d'autres se retirent pour se reposer ! que ne fais-tu comme eux ? Tu as bien assez travaillé. Tu voulais aller à Lyon (C'était vrai ; M. le Curé, dans ce temps-là, songeait beaucoup à Fourvières). À Lyon, tu serais aussi avare qu'ici. Tu voulais te retirer dans la solitude (C'était vrai encore ; il était combattu entre ces deux idées d'une retraite à Fourvières ou à la Trappe). Pourquoi ne le fais-tu pas ?
M. LE CURÉ. — Qu'as-tu encore à me reprocher !
LA POSSÉDÉE. — Je t'ai bien interloqué, dimanche dernier, pendant la messe. Hein ! te rappelles-tu ?... (Ce dimanche était le deuxième après l'Épiphanie. M. le Curé a avoué que, jusqu'à l'évangile, il avait ressenti un trouble intérieur extraordinaire). Ta robe violette (Mgr Raymond Devie, évêque de Belley) t'a écrit dernièrement. Mais j'ai si beau et si bien fait, qu'elle a oublié une chose essentielle : ce qui l'a fort contrariée (M. Vianney avait effectivement reçu ce jour-là une lettre de son évêque).
M. LE CURÉ. — Monseigneur me laissera-t-il partir ?
LA POSSÉDÉE. — Il t'aime trop. Sans cette... (Ici la possédée a désigné la très-sainte Vierge sous un nom que notre respect pour la glorieuse Mère de Dieu nous défend même d'insinuer), tu serais déjà loin. Nous avons bien fait tout ce que nous avons pu auprès de la robe violette pour te faire déguerpir, nous n'avons pas réussi à cause de... (la sainte Vierge). Ta robe violette est aussi avare que toi : elle me fait également bien souffrir. N'importe, nous l'avons endormie sur un abus qui est dans son diocèse... Allons ! lève la main sur moi, comme tu le fais sur tant d'autres qui viennent ici tous les jours. Tu crois les convertir tous, tu te trompes. C'est bon pour un moment, mais je les retrouve ensuite. J'ai bien aussi quelques-uns de tes paroissiens sur mon catalogue.
M. LE CURÉ. — Que dis-tu d'un tel ? (Un prêtre d'une vertu éprouvée).
LA POSSÉDÉE. — Je ne l'aime pas (ces mots furent prononcés avec une rage concentrée et accompagnée d'effroyables grincements de dents).
M. LE CURÉ. — Et un tel ?
LA POSSÉDÉE. — À la bonne heure, celui-là ! il nous laisse faire ce que nous voulons. Il y a des crapauds noirs qui ne me font pas tant souffrir que toi. Je sers leur messe. Ils la disent pour moi...
M. LE CURÉ. — Sers-tu la mienne ?
LA POSSÉDÉE. — Tu m'ennuies !... Ah ! si la... (la sainte Vierge) ne te protégeait pas !... Mais, patience ! nous en avons fait tomber de plus forts que toi... Tu n'es pas encore mort... Pourquoi te lèves-tu si matin ? Tu désobéis à la robe violette qui t'a ordonné d'avoir soin de toi... Pourquoi prêches-tu si simplement ? tu passes pour un ignorant. Pourquoi ne prêches-tu pas en grand, comme dans les villes ? Ah ! comme je me plais à ces grands sermons qui ne gênent personne, qui laissent les gens vivre à leur mode et faire ce qu'ils veulent ! À tes catéchismes, il y en a bien qui dorment, mais il y en a d'autres à qui ton simple langage va jusqu'au cœur.
M. LE CURÉ. — Que penses-tu de la danse ?
LA POSSÉDÉE. — J'entoure une danse comme un mur entoure un jardin.

Dans une autre circonstance, une malheureuse donnant aussi des marques de possession dit à M. Vianney : « Que tu me fais souffrir !... S'il y en avait trois comme toi sur la terre, mon royaume serait détruit... Tu m'as enlevé plus de quatre-vingt mille âmes. » Le Curé d'Ars, se tournant vers son missionnaire, lui dit : « Entendez-vous, monsieur le missionnaire, le démon prétend qu'à nous deux nous détruisons son empire, et que nous lui avons enlevé vingt mille âmes ?...» Le chiffre de quatre-vingt mille avait été prononcé d'une manière très-distincte : l'humilité seule du saint Curé le lui faisait réduire des trois quarts. Il s'adressa ensuite à la fille de la possédée : « Vous commencerez aujourd'hui une neuvaine à sainte Philomène, et vous m'amènerez votre mère demain, à la sacristie : j'entendrai sa confession, après que j'aurai dit la sainte messe. En attendant, faites-la mettre à genoux : je vais lui donner ma bénédiction. » La pauvre enfant suppliait le saint Curé de vouloir bien délivrer sa mère. Il s'en défendit, prétextant qu'il n'y était pas autorisé.
Le lendemain, la jeune fille parla de réunir sept hommes qui devaient porter sa mère à l'église. Il ne fallait, assurait-elle, rien moins que ce nombre-là pour exécuter cette périlleuse manœuvre. On lui répondit : « Le saint Curé vous a dit de lui amener votre mère : cela suffit ; vous n'aurez besoin de personne » L'énergumène se laissa, en effet, conduire comme un agneau, sans opposer la moindre résistance.
Cette femme passa dix jours à Ars, fit une confession générale, reçut Notre-Seigneur et partit beaucoup plus calme. Elle avait dit devant plusieurs personnes, dans un moment où le mauvais esprit l'inspirait : « Quel sale pays que votre Ars ! comme il y sent mauvais ! tout le monde sent mauvais ici... Parlez-moi de la Rotonde (lieu de plaisir très-connu des mauvais quartiers de Lyon) : c'est là qu'il sent bon la rose, le jasmin et l'œillet !...» Puis, s'adressant à ceux qui l'entouraient : « Ah ! si les damnés pouvaient venir à Ars, ils en profiteraient mieux que vous tous ! »
Quelqu'un lui demanda : « Qui est-ce qui fait tourner les tables ? » Elle répondit : « C'est moi... le magnétisme, le somnambulisme : tout cela est mon affaire. »
Les faits qui viennent de passer sous nos yeux dans leur effrayante réalité, n'étonneront que ceux qui sont demeurés systématiquement étrangers à l'histoire de la sainteté dans le monde. Les légendes du bréviaire en sont pleines. Il est peu de monuments hagiographiques qui n'en offrent les traces*. La tradition de ces faits n'a jamais cessé dans le monde. Plus nombreux et plus éclatants aux temps privilégiés, où la foi était plus vive et la piété plus tendre, ils deviennent plus rares et plus obscurs en nos jours de défaillance et d'affadissement. À aucun moment ils ne disparaissent tout à fait.

* Il y a un livre dont nul ne peut, sans abjurer sa foi, décliner le témoignage et la compétence : c'est le rituel romain, l'organe le plus pur et le plus autorisé de la doctrine orthodoxe, le monument le plus authentique de la tradition. Non-seulement l'existence des démons est affirmée à chaque page, mais les ruses de Satan, ses manœuvres tortueuses, ses noires entreprises contre les hommes y sont signalée minutieusement, je dirai presque, décrites.
Qu'on lise ces exorcismes : « Créature de l'eau, sois exorcisée !... Seigneur, que cette eau qui sert à vos mystères ait la puissance de chasser les démons !... Partout où tu seras jetée, que l'esprit immonde soit mis en fuite, que tout caprice, que toute ruse, que toute malice ténébreuse du diable s'évanouisse !... »
Dans la magnifique préface que l'Église chante le samedi saint, à la bénédiction solennelle des fonts, les diverses opérations diaboliques sont clairement dénoncées. Le prêtre ordonne à tout esprit immonde, au nom du Dieu vivant, de s'éloigner de cette eau qui doit servir à la régénération des âmes. Les termes qu'il emploie sont très-remarquables. Il veut que « la méchanceté de la fraude diabolique disparaisse sans laisser de traces, tota nequitia diabolicea fraudis absistat ; qu'il ne reste dans cette eau aucun mélange d'une vertu contraire, nihil hic loci habeat contrarioe virtutis admixtio... Il parle de circonvolutions insidieuses, de subreptions latentes et hypocrites, d'infection corruptrice : non insidiando circumvolet, non latendo subrepat, non inficiendo corrumpat... S'il y a quelque chose d'étrange, c'est l'inattention avec laquelle des chrétiens, soumis pourtant de cœur et d'esprit à la sainte Église, passent à côté de ces formules si claires, si positives, sans être frappés des conclusions qu'elles renferment.


Quelques-uns nous accuseront d'avoir bravé, en écrivant ce chapitre, les règles du simple bon sens. Ils auraient raison, s'il s'agissait de choses renfermées dans le domaine du bon sens ; mais celles que nous venons d'exposer dépassent de beaucoup ses limites. Trop étroit pour les comprendre, il ne peut exiger qu'elles se raccourcissent pour se mettre à sa portée : c'est à lui de s'étendre et de se proportionner à elles, en complétant par l'expérience les lois qu'il s'est faites, et en se mettant ainsi en état de saisir ce qui lui échappait auparavant. Car de nier simplement serait ici comme ailleurs un procédé par trop puéril et antiphilosophique. C'est serait fait alors de toute vérité : nous ne pourrions plus croire à notre propre témoignage.
Une fois que la critique s'est emparée de ces faits et a rempli son devoir en les discutant sincèrement, il faut se résigner à les adopter tels qu'ils se présentent ; il ne s'agit plus dès lors que de savoir comment la raison doit les comprendre. Or, il en est de l'explication de ces faits comme de leur acceptation : il ne s'agit pas de ce qui a dû être, mais de ce qui a été réellement. Vouloir rejeter complètement ce qu'il y a d'objectif dans ces phénomènes, s'obstiner à n'y voir que la création fantastique et les jeux d'une imagination frappée, sous l'unique prétexte que cela ne peut pas être autre chose, c'est évidemment sacrifier le monde extérieur et ses lois. Si des perceptions aussi claires, aussi fréquentes, ne sont que des rêves, rien n'empêche de regarder comme un songe la vie tout entière.
On aura beau faire et beau dire, il y aura toujours des choses qui resteront inexplicables autrement que par l'intervention d'une puissance au-dessus et en dehors de la nature. Et ce n'est pas une des moindres preuves de la grandeur de l'homme que le ciel et l'enfer se disputent ainsi sa conquête, et l'estiment assez pour entrer directement en lutte à cause de lui.

(Vie de J.-M.-B. Vianney par Alfred Monnin)


Reportez-vous à Le Saint Curé d'Ars et les contradictions, Neuvaine au Saint Curé d'Ars pour notre Temps, La Providence d'Ars, ses humbles commencements, les miracles que Notre-Seigneur fit pour la soutenir, Le style du Saint Curé d'Ars, Le Saint Curé d'Ars et l'apostolat de la conversation, Le Saint Curé d'Ars dans sa conversation : Comment M. Vianney parlait des saints, Vie domestique de M. Vianney : Depuis sa naissance jusqu'à sa nomination à la cure d'Ars (1786-1818) (1/2), Vie domestique de M. Vianney : Depuis sa naissance jusqu'à sa nomination à la cure d'Ars (1786-1818) (2/2), De la vie Apostolique, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Du bon Directeur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Du vrai Religieux, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie mixte, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'homme intérieur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la conduite des âmes, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Catéchisme du Saint Curé d'Ars : Sur les souffrances, Le Saint Curé d'Ars dans sa conversation : Pensées de M. Vianney sur l'abnégation et la souffrance, Le Saint Curé d'Ars dans sa conversation : Aimables reparties de M. Vianney, Le Saint Curé d'Ars dans sa conversation : Foi de M. Vianney, Le Saint Curé d'Ars dans sa conversation : Espérance de M. Vianney, Le Saint Curé d'Ars dans sa conversation : Pensées de M. Vianney sur les joies de la vie intérieure, Le Saint Curé d'Ars dans sa conversation : Amour de M. Vianney pour les pauvres, Le Saint Curé d'Ars dans sa conversation : Humilité de M. Vianney, Le Saint Curé d'Ars dans sa conversation : Pensées de M. Vianney sur l'abnégation et la souffrance, L'Esprit du Saint Curé d'Ars, Le Saint Curé d'Ars dans ses homélies, Comment M. Vianney abolit les danses à Ars, Réflexions spirituelles du serviteur de Dieu, J. M. B. Vianney, le Saint Curé d'Ars, Catéchisme du Saint Curé d'Ars : Sur le Salut, Catéchisme du Saint Curé d'Ars : Sur l'amour de Dieu, Catéchisme du Saint Curé d'Ars : Sur les prérogatives de l'âme pure, Catéchisme du Saint Curé d'Ars : Sur le Saint-Esprit, Catéchisme du Saint Curé d'Ars : Sur la Sainte Vierge, Catéchisme du Saint Curé d'Ars : Sur la sanctification du dimanche, Catéchisme du Saint Curé d'Ars : Sur la parole de Dieu, Catéchisme du Saint Curé d'Ars : Sur la prière, Catéchisme du Saint Curé d'Ars : Sur le Saint Sacrifice de la Messe, Catéchisme du Saint Curé d'Ars : Sur la présence réelle, Catéchisme du Saint Curé d'Ars : Sur la communion, Catéchisme du Saint Curé d'Ars : Sur le péché, Catéchisme du Saint Curé d'Ars : Sur l'orgueil, Catéchisme du Saint Curé d'Ars : Sur l'espérance, Les saints et le combat spirituel : Saint Jean-Marie-Baptiste Vianney, le Curé d'Ars, Litanies du Saint Curé d'Ars, Litanies de Sainte Philomène, Sermon sur l'Enfer, par M. J.-M.-B. Vianney, et Sermon du Saint Curé d'Ars sur l'Enfer des Chrétiens.















 

jeudi 11 mai 2017

Apostolicae curae, Lettre apostolique de Sa Sainteté le Pape Léon XIII, sur les ordinations anglicanes


(Cette lettre aide également à comprendre l'invalidité des nouveaux rituels institués suite au concile Vatican II par cette fausse église qui éclipse la véritable Église catholique - Voir les liens ajoutés à la fin de ce billet)




APOSTOLICAE CURAE


Lettre Apostolique de Sa Sainteté le Pape Léon XIII


sur les ordinations anglicanes


18 septembre 1896





LÉON, ÉVÊQUE, Serviteur des Serviteurs de Dieu


AD PERPETUAM REI MEMORIAM



La sollicitude et l’affection apostoliques avec lesquelles Nous Nous efforçons, sous l’inspiration de la grâce, d’imiter et de faire revivre, conformément à Notre charge, le Pasteur Suprême du troupeau, Notre-Seigneur Jésus-Christ (1), se portent en grande partie sur la très noble nation anglaise.

Cette bienveillance à son égard, Nous l’avons surtout témoignée dans une lettre spéciale adressée, l’année dernière, aux Anglais qui cherchent le règne du Christ dans l’unité de la foi. Nous avons rappelé l’antique union de ce peuple avec l’Église sa Mère, et Nous Nous sommes efforcé de hâter son heureux retour, en réveillant dans les âmes le zèle de la prière. Récemment encore, lorsque, dans une lettre adressée à tout l’univers, Nous avons voulu traiter d’une façon plus complète de l’unité de l’Église, une de Nos premières pensées a été pour l’Angleterre, dans la douce confiance que Nos lettres pourraient à la fois fortifier les catholiques et apporter une lumière salutaire aux dissidents. Il est une chose que Nous Nous plaisons à reconnaître, elle fait honneur au bon sens de cette nation et montre la préoccupation d’un grand nombre de ses membres pour leur salut éternel : c’est l’accueil bienveillant fait par les Anglais à Nos instances et à la liberté de Notre parole que n’inspirait aucun motif humain.

Aujourd’hui, dans le même but et avec les mêmes dispositions, Nous voulons étudier une question non moins importante, connexe à la première et qui Nous tient également à cœur. Les Anglais, en effet, peu de temps après s’être retirés du centre de l’unité chrétienne, introduisirent publiquement, sous le règne d’Edouard VI, dans la collation des Ordres sacrés, un rite absolument nouveau ; ils perdirent, par suite, le vrai sacrement de l’Ordre tel que le Christ l’a institué et en même temps, la succession hiérarchique : telle était déjà l’opinion commune, confirmée plus d’une fois par les actes et la constante discipline de l’Église.

Cependant, dans des temps plus rapprochés et surtout dans ces dernières années, on vit se ranimer la controverse sur les ordinations conférées dans le rite du roi Edouard. Possèdent-elles la nature et l’effet du sacrement ? Non seulement plusieurs écrivains anglais, mais encore quelques catholiques non anglais pour la plupart, exprimaient à leur sujet une opinion favorable, soit d’une façon catégorique, soit sous forme dubitative.

Les premiers, préoccupés de la dignité du sacerdoce chrétien, désiraient que leurs prêtres jouissent du double pouvoir sacerdotal sur le corps du Christ ; les seconds pensaient faciliter par là leur retour à l’unité : tous étaient persuadés que, par suite des progrès réalisés en ces derniers temps dans ce genre d’études et de la découverte de nouveaux documents ensevelis jusque-là dans l’oubli, Notre autorité pouvait opportunément soumettre de nouveau cette cause à l’examen. Pour Nous, ne négligeant en rien ces desseins et ces vœux, prêtant surtout l’oreille à la voix de Notre charité apostolique, Nous avons décidé de tenter tout ce qui pourrait, en quelque manière, éloigner des âmes tout préjudice ou procurer leur bien.

C’est donc avec bienveillance que Nous avons consenti à un nouvel examen de la question, afin d’écarter à l’avenir, par l’autorité indiscutable de ce nouveau débat, tout prétexte au moindre doute. Quelques hommes, d’une science et d’une érudition éminentes, dont on connaissait les divergences d’idées en cette matière, ont, sur Notre ordre, mis par écrit les motifs de leur opinion ; les ayant ensuite mandés auprès de Nous, Nous leur avons ordonné de se communiquer leurs écrits, ainsi que de rechercher et de peser avec soin tous les autres éléments d’information utiles à la question. Nous avons pourvu à ce qu’ils pussent en toute liberté revoir, dans les archives vaticanes, les pièces nécessaires déjà connues et mettre à jour les documents encore ignorés. Nous avons voulu de même qu’ils eussent à leur disposition tous les actes de ce genre conservés dans le Conseil sacré appelé Suprema, et également tout ce que les hommes les plus compétents ont publié jusqu’ici dans les deux sens.

Après leur avoir ménagé ces facilités, Nous avons voulu qu’ils se réunissent en Commission spéciale ; douze séances ont eu lieu sous la présidence d’un cardinal de la Sainte Église romaine désigné par Nous, avec la faculté pour chacun de soutenir librement son avis. Enfin, Nous avons ordonné que les décisions de ces réunions, jointes aux autres documents, fussent soumises à Nos Vénérables Frères les Cardinaux, et que ceux-ci, après un sérieux examen, discutant la question en Notre présence, Nous disent chacun leur manière de voir.

Cette procédure une fois instituée, il était juste de ne pas aborder l’étude approfondie de cette affaire avant d’avoir soigneusement établi l’état antérieur de la question par suite des décisions du Siège Apostolique et des traditions adoptées, traditions dont il était essentiel d’apprécier l’origine et la valeur. C’est pourquoi Notre attention s’est portée en premier lieu sur les documents par lesquels Nos prédécesseurs, à la demande de la reine Marie, apportèrent leurs soins dévoués à la réconciliation de l’Église d’Angleterre. Jules III envoya à cet effet le cardinal anglais Reginald Polo, homme remarquable et digne de tout éloge, en qualité de légat a latere « comme son ange de paix et de dilection » et lui donna des pouvoirs extraordinaires et des instructions (2) que, dans la suite, Paul IV renouvela et confirma.

Pour bien saisir la valeur intrinsèque des documents mentionnés plus haut, il faut se baser sur ce fait que le sujet qu’ils traitent, loin d’être étranger à la question, la concerne particulièrement et en est inséparable. En effet, puisque les pouvoirs accordés au légat apostolique par les Souverains Pontifes avaient trait uniquement à l’Angleterre et à l’état de la religion dans ce pays, de même, les instructions données par les mêmes Pontifes à ce même légat qui les demandait ne pouvaient nullement se rapporter aux conditions essentielles requises pour la validité de toute ordination, mais elles devaient viser spécialement les dispositions à prendre en vue des ordinations dans ce royaume, suivant les exigences des temps et des circonstances.

Outre l’évidence qui ressort de la nature et de la forme de ces documents, il est clair également qu’il eût été absolument étrange de vouloir apprendre ce qui est indispensable pour la confection du sacrement de l’Ordre à un légat et à un homme dont la science avait brillé jusque dans le Concile de Trente.

En tenant bien compte de cette observation, on comprendra facilement pourquoi Jules III, dans sa lettre du 8 mars 1554 au légat apostolique, distingue formellement ceux qui, promus régulièrement et selon le rite, devaient être maintenus dans leurs Ordres et ceux qui, non promus aux Ordres sacrés, pouvaient y être promus s’ils étaient dignes et aptes. On y voit clairement et expressément indiquées, comme elles existaient en réalité, deux catégories : d’un côté, ceux qui avaient vraiment reçu les Ordres sacrés, soit avant le schisme d’Henri, soit postérieurement par des ministres attachés à l’erreur ou au schisme, mais selon le rite catholique accoutumé ; de l’autre, ceux qui, ordonnés selon le rite d’Edouard, pouvaient, en conséquence, être promus, puisqu’ils avaient reçu une ordination invalide.

Que ce fût bien la pensée du Pontife, c’est ce que prouve clairement la lettre de ce même légat, en date du 29 janvier 1555, transmettant ses pouvoirs à l’évêque de Norwich.

En outre, il faut surtout considérer ce que la lettre même de Jules III dit des pouvoirs pontificaux qui doivent être exercés librement, même en faveur de ceux dont l’ordination a été moins régulière et dénuée de la forme ordinaire de l’Église : ces mots désignaient évidemment ceux qui avaient été ordonnés selon le rite d’Edouard, car ce dernier était, avec le rite catholique, le seul alors employé en Angleterre.

Cette vérité deviendra encore plus manifeste si l’on se rappelle l’ambassade envoyée à Rome au mois de février 1555 par le roi Philippe et la reine Marie, sur le conseil du cardinal Polo. Les trois délégués royaux, hommes éminents et très vertueux, parmi lesquels Thomas Thixlby, évêque d’Elis, avaient la mission d’instruire en détail le Souverain Pontife de la situation religieuse en Angleterre ; ils devaient en premier lieu lui demander la ratification et la confirmation de ce qu’avait fait le légat pour la réconciliation de ce royaume avec l’Église. À cette fin, on apporta au Souverain Pontife tous les documents écrits nécessaires et les passages du nouvel Ordinal concernant surtout cette question. Paul IV reçut la délégation avec magnificence ; les témoignages invoqués furent discutés avec soin par quelques cardinaux et soumis à une mûre délibération : le 20 juin de la même année, Paul IV publiait sous le sceau pontifical la lettre Praeclara carissimi. Dans cette lettre, après une pleine approbation et ratification des actes de Polo, on lit les prescriptions suivantes au sujet des ordinations : « Ceux qui n’ont pas été promus aux Ordres sacrés (...) par un évêque ordonné régulièrement et selon le rite, sont tenus de recevoir à nouveau les mêmes Ordres. » Quels étaient ces évêques non ordonnés régulièrement et suivant le rite, c’est ce qu’avaient déjà suffisamment indiqué les documents ci-dessus et les pouvoirs exercés par le Légat dans cette matière : c’étaient ceux qui avaient été promus à l’épiscopat, comme cela était arrivé pour d’autres dans la réception des Ordres, sans observer la forme habituelle de l’Église, ou la forme et l’intention de l’Église, ainsi que l’écrivait le légat lui-même à l’évêque de Norwich. Or, ceux-là ne pouvaient être assurément que les évêques consacrés suivant la nouvelle forme rituelle que les cardinaux désignés avaient examinée attentivement.

Il ne faut pas non plus passer sous silence un passage de la même lettre pontificale qui se rapporte parfaitement à ce sujet : le Pape y signale parmi ceux qui ont besoin d’une dispense ceux qui ont obtenu d’une façon nulle, quoique de fait, tant les Ordres que les bénéfices ecclésiastiques. Recevoir les Ordres d’une façon nulle, c’est les recevoir par un acte vain et sans effet, c’est-à-dire invalidement, comme nous en avertissent et l’étymologie du mot et son acception dans le langage usuel, étant donné surtout que la même affirmation vise avec les Ordres les bénéfices ecclésiastiques qui, d’après les formelles dispositions des Saints Canons, étaient manifestement nuls, ayant été conférés avec un vice de forme qui les annulait.

Ajoutez à cela que, en réponse aux hésitations de plusieurs se demandant quels évêques pouvaient être regardés comme ordonnés régulièrement et selon le rite dans l’intention du Pontife, celui-ci, peu après, le 30 octobre, publia une seconde Lettre en forme de Bref, où il disait : « Pour mettre un terme à ces hésitations et rassurer la conscience de ceux qui ont été promus aux Ordres durant le schisme, en exposant plus nettement la pensée et l’intention de Notre première Lettre, Nous déclarons que, seuls, les évêques et archevêques non ordonnés et consacrés suivant la forme de l’Église ne peuvent être regardés comme ordonnés régulièrement et selon le rite. » Si cette déclaration n’avait pas dû s’appliquer proprement à la situation de l’Angleterre à cette époque, c’est-à-dire à l’Ordinal d’Edouard, le Souverain Pontife n’aurait pas eu à publier une nouvelle lettre pour mettre un terme aux hésitations et rassurer les consciences. Le légat, d’ailleurs, ne comprit pas autrement les lettres et instructions du Siège Apostolique et s’y soumit avec une religieuse ponctualité : telle fut également la conduite de la reine Marie et de ceux qui, avec elle, travaillèrent à rétablir la religion et les institutions catholiques dans leur première splendeur.

L’autorité de Jules III et de Paul IV, que Nous avons invoquée, fait clairement ressortir l’origine de cette discipline observée sans interruption déjà depuis plus de trois siècles, qui tient pour invalides et nulles les ordinations célébrées dans le rite d’Edouard ; cette discipline se trouve explicitement corroborée par le fait des nombreuses ordinations qui, à Rome même, ont été renouvelées absolument et selon le rite catholique.

L’observation de cette discipline est un argument en faveur de Notre thèse. S’il reste encore un doute sur le sens à donner à ces documents pontificaux, on peut appliquer l’adage : la coutume est la meilleure interprète des lois.

L’Église ayant toujours admis comme un principe constant et inviolable qu’il est absolument interdit de réitérer le sacrement de l’Ordre, il était impossible que le Siège Apostolique souffrît et tolérât en silence une coutume de ce genre. Or, non content de la tolérer, il l’a même approuvée et sanctionnée toutes les fois qu’il s’est agi de juger sur ce point quelque cas particulier. Nous ne citerons que deux faits de ce genre entre beaucoup d’autres déférés dans la suite à la Suprema : l’un, de 1684, concerne un calviniste français ; l’autre, de 1704, est celui de Jean-Clément Gordon ; tous deux avaient reçu les Ordres selon le rite d’Edouard. Dans le premier cas, après une minutieuse enquête, la majorité des consulteurs mirent par écrit leurs vœux (c’est le nom qu’on donne à leurs réponses) ; les autres, s’unissant à eux, se prononcèrent pour l’invalidité de l’ordination ; toutefois, eu égard à certains motifs d’opportunité, les cardinaux crurent devoir répondre : différé. Dans le second cas, les mêmes faits furent examinés à nouveau ; on demanda en outre de nouveaux vœux aux consulteurs, on interrogea d’éminents docteurs de la Sorbonne et de Douai ; on ne négligea, pour connaître l’affaire à fond, aucun des moyens que suggérait une prudence clairvoyante.

Une remarque s’impose : Gordon lui-même, il est vrai, alors en cause, et quelques consulteurs, invoquèrent entre autres motifs de nullité l’ordination de Parker avec le caractère qu’on lui attribuait à cette époque ; mais quand il s’agit de prononcer la sentence, on écarta absolument cette raison, comme le prouvent des documents dignes de toute confiance, et l’on ne retint comme motif qu’un défaut de forme et d’intention. Pour porter sur cette forme un jugement plus complet et plus sûr, on avait eu la précaution d’avoir en main un exemplaire de l’Ordinal anglican, que l’on compara aux formes d’ordination usitées dans les divers rites orientaux et occidentaux. Alors, Clément XI, après avis conforme des cardinaux dont l’affaire ressortissait, porta lui-même, le jeudi 17 avril 1704, le décret suivant : « Que Jean-Clément Gordon reçoive ex integro et absolute tous les Ordres, même les Ordres sacrés et surtout le sacerdoce, et s’il n’a pas été confirmé, qu’il reçoive d’abord le sacrement de Confirmation ». Cette décision, remarquons-le bien, n’a tenu aucun compte du défaut de tradition des instruments, auquel cas l’usage prescrivait de renouveler l’ordination sous condition. Il importe encore davantage d’observer que cette même sentence du Pape concerne d’une façon générale les ordinations anglicanes.

Bien qu’elle se rapportât, en effet, à un cas spécial, elle ne s’appuyait pas néanmoins sur un motif particulier, mais sur un vice de forme dont sont affectées toutes ces ordinations, tellement que, dans la suite, toutes les fois qu’il fallut décider d’un cas analogue, on répondit par ce même décret de Clément XI.

Cela étant, il est clair pour tous que la question soulevée à nouveau de nos jours avait été bien auparavant tranchée par un jugement du Siège Apostolique ; la connaissance insuffisante de ces documents explique peut-être comment certains écrivains catholiques n’ont pas hésité à discuter librement sur ce point. Mais, Nous l’avons dit au début, depuis très longtemps Nous n’avons rien plus à cœur que d’entourer le plus possible d’indulgence et d’affection les hommes animés d’intentions droites. Aussi, avons-Nous prescrit d’examiner encore très attentivement l’Ordinal anglican, point de départ de tout le débat.

Dans le rite qui concerne la confection et l’administration de tout sacrement, on distingue avec raison entre la partie cérémoniale et la partie essentielle, qu’on appelle la matière et la forme. Chacun sait que les sacrements de la nouvelle loi, signes sensibles et efficaces d’une grâce invisible, doivent signifier la grâce qu’ils produisent et produire la grâce qu’ils signifient. Cette signification doit se trouver, il est vrai, dans tout le rite essentiel, c’est-à-dire dans la matière et la forme ; mais elle appartient particulièrement à la forme, car la matière est une partie indéterminée par elle-même, et c’est la forme qui la détermine. Cette distinction devient plus évidente encore dans la collation du sacrement de l’Ordre, ou la matière, telle du moins que Nous la considérons ici, est l’imposition des mains ; celle-ci, assurément, n’a par elle- même aucune signification précise, et on l’emploie aussi bien pour certains Ordres que pour la Confirmation.

Or, jusqu’à nos jours, la plupart des anglicans ont regardé comme forme propre de l’ordination sacerdotale la formule : « Reçois le Saint-Esprit » ; mais ces paroles sont loin de signifier, d’une façon précise, le sacerdoce en temps qu’Ordre, la grâce qu’il confère on son pouvoir, qui est surtout le pouvoir de consacrer et d’offrir le vrai corps et le vrai sang du Seigneur (3), dans le sacrifice, qui n’est pas la simple commémoration du sacrifice accompli sur la Croix (4). Sans doute, on a ajouté plus tard à cette forme les mots « Pour l’office et la charge de prêtre » ; mais c’est là une preuve de plus que les anglicans eux-mêmes considéraient cette forme comme défectueuse et impropre. Cette même addition, supposé qu’elle eût pu donner à la forme la signification requise, a été introduite trop tard ; car, un siècle s’était déjà écoulé depuis l’adoption de l’Ordinal d’Edouard et, par suite, la hiérarchie étant éteinte, le pouvoir d’ordonner n’existait plus.

C’est en vain que, pour les besoins de la cause, de nouvelles additions furent faites récemment aux prières de ce même Ordinal. Nous ne citerons qu’un seul des nombreux arguments qui montrent combien ces formules du rite anglican sont insuffisantes pour le but à atteindre : il tiendra lieu de tous les autres. Dans ces formules, on a retranché de propos délibéré tout ce qui, dans le rite catholique, fait nettement ressortir la dignité et les devoirs du sacerdoce, elle ne peut donc être la forme convenable et suffisante d’un sacrement, celle qui passe sous silence ce qui devrait y être spécifié expressément.

Il en est de même de la consécration épiscopale. En effet, non seulement les mots « Pour l’office et la charge de l’évêque » ont été ajoutés trop tard à la formule « Reçois le Saint-Esprit », mais encore, comme Nous le dirons bientôt, ces paroles doivent être interprétées autrement que dans le rite catholique. Il ne sert de rien d’invoquer sur ce point la prière qui sert de préambule : « Dieu tout-puissant », puisqu’on y a également retranché les mots qui désignent le sacerdoce suprême. En vérité, il serait étranger à la question d’examiner ici si l’épiscopat est le complément du sacerdoce ou un Ordre distinct ; rechercher si l’épiscopat conféré per saltum, c’est-à-dire à un homme qui n’est pas prêtre, produit ou non son effet, serait également inutile. Il est hors de doute et il ressort de l’institution même du Christ que l’épiscopat fait véritablement partie du sacrement de l’Ordre et qu’il est un sacerdoce d’un degré supérieur ; c’est d’ailleurs ce qu’insinue le langage habituel des saints Pères et les termes usités dans notre rituel où il est appelé le sacerdoce suprême, le sommet du ministère sacré. D’où il résulte que le sacrement de l’Ordre et le vrai sacerdoce du Christ ayant été entièrement bannis du rite anglican, et la consécration épiscopale du même rite ne conférant aucunement le sacerdoce, l’épiscopat ne peut non plus être vraiment et légitimement conféré, d’autant plus que, parmi les principales fonctions de l’épiscopat, se trouve celle d’ordonner les ministres pour la Sainte Eucharistie et le Saint Sacrifice.

Pour apprécier d’une façon exacte et complète l’Ordinal anglican, en dehors des points mis en lumière par certains passages, rien assurément ne vaut l’examen scrupuleux des circonstances dans lesquelles il a été composé et publié. Les passer toutes en revue serait long et inutile ; l’histoire de cette époque montre assez éloquemment quel esprit animait les auteurs de l’Ordinal à l’égard de l’Église catholique, quels appuis ils ont demandés aux sectes hétérodoxes, et quel but ils poursuivaient. Ne sachant que trop la relation nécessaire qui existe entre la foi et le culte, entre la loi de croyance et la loi de prière, ils ont grandement défiguré l’ensemble de la liturgie conformément aux doctrines erronées des novateurs, sous prétexte de la ramener à sa forme primitive. Aussi, dans tout l’Ordinal, non seulement il n’est fait aucune mention expresse du sacrifice, de la consécration, du sacerdoce, du pouvoir de consacrer et d’offrir le sacrifice, mais encore les moindres traces de ces institutions, qui subsistaient encore dans les prières du rite catholique en partie conservées, ont été supprimées et effacées avec le soin signalé plus haut.

Ainsi apparaissent d’eux-mêmes le caractère et l’esprit original de l’Ordinal. Si, vicié dès le début, celui-ci ne pouvait être suivi pour les ordinations, il ne pouvait de même être employé validement dans la suite des temps, puisqu’il demeurait tel quel. C’est donc en vain que, dès l’époque de Charles Ier, plusieurs s’efforcèrent d’admettre quelque chose du sacrifice et du sacerdoce, aucune addition n’ayant été faite depuis à l’Ordinal ; c’est en vain également qu’un petit nombre d’anglicans récemment réunis pensent pouvoir donner à cet Ordinal une interprétation satisfaisante et régulière.

Ces efforts, disons-Nous, ont été et sont stériles, et cela pour cet autre motif que si l’Ordinal anglican actuel présente quelques expressions ambiguës, elles ne peuvent revêtir le même sens que dans le rite catholique. En effet, l’adoption d’un nouveau rite qui nie ou dénature le sacrement de l’Ordre et qui répudie toute notion de consécration et de sacrifice enlève à la formule « Reçois le Saint-Esprit » toute sa valeur ; car cet Esprit ne pénètre dans l’âme qu’avec la grâce du sacrement. Perdent aussi leur valeur les paroles « Pour l’office et la charge de prêtre ou d’évêque et autres semblables » ; ce ne sont plus alors que de vains mots, sans la réalité de la chose instituée par le Christ.

La force de cet argument apparaît à la plupart des anglicans eux-mêmes qui interprètent rigoureusement l’Ordinal ; ils l’opposent franchement à ceux qui, à l’aide d’une interprétation nouvelle et poussés par un vain espoir, attribuent aux Ordres ainsi conférés une valeur et une vertu qu’ils n’ont pas. Cet argument détruit à lui seul l’opinion qui regarde comme forme légitime suffisante du sacrement de l’Ordre la prière Omnipotens Deus, bonorum omnium largitor, qui se trouve au commencement de l’ordination ; et cela même si cette prière pouvait être regardée comme suffisante dans quelque rite catholique que l’Église aurait approuvé.

À ce vice de forme intrinsèque, se lie le défaut d’intention : or, la forme et l’intention sont également nécessaires à l’existence du sacrement. La pensée ou l’intention, en tant qu’elle est une chose intérieure, ne tombe pas sous le jugement de l’Église ; mais celle-ci doit en juger la manifestation extérieure. Ainsi, quelqu’un qui, dans la confection et la collation d’un sacrement, emploie sérieusement et suivant le rite la matière et la forme requises, est censé, par le fait même, avoir eu l’intention de faire ce que fait l’Église.

C’est sur ce principe que s’appuie la doctrine d’après laquelle est valide tout sacrement conféré par un hérétique ou un homme non baptisé, pourvu qu’il soit conféré selon le rite catholique. Au contraire, si le rite est modifié dans le dessein manifeste d’en introduire un autre non admis par l’Église et de rejeter celui dont elle se sert et qui, par l’institution du Christ, est attaché à la nature même du sacrement, alors, évidemment, non seulement l’intention nécessaire au sacrement fait défaut, mais il y a là une intention contraire et opposée au sacrement.

Tout ce qui précède, Nous l’avons longtemps et mûrement médité Nous-même d’abord, puis avec Nos Vénérables Frères juges de la Suprema. Nous avons même spécialement convoqué cette assemblée en Notre présence, le jeudi 16 juillet dernier, en la fête de Notre-Dame du Mont-Carmel. Ils furent unanimes à reconnaître que la cause proposée avait été déjà depuis longtemps pleinement instruite et jugée par le Siège Apostolique ; que l’enquête nouvelle ouverte à ce sujet n’avait fait que démontrer d’une façon plus lumineuse avec quelle justice et quelle sagesse la question avait été tranchée. Toutefois, Nous avons jugé bon de surseoir à Notre sentence, afin de mieux apprécier l’opportunité et l’utilité qu’il pouvait y avoir à prononcer de nouveau la même décision par Notre autorité et afin d’appeler sur Nous, du ciel, par Nos supplications, une plus grande abondance de lumière.

Considérant alors que ce même point de discipline, quoique déjà canoniquement défini, est remis en discussion par quelques-uns — quel que soit le motif de la controverse —, et qu’il en pourrait résulter une erreur funeste pour un grand nombre qui pensent trouver le sacrement de l’Ordre et ses fruits là où ils ne sont nullement, il Nous a paru bon, dans le Seigneur, de publier Notre sentence.

C’est pourquoi, Nous conformant à tous les décrets de Nos prédécesseurs relatifs à la même cause, les confirmant pleinement et les renouvelant par Notre autorité, de Notre propre mouvement et de science certaine, Nous prononçons et déclarons que les ordinations conférées selon le rite anglican ont été et sont absolument vaines et entièrement nulles.

Puisque c’est en qualité et avec les sentiments de Pasteur suprême que Nous avons entrepris de montrer la très certaine vérité d’une affaire aussi grave, il Nous reste à exhorter dans le même esprit ceux qui souhaitent et recherchent sincèrement le bienfait des Ordres et de la hiérarchie. Jusqu’à ce jour peut-être, excitant leur ardeur pour la vertu, relisant avec plus de piété les Saintes Écritures, redoublant leurs ferventes prières, ils ne répondaient néanmoins qu’avec incertitude et anxiété à la voix du Christ qui les pressait déjà d’appels intérieurs. Ils voient aujourd’hui clairement où ce bon Pasteur les appelle et les veut. Qu’ils rentrent au bercail, ils obtiendront alors les bienfaits désirés et les secours qui en résultent pour le salut, secours dont lui-même a confié l’administration à l’Église, gardienne perpétuelle de sa Rédemption et chargée d’en distribuer les fruits aux nations. Alors ils puiseront avec joie l’eau des fontaines du Sauveur qui sont ses sacrements merveilleux, lesquels rendent l’amitié de Dieu aux fidèles vraiment purifiés de leurs péchés, les nourrissent et les fortifient du pain céleste et leur donnent en abondance de précieux secours pour conquérir la vie éternelle.

S’ils ont véritablement soif de ces biens, que le Dieu de paix, le Dieu de toute consolation, dans sa bonté infinie, les en fasse jouir sans limite.

Nous voulons que Notre exhortation et Nos vœux s’adressent plus spécialement à ceux qui sont considérés par leurs communautés comme des ministres de la religion. Que ces hommes placés au-dessus des autres par leurs fonctions, leur science et leur autorité, qui ont certainement à cœur la gloire de Dieu et le salut des âmes, s’empressent de répondre et d’obéir au Dieu qui les appelle ; ils donneront ainsi un noble exemple. C’est avec une joie singulière que leur Mère l’Église les recevra, les entourera de sa bonté et de ses attentions, comme cela convient pour des hommes qu’une vertu plus généreuse aura fait rentrer dans son sein à travers des difficultés plus particulièrement ardues. On peut à peine dire quel enthousiasme suscitera cette courageuse résolution dans les assemblées de leurs frères, à travers le monde catholique, quel espoir et quelle confiance elle leur permettra un jour, devant le Christ leur juge, et quelle récompense ce Christ leur réserve dans le royaume des cieux. Pour Nous, autant que Nous l’avons pu, Nous ne cessons de favoriser leur réconciliation avec l’Église, dans laquelle, soit isolément, soit en masse — ce que Nous souhaitons très vivement —, ils peuvent choisir beaucoup d’exemples à imiter.

En attendant, prions tous et demandons, par les entrailles de la miséricorde divine, qu’ils s’efforcent de seconder fidèlement l’action évidente de la vérité et de la grâce divine.

Nous décrétons que cette Lettre et tout ce qu’elle renferme ne pourra jamais être taxé ou accusé d’addition, de suppression, de défaut d’intention de Notre part ou de tout autre défaut ; mais qu’elle est et sera toujours valide et dans toute sa force, qu’elle devra être inviolablement observée par tous, de quelque grade ou prééminence qu’on soit revêtu, soit en jugement soit hors jugement ; déclarant vain et nul tout ce qui pourrait y être ajouté de différent par n’importe qui, quelle que soit son autorité et sous n’importe quel prétexte, sciemment ou par ignorance, et rien de contraire ne devra y faire obstacle.

Nous voulons, eu outre, que les exemplaires de cette Lettre même imprimés, portant toutefois le visa d’un notaire et munis du sceau par un homme constitué en dignité ecclésiastique, fassent foi comme le ferait la signification de Notre volonté si on la lisait dans la présente Lettre.


Donné à Rome, auprès de Saint-Pierre, l’an de l’Incarnation du Seigneur mil huit cent quatre-vingt-seize, aux ides de septembre, en l’année de Notre Pontificat la dix-neuvième,



C. card. DE RUGGIERO.


A. card. BIANCHI,
Pro-Datarius.


VISA

DE CURIA I. DE AQUILA E
VICECOMITIBUS.


Loco + Plumbi
Reg. in Secret. Brevium.


I. CUGNONI.




NOTES

(1) Hébr., xiii, 20.
(2) Fait au mois d’août 1533, par les lettres sous le sceau : Si ullo unquam tempore et Post nuntium nobis et par d’autres encore.
(3) Conc. de Trente, Sess. xxiii, Du Sacr. de l’Ordre, can. l.
(4) Conc. de Trente, Sess. xxii, Du Sacrif. de la Messe, can. 3.







Lire ce Résumé synthétique, Invalidité des ordinations depuis 1968, et François, Patriarche de l’Église gnostique universelle.



Reportez-vous à Quo primum tempore du Pape Pie V, sur la célébration du Saint Sacrifice de la Messe, Ex Quo Nono, Lettre du Pape Pie X, Seconde constitution dogmatique du Concile Vatican I, sur l'infaillibilité pontificale et la primauté du Pape, Bulle de Sixte-Quint sur la création des cardinaux, Cum ex apostolatus officio du Pape Paul IV, Savoir-vivre dans l’Église, Diuturnum illud du Pape Léon XIII, sur le pouvoir civil, Arcanum divinae du Pape Léon XIII, sur le mariage chrétien, Divini Redemptoris du Pape Pie XI sur le communisme athée, Nostis et nobiscum du Pape Pie IX, Mit brennender sorge, du Pape Pie XI, sur la condamnation du nazisme, Testem benevolentiae du Pape Léon XIII, Quod apostolici Muneris du Pape Léon XIII, Immortale Dei du Pape Léon XIII, Providentissimus Deus du Pape Léon XIII, E Supremi, 1re Lettre encyclique du Pape Pie X, Mirari vos du Pape Grégoire XVI, L'exorcisme de Léon XIII et l'importance de la prière à Saint Michel, Auspicato concessum du Pape Léon XIII, sur le Tiers-Ordre de Saint François d'Assise, Libertas paestantissimum du Pape Léon XIII, Rerum novarum du Pape Léon XIII sur la doctrine sociale de l’Église, Quamquam pluries du Pape Léon XIII, Sapientiae Christianae du Pape Léon XIII, Prière pour la conversion des francs-maçons et Lettre encyclique du Pape Léon XIII, Litanie de Saint Pie X, Saint Pie X, côté mystique d'une élection papale, Acerbo Nimis du Pape Pie X, Notre charge apostolique du Pape Pie X, Pascendi du Pape Pie X, Décret Lamentabili du Pape Pie X, Lettre encyclique Humani generis du Pape Pie XII, Mortalium animos du Pape Pie XI, Quanta cura du Pape Pie IX, et Syllabus du Pape Pie IX.