lundi 22 août 2016

Bien choisir le sujet sur lequel on doit faire l’examen particulier


Saint Augustin (Sandro Botticelli)



Abrégé de la pratique de la perfection chrétienne du R.P. Alphonse Rodriguez, Extrait :




Ce qu'il faut faire pour bien réussir dans le choix du sujet sur lequel on doit faire l’examen particulier.



Pour bien traiter cette matière, je dis qu'il y a deux choses principalement à observer : quant à la première, lorsqu'on a des défauts extérieurs qui offensent, et qui scandalisent le prochain, c'est par là qu'il faut commencer, c'est ce qu'on doit d'abord réformer par le secours de l'examen particulier, quand même on aurait des défauts intérieurs qui seraient plus considérables : par exemple, on aura contracté l'habitude de trop parler, ou de parler avec emportement et avec aigreur, ou de dire des paroles capables de donner atteinte à la réputation du prochain ; enfin on est sujet à d'autres défauts contraires à la charité : en ce cas la raison et la charité exigent que nous travaillions premièrement à nous réformer sur ce point.
Mais il faut prendre garde en même temps (et c'est le second avertissement que nous avons à donner) qu'on ne doit pas tellement s'attacher à faire son examen particulier sur ces sortes de défauts extérieurs, que toute la vie se passe à cela : car il est beaucoup plus facile de se vaincre en cela, que sur ceux qui sont au dedans de nous.
« Je commande à la main, dit Saint Augustin (Aug. 1. 8. confess. c. 9.), et la main obéit ; je commande au pied, et le pied obéit : mais je commande à l'appétit, et l'appétit refuse d'obéir. » La raison est que la main et le pied n'ont point par eux-mêmes de mouvement contraire à la volonté ; mais l'appétit a son mouvement propre, qui y est souvent opposé. C'est ce qui fait que nous devons travailler à nous débarrasser des choses extérieures le plutôt qu'il nous est possible, afin qu'il nous reste plus de temps pour nous attacher à détruire celles qui sont plus essentielles et plus importantes ; si nous voulons obtenir, par exemple, une profonde humilité de cœur, qui nous porte non seulement à nous mépriser nous-mêmes, mais à être bien aises aussi que les autres nous méprisent ; si nous voulons gagner sur nous de faire toutes nos actions purement pour Dieu, et d'envisager toujours que c'est Dieu, et non pas les hommes que nous servons ; si nous voulons parvenir à avoir une entière conformité à la volonté divine, si nous voulons enfin acquérir quelque vertu que ce soit, ou quelqu'autre perfection intérieure. Quoique la fin de l'examen particulier soit, à proprement parler, de travailler à réparer nos fautes et nos imperfections, et qu'en cela seul il y ait assez de quoi nous occuper toute notre vie, parce que nous ne pouvons jamais être tout à fait exempts de péchés véniels ; il ne faut pas néanmoins que notre temps ne soit absolument employé qu'à cela. Le temps que l'on passe à arracher les mauvaises herbes d'un jardin, est, à la vérité, très bien employé ; mais aussi il ne suffit pas de ne faire jamais autre chose qu'arracher, puisqu'on n'arrache les mauvaises plantes que pour faire mieux profiter les fleurs et les fruits des plantes salutaires et utiles. Le temps de l'examen particulier est pareillement bien employé, quand on s'y exerce à déraciner de son âme les vices et les mauvaises inclinations qui la souillent ; mais tout cela ne se doit faire que dans la vue d'y planter des fleurs odoriférantes des vertus : Je vous ai établi aujourd'hui, dit le Seigneur à Jérémie (Jerem. 1. 10), afin que vous arrachiez, et que vous détruisiez ; que vous ruiniez, et que vous dissipiez ; et afin que vous bâtissiez et que vous plantiez. Il faut donc premièrement démolir et arracher ; mais il faut ensuite bâtir et planter.
Il est à propos de remarquer que l'examen particulier doit toujours se faire sur une seule matière, comme nous avons déjà dit ; parce que cet examen devient beaucoup plus efficace de cette sorte, que si on embrassait plusieurs sujets à la fois : il est évident (et c'est ce que la seule lumière naturelle nous apprend) qu'on a beaucoup plus de force contre un seul vice, que si on entreprenait de les attaquer tous à la fois. Un sens qui est partagé entre différents objets, agit avec moins de force sur chacun d'eux ; et il est plus facile de vaincre des ennemis en les prenant séparément, que si on les attaquait tous ensemble.
Cassien (Cass. coll. Abb. Serm. c. 14.) remarque que cette manière de combattre nos ennemis, c'est-à-dire, nos vices et nos passions, nous a été enseignée par le Saint-Esprit, lorsqu'il apprit aux enfants d'Israël comment ils pourraient vaincre les sept nations ennemies qu'ils trouveraient dans la Terre promise. Le Seigneur votre Dieu, dit-il (Deut. 7. 22), consumera ces nations en votre présence, peu à peu et séparément ; car vous ne pourriez pas les exterminer toutes ensemble.
Il est au reste d'une telle conséquence de ne faire l'examen particulier que sur un seul objet, que le plus souvent, quand on veut s'examiner, ou sur un vice, ou sur une vertu, il est plus convenable de diviser ce vice ou cette vertu en plusieurs parties ou degrés, et de faire l'examen particulier, premièrement sur une partie, et ensuite sur une autre ; afin de pouvoir mieux y réussir, et parce que si on l'embrassait dans toutes ses parties, on en viendrait plus difficilement à bout. Si on se propose, par exemple, dans l'examen particulier, de déraciner l'orgueil dont ou est dominé, et d'acquérir l'humilité, il ne faut pas simplement se proposer en général de n'avoir plus d'orgueil, et d'être humble en toutes choses ; parce que cela étant d'une plus vaste étendue que si on faisait l'examen sur trois ou quatre sujets différents, on y ferait infailliblement peu de progrès ; mais il faut partager son sujet en divers points : les ennemis se trouvant alors divisés, et étant attaqués séparément, il sera plus aisé de les vaincre, et de parvenir à ce qu'on désire.





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