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| Jésus insulté (Gustave Doré) |
LE MARDI DE LA DEUXIÈME SEMAINE DE CARÊME
Jour de vie cachée
PRATIQUE
Prenez la résolution d'imiter Jésus-Christ dans sa vie cachée. Protestez-lui que vous ne voulez que ses yeux seuls pour témoins de vos bonnes œuvres, de peur que la vanité, le respect humain et le désir de plaire aux créatures n'emportent le mérite de ce que vous ferez de bien, et que l'estime des hommes soit toute votre récompense. Fuyez les compagnies, et prenez un grand soin de purifier et de diriger votre intention vers Dieu seul.
MÉDITATION
Les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse ; ils font toutes leurs actions pour être vus des hommes. (Matth., 23)
1er point. L'hypocrite pharisien se montre avec ostentation, l'humble chrétien se cache avec soin, et se fait une étude de cette vie cachée, et n'est jamais plus content de lui-même que quand il n'a eu que les yeux de Dieu pour témoins de ses bonnes œuvres, parce qu'il n'a eu que lui seul en vue.
Demandez-vous à vous-même pour qui vous travaillez quand vous priez, quand vous jeûnez et quand vous faites l'aumône. Si c'est pour Dieu, ne vous montrez qu'à Dieu. Quelle récompense peut-on attendre de la créature ? Quelle folie de travailler pour elle, et de vendre le royaume céleste, dit un Père, pour le vent articulé d'une louange passagère ! L'humilité est le principe de la vie cachée.
Humiliez-vous, comme Jésus-Christ vous le prescrit aujourd'hui dans l'Évangile, et vous n'aurez pas de peine à embrasser la vie cachée. Persuadez-vous que vous n'êtes rien, et que vous ne méritez rien, que vous n'avez rien de vous-même, et qu'un pur néant ne doit point avoir de tentation de se montrer. Imitez Jésus-Christ, qui se cachait pour prier, et qui prenait grand soin d'imposer silence à ses disciples qui lui avaient vu faire quelque action d'éclat. Suivez ses traces, cachez toutes vos bonnes œuvres, il n'y a que la vie cachée qui les mette en sûreté. Si vous les faites valoir devant les hommes, elles ne seront plus que de fausses vertus et de véritables péchés ; et loin d'en espérer la récompense, vous devez en craindre le châtiment.
Les pharisiens aiment les premières places dans les repas ; les premières chaires dans les synagogues, et ils cherchent à être salués de tout le monde dans les places publiques.
2e point. L'orgueil qui nous fait sortir de la vie cachée pour nous produire aux yeux des hommes nous fait aussi aimer le monde cl tous les honneurs du monde : cet amour du monde est la marque la plus évidente de la réprobation, selon le témoignage de Jésus-Christ même. Mais quand on aime la solitude et la vie cachée, on aime aussi ce qui s'y trouve, dit saint Bernard, et c'est Jésus-Christ, et cet amour est la marque la plus certaine de la prédestination.
Embrassez la vie cachée par principe de justice et par esprit de pénitence. Ce que vous aurez commencé, en soutenant quelques combats, se terminera bientôt par l'amour. Vous aimerez cette vie cachée, vous y trouverez le centre de vos délices et le comble de votre gloire, parce qu'elle vous conduira à la perfection de votre état. Dans cette vie cachée, il faut lire, prier, méditer, s'occuper de son Dieu, vaincre toutes les tentations d'inconstance, d'ennui, de légèreté, de découragement et de curiosité. Si vous l'embrassez avec ces motifs, vous y trouverez votre Dieu, et il vous soutiendra contre vos ennemis et contre vous-même.
SENTIMENTS
Adorable Sauveur, divin solitaire, donnez-moi du goût pour la vie cachée, que vous avez pratiquée vous-même l'espace de trente années, vous qui n'aviez ni vanité ni amour-propre à craindre, donnez-moi assez de force et de grandeur d'âme, pour tenir les hommes quittes de leurs regards, de leur estime et de leurs vains applaudissements ; mais donnez-moi aussi vos lumières, vos grâces, votre onction pour m'occuper facilement de vous seul dans ma vie cachée, et pour ne m'en dégoûter jamais.
SENTENCES
Vous êtes mort, et votre vie est cachée avec Jésus-Christ (Col. 3).
Dans la vie cachée, vous vous délivrez de trois combats et de trois dangereux ennemis qui vous font commettre bien des fautes : de vos yeux, de vos oreilles et de votre langue (S. Ephr. de vit. spirit. c. 10).
RÉFLEXIONS
Jésus-Christ lié et conduit aux tribunaux
Les apôtres qui auraient dû défendre leur adorable maître jusqu'à l'effusion de leur sang, ne firent cependant qu'une faible résistance lorsque les Juifs prirent Jésus-Christ, dans le jardin des oliviers. Le Sauveur le permit ainsi, parce qu'il voulait être un homme livré entièrement à la douleur, et qu'abandonné de son père, il voulait l'être encore de ceux qui étaient les plus intéressés à sa défense, et qui lui avaient marqué le plus de tendresse. Il voulait aussi nous faire sentir notre propre faiblesse et le peu de fonds qu'il y a à faire sur nos promesses et sur nus plus généreuses protestations.
Ce divin Sauveur, qui avait dit par un de ses prophètes qu'il nous attirerait à lui par des lois de tendresse et d'amour, fut alors cruellement serré avec des cordes comme un infime scélérat digne du dernier supplice. Quel triste et quel touchant spectacle ! Un Dieu tout-puissant lié avec la dernière cruauté par ses propres créatures. Un Messie, un Sauveur traîné par une troupe insolente qui l'accable d'injures, d'imprécations, de blasphèmes et d'outrages. Considérez Jésus-Christ dans ce triste état ; il souffre en héros divin les ignominies les plus honteuses, pour nous acheter les honneurs éternels ; il sacrifie sa liberté pour nous procurer l'heureuse liberté, des enfants de Dieu, et un bonheur éternel dans l'autre vie.
PRIÈRE
Éloignez de nous. Seigneur, toute lâcheté et tout respect humain ; donnez-nous une ferveur toujours nouvelle, une intention pure et une attention exacte pour ne rien faire que pour vous seul. Éclairez-nous, fortifiez-nous, opérez vous-même en nous le vouloir et le faire, afin que nos œuvres soient pleines et dignes d'une récompense éternelle. Nous vous en prions par les mérites de Jésus-Christ, votre fils et notre seigneur.
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