mardi 6 février 2018

Méditation sur les souffrances de Notre-Seigneur Jésus-Christ : Jésus-Christ exposé dans le prétoire aux dérisions et aux insultes des serviteurs du grand Prêtre










QUATRIÈME MÉDITATION



Exposition du sujet



JÉSUS DANS LE PRÉTOIRE

EXPOSÉ AUX DÉRISIONS ET AUX INSULTES

DES SERVITEURS DU GRAND PRÊTRE




« Aussitôt, on cracha au visage de Jésus ; et ceux qui le tenaient se moquaient de lui en le frappant ; et lui ayant bandé les veux, ils lui donnaient, les uns des coups de poing au visage, et les autres des soufflets, en disant : Christ, prophétise-nous, qui est celui qui t'a frappé ? et ils lui disaient encore beaucoup d'autres injures et de blasphèmes, et les valets lui donnaient des soufflets ».



MÉDITATION


Sur Jésus-Christ exposé dans le prétoire, aux dérisions et aux insultes

des serviteurs du grand Prêtre



1er point. Il faut remonter plus avant dans le secret de notre nature, que ne le fait le commun des chrétiens, pour bien comprendre le principe, la cause et la fin de ces dérisions, de ces insultes et de ces outrages, dont Jésus-Christ est accablé dans le cours de sa Passion. Le principe en est l'envie des esprits de ténèbres contre l'homme, la cause s'en retrouve tout entière dans nos péchés, et la fin dans leur expiation volontaire par notre Seigneur Jésus-Christ.
Ces Anges, qu'un fol orgueil précipite de la hauteur du Ciel dans l'abîme de l'Enfer, sont les ennemis par essence de l'homme, dont ils ont reçu le pouvoir d'éprouver la vertu. Ce qu'ils savent de la grandeur de sa vocation future, multiplie en quelque sorte leur affreux désespoir pour les maux épouvantables qui leur sont échus, et pour les biens infinis que ce nouvel héritier des promesses éternelles doit occuper à leur place. De là leur jalousie contre l'homme ; de là tous leurs efforts pour le séduire pour l'entraîner dans une perte commune ; de là, leur dérision, leurs insultes et leurs outrages contre les pécheurs, quand ils ont une fois consommé leur crime. Combien donc les esprits de ténèbres ne durent-ils pas tourner en mépris contre le genre humain, ces paroles de séduction employées pour faire déchoir nos premiers parents de la hauteur de leur vocation : « Dieu sait qu'au jour que vous aurez mangé de ce fruit, vos yeux seront ouverts, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal » (Gènes. c. III.), dérision qui serait encore pour le genre humain la plus cruelle des injures, si Jésus-Christ n'en avait effacé l'ignominie par celle de ses souffrances et de sa Croix. Il s'en suit de là que la cause des dérisions, des insultes et des outrages faits à Jésus-Christ, est toute entière dans nos péchés, qui ne nous rendent hélas ! que trop dignes d'être les jouets et la risée des Démons. Voyez s'il en est aucun qui ne mérite sa dérision particulière, qui n'appelle son genre d'insultes, qui n'ait son caractère d'infamie. Les mondains eux-mêmes ne se font-ils pas pitié les uns aux autres dans leurs vices ; ne se tournent-ils pas mutuellement en dérision et en mépris, lorsqu'ils parlent de leurs défauts mutuels, et ne les voit-on pas tous les jours inexorables pour toutes les iniquités d'autrui, quand ils n'en sont ni les imitateurs, ni les complices, et qu'ils n'en jugent que d'après les lumières de leur conscience. Que sera-ce donc de l'Enfer, lorsqu'à la clarté des jugements divins et des flammes dévorantes, les Démons et les Réprouvés se verront les uns les autres dans la nudité de leurs crimes ? Ô combien alors l'ambition paraîtra vaine dans ses désirs, la volupté déplorable dans ses moyens, et toutes les passions insensées dans leur jouissance ! combien l'orgueil sera terrassé, la fausse sagesse du siècle humiliée, l'impiété confondue, lorsque chaque vice se peindra lui-même sur la personne des méchants en traits ineffaçables de corruption et d'infamie !

2e point. Concevez-vous, maintenant, pourquoi Jésus-Christ, en qualité de victime d'expiation pour les péchés du genre humain, devait être soumis à toutes les dérisions, à toutes les insultes, à tous les outrages encourus par nos péchés ? On lui crache au visage, afin que la victime satisfasse pour les pécheurs selon leur offense ; cracher au visage de l'homme, lui donner des coups de poings et des soufflets sur la figure, c'est ne respecter rien en lui de cette image et de cette ressemblance divine que le Ciel y a mis ; mais c'est traiter le pécheur selon ses œuvres ; car il n'a pas mieux respecté en lui ses traits immortels, lorsqu'il s'est couvert de la fange du vice ? — Ceux qui tenaient Jésus-Christ se moquaient de lui en le frappant. Et en cela, ces ennemis furieux ne faisaient que remplir envers Jésus-Christ l'office des Démons envers l'homme coupable, que la justice du Ciel leur abandonne. Ils se moquent de lui comme les Philistins se moquaient de Samson après l'avoir aveuglé, chargé de chaînes, et rendu leur esclave. — On bande les yeux à Jésus, symbole de l'état moral, où le péché réduit l'homme, le péché qui nous met un bandeau devant les yeux de l'âme, et qui dans cet état d'aveuglement spirituel, nous constitua les scandales de la nature humaine, provoque le blasphème des mondains, et nous rend un objet de prostitution pour l'Enfer même. C'est ce qui nous explique cette parole de l'Écriture, que Jésus-Christ sera pour plusieurs une pierre d'achoppement, un sujet de ruines : Pour plusieurs, c'est-à-dire, pour tous ceux qui ne verront en lui que l'homme de la nature, le fils de l'homme, sans y voir en même temps l'homme de la grâce, le fils de Dieu, la victime volontaire de nos péchés, qui n'a pris la forme de pécheur comme Jacob les habits d'Esaü, que pour obtenir au genre humain, les bénédictions de son père.
Mais pourquoi les justes furent-ils soumis dans tous les temps aux mêmes dérisions, aux mêmes insultes, aux mêmes outrages que Jésus-Christ ? Parce qu'en leur qualité d'enfants d'Adam, ils les souffrent pour la justice ; et qu'en leur qualité de membres de Jésus-Christ, ils les souffrent pour la miséricorde : parce que Jésus-Christ a daigné les associer aux mystères de l'expiation des péchés du monde, et que des péchés dignes de dérision, d'insultes et d'outrages aux yeux de l'éternelle justice, ne pouvaient s'expier aux yeux de l'éternelle miséricorde que par les souffrances et la croix de Jésus-Christ, auxquelles sont inséparablement unies celles des justes, parce que, nous l'avons dit, les justes accomplissent par leurs souffrances et leurs croix personnelles, ce qui doit consommer celles de Jésus-Christ, d'où elles tirent tout leur mérite, parce que les justes qui vécurent avant Jésus-Christ étaient les images, les symboles, la figure de Jésus-Christ, comme J.-C. est l'unique modèle que ceux qui vécurent après lui doivent imiter ; parce qu'enfin lorsque la tête souffre, les membres souffrent, et que les justes de tous les siècles étant les membres d'un même corps dont Jésus-Christ est le chef, ils sont destinés à souffrir avec Jésus-Christ par le même principe, l'envie des Démons ; pour la même cause, la peine due au péché ; pour la même fin, l'expiation du péché.

3e point. Appliquons-nous à nous-mêmes les grandes vérités que nous venons d'établir ? Ce n'est pas seulement en son adorable personne, que Jésus-Christ peut être tourné en dérision par les pécheurs ; mais ils l'accablent des mêmes insultes et des mêmes outrages, que les Juifs, toutes les fois que, cessant de se respecter eux-mêmes, ils se prostituent au vice. L'injure dont ils se rendent alors coupables contre leur propre personne, retombe nécessairement sur la personne de Jésus-Christ, et devient son injure. Pourquoi ? parce que, nous le répétons, en qualité d'hommes, nous sommes son image et sa ressemblance ; et en qualité de chrétiens, les membres de son propre corps : ne cessons donc pas de le dire : Ce n'est pas tant sur les Juifs que nous devons porter nos regards, lorsque nous voyons Jésus-Christ devenir pour eux un sujet de dérision, d'insultes et d'outrages, que sur nous-mêmes infortunés pécheurs. Hélas ! notre plus grand tort, en qualité d'hommes chrétiens, c'est de trop oublier la haute dignité de notre vocation, c'est de trop oublier que nous ne saurions nous manquer à nous-mêmes sans manquer à la personne même de Jésus-Christ, que nous ne saurions prostituer nos corps au péché, sans tourner en dérision, l'homme par excellence, l'homme régénéré par la vertu des souffrances et de la croix de Jésus-Christ, l'homme immortel et divin, le fils de Dieu même. L'insulte retombe sur le chef lorsque les membres sont outragés. Cohéritiers des biens du ciel, nous arrêtons-nous exclusivement aux biens de la terre, cherchons-nous dans les richesses, dans les honneurs périssables de quoi fixer nos immenses désirs sur le bonheur ; nous tournons en dérision l'évangile de Jésus-Christ, nous insultons à ses promesses, nous outrageons le chef dans un de ses membres. Que sera-ce, si, ravalant en nous tout ce que Jésus-Christ y a mis de grandeur, d'élévation et de gloire par l'union de ses deux natures divine et humaine, nous ne rougissons pas de faire consister la dignité de l'homme dans la vanité de son costume, son bonheur dans le néant de ses espérances, ses jouissances dans l'illusion des sens. N'est-ce pas là, Chrétien, se moquer sans pudeur de toutes les idées de ta dignité, de ta félicité ; n'est-ce pas là faire de l'homme de l'éternité le jouet de l'homme du temps, et couvrir du masque de la mort toutes ses espérances immortelles ; n'est-ce pas là blasphémer dans ta propre nature, celle du Fils de Dieu, puisque depuis le moment de l'incarnation, le Fils de Dieu est aussi le fils de l'homme. N'est-ce pas là, par conséquent, renouveler contre Jésus-Christ toutes les dérisions et les insultes, tous les outrages et les blasphèmes du Calvaire ?


Considérations
.
Considérez, 1°, combien le pécheur se trouve misérable dans son péché, lorsque ne pouvant l'allier avec l'harmonie des deux, il ne lui reste pas même l'espoir de lui donner l'anarchie de l'enfer pour refuge, et que perdant tout avec l'estime de Dieu, le mépris des démons est son dernier partage.
Considérez, 2°, que sans Jésus-Christ le genre humain en masse ne nous offrirait plus qu'un sujet éternel d'opprobre et d'infamie ; que Jésus-Christ seul pouvait le relever de la honte de sa chute par celle de ses souffrances et de sa croix.
Considérez, 3°, que pécher de nouveau c'est ressusciter les titres de notre honte ; c'est ne respecter rien en nous de ce que Jésus-Christ y a mis : c'est avilir le chef dans un de ses membres.


Résolutions et Prière.
Rien ne me montre mieux, ô mon divin Jésus, l'état d'avilissement auquel le péché réduit l'homme, que les dérisions, les insultes et les outrages dont il vous rend pour moi la victime. Rien, ne caractérise mieux, au regard de mon âme, la malice du péché, que la nature de ces emportements et de ces fureurs brutales. Ah ! je reconnais l'enfer à ces traits. Faites, Seigneur, que je n'oublie non plus sa profonde malice, que votre infinie miséricorde ; afin que ces deux souvenirs, sans cesse présents à mon esprit et à mon cœur m'inspirent autant d'amour pour la vertu qui vous coûte si cher, à conquérir pour le genre humain, que de haine pour le vice, dont la fin ne saurait amener pour les pécheurs que la dérision, les insultes et les outrages des éternels ennemis de leur salut. Ainsi soit-il.






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