Extrait de "La Dévotion aux neuf Chœurs des Saints Anges" de M. Boudon :
Les noces de Sarra et Tobie |
Ceux qui se confient au Seigneur seront inébranlables comme le mont de Sion ; celui qui a établi sa demeure en la céleste Jérusalem, sera à jamais immuable en sa fermeté ; Dieu l'environne de montagnes sacrées, et le Seigneur se met lui-même à l'entour de son peuple. Or, ces montagnes, qui servent comme de boulevards et de forteresses imprenables, à l'âme qui met toutes ses espérances au Dieu des miséricordes, ne sont autres que les saints Anges : ce sont ces saintes montagnes du Psalmiste, dont il assure que lui venait son secours. Ô que bienheureuse est l'âme qui vit sous une telle protection ! elle sera délivrée des pièges des chasseurs ; les frayeurs nocturnes ne lui feront aucune peur ; elle ne recevra aucun mal de ces flèches qui volent durant le jour, ni des conseils qui se prennent dans les ténèbres, non plus que du démon du midi. Pendant que mille tombent à la droite, et dix mille à la gauche, elle demeurera ferme, parce qu'elle est à la garde des Anges : elle foulera aux pieds les aspics et les basilics ; elle marchera par-dessus le ventre des lions sans être endommagée. Sa demeure est si sûre et si élevée, que le mal n'en peut approcher ; elle volera comme les aigles au milieu des airs, sans aucune crainte, et prendra son essor jusqu'au plus haut des cieux, soutenue de ces glorieuses Puissances célestes. Qu'elle aille et qu'elle revienne, les Anges partout lui serviront de corps-de-garde ; ce sont ces soldats dont parle le prophète Zacharie, qui environnaient la maison du Seigneur : ils la tiendront au milieu d'eux, comme autrefois ce généreux Machabée, et la couvriront de leurs armes, faisant main basse sur ses adversaires, lançant des traits et des foudres redoutables sur tous ses ennemis.
Pourquoi donc craindre, disait autrefois saint Bernard, ayant des amis si fidèles, si sages et si puissants ? La joie soit toujours avec vous, disait saint Raphaël Archange à Tobie, je vous conduirai et reconduirai. Il est vrai que je ne vois pas comme nous pouvons jamais être tristes, étant assistés en toutes nos voies d'un si puissant secours. Que les monstres sortent pour nous dévorer, nos fidèles Gardiens nous en tireront sans peine. Que tout l'enfer conspire contre nous ; que tous les hommes s'arment pour nous détruire, nos cœurs doivent être sans frayeur, si les Chœurs des Anges nous donnent leur protection. Quelle douceur de penser à ce grand nombre d'Anges dont nous avons parlé dans le premier traité de ce petit ouvrage, et de savoir qu'ils sont tous au service des hommes ! Quelque part donc que j'aille, et en quelque lieu que je sois, j'ai les mille millions de ces soldats célestes qui veillent à ma défense. Ô mon âme ! pourquoi te troubles-tu ? pourquoi toutes ces inquiétudes ? Ne vois-tu pas que tout le ciel combat pour ton salut ? Tu penses quelquefois être bien seule et bien délaissée, bien dépourvue de secours humain ; mais ne songes-tu pas que tu as des armées terribles, composées d'une multitude innombrable de soldats invincibles qui t'accompagnent et te défendent ? Pendant que nous dormons, il y a plus d'yeux ouverts pour notre garde, qu'il n'y a d'étoiles au firmament. L'on nous dit que de tous côtés les créatures de la terre s'élèvent contre nous ; il y a plus d'Anges du Paradis qui nous soutiennent, qu'il n'y a d'atomes aux rayons du soleil, et de gouttes d'eau dans l'Océan.
Disons donc, ô mon Âme ! Nous en avons plus avec nous, que nos adversaires n'en ont avec eux. Mais, ô aveuglement des hommes ! Rien ne nous touche que ce que nous voyons par les yeux de la chair. Nous sommes tout-à-fait sensibles aux approches des créatures de la terre, ou à leur éloignement : quand nous en voyons un bon nombre pour nous, ou contre nous, nos pauvres cœurs s'ouvrent à la joie, ou se trouvent fermés par la tristesse : l'on a beau nous dire et nous parler des secours du ciel, nous n'entendons rien à ce langage ; en cela semblables au serviteur d'Élisée, qui voyant des troupes d'élite et un grand nombre de soldats aguerris de l'armée du prince de Syrie, qui étaient venus pour prendre son maître, ne pouvait se rassurer, quelque chose que lui pût dire le saint Prophète pour lui ôter sa crainte. Il avait beau lui dire qu'ils en avaient plus avec eux pour leur défense, ce pauvre valet ne s'arrêtait qu'à ce qu'il voyait ; les troupes invincibles du Dieu des armées ne lui donnaient aucune assurance, parce qu'il ne les voyait pas ; bien au contraire de l'homme de Dieu, qui agissait par la foi, et dont la confiance en cette rencontre a été si hautement louée par saint Ambroise qu'il s'écrie lorsqu'il la considère : Ô la foi du saint Prophète ! Il ne craint pas ses ennemis qu'il voit, parce qu'il sait que les Anges de Dieu sont avec lui, quoiqu'il ne les voie pas. Mais, ô la bonté de Dieu. La sainteté d'un homme, ajoute ce Père, lui attire du ciel plus de défenseurs, que la malice des hommes ne lui suscite d'adversaires en la terre. Qu'il serait nécessaire de nous mettre en prières dans nos ténèbres, comme ce saint homme fit au sujet du peu de foi de son serviteur, et de dire avec lui : Ô Seigneur, ouvrez les yeux, non pas pour en obtenir un miracle, et découvrir des montagnes pleines de chevaux et de chariots de feu, mais pour nous augmenter la foi et nous en faire vivre, et agir en toutes choses par cette vertu.
Il faut que j'avoue ici, que je ne sors pas d'étonnement, quand je considère le peu de confiance des hommes en la protection du ciel. Ô l'avarice du cœur humain, dit une fois Notre-Seigneur à sainte Thérèse ! il lui semble que la terre lui manquera. L'on ne remarque que des inquiétudes, et pour le temporel, et pour le spirituel. Quand il n'y aurait aucune Providence, l'on ne s'attacherait pas davantage aux moyens humains. Mais quelle pitié de voir des personnes spirituelles, sous prétexte de prudence, être si plongées dans les soins de ce qui les touche, et faire tant d'appui sur leur industrie ! Ô maudite prudence de la chair, je te déteste pour jamais ! Ô amoureuse Providence de mon Dieu, je m'abandonne sans réserve entre vos mains ! Que les hommes disent et fassent ce qu'ils voudront, qu'ils s'unissent tant qu'il leur plaira contre nous ; je sais, mon Dieu, je sais, et je n'en puis douter, et je le sais plus certainement que je ne connais que j'écris ces lignes, que malgré tous leurs efforts et toute la rage des démons, vos divins conseils s'exécuteront. Celui que vous voulez sauver ne sera jamais perdu, s'il ne le veut lui-même ; les hommes ont beau l'abattre ; lorsqu'ils pensent qu'il ne s'en relèvera jamais, c'est pour lors que vous le rendez plus glorieux. Vous l'élevez de la poussière et de la boue, de l'ordure de la terre où ses humiliations le mettent, pour le faire asseoir avec les princes de votre peuple, et lui donner un trône de gloire. Ô qui est comme vous, qui habitez dans les cieux, et qui regardez avec plaisir de votre sanctuaire, les choses les plus viles du monde, ôtant les puissances de leur siège, pour y élever les abjects. Vous faites bien voir, comme il est écrit en lu Sagesse, ce que vous êtes, donnant la mort aux ennemis de votre peuple, et mettant en déroute leurs adversaires avec de simples mouches, pendant que vous rendez victorieux vos enfants et tous vos serviteurs, et que le venin le plus dangereux des dragons ne leur fait aucun mal.
Mettons donc toutes nos pensées au Seigneur, et tous nos soins en sa divine Providence, qui veille sur nous par ses saints Anges, avec des bontés ineffables. Levons nos mains et nos yeux vers ces saintes montagnes, en tous lieux et en toutes sortes d'occasions. Nous avons assez fait voir les puissants secours que nous en recevons soit pour le spirituel, soit pour le temporel : j'ajouterai seulement ici quelque chose de ce qui a été dit, qu'en mille rencontres les Anges se sont rendus visibles pour porter les misérables pécheurs à la confession de leurs fautes, et au sacrement de Pénitence. Ils ont souvent administré le très-saint sacrement de l'autel, comme à saint Onufre, à qui ils le portaient tous les huit jours dans le désert. Ils assistent au saint sacrifice de la messe en grandes troupes, comme le témoigne saint Nilus ; et il rapporte que saint Jean Chrysostôme les a vus aider avec soin les prêtres, lorsqu'ils communiaient le peuple. Ils répondent quelquefois à la sainte messe, comme il se voit en la personne de saint Oswald, évêque. Ils s'unissent avec les hommes dans leurs prières, et les récitent avec eux, comme il arriva au grand saint Ouen, archevêque de Rouen, qui a été singulièrement dévot à la très-sacrée Vierge leur Reine ; car ce saint homme ayant commencé un verset du Psalmiste dans l'église de Saint-Pierre de Rome, il entendit les Anges qui l'achevèrent. Ils font voir à ceux qui combattent pour Jésus-Christ, les glorieuses couronnes qui leur sont préparées.
Quand un cœur a de la peine à se donner parfaitement à Dieu seul, il ne faut que s'adresser à eux. Saint Ignace s'en trouva bien, et ce fut le moyen dont il se servit pour gagner saint François Xavier ; ainsi c'est à ces glorieux Esprits que le Japon a l'obligation de son Apôtre. Le saint ordre des Carmélites a donné à notre France des âmes admirables en sainteté : l'on en est encore obligé aux Anges ; et saint Michel, le premier de ces sublimes Intelligences, parut tout armé, et comme une personne qui viendrait du combat, à la vénérable Anne de Saint-Barthelemi, quand la résolution fut prise d'emmener ces saintes filles du royaume d'Espagne en notre France, malgré toutes les oppositions que l'enfer y fit, cet Archange voulant faire connaître la victoire qu'il avait remportée sur les démons, et sur les obstacles que les hommes y formaient. Enfin, Notre-Seigneur s'étant servi des Anges en sa naissance, en sa vie, après sa mort et en son Ascension, il nous apprend qu'en toutes nos actions et en toutes nos voies, nous devons recourir à eux, et implorer leur assistance.
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