Extrait de "L'Esprit de l’Église dans le cours de l'année Chrétienne" :
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| Fra Angelico |
Expiravit. Il est expiré. (Luc 23)
I. Point. Ce n'est point par des sentiments, quelque Chrétiens, quelque religieux qu'ils soient, qu'on honore la Passion et la Mort du Fils de Dieu. Il faut que notre vie imite sa vie, pour que notre mort soit conforme à sa Mort. Il meurt, pour nous apprendre à bien vivre et à bien mourir. Il meurt, pour que le péché meurt en nous. Il souffre, avant que de mourir, toutes les douleurs imaginables, pour nous enseigner que les souffrances sont le partage du pécheur, et que la pénitence est l'expiation et le préservatif du péché. Il expire sur la Croix pour ressusciter, monter au Ciel, y être assis à la droite de Dieu son Père ; parce que la Croix est la seule voie qui mène à la gloire des Saints, et que, pour le devenir, il faut imiter un Dieu crucifié ; elle est l'étendard du Chrétien, c'est par cette Croix, qui a paru un scandale aux Juifs, et une folie aux Gentils, que le Ciel nous est ouvert, et ce n'est qu'en la portant que nous pouvons y entrer.
Votre Croix, ô mon Sauveur ! est une Chaire, où vous nous instruisez par vos tourments et par votre mort, que notre esprit et ses pensées, que notre cœur et ses sentiments et ses passions doivent être crucifiés ; et que nous devons y mourir comme vous, si nous voulons être glorifiés avec vous. C'est le lit de votre sacrifice, arrosé par votre Sang, qui, en lavant nos iniquités, nous rend la blancheur de l'innocence, et change le vieil homme en homme nouveau. C'est le siège, où votre Justice suprême jugera l'Incirconcis, le Gentil, l'Infidèle, le Pécheur, et sera la consolation et l'espérance de ceux qui mourront avec vous sur cette Croix. C'est le Char qui conduit après vous vos imitateurs à la bienheureuse éternité. C'est l'Autel, où vous êtes la Victime immolée pour nous, et où nous devons nous immoler avec vous, pour avoir part aux mérites infinis de votre Sacrifice.
Votre Sang, ô mon Dieu ! sera-t-il inutilement répandu pour moi ? Préservez-moi de cet horrible malheur. Faites plutôt, ô mon Sauveur ! que mon âme en soit teinte ; et que votre Croix, source de tant de grâces, soit l'objet de mes désirs et de mon imitation, et devienne la source et le gage de mon salut.
II. Point. Je vous adore, ô mon Dieu ! sur votre Croix ; mais ce n'est pas assez que cette adoration soit une Cérémonie, un culte extérieur ; il faut qu'elle soit un sentiment profond, une vérité. Pour adorer un Dieu crucifié, il faut se sacrifier avec lui, perdre la superbe raison dans ce qu'elle appelle la folie de la Croix ; il faut en avaler tout l'opprobre, et vouloir être, si Dieu le veut, un objet de dérision aux faux sages de la terre.
Oui, mon Sauveur, je veux boire votre Calice d'amertume jusqu'à la lie la plus amère. Je suis prêt à souffrir au-dehors les douleurs, l'ignominie, les outrages des hommes ; et au-dedans de mon âme les tentations, les épreuves, les délaissements, l'abandon du Père céleste. Je dirai avec vous (car c'est pour mon instruction que vous l'avez dit) que ce Calice passe et s'éloigne de moi ; mais, malgré les répugnances et les frissonnements de la nature, que votre volonté se fasse, et non pas la mienne. Pour vous imiter sur la Croix, je mourrai aux sentiments trop chers de la nature et du sang ; à tout ce qui m'attache à la terre ; à toutes les impressions des sens ; à tous les désirs de mon cœur ; à toutes les pensées dangereuses et frivoles de mon esprit ; à toutes les séductions de l'orgueil ; à toutes les recherches de l'amour-propre ; en un mot à moi-même, et à tout moi-même.
Puisque vous mourez pour moi, je veux mourir pour vous. Eh ! qu'importe que mon âme soit triste jusqu'à la mort, pourvu que je meure percé des mêmes clous et attaché à la même Croix que mon Sauveur. Faites-moi mourir avec vous et comme vous ; afin que votre mort, en me faisant mourir au péché, me fasse vivre et mourir dans votre grâce, et qu'après vous avoir suivi sur le Calvaire, je vous accompagne sur le Tabor éternel.
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