Extrait de "Méditations et sentiments sur la Sainte Communion", par le R.P. Avrillon :
PREMIER POINT
Commencez par considérer qu'en recevant la sainte Communion, vous avez le bonheur de recevoir aussi la chair de Jésus-Christ, qui est une, chair divine et humaine tout ensemble, parce qu’ayant été formée du plus pur sang de la divine Marie dans son auguste sein, par l’opération ineffable du Saint-Esprit, elle a été hypostatiquement unie au Verbe dans le moment de l’Incarnation ; union la plus étroite et la plus intime qui fut jamais, et qui subsistera éternellement et tant que Dieu sera Dieu : cette chair doit être par conséquent infiniment pure et infiniment adorable.
Cette chair si précieuse, si respectable et si sainte, est cachée sous les voiles et sous les espèces du pain qui sont exposées à vos yeux et elle va faire son séjour chez vous, et vous servir de nourriture : mais pour vous bien préparer à la recevoir, faites réflexion que cette chair adorable a été formée avec une application divine du Saint-Esprit, qu’il a ramassé le sang le plus pur d'une Vierge, plus pure elle-même que les Anges, pour la former ; qu'elle a pris son accroissement peu à peu dans son auguste sein ; qu'elle en est sortie avec la même pureté, par un miracle inouï de la toute-puissance de Dieu, qui a fait dans cette Vierge une alliance incompréhensible de la virginité avec la maternité ; qu'ensuite elle a été nourrie de son lait, qu'elle a passé par tous les degrés de l'enfance, et qu'elle n'a acquis sa juste grandeur par la succession des années, que pour être l'instrument de notre salut, en se faisant sur le Calvaire la victime de nos péchés, et pour nourrir nos âmes dans la sainte Communion jusqu'à la consommation des siècles, et renouveler ainsi notre Rédemption chaque fois que nous aurions le bonheur de la recevoir. Vous allez recevoir cette même chair de Jésus-Christ qui était si petite, et si cachée dans le sein de Marie, si brillante et si lumineuse sur le Thabor, si douloureuse et si déchirée de coups dans le Prétoire, si défigurée et si sanglante sur le Calvaire ; cette même chair, qui est à présent si glorieuse et si resplendissante de clarté dans le ciel. Elle va s'unir et s’incorporer à votre chair mortelle, par la sainte Communion, pour lui communiquer sa pureté, son innocence et son immortalité.
Cette chair adorable et si pure, que pour la bien connaître, il faut bannir toutes les vues et toutes les idées charnelles et grossières ; l'esprit seul, purifié par la foi et par l'amour, est capable d'en connaître en partie les admirables qualités et le prix inestimable.
Considérez qu'elle en est l’origine, et vous connaîtrez que rien n’est plus noble et plus auguste ; entrez dans le détail de ces prérogatives, et vous conviendrez que rien n’est plus grand, ni plus digne de nos respects : envisagez-la par rapport aux admirables effets qu’elle produit dans une âme qui la reçoit avec pureté, et vous expérimenterez qu’elle est revêtue de la puissance de Dieu même.
Quelle est l’origine de la chair de Jésus-Christ que vous recevez dans la sainte Communion ! C’est un Dieu et une Vierge, c’est le Saint-Esprit et Marie, c’est le Saint-Esprit qui l’a formée du plus pur sang de cette Vierge ; un Dieu en est le Père, la Virginité en est la Mère ; c’est la chaste production d’un Dieu et d’une Vierge, qui, par le plus grand de tous les miracles de la toute-puissance de Dieu, est devenue féconde sans rien perdre de son intégrité ; Chair qui n’a été formée que pour être portée par un Dieu, pour être enlevée dans le moment de sa formation à l’union hypostatique, et pour être le glorieux instrument du salut de tous les hommes. La divinité en est donc le glorieux apanage, l’innocence, la pureté, la beauté singulière en font les glorieux attributs ; elle les porte partout, elle les communique, elle en imprime les précieux caractères à tous ceux qui la reçoivent dignement ; elle les purifie, elle embellit leurs âmes, elle les sanctifie, et elle les soutient contre la faiblesse et la fragilité de leur propre chair.
Ne perdez aucune de ces grâces, elles sont, toutes attachées à la chair de Jésus-Christ, elles y résident comme dans leur source, d’où elles coulent avec abondance ; quand vous vous rendez digne de ces divins écoulements : disons plus, cette chair devient la vôtre, ou plutôt, vous devenez vous-même la chair de Jésus-Christ, autant de fois que vous la recevez avec foi, avec pureté et avec amour.
Goûtez bien ce délicieux aliment, nettoyez, guérissez, dit saint Augustin, le palais de votre âme, de tous les péchés et de tous les plaisirs qui pourraient vous empêcher d’en sentir toute la douceur, purifiez votre esprit de toutes les pensées mondaines, et votre imagination de tous les fantômes contraires a l’infinie pureté de cette chair vierge et divine, et votre mémoire de tout ce qui pourrait blesser cette vertu délicate ; purifiez votre cœur de toutes les attaques trop sensibles qui n’ont pas Dieu seul pour objet, parce que tout ce qui est capable de vous attendrir, est aussi capable de vous ôter le goût de Dieu : purifiez votre chair de toutes les imaginations dangereuses que la volupté pourrait y avoir laissées ; extirpez avec grand soin tous ces fâcheux restes, et songez que la moindre petite souillure réfléchie et négligée, peut vous priver de ce goût exquis et délicieux, et de toutes les grâces de pureté qu’elle porte avec elle.
La chair de Jésus-Christ, dit un saint Docteur (D. Isid.) ne peut être la nourriture, et ne peut faire les délices que des Saints, ou de ceux qui travaillent efficacement à le devenir ; caro Christi, esca Sanctorum. Quand on la reçoit dans une chair pure et dans un cœur ardent, et exempt de toute attaque sensible, on arrive bientôt à la plus éminente perfection. Il faut donc commencer, dit un Père, par bien goûter cette chair adorable, c’est le, moyen de parvenir bientôt au goût de la divinité, l’un est la récompense de l’autre. Per edulium carnes Christi, venitur ad justum divinitatis. (Hug. art. v. in Ep. ad Cor.)
SECOND POINT
Il est important de faire attention que la chair qui, était autrefois un poison mortel, qui l’a toujours été et qui l’est encore à présent, quand on a le malheur de se laisser aller a son penchant et d’écouter ses délicatesses, est devenu l’antidote, le plus souverain qui fût jamais, aux maux et a la corruption dont elle est le principe et le foyer, depuis que le Verbe divin s’en est revêtu pour notre amour, qui l’a élevée à la dignité, qui l'a portée l’espace de trente-trois années, qui l'a offerte en sacrifice au Père éternel par sa passion et par sa mort, et surtout depuis qu’il a bien voulu nous donner la sienne en nourriture dans le Sacrement adorable de nos Autels.
Mais notre chair ne participe aux avantages, aux grâces, et à la pureté incomparable de la chair de Jésus-Christ, que lorsqu'elle s'en approche souvent et avec toute la préparation qui lui est nécessaire pour contracter une union si intime avec elle. Notre chair en effet est un ennemi dangereux, et il est d’autant plus redoutable qu’il est domestique, et qu’il fait une partie de nous-mêmes : c’est une chair révoltée contre l’esprit, et susceptible de toutes sortes d’impressions mauvaises ; elle nous flatte, nous la flattons ; elle nous porte au plaisir, elle nous retient, elle nous corrompt, elle nous empêche de nous élever vers le ciel ; au contraire elle nous appesantit, et elle porte incessamment vers la terre, qui est son origine, son centre et son terme : c’est ce qui doit nous causer bien des alarmes, c’est ce qui fournit la matière d’une infinité de combats, et c’est ce qui fait trembler les plus grands Saints. C’est donc en appliquant cette chair divine à la nôtre, par la sainte Communion, que nous modérons et que nous éteignons les feux importants qui la brûlent, que nous adoucissons le combat qu’elle nous suscite, et que nous apaisons ses révoltes, et qu’elles deviennent moins fréquentes et moins rigoureuses à soutenir ; que nous retenons cette pente malheureuse qu'elle a pour la volupté, et que nous la purifions enfin de toutes les souillures qu’elle a contractées.
Par l’attouchement sacré de cette chair si pure, la sensibilité de la nôtre diminue pour l’ordinaire, elle devient par conséquent bien moins susceptible des plaisirs sensuels ; l’impression de la chair d'un Dieu qui l’a touchée, demeure insensiblement et la protège ; la patience et la mortification des sens lui font bien moins d’horreur, les objets les plus flatteurs et les plus dangereux ne font plus sur elle de si fortes impressions, sa fragilité se guérit imperceptiblement par l'union sainte qu’elle contracte avec elle dans l’adorable Sacrement de l’Eucharistie, elle obéit à l’esprit avec moins de résistance et moins de peine : elle devient tranquille et victorieuse dans tous les combats, par la pureté et par la force qu'elle acquiert dans la fréquente participation de la chair de son Dieu et de son Sauveur, qui la préserve, qui la soutient et qui la conserve.
Si Jésus-Christ sentit une vertu secrète qui sortit de toute sa personne pour porter la guérison à cette femme malade qui le touchait et qui le pressait dans la foule, à combien plus forte raison notre chair doit-elle être guérie de toutes ses maladies les plus opiniâtres et les plus incurables par la sainte Communion ! Nous ne la pressons pas seulement, cette chair adorable à travers de nos habits et de ceux de cet adorable Sauveur, mais nous la touchons immédiatement, nous la recevons dans notre bouche, elle passe dans notre estomac comme les autres nourritures qui soutiennent notre corps, nous l’incarnons, nous l’incorporons, pour ainsi dire, dans notre propre chair ; ce qui nous en reste fait une partie de notre substance, et nous devenons dans un sens et d'une manière toute sublime, la chair de Jésus-Christ.
Elle est alors beaucoup plus puissante et beaucoup plus remplie de vertus que sa simple robe ; et pourvu que nous nous en approchions avec une véritable foi, soutenue d'une ardente charité, nous expérimenterons que cette chair virginale, s’unissant à la nôtre comme deux cires fondues ensemble, selon l'expression d'un saint Docteur, y fera une impression de pureté, de force, d'innocence et de grâces, qui la sanctifieront, qui la guériront de tous ses maux et de toutes ses mauvaises inclinations, et qui l’élèveront de manière qu'elle participera aux qualités de l'esprit. Il est vrai qu’elle est déguisée dans ce Sacrement sous des espèces qui la dérobent à nos yeux corporels, et que nous ne la voyons que par les yeux de la foi, mais c’est toujours la chair d'un Dieu Sauveur et d’un Dieu fait homme pour notre amour : et elle n'a pas moins de vertu et d’efficace que si nous la voyions à découvert de nos yeux charnels, et que si nous la touchions sensiblement, de nos propres mains, dans les mêmes apparences, et dans la même forme qu’elle avait pendant que Jésus-Christ était mortel et qu’il conversait visiblement parmi les hommes : quel avantage !
Approchons-nous-en donc avec une vraie foi et une constance entière, persuadés que cette chair vivifiante ne soutient pas seulement notre chair contre les attaques de tous les différents ennemis qui en veulent à sa pureté, mais qu’elle nourrit et qu’elle sanctifie encore notre esprit, notre cœur et notre âme, et qu’elle leur procure infailliblement une augmentation de grâce et une nouvelle pureté.
SENTIMENTS
Divine chair de mon Sauveur et de mon Dieu, chaste production d’une Vierge plus pure que les Anges, source de vie, de grâce, de force et de pureté, je vous adore dans l’auguste Sacrement de l'Eucharistie, où vous êtes exposée à mes yeux pour recevoir mes respects et mes hommages, quoique vous y soyez cachée sous les espèces. Je vous adore en moi-même, où vous venez par la sainte Communion pour me nourrir, pour me combler de grâces, pour me purifier, pour vous incarner à moi, pour vous unir intimement à moi, substance à substance, et pour me transformer en vous.
Ma chair n'a que la faiblesse et la fragilité pour son partage ; elle n'a du penchant que pour les plaisirs, et elle est toujours prête à tomber, si elle n'est soutenue et fortifiée par une vertu supérieure : ma chair ne tend qu'a la délicatesse, à la sensualité et à la corruption : guérissez-la, consacrez-la par la pureté incomparable de celle que vous avez prise, ô mon Dieu, dans le sein d'une Vierge : ma chair s’effarouche a la moindre pensée de pénitence et de mortification ; délivrez-la de sa mollesse et de sa lâcheté, et donnez-lui le courage et la force de porter dans ce monde toutes les peines temporelles qu'elle a méritées, afin d'éviter celle qu’elle devrait endurer dans l’autre vie, pour satisfaire à votre justice : enfin ma chair est mortelle, parce qu'elle est pécheresse, donnez-lui la vie de la grâce, et la vie de la gloire par l’immortalité de la vôtre.
Chair pure et sacrée, touchez efficacement cette chair fragile et pécheresse, guérissez-la de toutes ses faiblesses et de toutes ses infirmités, nettoyez-la de toutes ses souillures, et faites-en un sanctuaire digne de vous. Chair adorable, qui avez été formée du plus pur sang de la divine Marie, pour opérer mon salut par l’opération du S. Esprit, réformez la mienne et imprimez sur elle votre image. Chair de mon Jésus, qui avez été ensanglantée et cruellement déchirée pour mon amour, fortifiez la mienne, et donnez-lui la force de tout endurer pour mes péchés et pour votre amour. Chair, à présent glorieuse dans le ciel, j'espère vous recevoir avec tant d’innocence et tant de pureté pendant cette vie mortelle, que j’aurai le bonheur de vous voir sans nuage dans l’éternité bienheureuse.
ACTIONS DE GRÂCES
VERBE Éternel, parole vivante du Père céleste, qui vous êtes fait chair dans le temps pour mon amour dans le sein de la divine Marie, et qui venez encore de me donner cette même chair dans la sainte Communion que je viens de recevoir, je vous rends mille actions de grâces pour cet estimable bienfait, et je ne cesserai de vous les rendre jusqu’au dernier soupir de ma vie. Possédant à présent cette chair adorable auprès de mon cœur, je devrais, selon votre divine parole, demeurer en vous, comme vous demeurez en moi (Joan. 6).
Ma chair, hélas ! si fragile et si faible, devrait être fortifiée et consacrée par la vôtre, et se reposer en vous, selon le langage du Prophète (P5. 9), dans l’espérance de jouir éternellement de votre divine présence dans le ciel : selon ce même Prophète (P3. 27), elle devrait refleurir en participant à l’incomparable pureté de la vôtre, qui la touche a présent, pendant que mon cœur, qui fait la plus noble portion de ma chair, goûterait l'innocent plaisir d’être uni intimement à vous par les liens d'un amour tendre, généreux et indissoluble. Votre chair toute pure s’étant unie tant de fois à la mienne dans la Communion, je devrais dire avec le même Prophète (P3. 55), je ne craindrai plus dorénavant les révoltes de ma chair, parce qu’ayant été nourrie de celle de mon Sauveur, rien n’y pourra jamais insinuer la corruption.
En un mot, je ne devrais plus jamais être séparé de vous, ô mon Dieu ! et selon votre propre langage, votre chair et la mienne ne devraient plus être qu’une même chair, puisque ce grand Sacrement de votre amour, est aussi un céleste mariage, par lequel je ne dois plus être qu’un avec vous dans le temps et dans l'éternité ; c’est, ô céleste Époux, l’heureux terme de mes espérances, et l’unique objet de tous mes désirs : je ne veux jamais en avoir d’autres, que ceux qui me porteront vers vous ; accordez-m'en l’heureux accomplissement.
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