Extrait de "UN SIGNE DES TEMPS ou LES QUATRE-VINGTS MIRACLES DE LOURDES" par Mgr Gaume :
Saint Vincent Ferrier prêchant (Alonzo Cano) |
Chez l’ancien peuple de Dieu, il y eut toujours des miracles. Toujours ils furent nécessaires, comme preuves palpables de la constante vérité des saintes Écritures. Nécessaires sous le règne de la Synagogue, les miracles ne le sont pas moins dans l’Église. Aux yeux de toutes les nations, ils doivent montrer l’accomplissement permanent de la divine promesse : « Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
La continuité des miracles n’est pas ce qui va nous occuper, c’est l’accumulation, et, s’il est permis de le dire, la prodigalité des miracles à certaines époques. Or, l’histoire du monde offre quatre grandes époques à miracles :
La délivrance des Hébreux de la servitude d’Égypte ;
L’établissement du christianisme ;
Le siècle de saint Vincent Ferrier ;
Le temps actuel.
À ces quatre époques, les miracles se produisent coup sur coup, avec un éclat et une profusion sans exemple, ni dans les siècles qui précèdent, ni dans les siècles qui suivent. Pourquoi cela ? Nous essayerons de le dire. En attendant, contentons-nous de rappeler que la Providence ne tâtonne jamais, et que tout ce qui arrive, arrive à son heure.
PREMIÈRE ÉPOQUE
LA DÉLIVRANCE DES HÉBREUX DE LA SERVITUDE D’ÉGYPTE. — À cette époque mémorable de l’histoire ancienne, nous voyons Moïse, revêtu de la toute-puissance de Dieu, frappant coup sur coup le royaume de Pharaon de dix plaies miraculeuses, telles que le monde n’en vit jamais ; puis couronnant tous ces prodiges par le plus grand de tous.
Au signe de sa volonté, la mer Rouge, agitée presque dans ses plus intimes profondeurs, se fend en deux. Ses eaux séparées deviennent deux énormes montagnes, tremblantes mais fixes, entre lesquelles passe à pied sec un peuple de six cent mille combattants, suivis d’autant de femmes et d’enfants, avec toutes les bêtes de somme et les transports nécessaires à une pareille multitude.
À ce prodige, unique dans l’histoire, s’en joint un autre non moins étonnant et plus significatif. Pharaon s’endurcit sous les coups répétés des miracles. Dans sa colère, il se met, avec toute son armée, à la poursuite du peuple qui lui échappe. Déjà il le presse de si près, qu’il va le culbuter dans la mer Rouge.
À ce moment critique, une colonne de nuées, lumineuse d’un côté, ténébreuse de l’autre, s’interpose entre les Hébreux et les Égyptiens. Lumineuse, elle éclaire la marche du peuple de Dieu dans les abîmes de la mer, entr’ouverte pour lui, et le sauve.
Ténébreuse, elle fait la nuit après elle ; et les Égyptiens aveuglés se précipitent dans les mêmes abîmes, où ils trouvent la mort.
Les miracles sont la colonne de nuées. Lumière pour les chrétiens dont ils élèvent la foi jusqu’à l’héroïsme, et auxquels ils tracent en brillants sillons la route du ciel. Ténèbres pour les méchants, ils font la nuit dans leur âme. Juste punition de l’abus des grâces, cette nuit est d’autant plus profonde, que les miracles ont été plus éclatants et plus nombreux.
Alors on les voit, ouvriers de Babel, ne plus s’entendre entre eux, tomber d’erreurs en erreurs, de contradictions en contradictions, d’absurdités en absurdités, jusqu’à ce qu’ils arrivent à la perte de la raison. Pendant ce temps-là, le peuple chrétien continue sa marche triomphante vers ses destinées éternelles.
Quelle fut la raison de tous ces miracles de miséricorde et de justice, accomplis coup sur coup et avec tant d’éclat, en présence de deux peuples ennemis ? Dans les conseils infaillibles de la divine Sagesse, les moyens sont toujours proportionnés à la fin. Par la grandeur des uns, on peut juger de l'importance des autres.
De quoi s’agissait-il ? Il s’agissait de sauver un peuple, que la cruauté d’un autre peuple aurait fini par anéantir. De ce peuple sauvé, le Seigneur voulait faire son peuple privilégié, et les miracles de sa délivrance avaient un double but.
D’une part, ils devaient le rendre inviolablement fidèle au Dieu, son libérateur ; et de l’autre, montrer au peuple persécuteur la toute-puissance du Dieu d’Israël, vainqueur de tous les dieux, triomphateur de tous les hommes, maître absolu de tous les éléments.
Pour les deux peuples, ces miracles sont d’abord des miracles de miséricorde : ils sauvent les Hébreux, ils instruisent les Égyptiens. Puis, pour ces derniers, miracles de justice en punition de leur aveuglement volontaire et de leur opiniâtreté dans le mal. Il en sera de même à toutes les époques, objets de cette étude.
SECONDE ÉPOQUE
L'ÉTABLISSEMENT DU CHRISTIANISME. — À la naissance du christianisme, même spectacle que sur les bords de la mer Rouge ; mais spectacle sur une plus vaste échelle et d’une plus longue durée. Ici encore les moyens sont proportionnés à la fin. II ne s’agit plus seulement de sauver un peuple : c'est le monde entier qu’il faut sauver.
Le Tout-Puissant lui-même en personne descend sur la terre. Pendant les trois années de sa prédication, les miracles qu’il opère sont tellement nombreux, tellement retentissants, que toute la terre en est émue. Pour en être les témoins ou les objets, des multitudes innombrables arrivent, même des contrées les plus éloignées du globe : Multitudines innumerae etiam ex remotissimis orbis regionibus, dit Eusèbe, le premier historien de l’Église.
Aux miracles du Maître succèdent les miracles des disciples. À partir du jour de la Pentecôte, il pleut des miracles. Cette pluie durera trois siècles, et tombera, sans en excepter aucune, sur toutes les parties du monde, usque ad ultimum terrae.
Changés tout à coup en orateurs d’un nouveau genre, les rudes pécheurs de Galilée parlent toutes les langues dans une seule langue : cela en présence des représentants de toutes les nations qui sont sous le ciel : ex omni natione quæ sub coelo est.
Les voici qui partent, nouveaux Moïses, qui pour l’Asie, qui pour les Indes, qui pour la Chine, qui pour l’Afrique, qui pour l’Europe, qui pour l’Amérique, semant à pleines mains les miracles. À leur voix les boiteux marchent, les aveugles voient, les lépreux sont purifiés, les paralytiques sont guéris ; les morts ressuscitent. La nature entière leur obéit ; les démons fuient en poussant des hurlements : rien de pareil ne s’était jamais vu.
Quelque chose de plus surprenant, le don des miracles est communiqué aux disciples des apôtres, et ces disciples sont innombrables, de toutes les conditions et de tous les pays : don des langues, don de guérison, don de science, don de prophétie.
Cet ensemble de prodiges jette le monde païen hors de lui-même. Aux uns il fait pousser des cris d’admiration et d’amour ; aux autres, des hurlements de terreur et de haine. « Seigneur, lorsque vous fîtes descendre votre admirable lumière du haut des montagnes éternelles, le trouble s’empara de tous les insensés de cœur (Ps. 75). »
Quel était le but de cette profusion de miracles ? arracher à la tyrannie du pharaon infernal toutes les âmes droites, répandues sur la surface du monde païen, afin d’en former un peuple nouveau, le vrai peuple de Dieu, la grande nation catholique.
Comme ceux d’Égypte, ces miracles sont des miracles de miséricorde ; car tout ce qui vient de l’Être essentiellement bon, essentiellement vrai, est miséricorde et vérité : Misericordia et veritas. Ils sauvent les uns, ils éclairent les autres. Pour ceux qui, semblables aux Égyptiens, refusent d’ouvrir les yeux et de se soumettre, ils deviennent des miracles de justice.
Les païens obstinés en surent quelque chose. Pour eux pas plus que pour les Égyptiens, le châtiment ne se fit attendre, et il fut proportionné à l’abus des grâces.
Comme il appelait Assur, la verge de sa colère, afin de punir Israël coupable, Dieu, suivant l’expression de l’Écriture, donna un coup de sifflet. Et voici venir des profondeurs inconnues de la haute Asie, rapides comme des léopards, terribles comme des lions, nombreux comme des nuées de sauterelles africaines, des barbares de toute figure, de tout costume et de toute langue.
Conduits, entre autres chefs, par celui qui s’appelle le fléau de Dieu et la terreur du globe, flagellum Dei et terror orbis, ils se précipitent sur le monde rebelle aux miracles. Pendant plus d’un siècle ils le couvrent de ruines et le noyent dans un océan de sang, comme l’avaient été les Égyptiens dans les eaux de la mer Rouge.
La loi providentielle était accomplie. De nouveau, la colonne de nuées s’était interposée entre les combattants. Lumineuse du côté des chrétiens, elle éclairait leur marche et favorisait la formation rapide du peuple de Dieu. Ténébreuse du côté des païens, elle les condamnait à périr, en leur ôtant la vue de ce qui seul pouvait les sauver. Le Tout-Puissant avait parlé. Le miracle est sa parole, et sa parole ne lui revient jamais à vide.
TROISIÈME ÉPOQUE
LE SIÈCLE DE SAINT VINCENT FERRIER. — Cette époque présente un spectacle analogue aux deux précédents. Nous y retrouvons une profusion de miracles, inconnue depuis le quatrième siècle jusqu’au quinzième, et ce qui en fut, comme autrefois, l’inévitable conséquence.
Sans doute, pendant ce laps de temps il y eut, comme nous l’avons dit, des miracles dans l’Église : il y en aura toujours. Descendu sur elle au jour de la Pentecôte, le Saint-Esprit, qui les opère, ne s’est jamais retiré de son épouse. Comme lui- même, ses dons intérieurs et extérieurs sont en permanence avec elle. Il le faut, nous le répétons, afin de prouver par des faits sensibles et constants l’inviolable sainteté de l’Église catholique.
Mais il vient des moments, où les dons extérieurs doivent devenir et deviennent en effet plus éclatants, et se produisent par des manifestations plus nombreuses. Toujours ils ont le même but et le même résultat : sauver un peuple et en rendre un autre inexcusable.
Que se passait-il au commencement du quinzième siècle ? L’Église était à la veille de subir par la renaissance du paganisme la plus redoutable épreuve depuis son berceau. Le monde européen, le vrai monde chrétien, allait CESSER D'ÊTRE UN. Une division profonde, et jusqu’alors inconnue, ne devait pas tarder à se manifester.
Le grand schisme d’Occident avait jeté le trouble dans les esprits et ébranlé, en l’obscurcissant, l’unité traditionnelle, fondée sur la personnalité connue du Pontife romain. Le respect filial pour la papauté s’était affaibli. Les nations, comme nations, allaient peu à peu s’émanciper de la tutelle de l’Église. Inconnu des siècles antérieurs, le doute commençait à se faire jour. Jusqu’alors chanté à l’unisson, du Nord au Midi, le Credo catholique arrivait au moment fatal, où serait brisée, peut- être pour toujours, sa majestueuse unité.
Encore un peu, et voici venir, brochant sur le tout, les sophistes grecs chassés de Constantinople. L’éclair allait rencontrer l’éclair ; et le rationalisme païen, exhumé du tombeau, allait battre en brèche les vérités fondamentales de l’intelligence, de la religion et de la société.
Pour le nouveau venu, les siècles de foi sont des siècles d’ignorance, de superstition, d’esclavage et de barbarie. Lui, et lui seul possède la lumière, la civilisation, la liberté, le beau, le bon, le vrai en toutes choses.
En vain, la mère des nations, l’Église catholique, assemblée au Concile général de Latran, crie à ses enfants : « Déliez- vous ; la littérature nouvelle, la philosophie nouvelle sont empoisonnées jusque dans leurs racines ; en grande partie du moins, l'Europe lettrée fait la sourde oreille et se laisse séduire. Fascinée comme la mère du genre humain, elle trouve le fruit défendu bon à manger, beau et délectable : bonum ad vescendum, pulchrum oculis, aspectuque delectabile. Elle en mange et s’empoisonne.
Un renversement soudain s’accomplit dans son être. À ses yeux, la plus brillante époque de l’humanité, n’est plus celle où sa mère et sa nourrice, l’épouse immaculée du Verbe éternel, régnait sur le monde, qu’elle inondait de lumières et de bienfaits ; mais l’époque néfaste où tout était Dieu, excepté Dieu lui-même ; et où l’homme, régnant sans contrôle, réalisa par ses seules forces les plus grandes merveilles en tout genre. Comme Ève n’avait vu que l’écorce du fruit défendu, la malheureuse Europe ne voyait que le dessus des cartes.
Le péril était extrême ; car les classes lettrées font le peuple à leur image. Afin de prévenir une séduction universelle, Dieu intervint. Ce qu’il avait fait pour la délivrance des Hébreux et pour la conversion du monde païen, il le fit par le ministère d’un nouveau Moise.
Donc, au quinzième siècle, parut un Thaumaturge, tel que le monde n’en avait pas vu depuis les apôtres. Ce thaumaturge fut l’immortel dominicain espagnol, saint Vincent Ferrier. Don des langues, don de prophétie, don de guérison, don de résurrection des morts : tous ces dons semblent personnifiés en lui.
Avec la même facilité que le ruisseau découle de sa source, les miracles sortent de lui. Il les opère, non pas en secret, mais en présence de dix, de quinze, de vingt mille témoins qui le suivent d’une ville à l’autre. Quand il est fatigué d’en faire lui-même, il les fait faire par procureur.
« Le nombre de ses miracles, dit l'histoire, est si grand, qu’il est impossible d’en donner une liste exacte, bien moins de les énumérer un à un. Pas une ville en Europe où il passa, pas un bourg où il logea qui ne fut illustré par des miracles multipliés. « C’était un miracle, écrit un de ses biographes, quand il ne faisait pas de miracles. » La Bulle de sa Canonisation lui reconnaît huit cent soixante miracles de premier ordre. »
Pendant quarante ans, ce miracle ambulant parcourt sans relâche toutes les parties de l’Europe, qui frémit sous sa puissante parole. Pendant les quarante années de son infatigable apostolat, le mystérieux prédicateur fait le même sermon. Et ce sermon terrible annonce l’approche du jugement dernier, dont le thaumaturge se dit l’ange précurseur, annoncé par saint Jean : et il le prouve par d’éclatants miracles.
C’était en 1411, à Salamanque, la ville par excellence des théologiens et des savants. Un peuple innombrable se pressait pour entendre l’envoyé du ciel. Nulle église ne pouvant contenir la foule, le thaumaturge monte sur une colline, appelée le mont des Oliviers. Un profond silence accueille sa parole, entendue distinctement de tout son immense auditoire.
Tout à coup, élevant la voix : « Je suis, dit-il, l’ange de l’Apocalypse que saint Jean vit voler par le milieu du ciel, et qui criait à haute voix : Peuples, craignez le Seigneur, et rendez-lui gloire, parce que l'heure du jugement approche. À ces paroles étranges, un grand murmure s’élève du sein de la foule : on crie à la démence, à la jactance, à l’impiété.
L’envoyé de Dieu s’arrête un instant, les yeux fixés au ciel et comme ravi en extase. Puis, il reprend, et d’une voix plus forte il s’écrie de nouveau : « Je suis l’ange de l’Apocalypse, l’ange du jugement dernier ». Le murmure est à son comble. « Tranquillisez-vous, dit le messager céleste, et ne vous scandalisez pas de mes paroles. Vous allez voir de vos yeux que je suis ce que je dis.
« Allez à l’extrémité de la ville, à la porte Saint-Paul : vous trouverez une femme morte ; apportez-la ici ; je la ressusciterai en preuve de ce que saint Jean a écrit de moi. »
Un incroyable tumulte accueille cette proposition. Cependant quelques hommes se rendent à la porte indiquée ; ils y trouvent, en effet, une femme morte. Ils prennent la bière et viennent la déposer en face du saint, au milieu de l’auditoire. Tout le monde s’approche et s’assure que la femme est bien véritablement morte.
L’expérience achevée par des milliers de témoins, tout l’auditoire, frappé de stupeur, forme un vaste cercle autour du cercueil.
L’ange qui n’a pas quitté un instant sa place élevée, se tourne vers la défunte, et, d’une voix puissante, lui crie : « Femme, au nom de Dieu, je vous commande de vous lever. » Aussitôt elle se soulève au-dessus de son cercueil. L’ange ajoute : « Pour le salut de tout ce peuple, dites, maintenant que vous pouvez parler, s’il est vrai que je suis l’ange de l’Apocalypse, chargé d’annoncer au monde l’approche du jugement dernier ? — Oui, Père, répond la morte : vous êtes cet ange ; oui, vous l’êtes véritablement. »
Afin de placer ce miraculeux témoignage entre deux miracles, le saint lui dit : « Voulez-vous rester vivante, ou voulez-vous mourir de nouveau ? » — « Je resterai volontiers sur la terre, » répond cette femme. — « Vivez donc. » Et elle vécut, en effet, un grand nombre d’années. « Témoin vivant et mort, dit un historien, de cet étonnant prodige et d’une mission plus étonnante encore. »
Qu’on ne croie pas que ce fait prodigieux soit une circonstance, pour ainsi dire inaperçue dans la vie de l’homme de Dieu, ou une particularité rapportée seulement par un historien obscur. Ce fait, et la mission divine qu’il établit, est tellement capital dans la vie du saint ; il domine, il caractérise tellement son apostolat, que vous voyez de toutes parts en Italie, la peinture chrétienne représentant le grand missionnaire, sous la figure d’un ange, les ailes étendues, et volant par le milieu du ciel ; et qu’il n’est pas un des nombreux historiens du thaumaturge qui ne rapporte ce prodige.
Couronnant toutes ces preuves, l’Église a rendu, par l'organe du souverain Pontife Pie II, un hommage solennel à la vérité de ce grand événement. Dans la Bulle de Canonisation, elle reconnaît saint Vincent pour l’ange de l’Apocalypse, et dit avec saint Jean : « Il eut les paroles de l’Évangile éternel, pour annoncer, comme l’ange volant par le milieu du ciel, le règne de Dieu, à toute langue, à toute tribu et à toute nation, et pour démontrer l’approche du jugement dernier. »
Ce n’est point ici une application arbitraire des paroles de l’Écriture. Dans un acte authentique de cette importance, caractériser par de semblables expressions un homme, qui se serait donné faussement pour l’ange de l'Apocalypse, n’eut-ce pas été accréditer l’imposture ? De plus, l’Église aurait-elle approuvé les vies du saint, imprimées à Rome, et dans lesquelles on affirme que saint Vincent Ferrier est l’ange de l’Apocalypse ?
Enfin, que l’ange du jugement dernier soit un homme ou une intelligence céleste, il n’y a rien qui doive étonner. Le Sauveur lui-même ne nous apprend-il pas que saint Jean-Baptiste est l’ange annoncé par les prophètes pour lui préparer les voies (Matth. XI, 10) ?
Pour se dispenser de croire à la prédiction de saint Vincent Ferrier, on dit d’abord : « La séparation des bons et des méchants a toujours existé. Ainsi l’approche du jugement dernier a toujours pu être annoncée, et le saint n’a rien dit de nouveau. »
Tout homme impartial répond : Il y a séparation et séparation. Il y a une séparation occulte, personnelle, particulière, transitoire. Celle-là ne peut être un signe de l’approche du jugement dernier: jamais personne ne l’a donnée pour telle.
Il y a aussi une séparation publique, sociale, générale et permanente. Celle-ci ne se manifeste qu’à certaines époques décisives, où les peuples attirés, par deux esprits contraires, brisent le lien religieux qui les unissait, et vont l’un à droite, l’autre à gauche. Cette division entre le peuple incrédule et le peuple croyant, n’est-elle pas le signe anticipé de la séparation finale, ou du jugement dernier : qui non crediderit jam judicatus est ?
Telle est, comme nous avons vu, celle qu’annonça le thaumaturge du quinzième siècle, et qui est allée constamment se développant, jusqu’à devenir de nos jours un abîme d’une profondeur, inconnue dans l’histoire.
On ajoute : « il y a plus de quatre cents ans que saint Vincent est mort, et le jugement dernier n’est pas venu? »
Si sérieuse qu’elle paraisse à première vue, cette difficulté n’est pas insoluble.
1° On peut répondre qu’il y a des prophéties conditionnelles. Absolues dans leur expression, elles ne le sont pas dans leur résultat. Telle fut, chacun le sait, la prophétie de Jonas. L’envoyé de Dieu parcourt les rues de la cité coupable en criant: « Encore quarante jours, et Ninive sera détruite. » À cette annonce les Ninivites firent pénitence et leur pénitence suspendit l’exécution de l’arrêt divin.
Pour justifier le prophète du jugement dernier, rien n’empêche de donner à ses paroles un sens conditionnel. Toutefois, il nous semble qu’elles ont une signification plus rationnelle et plus profonde.
2° Pour Dieu, à qui tout est présent : qu’est-ce qu’un siècle de plus ou de moins ? Une ombre légère qui passe en fuyant devant son immobile éternité.
3° Associés à sa prescience infinie, les prophètes lisent dans l’avenir et annoncent comme présents, des événements qui ne s’accompliront que plus tard : chacun sait cela.
4° Dans tous les grands faits, il y a trois périodes bien distinctes : la période de formation ; la période de développement et la période d’accomplissement. Cela est vrai surtout du jugement dernier.
Quel sera ce jugement final ? Il sera la séparation éternelle des bons et des méchants : telle sera de ce grand fait la période d’accomplissement.
Mais cette séparation finale aura commencé, se sera développée et même accomplie sur la terre. Les bons et les méchants seront morts séparés. Le jugement dernier ne fera que manifester cette séparation en l’éternisant.
Or, à l’époque où parlait l’ange de l’Apocalypse, le jugement dernier était, ce nous semble, à une période évidente de formation. De ses yeux, doués d’une lumière surnaturelle, le thaumaturge le voyait clairement.
Que voyait-il ? Il voyait finir le règne social du christianisme et commencer le règne antichrétien, le dernier ennemi de l’Église et le plus redoutable. Le monde chrétien touchait au commencement de sa fin.
Le plus grand monarque qui ait jamais porté le sceptre, Charlemagne, avait scellé l'alliance de l’Église et de la société.
Jésus-Christ, Roi des rois, régnait et gouvernait. Inscrite dans les codes, sa parole faisait loi parmi les nations. Au sommet de la hiérarchie des pouvoirs, brillait son Vicaire : père, guide et juge des rois et des peuples, oracle du droit public, comme du droit privé.
Au-dessous du Pontife Suprême, l’empereur, évêque du dehors, investi de la noble mission de défendre l’Église et de faire exécuter ses ordres ; puis, les rois remplissant les mêmes fonctions chacun dans son royaume : tel était l’ordre social.
De ce mariage auguste étaient nés les siècles chrétiens, qui ont fait l’Europe : siècles de foi, dont toutes les voix chantaient à l’unisson le même symbole ; siècles de fraternité internationale, qui firent les croisades ; siècles de génie, qui couvrirent l’Europe, comme un manteau de gloire, de ces splendides monuments, que nous admirons encore sans pouvoir les imiter ; siècles de charité, qui créèrent les grands ordres religieux et les instituts de miséricorde, aussi variés que les infirmités et les besoins de l’humanité.
Or, l’ange de l’Apocalypse voyait cette grande unité en voie de se briser. À la place, il voyait se creuser une séparation, ce n’est pas assez, un abîme, entre les peuples de l’Europe ; et, pour les raisons énumérées ci-dessus, ces peuples jusqu’alors fraternellement unis par les liens d’une même foi, au moment de se dire un adieu peut-être éternel : les uns demeurant à droite avec l’Église leur mère ; les autres, allant à gauche et donnant tête baissée dans le schisme et dans l’hérésie.
Image réelle du jugement dernier, ou même dernier jugement de Dieu sur les nations, cette séparation des bons et des méchants allait devenir plus tranchée qu’elle ne l’avait jamais été, et le grand fait du jugement dernier entrer dans sa période de développement.
À ce moment reparut la mystérieuse colonne. Avec un éclat éblouissant, elle projetait sa lumière du côté des bons. Que leur disait cette prodigalité de miracles, accomplis aux yeux de l’Europe entière, pendant près d'un demi-siècle ? elle disait que l’Église catholique, qui avait tiré le monde de la barbarie, était toujours la colonne et le fondement de la vérité ; la source pure, la source unique, où les nations devaient s’abreuver, en s’éloignant avec horreur des citernes bourbeuses, qu’on ouvrait devant elles et dans lesquelles, au lieu de boire la vie, on buvait la mort.
Les vrais catholiques comprirent la signification des miracles. Leur foi devint plus vive, plus ardente et plus forte. Réunis en associations nombreuses, nous les voyons, non-seulement éviter les dangers qui les menaçaient, mais encore dédommager l’Église, en lui formant un peuple fidèle, au-delà des mers, dans un monde nouveau, providentiellement découvert.
Tandis qu’elle projetait sa lumière du côté des bons, la mystérieuse colonne tournait du côté des méchants sa face ténébreuse. La nuit se fit dans leur intelligence et ils s’enfoncèrent dans des erreurs de plus en plus profondes. Le panthéisme, le fatalisme, le matérialisme, monstrueux systèmes des rationalistes païens, reparurent.
Dès lors ni le dogme, ni la morale, ni l’Église elle-même, rien ne fut sacré. Conséquence inévitable de ces grandes négations, les mœurs se corrompirent ; les révolutions, non pas dynastiques, mais sociales, montèrent à la surface, et les trônes chancelant sur leurs bases surplombèrent en attendant le prochain coup de vent qui devait les renverser.
II ne se fit pas attendre. L’esprit séducteur du paradis terrestre, auquel la moitié de l’Europe s’était abandonnée, ne tarda pas à faire son œuvre, toujours ancienne et toujours nouvelle. De son souffle empoisonné naquirent des sectes nombreuses qui, comme les barbares d’autrefois, se jetèrent sur le monde coupable.
Pendant un siècle et au delà, elles promenèrent le fer, le feu, le carnage, la mort avec des cruautés inouïes, en Allemagne, en Angleterre, en France, en Suisse, en Danemark et dans tous les pays du Nord. À ce prix fut soldée la révolte des nouveaux Égyptiens : c’était justice.
Mépriser une grâce ordinaire, c’est mériter une punition ordinaire ; mais ne tenir aucun compte de grâces exceptionnelles, comme une multitude d’éclatants miracles, c’est appeler des châtiments dont le bruit fera tinter les oreilles à la plus lointaine postérité.
Toutefois, ce n’était là que le commencement des douleurs, et la période de développement du jugement dernier.
QUATRIÈME ÉPOQUE
LE TEMPS ACTUEL. — Pour la quatrième fois, le temps présent nous montre avec une évidence particulière, l’accomplissement de la grande loi de la Providence : lumière éclatante d’un côté, ténèbres profondes de l’autre, séparation de plus en plus marquée entre les bons et les méchants.
Commencé sensiblement à l’époque de saint Vincent, le fait redoutable du jugement dernier est allé se développant avec rapidité, depuis le passage de l’ange de l’Apocalypse.
L’engouement pour l’antiquité païenne brisa les grandes lignes de la civilisation chrétienne dans les lettres et dans les arts ; il donna naissance à la politique césarienne, en vertu de laquelle les rois aspirèrent à se faire Papes ; et de progrès en progrès, il arriva, comme dernière conséquence, à faire reconnaître à l’erreur des droits qu’elle n’a pas et qu’elle n’aura jamais. Un traité public autorisa les hérétiques, faux monnayeurs de la vérité, à battre monnaie dans toute l’Europe et à la mettre en circulation.
Le mouvement séparatiste continua jusqu’à la Révolution française. À cette époque de sinistre mémoire, se révéla dans son effrayante profondeur, l’abîme qui séparait la cité du mal, de la cité du bien.
Nous le savons, les sanglantes fureurs des démagogues n'eurent qu’un temps limité. Il en fut autrement des principes générateurs de la Révolution. Conséquence finale des doctrines précédentes, le plus funeste est la négation de toute religion positive, par la reconnaissance officielle de l’égalité de tous les cultes : c’est l’athéisme légal qui régit l’Europe actuelle.
De là, trois faits inévitables : 1° la radiation des codes modernes des crimes capitaux contre Dieu, qui figuraient en tête des législations chrétiennes : l’hérésie, le blasphème, le sacrilège, le commerce avec le démon ; 2° le mépris et la haine du catholicisme, qui seul se prétend, et avec raison, en possession de la vérité ; 3° enfin, une séparation des bons et des méchants, plus profonde qu’elle n’a jamais été : c’est-à-dire un signe de plus en plus manifeste, que le grand fait du jugement dernier semble approcher sensiblement de son accomplissement final.
Quoi qu’il en soit, deux choses du moins peuvent être affirmées, parce qu’elles sont visibles. La première, depuis le passage de l'ange de l’Apocalypse, la séparation sociale du bien et du mal, des bons et des méchants, est allée en augmentant en largeur et en profondeur.
Que voyons-nous, aujourd’hui ? Ce n’est plus la négation particulière de quelque vérité, comme dans le schisme et l’hérésie, c’est la négation radicale de toute vérité. Ce n’est plus la révolte isolée d’une nation contre l’Église, c’est l’insurrection générale de toutes les nations, comme nations, contre l’Église et le christianisme. Ce n’est plus la guerre à quelque institution chrétienne, c’est la guerre au christianisme tout entier et à tout ce qu’il a fait ou inspiré : hommes et choses.
Nous n’exagérons pas, nous calomnions encore moins. Est-ce que le cri de guerre du monde actuel, du monde méchant, n’est pas ce blasphème que les siècles passés n’avaient jamais entendu, qu’ils n’auraient même pas soupçonné : Le cléricalisme : voilà l'ennemi ?
Avouons-le : pour mettre un pareil langage sur des lèvres baptisées, la malice naturelle de l'homme ne suffit pas : il faut qu’elle soit doublée de celle du démon. Or, cette fureur aveugle constitue le monde actuel dans une position bien autrement grave que celle du monde païen. Les païens marchaient vers le Rédempteur, et le monde actuel lui tourne le dos. Que dis-je ? Non-seulement il se détourne de lui, mais il le poursuit, comme un malfaiteur, de ses injures, de ses calomnies et de ses cris de mort !
Si donc le jugement dernier, annoncé par saint Vincent Ferrier, arrivait aujourd’hui, ferait-il autre chose que de manifester, en le rendant immuable, le fait dont nous sommes témoins ? Que manque- t-il pour que la séparation des bons et des méchants soit aussi profonde et aussi générale qu’elle puisse être ici-bas ?
La seconde chose, encore inconnue au temps du grand thaumaturge, et visible aujourd’hui, pour qui ne veut opposer à l’évidence ni subtilité, ni fin de non-recevoir : c’est l’existence de plus en plus manifeste des grands signes précurseurs du jugement dernier. (...)
Tous ces signes divinement prédits et qui, comme des astres révélateurs, s’élèvent de plus en plus sur l’horizon, ne semblent-ils pas annoncer que le fait du jugement dernier marche à grands pas vers sa troisième période : la période de son accomplissement ? Ainsi, se trouve expliquée et vérifiée la prédiction de saint Vincent Ferrier : car il ne prêchait pas seulement pour ses contemporains, mais encore pour les générations futures.
Nous le répétons : La séparation entre le bien et le mal est à peu près aussi profonde qu’elle puisse être, dans les conditions actuelles de l’humanité. Si elle l’était davantage, je veux dire : si les méchants achevaient de perdre le peu qu’il leur reste de vérités, ils périraient, comme l’homme périt faute d’air respirable : la vérité c’est la vie.
Mais voici de nouveau l’accomplissement de la loi providentielle. Entre les Égyptiens et les Hébreux du dix-neuvième siècle, se place la mystérieuse colonne. Tandis qu’elle jette les méchants dans des ténèbres de plus en plus épaisses, qui les empêchent d’apercevoir l’abîme béant où ils vont se précipiter, elle resplendit aux yeux des bons d’une lumière inaccoutumée. Le moment est venu de mettre en relief ce fait si consolant pour les uns, si menaçant pour les autres.
LES MIRACLES ACTUELS
Depuis plus de vingt ans, un miracle visible, comme l’arc-en-ciel, brille à l’horizon de l’Europe, où il demeure nuit et jour en permanence, et ce miracle en produit une infinité d’autres. Il est d’ailleurs sans précédent et de telle nature, que c’est à n’y pas croire. Quel est-il ?
Deux petites bergères, de douze à treize ans, parfaitement ignorantes et parfaitement ignorées ; qui ne se connaissent pas, qui ne se sont jamais parlé, jamais vues ; placées, l’une au sommet des Alpes, l’autre dans les Pyrénées, déclarent tout à coup que la sainte Vierge leur a parlé. Et voilà que, sur leur parole, des multitudes immenses, composées de personnes de tout âge, de toute condition, de toute science, de tout pays, viennent, malgré les distances, les fatigues, les dépenses, de toutes les parties de l’ancien et du nouveau monde, aux lieux de l’apparition. Tous s’en retournent convaincus ou guéris.
(...)
Pourquoi, en trois jours, cette prodigalité de miracles ? Un événement de cette importance mérite, à coup sûr, d’attirer l’attention publique, et tout esprit sérieux se fait un devoir d’en chercher la signification.
Il se dit : La Providence ne tâtonne jamais ; tout ce qui arrive, arrive à son heure : et, les effets sont toujours en raison directe de la cause. Donc la cause qui produit des effets si étonnants, est d’une extrême gravité. Rien de plus logique que ce raisonnement. Mais pourquoi aujourd’hui cette manifestation inouïe du monde surnaturel ?
Ainsi, gravité de la cause, et à-propos des miracles : double mystère qu’il faut étudier avec soin, par la raison que toutes ces merveilles ne s’accomplissent sous nos yeux, que pour nous éclairer.
Or, les derniers miracles de Lourdes, précédés de tant d’autres, sont la colonne à double face qui vient aujourd'hui, comme autrefois, s’interposer entre le camp des bons et le camp des méchants, entre les catholiques et les révolutionnaires.
Si elle éclaire les uns, nous allons voir qu’elle aveugle les autres. L’obscurité de la nuit dont elle les enveloppe, sera en raison directe de la lumière dont elle resplendit, et qu'ils ne veulent pas voir. Nouvelle et trop réelle image du jugement dernier.
Que font en ce moment les anticléricaux ? Tiennent-ils compte des avertissements providentiels, qui leur sont donnés par les miracles ? Désarment-ils ? Tournent-ils les yeux vers le Père des miséricordes qui leur tend la main, pour les empêcher de tomber dans le précipice ? Ou ils ne comprennent rien à la conduite de la Providence, et ils ne s’en occupent pas ; ou, s’ils daignent s'en occuper, c’est pour blasphémer. Leur obstination à ne pas voir, est donc un nouvel abus de grâces, inévitablement suivi d’un aveuglement plus complet.
Déjà, nous en avons la preuve. Au lieu de s’apercevoir qu’ils font fausse route, et qu’ils vont, comme les Égyptiens, tomber dans la mer Rouge, ils s’obstinent plus que jamais dans le chemin des abîmes. En ce moment même, la France ne les voit-elle pas s’agiter avec une activité fébrile, pour former un sénat de la même couleur que l’autre chambre, et devenir ainsi les maîtres absolus du pays ?
C’est alors qu’étant la Convention ou la Commune légale, ils jetteront la France dans de terribles aventures, la bouleverseront légalement, la ruineront légalement, couperont légalement les têtes qui dépasseront leur niveau ; puis, suivant l’usage, ils se déchireront les uns les autres, et après avoir mangé du clérical, ils mangeront du radical. Cette débauche du socialisme imbécile et sanguinaire finira par allumer un incendie, qui sera pour l’étranger un motif d’intervenir et de consommer la ruine de notre malheureuse patrie.
Telle est la perspective dont les Égyptiens du dix-neuvième siècle menacent les Hébreux d’aujourd’hui. Devenue une réalité. cette perspective sera : LA PERSÉCUTION.
En effet, croire que la Révolution a fini son œuvre et atteint son but, serait ne pas la connaître. Sans doute, elle s’est déjà manifestée par des actes de violence et des mesures injustes. Mais ces actes isolés et plus ou moins transitoires, sont loin de lui suffire. Les rendre généraux et permanents : voilà son dernier mot.
En attendant, elle ébranle par ses doctrines les fondements de l’édifice religieux et social, qu’elle veut renverser. Les trois colonnes de l’État, le clergé, la magistrature, l’armée, sont l’objet de ses attaques incessantes. Mais les combats qu’elle livre dans la région des idées, n'auraient pas le résultat voulu, s'ils n’étaient les précurseurs d’autres combats, qui se livreront dans le domaine des faits.
Étant la négation radicale et armée, la Révolution doit, sous peine d’avorter, faire table rase de tout ce qui s'oppose à la plénitude de son règne intellectuel et matériel. Sous ce double rapport, ce qui lui fait obstacle, c’est le catholicisme, et le catholicisme seul. La raison est facile à comprendre : si la Révolution est la négation absolue, le Catholicisme est l'affirmation absolue.
(...)
Il demeure donc bien évident que la colonne mystérieuse tient sa face obscure, tournée du côté des anticléricaux ; qu’ils sont enveloppés de ténèbres de plus en plus épaisses et possédés d’une haine de plus en plus acharnée contre les catholiques. Entre eux et nous, la séparation ne saurait être plus profonde ; par conséquent le jugement dernier des nations, annoncé par le grand thaumaturge, représenté et même accompli d’une manière plus frappante.
Mais la loi providentielle n'est pas abrogée. Si du côté des Égyptiens la nuit devient de plus en plus noire, la colonne brille du côté des Hébreux d’un éclat inaccoutumé. Cet éclat réside dans la profusion des miracles qui viennent de s’accomplir, en trois jours, au sanctuaire de Notre-Dame de Lourdes.
Reste maintenant à répondre à la question : Pourquoi cette accumulation de prodiges n’a-t-elle pas eu lieu il y a un an ? Pourquoi pas dans un an ? Pourquoi aujourd’hui même, et au mois d’août ?
Rien ne se fait par hasard, ni le mouvement d’une feuille dans la forêt, ni la chute d’un de nos cheveux. Tout arrive à l’heure marquée par la Sagesse infinie, ni plus tôt, ni plus tard. De toute éternité, le mois d’août 1878 était donc fixé pour être le témoin du grand événement qui nous occupe.
Si faible qu’elle soit, la raison en découvre la cause.
C’est à ce moment même que la Révolution mettait en campagne tous ses agents, afin de recruter le plus possible de soldats à l’armée anticléricale ; au moment où elle allait se démasquer elle-même et annoncer l’expulsion universelle du catholicisme : c’est-à-dire la persécution (Discours de Gambetta à Romans).
Dans cette situation, il est facile de comprendre qu’une augmentation de foi, d’amour, de fidélité, de courage était nécessaire aux catholiques d’aujourd’hui. Rien pouvait-il mieux leur procurer ces forces indispensables, que l’éclat fulgurant de quatre-vingts miracles, accomplis en soixante-douze heures ?
Chose digne de remarque ! la France en est le théâtre. Pourquoi la France, plutôt que toute autre partie de l’Église catholique ? Il semble qu’on peut répondre : parce que la France, le pays des bonnes œuvres, est encore, malgré ses erreurs, la bien-aimée de Dieu ; parce que la France est la fille aînée de l'Église, et qu’à ce titre elle doit expier par son héroïque courage, les scandales qu’elle a donnés à ses sœurs ; parce que, enfin, tout l'annonce, c’est en France que les premiers coups seront portés et que le combat sera le plus vif. Il faut donc que les soldats, destinés à soutenir les premiers chocs, soient des soldats d’élite, dont la bravoure servira d’exemple à toute l’armée.
Sans être prophète, on peut le prédire : le combat sera rude, très-rude ; car il sera en raison directe des attaques intellectuelles que, depuis quelques années surtout, la Révolution livre au christianisme. En d’autres termes, la récolte sera de la même nature que la semence, abondante comme elle, radicalement antichrétienne comme elle.
Y a-t-il rien d’aussi effrayant que la statistique des doctrines pestilentielles qui chaque jour tombent sur la France et sur l'Europe ? En voici un léger aperçu, que nous adressons aux endormeurs et aux endormis.
De Paris, l’infatigable laboratoire de l’antichristianisme, sortent chaque jour les grands journaux, ouvertement hostiles à la religion (...)
À ces grands reptiles, s’ajoutent les petites vipères qui composent ce qu’on appelle la presse populaire, la presse à un sou.
(...)
Viennent ensuite les mauvais journaux de province. Pas de département qui n’en ait un, quelquefois plusieurs.
(...)
En résumé : voilà au minimum un million cinq cent mille reptiles venimeux, qui chaque jour se répandent sur la France ! Que disent tous ces journaux ? En termes différents, ou plus ou moins couverts, tous la même chose : Le cléricalisme, voilà l’ennemi!
Il est donc vrai! depuis le commencement de l’année jusqu’à la fin, aux quatre coins de la France, retentit QUINZE CENT MILLE fois par jour, ce cri d’extermination : Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! Mort au cléricalisme !
Grossi des milliers de fois par les journaux étrangers, ce cri de mort, fait incessamment le tour de l’ancien et du nouveau monde : et les multitudes égarées croiront, comme article de foi, qu’il est l’écho de la vérité. Un de nos anciens magistrats disait : « S’il était permis de m’accuser tous les matins d’avoir volé les tours de Notre- Dame, je m’empresserais de prendre la fuite, parce que, tôt ou tard, je serais sûr d’être pendu. »
En 92, ne fit-on pas accroire au peuple que les prêtres, massacrés dans les prisons de Paris, étaient des conspirateurs ? En 1830, des empoisonneurs ? En 1847, des incendiaires ? Aux premiers siècles de l’Église, la plèbe romaine ne croyait-elle pas que les chrétiens étaient la cause de tous les fléaux, qui tombaient sur l’empire ; et dans cette conviction ne criait-elle pas à tue-tête : Les chrétiens au lion : Christianos ad leonem ? Enfin, les chefs de la synagogue ne firent-ils pas croire au peuple juif, que Notre-Seigneur était un perturbateur du repos public, digne de mort ?
S’il n’y a pas d’absurdité si grande qui n’ait été dite par quelque philosophe, il n’y en a pas de si énorme qui, à force d’être répétée, ne soit crue par le peuple.
Ce n’est pas tout. Ces journaux sont accompagnés d’une masse incalculable de mauvais livres en tout genre : politique, philosophie, histoire, littérature, sciences médicales et sciences naturelles ; puis, d’autres productions non moins antichrétiennes : romans, chansons, pièces de théâtre, petits imprimés, feuilles volantes, photographie, caricatures impies ou obscènes : autant de voix qui font chorus avec les mauvais journaux.
La main sur la conscience, qu'on dise si, depuis que le monde est monde, il a jamais entendu un pareil concert de blasphèmes, d’impiétés et de vociférations sanguinaires ; si jamais il a reçu de pareilles avalanches de poisons, et ce qu’il faut attendre d’une époque qui en fait sa nourriture ordinaire, et de l’avenir qu’elle se prépare ?
Grand Dieu ! Si vous ne venez pas à notre aide par le plus éclatant miracle, comment de sang-froid envisager l'avenir ? Si les mauvaises doctrines répandues en 89, ont pu produire l’effroyable explosion de 93 : quelle explosion devra produire une masse de doctrines, non moins subversives, et qui sont aux doctrines du dernier siècle, comme mille est à un !
Qu'est-ce donc que le cléricalisme qu’on dénonce comme l’ennemi du genre humain et dont on demande la mort à grands cris ? C’est tout le catholicisme.
Le fils de Dieu, le rédempteur du monde, Notre-Seigneur Jésus-Christ : voilà l’ennemi !
Le saint Père : voilà l’ennemi !
Les évêques, les prêtres, les religieux, les religieuses : voilà l’ennemi !
Les pères et mères catholiques : voilà l’ennemi !
Les jeunes gens vertueux, les vierges chrétiennes : voilà l’ennemi !
Voilà tous ceux qu’il faut traiter en ennemis, persécuter, dépouiller, exiler, exterminer.
Et après ? — Que mettrez-vous à leur place ?
En inondant le monde de mauvaises doctrines, la Révolution fait ses semailles. Aux nations baptisées, elle crie quinze cent mille fois par jour : À mort le christianisme ! Cet appel à l’extermination n’est pas un vain mot. Dans tous les pays, même au sein des campagnes, des millions d’hommes et de femmes le prennent au sérieux, tous disposés, l’heure venue, à le mettre en pratique. Nous connaissons la semence : la récolte sera de même nature.
(...)
En présence de ce qui est, et en prévision de ce qui sera, Dieu bat le rappel et forme son armée. Du côté d’Israël, la colonne mystérieuse resplendit avec plus d’éclat que jamais. Comme à la naissance du christianisme, il pleut des miracles, au bruit retentissant de ces miracles, accourent des soldats de toutes les parties du monde.
Maintenant, si l’on demande quelle est la raison de cet écrit, nous répondons qu’il a pour but de montrer dans les récents miracles de Lourdes un signe des temps, et d’indiquer aux catholiques les devoirs que ces miracles leur imposent.
D’abord, en quel sens la récente prodigalité des miracles de Lourdes est-elle un signe des temps ? Nous croyons l’avoir établi : dans le même sens que les miracles de Moïse, des apôtres et de saint Vincent Ferrier.
Comme ceux de ces temps-là, ces miracles annoncent une lutte d’autant plus redoutable, par conséquent une division sociale d’autant plus profonde, un signe du jugement dernier d’autant plus accentué, entre les fidèles enfants de Dieu et les adeptes du démon, que les miracles sont plus éclatants et plus nombreux. C’est la colonne du désert, marchant plus lumineuse que jamais devant Israël, et plongeant dans une nuit plus profonde que jamais, les ennemis obstinés du peuple de Dieu.
Catholiques, qui que nous soyons, tenons-nous pour avertis. Écoutons ce qui se dit, lisons ce qui s’écrit, voyons ce qui se passe, songeons à ce qui nous attend. Empruntant les fermes paroles de l’évêque d’Angers, nous disons : « Soyez sur vos gardes. Ces hommes qui parlent de cléricalisme et d’ultramontanisme pour masquer leurs desseins, c’est la religion même qu’ils veulent détruire, en lui enlevant l’une après l’autre toutes ses forces et toutes ses institutions.
« Vos libertés, ils en feront litière ; vos droits, ils n’aspirent qu’à les supprimer. Ordres religieux enseignants ou hospitaliers, écoles chrétiennes à tous les degrés, rien n’échappera à leurs mesures d’oppression, dès l’instant qu’ils ne trouveront plus devant eux d’obstacle légal.
« Que tous les catholiques veuillent donc bien réfléchir à la situation qu’on leur annonce, et sérieusement et à temps, ils sont avertis : C’est là persécution (Réfutation du discours de M. Gambetta.— Angers, 20 septembre 1878). »
De cette lutte à outrance quel sera le résultat ? Le même qu'aux époques signalées plus haut. Les persécutés seront sauvés. L’Église sortira de cette nouvelle épreuve, comme elle est sortie de toutes les autres. (...)
Quant aux persécuteurs, ils périront dans les abîmes qu’ils auront eux-mêmes creusés. (...)
Si nous sommes persécutés, ce n’est pas, on peut le dire, parce que nous sommes chrétiens ; mais parce que nous ne sommes pas assez chrétiens. Le premier devoir des chrétiens d’aujourd’hui est donc d’être plus chrétiens que jamais. Pour chacun de nous, c’est ici une question de vie ou de mort.
Point d’illusion : afin de ne pas succomber dans la bataille qui se prépare, une vertu ordinaire ne suffit plus. À tous les blasphèmes, à toutes les négations, à tous les scandales, à toutes les promesses, à toutes les menaces, à toutes les violences de nos innombrables ennemis, il faut opposer l’arme éternellement victorieuse de toutes les puissances du monde et de l’enfer.
Quelle est cette arme ? La foi ; mais la foi des premiers chrétiens. Pourquoi ? Parce que nous nous trouvons dans une situation analogue à la leur. Ils vivaient, ces admirables enfants de l’église des catacombes, au milieu d’un monde qui n'était pas chrétien ; qui ne voulait pas devenir chrétien, qui persécutait à outrance ceux qui étaient chrétiens, ou qui voulaient devenir chrétiens ; un monde dont le cri de guerre était : « Les chrétiens au lion : Christianos ad leonem. »
Et nous, chrétiens d’aujourd’hui, ne vivons-nous pas au milieu d’un monde qui cesse à vue d’œil d’être chrétien ; qui ne veut pas redevenir chrétien ; qui persécute de toute manière par ses paroles, en attendant qu’il le fasse par ses actes, ceux qui sont chrétiens ou qui veulent devenir chrétiens ; d’un monde dont le cri de guerre est : Mort aux cléricaux ?
Sous peine d’être vaincus, il nous faut donc la foi de nos pères. Une foi qui prie, une foi qui parle, une foi qui agit ; par conséquent, une foi forte comme la leur, simple, lumineuse, active comme la leur : notre salut est à ce prix.
Foi forte : inébranlable comme le rocher, vainement battu par les flots en fureur ; entêtée comme ce puissant Non possumus, qui fit échouer toutes les attaques du monde antichrétien, avec ses armées de proconsuls et de bourreaux, commandés par Satan, leur général en chef, et par ses dignes lieutenants : Néron, Domitien, Dioclétien, Galère, Sapor.
Foi simple : comme celle de l’enfant qui n’hésite pas, qui ne discute pas, qui prend à la lettre la divine parole et qui, dans la pratique va droit au but.
Foi lumineuse, comme le soleil : qui, dissipant les ombres répandues sur les maximes éternelles, les fait resplendir à nos yeux dans tout leur éclat et les grave dans nos âmes avec un burin d’acier. En voici quelques-unes :
Faiblesse de craindre ceux qui peuvent tuer le corps et qui après ne peuvent plus rien : Credo.
Faire mourir un chrétien, c’est le délivrer de prison et lui ouvrir les portes du ciel : Credo.
Mourir n’est pas finir : Credo.
Mourir, c’est naître : Credo.
Tout gagner et perdre son âme, c’est tout perdre : Credo.
Tout perdre excepté son âme, c’est tout gagner : Credo.
Les souffrances de ce monde ne sont rien, en comparaison des joies de l’éternité : Credo.
Foi active : la foi qui n’agit pas est une foi morte. Comme la flamme dans un buisson d’épines sèches, telle était la foi de nos pères. C’est grâce à elle que l’Évangile fit le tour du monde en moins de trente-six ans. Que leur conduite soit le modèle de la nôtre et ne recule devant aucun obstacle, pour établir, rétablir, étendre, affermir le règne de Dieu en nous et dans les autres.
Disons mieux : que l’activité des méchants pour le mal soit la mesure de la nôtre pour le bien. Il ne s'agit plus de nous endormir et de nous contenter d’être chrétiens pour nous seuls. Dans toutes les parties du monde, comme en Europe, des incendiaires mettent le feu à la maison de notre père : que chaque chrétien devienne un anneau de la chaîne destinée à l’éteindre.
L’union fait la force. Arrière tout ce qui divise : opinions politiques, intérêts privés, indifférence, amour du repos, crainte du péril, sympathies ou antipathies personnelles. Unis de cœur, d’esprit, de bourse et de bras, ressuscitons la ligue. Comme nos pères, sachons combattre. À leur exemple, employons pour sauvegarder notre religion, nos familles, nos institutions, nos libertés, nos propriétés, nos vies, tous les moyens moraux et matériels qu’autorise le droit de légitime défense : c’est à ce prix que nous vaincrons.
Mais cette foi, victorieuse de toutes les puissances ennemies, nous ne l’avons pas de nous-mêmes. Afin de la posséder trois choses sont nécessaires : la prière, pour l’obtenir ; la vigilance, pour la conserver ; la pénitence, pour la rendre efficace. Telle est, en effet, l’alternative impitoyable dans laquelle se trouve placé le monde actuel, et nous avec lui : Se sauver comme Ninive pénitente, ou périr comme Jérusalem impénitente.
En résumé : que les catholiques de l’heure présente ; français, italiens, espagnols, allemands, anglais, américains, désignés sous le nom de cléricaux et d’ultramontains, ne se fassent pas illusion : de redoutables épreuves les attendent. La Révolution ne leur fera pas de quartier. La guerre dont elle a fait les préparatifs ressemblera à ces combats de gladiateurs, appelés sans rémission, sine remissione, où tous les combattants, entrés dans l’arène, devaient y rester.
Puisse ce modeste travail éclairer nos frères de tous les pays ; et, en élevant leur courage à la hauteur du péril, contribuer à former ou de nobles vainqueurs ou de nobles victimes !
On raconte de saint Vincent Ferrier, qu'un grand pécheur s'étant venu jeter à ses pieds, il l’écouta patiemment et ne lui imposa qu'une trés-légere pénitence. Cette sainte industrie produisit l'effet qu'il avait prévu ; cet homme chargé de crimes énormes admira la bonté de Dieu, et fut entièrement attendri. Le Saint profitant de cette heureuse disposition, retrancha encore quelque chose de la pénitence ; ce qu'il fit une troisième fois, à mesure que la contrition de son pénitent augmentait. Enfin elle augmenta à un point qu'il ne put pas y résister, et que tombant aux pieds du Saint, il mourut pour ainsi dire entre les bras de la miséricorde, par la violence de son amour et de sa douleur. (Catéchisme de la Perfection Chrétienne, Tome II, par le R.P. Jean-Joseph Surin)
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La continuité des miracles n’est pas ce qui va nous occuper, c’est l’accumulation, et, s’il est permis de le dire, la prodigalité des miracles à certaines époques. Or, l’histoire du monde offre quatre grandes époques à miracles :
La délivrance des Hébreux de la servitude d’Égypte ;
L’établissement du christianisme ;
Le siècle de saint Vincent Ferrier ;
Le temps actuel.
À ces quatre époques, les miracles se produisent coup sur coup, avec un éclat et une profusion sans exemple, ni dans les siècles qui précèdent, ni dans les siècles qui suivent. Pourquoi cela ? Nous essayerons de le dire. En attendant, contentons-nous de rappeler que la Providence ne tâtonne jamais, et que tout ce qui arrive, arrive à son heure.
PREMIÈRE ÉPOQUE
LA DÉLIVRANCE DES HÉBREUX DE LA SERVITUDE D’ÉGYPTE. — À cette époque mémorable de l’histoire ancienne, nous voyons Moïse, revêtu de la toute-puissance de Dieu, frappant coup sur coup le royaume de Pharaon de dix plaies miraculeuses, telles que le monde n’en vit jamais ; puis couronnant tous ces prodiges par le plus grand de tous.
Au signe de sa volonté, la mer Rouge, agitée presque dans ses plus intimes profondeurs, se fend en deux. Ses eaux séparées deviennent deux énormes montagnes, tremblantes mais fixes, entre lesquelles passe à pied sec un peuple de six cent mille combattants, suivis d’autant de femmes et d’enfants, avec toutes les bêtes de somme et les transports nécessaires à une pareille multitude.
À ce prodige, unique dans l’histoire, s’en joint un autre non moins étonnant et plus significatif. Pharaon s’endurcit sous les coups répétés des miracles. Dans sa colère, il se met, avec toute son armée, à la poursuite du peuple qui lui échappe. Déjà il le presse de si près, qu’il va le culbuter dans la mer Rouge.
À ce moment critique, une colonne de nuées, lumineuse d’un côté, ténébreuse de l’autre, s’interpose entre les Hébreux et les Égyptiens. Lumineuse, elle éclaire la marche du peuple de Dieu dans les abîmes de la mer, entr’ouverte pour lui, et le sauve.
Ténébreuse, elle fait la nuit après elle ; et les Égyptiens aveuglés se précipitent dans les mêmes abîmes, où ils trouvent la mort.
Les miracles sont la colonne de nuées. Lumière pour les chrétiens dont ils élèvent la foi jusqu’à l’héroïsme, et auxquels ils tracent en brillants sillons la route du ciel. Ténèbres pour les méchants, ils font la nuit dans leur âme. Juste punition de l’abus des grâces, cette nuit est d’autant plus profonde, que les miracles ont été plus éclatants et plus nombreux.
Alors on les voit, ouvriers de Babel, ne plus s’entendre entre eux, tomber d’erreurs en erreurs, de contradictions en contradictions, d’absurdités en absurdités, jusqu’à ce qu’ils arrivent à la perte de la raison. Pendant ce temps-là, le peuple chrétien continue sa marche triomphante vers ses destinées éternelles.
Quelle fut la raison de tous ces miracles de miséricorde et de justice, accomplis coup sur coup et avec tant d’éclat, en présence de deux peuples ennemis ? Dans les conseils infaillibles de la divine Sagesse, les moyens sont toujours proportionnés à la fin. Par la grandeur des uns, on peut juger de l'importance des autres.
De quoi s’agissait-il ? Il s’agissait de sauver un peuple, que la cruauté d’un autre peuple aurait fini par anéantir. De ce peuple sauvé, le Seigneur voulait faire son peuple privilégié, et les miracles de sa délivrance avaient un double but.
D’une part, ils devaient le rendre inviolablement fidèle au Dieu, son libérateur ; et de l’autre, montrer au peuple persécuteur la toute-puissance du Dieu d’Israël, vainqueur de tous les dieux, triomphateur de tous les hommes, maître absolu de tous les éléments.
Pour les deux peuples, ces miracles sont d’abord des miracles de miséricorde : ils sauvent les Hébreux, ils instruisent les Égyptiens. Puis, pour ces derniers, miracles de justice en punition de leur aveuglement volontaire et de leur opiniâtreté dans le mal. Il en sera de même à toutes les époques, objets de cette étude.
SECONDE ÉPOQUE
L'ÉTABLISSEMENT DU CHRISTIANISME. — À la naissance du christianisme, même spectacle que sur les bords de la mer Rouge ; mais spectacle sur une plus vaste échelle et d’une plus longue durée. Ici encore les moyens sont proportionnés à la fin. II ne s’agit plus seulement de sauver un peuple : c'est le monde entier qu’il faut sauver.
Le Tout-Puissant lui-même en personne descend sur la terre. Pendant les trois années de sa prédication, les miracles qu’il opère sont tellement nombreux, tellement retentissants, que toute la terre en est émue. Pour en être les témoins ou les objets, des multitudes innombrables arrivent, même des contrées les plus éloignées du globe : Multitudines innumerae etiam ex remotissimis orbis regionibus, dit Eusèbe, le premier historien de l’Église.
Aux miracles du Maître succèdent les miracles des disciples. À partir du jour de la Pentecôte, il pleut des miracles. Cette pluie durera trois siècles, et tombera, sans en excepter aucune, sur toutes les parties du monde, usque ad ultimum terrae.
Changés tout à coup en orateurs d’un nouveau genre, les rudes pécheurs de Galilée parlent toutes les langues dans une seule langue : cela en présence des représentants de toutes les nations qui sont sous le ciel : ex omni natione quæ sub coelo est.
Les voici qui partent, nouveaux Moïses, qui pour l’Asie, qui pour les Indes, qui pour la Chine, qui pour l’Afrique, qui pour l’Europe, qui pour l’Amérique, semant à pleines mains les miracles. À leur voix les boiteux marchent, les aveugles voient, les lépreux sont purifiés, les paralytiques sont guéris ; les morts ressuscitent. La nature entière leur obéit ; les démons fuient en poussant des hurlements : rien de pareil ne s’était jamais vu.
Quelque chose de plus surprenant, le don des miracles est communiqué aux disciples des apôtres, et ces disciples sont innombrables, de toutes les conditions et de tous les pays : don des langues, don de guérison, don de science, don de prophétie.
Cet ensemble de prodiges jette le monde païen hors de lui-même. Aux uns il fait pousser des cris d’admiration et d’amour ; aux autres, des hurlements de terreur et de haine. « Seigneur, lorsque vous fîtes descendre votre admirable lumière du haut des montagnes éternelles, le trouble s’empara de tous les insensés de cœur (Ps. 75). »
Quel était le but de cette profusion de miracles ? arracher à la tyrannie du pharaon infernal toutes les âmes droites, répandues sur la surface du monde païen, afin d’en former un peuple nouveau, le vrai peuple de Dieu, la grande nation catholique.
Comme ceux d’Égypte, ces miracles sont des miracles de miséricorde ; car tout ce qui vient de l’Être essentiellement bon, essentiellement vrai, est miséricorde et vérité : Misericordia et veritas. Ils sauvent les uns, ils éclairent les autres. Pour ceux qui, semblables aux Égyptiens, refusent d’ouvrir les yeux et de se soumettre, ils deviennent des miracles de justice.
Les païens obstinés en surent quelque chose. Pour eux pas plus que pour les Égyptiens, le châtiment ne se fit attendre, et il fut proportionné à l’abus des grâces.
Comme il appelait Assur, la verge de sa colère, afin de punir Israël coupable, Dieu, suivant l’expression de l’Écriture, donna un coup de sifflet. Et voici venir des profondeurs inconnues de la haute Asie, rapides comme des léopards, terribles comme des lions, nombreux comme des nuées de sauterelles africaines, des barbares de toute figure, de tout costume et de toute langue.
Conduits, entre autres chefs, par celui qui s’appelle le fléau de Dieu et la terreur du globe, flagellum Dei et terror orbis, ils se précipitent sur le monde rebelle aux miracles. Pendant plus d’un siècle ils le couvrent de ruines et le noyent dans un océan de sang, comme l’avaient été les Égyptiens dans les eaux de la mer Rouge.
La loi providentielle était accomplie. De nouveau, la colonne de nuées s’était interposée entre les combattants. Lumineuse du côté des chrétiens, elle éclairait leur marche et favorisait la formation rapide du peuple de Dieu. Ténébreuse du côté des païens, elle les condamnait à périr, en leur ôtant la vue de ce qui seul pouvait les sauver. Le Tout-Puissant avait parlé. Le miracle est sa parole, et sa parole ne lui revient jamais à vide.
TROISIÈME ÉPOQUE
LE SIÈCLE DE SAINT VINCENT FERRIER. — Cette époque présente un spectacle analogue aux deux précédents. Nous y retrouvons une profusion de miracles, inconnue depuis le quatrième siècle jusqu’au quinzième, et ce qui en fut, comme autrefois, l’inévitable conséquence.
Sans doute, pendant ce laps de temps il y eut, comme nous l’avons dit, des miracles dans l’Église : il y en aura toujours. Descendu sur elle au jour de la Pentecôte, le Saint-Esprit, qui les opère, ne s’est jamais retiré de son épouse. Comme lui- même, ses dons intérieurs et extérieurs sont en permanence avec elle. Il le faut, nous le répétons, afin de prouver par des faits sensibles et constants l’inviolable sainteté de l’Église catholique.
Mais il vient des moments, où les dons extérieurs doivent devenir et deviennent en effet plus éclatants, et se produisent par des manifestations plus nombreuses. Toujours ils ont le même but et le même résultat : sauver un peuple et en rendre un autre inexcusable.
Que se passait-il au commencement du quinzième siècle ? L’Église était à la veille de subir par la renaissance du paganisme la plus redoutable épreuve depuis son berceau. Le monde européen, le vrai monde chrétien, allait CESSER D'ÊTRE UN. Une division profonde, et jusqu’alors inconnue, ne devait pas tarder à se manifester.
Le grand schisme d’Occident avait jeté le trouble dans les esprits et ébranlé, en l’obscurcissant, l’unité traditionnelle, fondée sur la personnalité connue du Pontife romain. Le respect filial pour la papauté s’était affaibli. Les nations, comme nations, allaient peu à peu s’émanciper de la tutelle de l’Église. Inconnu des siècles antérieurs, le doute commençait à se faire jour. Jusqu’alors chanté à l’unisson, du Nord au Midi, le Credo catholique arrivait au moment fatal, où serait brisée, peut- être pour toujours, sa majestueuse unité.
Encore un peu, et voici venir, brochant sur le tout, les sophistes grecs chassés de Constantinople. L’éclair allait rencontrer l’éclair ; et le rationalisme païen, exhumé du tombeau, allait battre en brèche les vérités fondamentales de l’intelligence, de la religion et de la société.
Pour le nouveau venu, les siècles de foi sont des siècles d’ignorance, de superstition, d’esclavage et de barbarie. Lui, et lui seul possède la lumière, la civilisation, la liberté, le beau, le bon, le vrai en toutes choses.
En vain, la mère des nations, l’Église catholique, assemblée au Concile général de Latran, crie à ses enfants : « Déliez- vous ; la littérature nouvelle, la philosophie nouvelle sont empoisonnées jusque dans leurs racines ; en grande partie du moins, l'Europe lettrée fait la sourde oreille et se laisse séduire. Fascinée comme la mère du genre humain, elle trouve le fruit défendu bon à manger, beau et délectable : bonum ad vescendum, pulchrum oculis, aspectuque delectabile. Elle en mange et s’empoisonne.
Un renversement soudain s’accomplit dans son être. À ses yeux, la plus brillante époque de l’humanité, n’est plus celle où sa mère et sa nourrice, l’épouse immaculée du Verbe éternel, régnait sur le monde, qu’elle inondait de lumières et de bienfaits ; mais l’époque néfaste où tout était Dieu, excepté Dieu lui-même ; et où l’homme, régnant sans contrôle, réalisa par ses seules forces les plus grandes merveilles en tout genre. Comme Ève n’avait vu que l’écorce du fruit défendu, la malheureuse Europe ne voyait que le dessus des cartes.
Le péril était extrême ; car les classes lettrées font le peuple à leur image. Afin de prévenir une séduction universelle, Dieu intervint. Ce qu’il avait fait pour la délivrance des Hébreux et pour la conversion du monde païen, il le fit par le ministère d’un nouveau Moise.
Donc, au quinzième siècle, parut un Thaumaturge, tel que le monde n’en avait pas vu depuis les apôtres. Ce thaumaturge fut l’immortel dominicain espagnol, saint Vincent Ferrier. Don des langues, don de prophétie, don de guérison, don de résurrection des morts : tous ces dons semblent personnifiés en lui.
Avec la même facilité que le ruisseau découle de sa source, les miracles sortent de lui. Il les opère, non pas en secret, mais en présence de dix, de quinze, de vingt mille témoins qui le suivent d’une ville à l’autre. Quand il est fatigué d’en faire lui-même, il les fait faire par procureur.
« Le nombre de ses miracles, dit l'histoire, est si grand, qu’il est impossible d’en donner une liste exacte, bien moins de les énumérer un à un. Pas une ville en Europe où il passa, pas un bourg où il logea qui ne fut illustré par des miracles multipliés. « C’était un miracle, écrit un de ses biographes, quand il ne faisait pas de miracles. » La Bulle de sa Canonisation lui reconnaît huit cent soixante miracles de premier ordre. »
Pendant quarante ans, ce miracle ambulant parcourt sans relâche toutes les parties de l’Europe, qui frémit sous sa puissante parole. Pendant les quarante années de son infatigable apostolat, le mystérieux prédicateur fait le même sermon. Et ce sermon terrible annonce l’approche du jugement dernier, dont le thaumaturge se dit l’ange précurseur, annoncé par saint Jean : et il le prouve par d’éclatants miracles.
C’était en 1411, à Salamanque, la ville par excellence des théologiens et des savants. Un peuple innombrable se pressait pour entendre l’envoyé du ciel. Nulle église ne pouvant contenir la foule, le thaumaturge monte sur une colline, appelée le mont des Oliviers. Un profond silence accueille sa parole, entendue distinctement de tout son immense auditoire.
Tout à coup, élevant la voix : « Je suis, dit-il, l’ange de l’Apocalypse que saint Jean vit voler par le milieu du ciel, et qui criait à haute voix : Peuples, craignez le Seigneur, et rendez-lui gloire, parce que l'heure du jugement approche. À ces paroles étranges, un grand murmure s’élève du sein de la foule : on crie à la démence, à la jactance, à l’impiété.
L’envoyé de Dieu s’arrête un instant, les yeux fixés au ciel et comme ravi en extase. Puis, il reprend, et d’une voix plus forte il s’écrie de nouveau : « Je suis l’ange de l’Apocalypse, l’ange du jugement dernier ». Le murmure est à son comble. « Tranquillisez-vous, dit le messager céleste, et ne vous scandalisez pas de mes paroles. Vous allez voir de vos yeux que je suis ce que je dis.
« Allez à l’extrémité de la ville, à la porte Saint-Paul : vous trouverez une femme morte ; apportez-la ici ; je la ressusciterai en preuve de ce que saint Jean a écrit de moi. »
Un incroyable tumulte accueille cette proposition. Cependant quelques hommes se rendent à la porte indiquée ; ils y trouvent, en effet, une femme morte. Ils prennent la bière et viennent la déposer en face du saint, au milieu de l’auditoire. Tout le monde s’approche et s’assure que la femme est bien véritablement morte.
L’expérience achevée par des milliers de témoins, tout l’auditoire, frappé de stupeur, forme un vaste cercle autour du cercueil.
L’ange qui n’a pas quitté un instant sa place élevée, se tourne vers la défunte, et, d’une voix puissante, lui crie : « Femme, au nom de Dieu, je vous commande de vous lever. » Aussitôt elle se soulève au-dessus de son cercueil. L’ange ajoute : « Pour le salut de tout ce peuple, dites, maintenant que vous pouvez parler, s’il est vrai que je suis l’ange de l’Apocalypse, chargé d’annoncer au monde l’approche du jugement dernier ? — Oui, Père, répond la morte : vous êtes cet ange ; oui, vous l’êtes véritablement. »
Afin de placer ce miraculeux témoignage entre deux miracles, le saint lui dit : « Voulez-vous rester vivante, ou voulez-vous mourir de nouveau ? » — « Je resterai volontiers sur la terre, » répond cette femme. — « Vivez donc. » Et elle vécut, en effet, un grand nombre d’années. « Témoin vivant et mort, dit un historien, de cet étonnant prodige et d’une mission plus étonnante encore. »
Qu’on ne croie pas que ce fait prodigieux soit une circonstance, pour ainsi dire inaperçue dans la vie de l’homme de Dieu, ou une particularité rapportée seulement par un historien obscur. Ce fait, et la mission divine qu’il établit, est tellement capital dans la vie du saint ; il domine, il caractérise tellement son apostolat, que vous voyez de toutes parts en Italie, la peinture chrétienne représentant le grand missionnaire, sous la figure d’un ange, les ailes étendues, et volant par le milieu du ciel ; et qu’il n’est pas un des nombreux historiens du thaumaturge qui ne rapporte ce prodige.
Couronnant toutes ces preuves, l’Église a rendu, par l'organe du souverain Pontife Pie II, un hommage solennel à la vérité de ce grand événement. Dans la Bulle de Canonisation, elle reconnaît saint Vincent pour l’ange de l’Apocalypse, et dit avec saint Jean : « Il eut les paroles de l’Évangile éternel, pour annoncer, comme l’ange volant par le milieu du ciel, le règne de Dieu, à toute langue, à toute tribu et à toute nation, et pour démontrer l’approche du jugement dernier. »
Ce n’est point ici une application arbitraire des paroles de l’Écriture. Dans un acte authentique de cette importance, caractériser par de semblables expressions un homme, qui se serait donné faussement pour l’ange de l'Apocalypse, n’eut-ce pas été accréditer l’imposture ? De plus, l’Église aurait-elle approuvé les vies du saint, imprimées à Rome, et dans lesquelles on affirme que saint Vincent Ferrier est l’ange de l’Apocalypse ?
Enfin, que l’ange du jugement dernier soit un homme ou une intelligence céleste, il n’y a rien qui doive étonner. Le Sauveur lui-même ne nous apprend-il pas que saint Jean-Baptiste est l’ange annoncé par les prophètes pour lui préparer les voies (Matth. XI, 10) ?
Pour se dispenser de croire à la prédiction de saint Vincent Ferrier, on dit d’abord : « La séparation des bons et des méchants a toujours existé. Ainsi l’approche du jugement dernier a toujours pu être annoncée, et le saint n’a rien dit de nouveau. »
Tout homme impartial répond : Il y a séparation et séparation. Il y a une séparation occulte, personnelle, particulière, transitoire. Celle-là ne peut être un signe de l’approche du jugement dernier: jamais personne ne l’a donnée pour telle.
Il y a aussi une séparation publique, sociale, générale et permanente. Celle-ci ne se manifeste qu’à certaines époques décisives, où les peuples attirés, par deux esprits contraires, brisent le lien religieux qui les unissait, et vont l’un à droite, l’autre à gauche. Cette division entre le peuple incrédule et le peuple croyant, n’est-elle pas le signe anticipé de la séparation finale, ou du jugement dernier : qui non crediderit jam judicatus est ?
Telle est, comme nous avons vu, celle qu’annonça le thaumaturge du quinzième siècle, et qui est allée constamment se développant, jusqu’à devenir de nos jours un abîme d’une profondeur, inconnue dans l’histoire.
On ajoute : « il y a plus de quatre cents ans que saint Vincent est mort, et le jugement dernier n’est pas venu? »
Si sérieuse qu’elle paraisse à première vue, cette difficulté n’est pas insoluble.
1° On peut répondre qu’il y a des prophéties conditionnelles. Absolues dans leur expression, elles ne le sont pas dans leur résultat. Telle fut, chacun le sait, la prophétie de Jonas. L’envoyé de Dieu parcourt les rues de la cité coupable en criant: « Encore quarante jours, et Ninive sera détruite. » À cette annonce les Ninivites firent pénitence et leur pénitence suspendit l’exécution de l’arrêt divin.
Pour justifier le prophète du jugement dernier, rien n’empêche de donner à ses paroles un sens conditionnel. Toutefois, il nous semble qu’elles ont une signification plus rationnelle et plus profonde.
2° Pour Dieu, à qui tout est présent : qu’est-ce qu’un siècle de plus ou de moins ? Une ombre légère qui passe en fuyant devant son immobile éternité.
3° Associés à sa prescience infinie, les prophètes lisent dans l’avenir et annoncent comme présents, des événements qui ne s’accompliront que plus tard : chacun sait cela.
4° Dans tous les grands faits, il y a trois périodes bien distinctes : la période de formation ; la période de développement et la période d’accomplissement. Cela est vrai surtout du jugement dernier.
Quel sera ce jugement final ? Il sera la séparation éternelle des bons et des méchants : telle sera de ce grand fait la période d’accomplissement.
Mais cette séparation finale aura commencé, se sera développée et même accomplie sur la terre. Les bons et les méchants seront morts séparés. Le jugement dernier ne fera que manifester cette séparation en l’éternisant.
Or, à l’époque où parlait l’ange de l’Apocalypse, le jugement dernier était, ce nous semble, à une période évidente de formation. De ses yeux, doués d’une lumière surnaturelle, le thaumaturge le voyait clairement.
Que voyait-il ? Il voyait finir le règne social du christianisme et commencer le règne antichrétien, le dernier ennemi de l’Église et le plus redoutable. Le monde chrétien touchait au commencement de sa fin.
Le plus grand monarque qui ait jamais porté le sceptre, Charlemagne, avait scellé l'alliance de l’Église et de la société.
Jésus-Christ, Roi des rois, régnait et gouvernait. Inscrite dans les codes, sa parole faisait loi parmi les nations. Au sommet de la hiérarchie des pouvoirs, brillait son Vicaire : père, guide et juge des rois et des peuples, oracle du droit public, comme du droit privé.
Au-dessous du Pontife Suprême, l’empereur, évêque du dehors, investi de la noble mission de défendre l’Église et de faire exécuter ses ordres ; puis, les rois remplissant les mêmes fonctions chacun dans son royaume : tel était l’ordre social.
De ce mariage auguste étaient nés les siècles chrétiens, qui ont fait l’Europe : siècles de foi, dont toutes les voix chantaient à l’unisson le même symbole ; siècles de fraternité internationale, qui firent les croisades ; siècles de génie, qui couvrirent l’Europe, comme un manteau de gloire, de ces splendides monuments, que nous admirons encore sans pouvoir les imiter ; siècles de charité, qui créèrent les grands ordres religieux et les instituts de miséricorde, aussi variés que les infirmités et les besoins de l’humanité.
Or, l’ange de l’Apocalypse voyait cette grande unité en voie de se briser. À la place, il voyait se creuser une séparation, ce n’est pas assez, un abîme, entre les peuples de l’Europe ; et, pour les raisons énumérées ci-dessus, ces peuples jusqu’alors fraternellement unis par les liens d’une même foi, au moment de se dire un adieu peut-être éternel : les uns demeurant à droite avec l’Église leur mère ; les autres, allant à gauche et donnant tête baissée dans le schisme et dans l’hérésie.
Image réelle du jugement dernier, ou même dernier jugement de Dieu sur les nations, cette séparation des bons et des méchants allait devenir plus tranchée qu’elle ne l’avait jamais été, et le grand fait du jugement dernier entrer dans sa période de développement.
À ce moment reparut la mystérieuse colonne. Avec un éclat éblouissant, elle projetait sa lumière du côté des bons. Que leur disait cette prodigalité de miracles, accomplis aux yeux de l’Europe entière, pendant près d'un demi-siècle ? elle disait que l’Église catholique, qui avait tiré le monde de la barbarie, était toujours la colonne et le fondement de la vérité ; la source pure, la source unique, où les nations devaient s’abreuver, en s’éloignant avec horreur des citernes bourbeuses, qu’on ouvrait devant elles et dans lesquelles, au lieu de boire la vie, on buvait la mort.
Les vrais catholiques comprirent la signification des miracles. Leur foi devint plus vive, plus ardente et plus forte. Réunis en associations nombreuses, nous les voyons, non-seulement éviter les dangers qui les menaçaient, mais encore dédommager l’Église, en lui formant un peuple fidèle, au-delà des mers, dans un monde nouveau, providentiellement découvert.
Tandis qu’elle projetait sa lumière du côté des bons, la mystérieuse colonne tournait du côté des méchants sa face ténébreuse. La nuit se fit dans leur intelligence et ils s’enfoncèrent dans des erreurs de plus en plus profondes. Le panthéisme, le fatalisme, le matérialisme, monstrueux systèmes des rationalistes païens, reparurent.
Dès lors ni le dogme, ni la morale, ni l’Église elle-même, rien ne fut sacré. Conséquence inévitable de ces grandes négations, les mœurs se corrompirent ; les révolutions, non pas dynastiques, mais sociales, montèrent à la surface, et les trônes chancelant sur leurs bases surplombèrent en attendant le prochain coup de vent qui devait les renverser.
II ne se fit pas attendre. L’esprit séducteur du paradis terrestre, auquel la moitié de l’Europe s’était abandonnée, ne tarda pas à faire son œuvre, toujours ancienne et toujours nouvelle. De son souffle empoisonné naquirent des sectes nombreuses qui, comme les barbares d’autrefois, se jetèrent sur le monde coupable.
Pendant un siècle et au delà, elles promenèrent le fer, le feu, le carnage, la mort avec des cruautés inouïes, en Allemagne, en Angleterre, en France, en Suisse, en Danemark et dans tous les pays du Nord. À ce prix fut soldée la révolte des nouveaux Égyptiens : c’était justice.
Mépriser une grâce ordinaire, c’est mériter une punition ordinaire ; mais ne tenir aucun compte de grâces exceptionnelles, comme une multitude d’éclatants miracles, c’est appeler des châtiments dont le bruit fera tinter les oreilles à la plus lointaine postérité.
Toutefois, ce n’était là que le commencement des douleurs, et la période de développement du jugement dernier.
QUATRIÈME ÉPOQUE
LE TEMPS ACTUEL. — Pour la quatrième fois, le temps présent nous montre avec une évidence particulière, l’accomplissement de la grande loi de la Providence : lumière éclatante d’un côté, ténèbres profondes de l’autre, séparation de plus en plus marquée entre les bons et les méchants.
Commencé sensiblement à l’époque de saint Vincent, le fait redoutable du jugement dernier est allé se développant avec rapidité, depuis le passage de l’ange de l’Apocalypse.
L’engouement pour l’antiquité païenne brisa les grandes lignes de la civilisation chrétienne dans les lettres et dans les arts ; il donna naissance à la politique césarienne, en vertu de laquelle les rois aspirèrent à se faire Papes ; et de progrès en progrès, il arriva, comme dernière conséquence, à faire reconnaître à l’erreur des droits qu’elle n’a pas et qu’elle n’aura jamais. Un traité public autorisa les hérétiques, faux monnayeurs de la vérité, à battre monnaie dans toute l’Europe et à la mettre en circulation.
Le mouvement séparatiste continua jusqu’à la Révolution française. À cette époque de sinistre mémoire, se révéla dans son effrayante profondeur, l’abîme qui séparait la cité du mal, de la cité du bien.
Nous le savons, les sanglantes fureurs des démagogues n'eurent qu’un temps limité. Il en fut autrement des principes générateurs de la Révolution. Conséquence finale des doctrines précédentes, le plus funeste est la négation de toute religion positive, par la reconnaissance officielle de l’égalité de tous les cultes : c’est l’athéisme légal qui régit l’Europe actuelle.
De là, trois faits inévitables : 1° la radiation des codes modernes des crimes capitaux contre Dieu, qui figuraient en tête des législations chrétiennes : l’hérésie, le blasphème, le sacrilège, le commerce avec le démon ; 2° le mépris et la haine du catholicisme, qui seul se prétend, et avec raison, en possession de la vérité ; 3° enfin, une séparation des bons et des méchants, plus profonde qu’elle n’a jamais été : c’est-à-dire un signe de plus en plus manifeste, que le grand fait du jugement dernier semble approcher sensiblement de son accomplissement final.
Quoi qu’il en soit, deux choses du moins peuvent être affirmées, parce qu’elles sont visibles. La première, depuis le passage de l'ange de l’Apocalypse, la séparation sociale du bien et du mal, des bons et des méchants, est allée en augmentant en largeur et en profondeur.
Que voyons-nous, aujourd’hui ? Ce n’est plus la négation particulière de quelque vérité, comme dans le schisme et l’hérésie, c’est la négation radicale de toute vérité. Ce n’est plus la révolte isolée d’une nation contre l’Église, c’est l’insurrection générale de toutes les nations, comme nations, contre l’Église et le christianisme. Ce n’est plus la guerre à quelque institution chrétienne, c’est la guerre au christianisme tout entier et à tout ce qu’il a fait ou inspiré : hommes et choses.
Nous n’exagérons pas, nous calomnions encore moins. Est-ce que le cri de guerre du monde actuel, du monde méchant, n’est pas ce blasphème que les siècles passés n’avaient jamais entendu, qu’ils n’auraient même pas soupçonné : Le cléricalisme : voilà l'ennemi ?
Avouons-le : pour mettre un pareil langage sur des lèvres baptisées, la malice naturelle de l'homme ne suffit pas : il faut qu’elle soit doublée de celle du démon. Or, cette fureur aveugle constitue le monde actuel dans une position bien autrement grave que celle du monde païen. Les païens marchaient vers le Rédempteur, et le monde actuel lui tourne le dos. Que dis-je ? Non-seulement il se détourne de lui, mais il le poursuit, comme un malfaiteur, de ses injures, de ses calomnies et de ses cris de mort !
Si donc le jugement dernier, annoncé par saint Vincent Ferrier, arrivait aujourd’hui, ferait-il autre chose que de manifester, en le rendant immuable, le fait dont nous sommes témoins ? Que manque- t-il pour que la séparation des bons et des méchants soit aussi profonde et aussi générale qu’elle puisse être ici-bas ?
La seconde chose, encore inconnue au temps du grand thaumaturge, et visible aujourd’hui, pour qui ne veut opposer à l’évidence ni subtilité, ni fin de non-recevoir : c’est l’existence de plus en plus manifeste des grands signes précurseurs du jugement dernier. (...)
Tous ces signes divinement prédits et qui, comme des astres révélateurs, s’élèvent de plus en plus sur l’horizon, ne semblent-ils pas annoncer que le fait du jugement dernier marche à grands pas vers sa troisième période : la période de son accomplissement ? Ainsi, se trouve expliquée et vérifiée la prédiction de saint Vincent Ferrier : car il ne prêchait pas seulement pour ses contemporains, mais encore pour les générations futures.
Nous le répétons : La séparation entre le bien et le mal est à peu près aussi profonde qu’elle puisse être, dans les conditions actuelles de l’humanité. Si elle l’était davantage, je veux dire : si les méchants achevaient de perdre le peu qu’il leur reste de vérités, ils périraient, comme l’homme périt faute d’air respirable : la vérité c’est la vie.
Mais voici de nouveau l’accomplissement de la loi providentielle. Entre les Égyptiens et les Hébreux du dix-neuvième siècle, se place la mystérieuse colonne. Tandis qu’elle jette les méchants dans des ténèbres de plus en plus épaisses, qui les empêchent d’apercevoir l’abîme béant où ils vont se précipiter, elle resplendit aux yeux des bons d’une lumière inaccoutumée. Le moment est venu de mettre en relief ce fait si consolant pour les uns, si menaçant pour les autres.
LES MIRACLES ACTUELS
Depuis plus de vingt ans, un miracle visible, comme l’arc-en-ciel, brille à l’horizon de l’Europe, où il demeure nuit et jour en permanence, et ce miracle en produit une infinité d’autres. Il est d’ailleurs sans précédent et de telle nature, que c’est à n’y pas croire. Quel est-il ?
Deux petites bergères, de douze à treize ans, parfaitement ignorantes et parfaitement ignorées ; qui ne se connaissent pas, qui ne se sont jamais parlé, jamais vues ; placées, l’une au sommet des Alpes, l’autre dans les Pyrénées, déclarent tout à coup que la sainte Vierge leur a parlé. Et voilà que, sur leur parole, des multitudes immenses, composées de personnes de tout âge, de toute condition, de toute science, de tout pays, viennent, malgré les distances, les fatigues, les dépenses, de toutes les parties de l’ancien et du nouveau monde, aux lieux de l’apparition. Tous s’en retournent convaincus ou guéris.
(...)
Pourquoi, en trois jours, cette prodigalité de miracles ? Un événement de cette importance mérite, à coup sûr, d’attirer l’attention publique, et tout esprit sérieux se fait un devoir d’en chercher la signification.
Il se dit : La Providence ne tâtonne jamais ; tout ce qui arrive, arrive à son heure : et, les effets sont toujours en raison directe de la cause. Donc la cause qui produit des effets si étonnants, est d’une extrême gravité. Rien de plus logique que ce raisonnement. Mais pourquoi aujourd’hui cette manifestation inouïe du monde surnaturel ?
Ainsi, gravité de la cause, et à-propos des miracles : double mystère qu’il faut étudier avec soin, par la raison que toutes ces merveilles ne s’accomplissent sous nos yeux, que pour nous éclairer.
Or, les derniers miracles de Lourdes, précédés de tant d’autres, sont la colonne à double face qui vient aujourd'hui, comme autrefois, s’interposer entre le camp des bons et le camp des méchants, entre les catholiques et les révolutionnaires.
Si elle éclaire les uns, nous allons voir qu’elle aveugle les autres. L’obscurité de la nuit dont elle les enveloppe, sera en raison directe de la lumière dont elle resplendit, et qu'ils ne veulent pas voir. Nouvelle et trop réelle image du jugement dernier.
Que font en ce moment les anticléricaux ? Tiennent-ils compte des avertissements providentiels, qui leur sont donnés par les miracles ? Désarment-ils ? Tournent-ils les yeux vers le Père des miséricordes qui leur tend la main, pour les empêcher de tomber dans le précipice ? Ou ils ne comprennent rien à la conduite de la Providence, et ils ne s’en occupent pas ; ou, s’ils daignent s'en occuper, c’est pour blasphémer. Leur obstination à ne pas voir, est donc un nouvel abus de grâces, inévitablement suivi d’un aveuglement plus complet.
Déjà, nous en avons la preuve. Au lieu de s’apercevoir qu’ils font fausse route, et qu’ils vont, comme les Égyptiens, tomber dans la mer Rouge, ils s’obstinent plus que jamais dans le chemin des abîmes. En ce moment même, la France ne les voit-elle pas s’agiter avec une activité fébrile, pour former un sénat de la même couleur que l’autre chambre, et devenir ainsi les maîtres absolus du pays ?
C’est alors qu’étant la Convention ou la Commune légale, ils jetteront la France dans de terribles aventures, la bouleverseront légalement, la ruineront légalement, couperont légalement les têtes qui dépasseront leur niveau ; puis, suivant l’usage, ils se déchireront les uns les autres, et après avoir mangé du clérical, ils mangeront du radical. Cette débauche du socialisme imbécile et sanguinaire finira par allumer un incendie, qui sera pour l’étranger un motif d’intervenir et de consommer la ruine de notre malheureuse patrie.
Telle est la perspective dont les Égyptiens du dix-neuvième siècle menacent les Hébreux d’aujourd’hui. Devenue une réalité. cette perspective sera : LA PERSÉCUTION.
En effet, croire que la Révolution a fini son œuvre et atteint son but, serait ne pas la connaître. Sans doute, elle s’est déjà manifestée par des actes de violence et des mesures injustes. Mais ces actes isolés et plus ou moins transitoires, sont loin de lui suffire. Les rendre généraux et permanents : voilà son dernier mot.
En attendant, elle ébranle par ses doctrines les fondements de l’édifice religieux et social, qu’elle veut renverser. Les trois colonnes de l’État, le clergé, la magistrature, l’armée, sont l’objet de ses attaques incessantes. Mais les combats qu’elle livre dans la région des idées, n'auraient pas le résultat voulu, s'ils n’étaient les précurseurs d’autres combats, qui se livreront dans le domaine des faits.
Étant la négation radicale et armée, la Révolution doit, sous peine d’avorter, faire table rase de tout ce qui s'oppose à la plénitude de son règne intellectuel et matériel. Sous ce double rapport, ce qui lui fait obstacle, c’est le catholicisme, et le catholicisme seul. La raison est facile à comprendre : si la Révolution est la négation absolue, le Catholicisme est l'affirmation absolue.
(...)
Il demeure donc bien évident que la colonne mystérieuse tient sa face obscure, tournée du côté des anticléricaux ; qu’ils sont enveloppés de ténèbres de plus en plus épaisses et possédés d’une haine de plus en plus acharnée contre les catholiques. Entre eux et nous, la séparation ne saurait être plus profonde ; par conséquent le jugement dernier des nations, annoncé par le grand thaumaturge, représenté et même accompli d’une manière plus frappante.
Mais la loi providentielle n'est pas abrogée. Si du côté des Égyptiens la nuit devient de plus en plus noire, la colonne brille du côté des Hébreux d’un éclat inaccoutumé. Cet éclat réside dans la profusion des miracles qui viennent de s’accomplir, en trois jours, au sanctuaire de Notre-Dame de Lourdes.
Reste maintenant à répondre à la question : Pourquoi cette accumulation de prodiges n’a-t-elle pas eu lieu il y a un an ? Pourquoi pas dans un an ? Pourquoi aujourd’hui même, et au mois d’août ?
Rien ne se fait par hasard, ni le mouvement d’une feuille dans la forêt, ni la chute d’un de nos cheveux. Tout arrive à l’heure marquée par la Sagesse infinie, ni plus tôt, ni plus tard. De toute éternité, le mois d’août 1878 était donc fixé pour être le témoin du grand événement qui nous occupe.
Si faible qu’elle soit, la raison en découvre la cause.
C’est à ce moment même que la Révolution mettait en campagne tous ses agents, afin de recruter le plus possible de soldats à l’armée anticléricale ; au moment où elle allait se démasquer elle-même et annoncer l’expulsion universelle du catholicisme : c’est-à-dire la persécution (Discours de Gambetta à Romans).
Dans cette situation, il est facile de comprendre qu’une augmentation de foi, d’amour, de fidélité, de courage était nécessaire aux catholiques d’aujourd’hui. Rien pouvait-il mieux leur procurer ces forces indispensables, que l’éclat fulgurant de quatre-vingts miracles, accomplis en soixante-douze heures ?
Chose digne de remarque ! la France en est le théâtre. Pourquoi la France, plutôt que toute autre partie de l’Église catholique ? Il semble qu’on peut répondre : parce que la France, le pays des bonnes œuvres, est encore, malgré ses erreurs, la bien-aimée de Dieu ; parce que la France est la fille aînée de l'Église, et qu’à ce titre elle doit expier par son héroïque courage, les scandales qu’elle a donnés à ses sœurs ; parce que, enfin, tout l'annonce, c’est en France que les premiers coups seront portés et que le combat sera le plus vif. Il faut donc que les soldats, destinés à soutenir les premiers chocs, soient des soldats d’élite, dont la bravoure servira d’exemple à toute l’armée.
Sans être prophète, on peut le prédire : le combat sera rude, très-rude ; car il sera en raison directe des attaques intellectuelles que, depuis quelques années surtout, la Révolution livre au christianisme. En d’autres termes, la récolte sera de la même nature que la semence, abondante comme elle, radicalement antichrétienne comme elle.
Y a-t-il rien d’aussi effrayant que la statistique des doctrines pestilentielles qui chaque jour tombent sur la France et sur l'Europe ? En voici un léger aperçu, que nous adressons aux endormeurs et aux endormis.
De Paris, l’infatigable laboratoire de l’antichristianisme, sortent chaque jour les grands journaux, ouvertement hostiles à la religion (...)
À ces grands reptiles, s’ajoutent les petites vipères qui composent ce qu’on appelle la presse populaire, la presse à un sou.
(...)
Viennent ensuite les mauvais journaux de province. Pas de département qui n’en ait un, quelquefois plusieurs.
(...)
En résumé : voilà au minimum un million cinq cent mille reptiles venimeux, qui chaque jour se répandent sur la France ! Que disent tous ces journaux ? En termes différents, ou plus ou moins couverts, tous la même chose : Le cléricalisme, voilà l’ennemi!
Il est donc vrai! depuis le commencement de l’année jusqu’à la fin, aux quatre coins de la France, retentit QUINZE CENT MILLE fois par jour, ce cri d’extermination : Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! Mort au cléricalisme !
Grossi des milliers de fois par les journaux étrangers, ce cri de mort, fait incessamment le tour de l’ancien et du nouveau monde : et les multitudes égarées croiront, comme article de foi, qu’il est l’écho de la vérité. Un de nos anciens magistrats disait : « S’il était permis de m’accuser tous les matins d’avoir volé les tours de Notre- Dame, je m’empresserais de prendre la fuite, parce que, tôt ou tard, je serais sûr d’être pendu. »
En 92, ne fit-on pas accroire au peuple que les prêtres, massacrés dans les prisons de Paris, étaient des conspirateurs ? En 1830, des empoisonneurs ? En 1847, des incendiaires ? Aux premiers siècles de l’Église, la plèbe romaine ne croyait-elle pas que les chrétiens étaient la cause de tous les fléaux, qui tombaient sur l’empire ; et dans cette conviction ne criait-elle pas à tue-tête : Les chrétiens au lion : Christianos ad leonem ? Enfin, les chefs de la synagogue ne firent-ils pas croire au peuple juif, que Notre-Seigneur était un perturbateur du repos public, digne de mort ?
S’il n’y a pas d’absurdité si grande qui n’ait été dite par quelque philosophe, il n’y en a pas de si énorme qui, à force d’être répétée, ne soit crue par le peuple.
Ce n’est pas tout. Ces journaux sont accompagnés d’une masse incalculable de mauvais livres en tout genre : politique, philosophie, histoire, littérature, sciences médicales et sciences naturelles ; puis, d’autres productions non moins antichrétiennes : romans, chansons, pièces de théâtre, petits imprimés, feuilles volantes, photographie, caricatures impies ou obscènes : autant de voix qui font chorus avec les mauvais journaux.
La main sur la conscience, qu'on dise si, depuis que le monde est monde, il a jamais entendu un pareil concert de blasphèmes, d’impiétés et de vociférations sanguinaires ; si jamais il a reçu de pareilles avalanches de poisons, et ce qu’il faut attendre d’une époque qui en fait sa nourriture ordinaire, et de l’avenir qu’elle se prépare ?
Grand Dieu ! Si vous ne venez pas à notre aide par le plus éclatant miracle, comment de sang-froid envisager l'avenir ? Si les mauvaises doctrines répandues en 89, ont pu produire l’effroyable explosion de 93 : quelle explosion devra produire une masse de doctrines, non moins subversives, et qui sont aux doctrines du dernier siècle, comme mille est à un !
Qu'est-ce donc que le cléricalisme qu’on dénonce comme l’ennemi du genre humain et dont on demande la mort à grands cris ? C’est tout le catholicisme.
Le fils de Dieu, le rédempteur du monde, Notre-Seigneur Jésus-Christ : voilà l’ennemi !
Le saint Père : voilà l’ennemi !
Les évêques, les prêtres, les religieux, les religieuses : voilà l’ennemi !
Les pères et mères catholiques : voilà l’ennemi !
Les jeunes gens vertueux, les vierges chrétiennes : voilà l’ennemi !
Voilà tous ceux qu’il faut traiter en ennemis, persécuter, dépouiller, exiler, exterminer.
Et après ? — Que mettrez-vous à leur place ?
En inondant le monde de mauvaises doctrines, la Révolution fait ses semailles. Aux nations baptisées, elle crie quinze cent mille fois par jour : À mort le christianisme ! Cet appel à l’extermination n’est pas un vain mot. Dans tous les pays, même au sein des campagnes, des millions d’hommes et de femmes le prennent au sérieux, tous disposés, l’heure venue, à le mettre en pratique. Nous connaissons la semence : la récolte sera de même nature.
(...)
En présence de ce qui est, et en prévision de ce qui sera, Dieu bat le rappel et forme son armée. Du côté d’Israël, la colonne mystérieuse resplendit avec plus d’éclat que jamais. Comme à la naissance du christianisme, il pleut des miracles, au bruit retentissant de ces miracles, accourent des soldats de toutes les parties du monde.
Maintenant, si l’on demande quelle est la raison de cet écrit, nous répondons qu’il a pour but de montrer dans les récents miracles de Lourdes un signe des temps, et d’indiquer aux catholiques les devoirs que ces miracles leur imposent.
D’abord, en quel sens la récente prodigalité des miracles de Lourdes est-elle un signe des temps ? Nous croyons l’avoir établi : dans le même sens que les miracles de Moïse, des apôtres et de saint Vincent Ferrier.
Comme ceux de ces temps-là, ces miracles annoncent une lutte d’autant plus redoutable, par conséquent une division sociale d’autant plus profonde, un signe du jugement dernier d’autant plus accentué, entre les fidèles enfants de Dieu et les adeptes du démon, que les miracles sont plus éclatants et plus nombreux. C’est la colonne du désert, marchant plus lumineuse que jamais devant Israël, et plongeant dans une nuit plus profonde que jamais, les ennemis obstinés du peuple de Dieu.
Catholiques, qui que nous soyons, tenons-nous pour avertis. Écoutons ce qui se dit, lisons ce qui s’écrit, voyons ce qui se passe, songeons à ce qui nous attend. Empruntant les fermes paroles de l’évêque d’Angers, nous disons : « Soyez sur vos gardes. Ces hommes qui parlent de cléricalisme et d’ultramontanisme pour masquer leurs desseins, c’est la religion même qu’ils veulent détruire, en lui enlevant l’une après l’autre toutes ses forces et toutes ses institutions.
« Vos libertés, ils en feront litière ; vos droits, ils n’aspirent qu’à les supprimer. Ordres religieux enseignants ou hospitaliers, écoles chrétiennes à tous les degrés, rien n’échappera à leurs mesures d’oppression, dès l’instant qu’ils ne trouveront plus devant eux d’obstacle légal.
« Que tous les catholiques veuillent donc bien réfléchir à la situation qu’on leur annonce, et sérieusement et à temps, ils sont avertis : C’est là persécution (Réfutation du discours de M. Gambetta.— Angers, 20 septembre 1878). »
De cette lutte à outrance quel sera le résultat ? Le même qu'aux époques signalées plus haut. Les persécutés seront sauvés. L’Église sortira de cette nouvelle épreuve, comme elle est sortie de toutes les autres. (...)
Quant aux persécuteurs, ils périront dans les abîmes qu’ils auront eux-mêmes creusés. (...)
Si nous sommes persécutés, ce n’est pas, on peut le dire, parce que nous sommes chrétiens ; mais parce que nous ne sommes pas assez chrétiens. Le premier devoir des chrétiens d’aujourd’hui est donc d’être plus chrétiens que jamais. Pour chacun de nous, c’est ici une question de vie ou de mort.
Point d’illusion : afin de ne pas succomber dans la bataille qui se prépare, une vertu ordinaire ne suffit plus. À tous les blasphèmes, à toutes les négations, à tous les scandales, à toutes les promesses, à toutes les menaces, à toutes les violences de nos innombrables ennemis, il faut opposer l’arme éternellement victorieuse de toutes les puissances du monde et de l’enfer.
Quelle est cette arme ? La foi ; mais la foi des premiers chrétiens. Pourquoi ? Parce que nous nous trouvons dans une situation analogue à la leur. Ils vivaient, ces admirables enfants de l’église des catacombes, au milieu d’un monde qui n'était pas chrétien ; qui ne voulait pas devenir chrétien, qui persécutait à outrance ceux qui étaient chrétiens, ou qui voulaient devenir chrétiens ; un monde dont le cri de guerre était : « Les chrétiens au lion : Christianos ad leonem. »
Et nous, chrétiens d’aujourd’hui, ne vivons-nous pas au milieu d’un monde qui cesse à vue d’œil d’être chrétien ; qui ne veut pas redevenir chrétien ; qui persécute de toute manière par ses paroles, en attendant qu’il le fasse par ses actes, ceux qui sont chrétiens ou qui veulent devenir chrétiens ; d’un monde dont le cri de guerre est : Mort aux cléricaux ?
Sous peine d’être vaincus, il nous faut donc la foi de nos pères. Une foi qui prie, une foi qui parle, une foi qui agit ; par conséquent, une foi forte comme la leur, simple, lumineuse, active comme la leur : notre salut est à ce prix.
Foi forte : inébranlable comme le rocher, vainement battu par les flots en fureur ; entêtée comme ce puissant Non possumus, qui fit échouer toutes les attaques du monde antichrétien, avec ses armées de proconsuls et de bourreaux, commandés par Satan, leur général en chef, et par ses dignes lieutenants : Néron, Domitien, Dioclétien, Galère, Sapor.
Foi simple : comme celle de l’enfant qui n’hésite pas, qui ne discute pas, qui prend à la lettre la divine parole et qui, dans la pratique va droit au but.
Foi lumineuse, comme le soleil : qui, dissipant les ombres répandues sur les maximes éternelles, les fait resplendir à nos yeux dans tout leur éclat et les grave dans nos âmes avec un burin d’acier. En voici quelques-unes :
Faiblesse de craindre ceux qui peuvent tuer le corps et qui après ne peuvent plus rien : Credo.
Faire mourir un chrétien, c’est le délivrer de prison et lui ouvrir les portes du ciel : Credo.
Mourir n’est pas finir : Credo.
Mourir, c’est naître : Credo.
Tout gagner et perdre son âme, c’est tout perdre : Credo.
Tout perdre excepté son âme, c’est tout gagner : Credo.
Les souffrances de ce monde ne sont rien, en comparaison des joies de l’éternité : Credo.
Foi active : la foi qui n’agit pas est une foi morte. Comme la flamme dans un buisson d’épines sèches, telle était la foi de nos pères. C’est grâce à elle que l’Évangile fit le tour du monde en moins de trente-six ans. Que leur conduite soit le modèle de la nôtre et ne recule devant aucun obstacle, pour établir, rétablir, étendre, affermir le règne de Dieu en nous et dans les autres.
Disons mieux : que l’activité des méchants pour le mal soit la mesure de la nôtre pour le bien. Il ne s'agit plus de nous endormir et de nous contenter d’être chrétiens pour nous seuls. Dans toutes les parties du monde, comme en Europe, des incendiaires mettent le feu à la maison de notre père : que chaque chrétien devienne un anneau de la chaîne destinée à l’éteindre.
L’union fait la force. Arrière tout ce qui divise : opinions politiques, intérêts privés, indifférence, amour du repos, crainte du péril, sympathies ou antipathies personnelles. Unis de cœur, d’esprit, de bourse et de bras, ressuscitons la ligue. Comme nos pères, sachons combattre. À leur exemple, employons pour sauvegarder notre religion, nos familles, nos institutions, nos libertés, nos propriétés, nos vies, tous les moyens moraux et matériels qu’autorise le droit de légitime défense : c’est à ce prix que nous vaincrons.
Mais cette foi, victorieuse de toutes les puissances ennemies, nous ne l’avons pas de nous-mêmes. Afin de la posséder trois choses sont nécessaires : la prière, pour l’obtenir ; la vigilance, pour la conserver ; la pénitence, pour la rendre efficace. Telle est, en effet, l’alternative impitoyable dans laquelle se trouve placé le monde actuel, et nous avec lui : Se sauver comme Ninive pénitente, ou périr comme Jérusalem impénitente.
En résumé : que les catholiques de l’heure présente ; français, italiens, espagnols, allemands, anglais, américains, désignés sous le nom de cléricaux et d’ultramontains, ne se fassent pas illusion : de redoutables épreuves les attendent. La Révolution ne leur fera pas de quartier. La guerre dont elle a fait les préparatifs ressemblera à ces combats de gladiateurs, appelés sans rémission, sine remissione, où tous les combattants, entrés dans l’arène, devaient y rester.
Puisse ce modeste travail éclairer nos frères de tous les pays ; et, en élevant leur courage à la hauteur du péril, contribuer à former ou de nobles vainqueurs ou de nobles victimes !
On raconte de saint Vincent Ferrier, qu'un grand pécheur s'étant venu jeter à ses pieds, il l’écouta patiemment et ne lui imposa qu'une trés-légere pénitence. Cette sainte industrie produisit l'effet qu'il avait prévu ; cet homme chargé de crimes énormes admira la bonté de Dieu, et fut entièrement attendri. Le Saint profitant de cette heureuse disposition, retrancha encore quelque chose de la pénitence ; ce qu'il fit une troisième fois, à mesure que la contrition de son pénitent augmentait. Enfin elle augmenta à un point qu'il ne put pas y résister, et que tombant aux pieds du Saint, il mourut pour ainsi dire entre les bras de la miséricorde, par la violence de son amour et de sa douleur. (Catéchisme de la Perfection Chrétienne, Tome II, par le R.P. Jean-Joseph Surin)
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