Extrait de "Esprit du Curé d'Ars, M. Vianney dans ses catéchismes, ses homélies et sa conversation" (1864) :
Un soir, le serviteur de Dieu paraissait plus accablé que de coutume ; il avait pensé défaillir en faisant le court trajet de son confessionnal à la cure. Ses idées de fuite et de retraite lui revenaient, ce qui ne l'empêchait pas d'être gai, aimable et expansif, autant et plus qu'à l'ordinaire. « Oh ! dit-il en prenant les mains de son missionnaire, si j'étais à votre place, je m'envolerais au ciel !...» Puis, avec une morne tristesse et d'un accent désolé : « Que je suis à plaindre ! je ne connais personne de plus malheureux que moi ! — Monsieur le Curé, combien voudraient changer avec vous ! — Mon ami, ils changeraient leur or contre du cuivre. »
« Mon Dieu ! disait souvent M. Vianney, que le temps me dure avec les pécheurs ! Quand donc serai-je avec les saints !... Le bon Dieu est tant offensé sur la terre, qu'on serait tenté de demander la fin du monde !... s'il n'y avait pas quelques belles âmes pour reposer le cœur et consoler les yeux de tant de mal qu'on voit et qu'on entend, on ne pourrait pas se souffrir en cette vie... Quand on pense à l'ingratitude de l'homme envers le bon Dieu, on est tenté de s'en aller de l'autre côté des mers, pour ne pas la voir. C'est effrayant ! Encore si le bon Dieu n'était pas si bon ! Mais il est si bon !... »
« Ô mon Dieu ! quelle honte nous aurons, quand le jour du dernier jugement nous fera voir toute notre ingratitude ! Nous comprendrons alors... mais ce ne sera plus temps. Notre-Seigneur nous dira : “Pourquoi m'as-tu offensé ?” Et nous ne saurons que répondre. »
« Non ! ajoutait-il en pleurant, il n'y a rien au monde de si malheureux qu'un prêtre ! À quoi se passe sa vie ? à voir le bon Dieu offensé. Toujours son saint nom blasphémé ! toujours ses commandements violés ! toujours son amour outragé ! Le prêtre ne voit que cela ; il n'entend que cela... Il est continuellement comme saint Pierre au prétoire de Pilate, ayant sous les yeux Notre-Seigneur insulté, méprisé, raillé, couvert d'opprobres... Les uns lui crachent au visage, les autres lui donnent des soufflets ; d'autres lui mettent une couronne d'épines ; d'autres frappent sur lui à grand coups. On le pousse ; on le jette par terre ; on le foule aux pieds ; on le crucifie ; on lui perce le cœur... Ah ! si j'avais su ce que c'était qu'un prêtre, au lieu d'aller au séminaire, je me serais bien vite sauvé à la Trappe. »
Il est impossible de comprendre, combien le Curé d'Ars avait à cœur le salut des âmes. On peut dire qu'il gémissait continuellement sur leur perte. On lui a souvent entendu répéter avec un cœur pénétré :
« Quel dommage que des âmes, qui ont coûté tant de souffrances au bon Dieu, se perdent pour l'éternité ! »
« Rien n'afflige tant le cœur de Jésus que de voir toutes ses souffrances perdues pour un si grand nombre... Prions donc pour la conversion des pécheurs : c'est la plus belle et la plus utile des prières. Car les justes sont sur le chemin du ciel, les âmes du purgatoire sont sûres d'y entrer... Mais les pauvres pécheurs !... Il y en a quelques-uns qui sont en suspens. Un Pater et un Ave suffiraient pour faire pencher la balance... Que d'âme nous pouvons convertir par nos prières ! Celui qui tire une âme de l'enfer sauve cette âme et la sienne propre. Toutes les dévotions sont bonnes, mais il n'y en a pas de meilleure que celle-là. »
« Une fois, saint François d'Assise priait dans les bois. “Seigneur, disait-il, ayez compassion des pauvres pécheurs !” Notre-Seigneur lui apparut et lui dit : “François, ta volonté est conforme à la mienne. Je suis prêt à t'accorder tout ce que tu me demanderas.” »
« Sainte Colette demandait la conversion de mille pécheurs ; puis, en y réfléchissant, elle s'effraya de ce grand nombre et s'accusa de témérité. La sainte Vierge lui apparut et lui montra la quantité d'âmes qu'elle avait converties par ses neuvaines... On peut s'offrir en victime pendant huit ou quinze jours pour la conversion des pécheurs. On souffre le froid, la chaleur ; on se prive de regarder quelque chose, d'aller voir une personne qui ferait plaisir ; on fait une neuvaine ; on entend la messe tous les jours de la semaine à cette intention, surtout dans les villes où l'on en a la facilité. Mais il y en a qui ne feraient pas cent pas pour aller à la messe. Ceux qui ont le bonheur de communier souvent peuvent faire une neuvaine de communions. Non-seulement on contribue à la gloire de Dieu par cette sainte pratique ; mais on s'attire une grande abondance de grâces. »
« Vous avez prié, disait M. Vianney à un curé qui se plaignait à lui de ne pouvoir changer le cœur de ses paroissiens, vous avez prié, vous avez pleuré, vous avez gémi, vous avez soupiré ; mais avez-vous jeûné, avez-vous veillé, avez-vous couché sur la dure, vous êtes-vous donné la discipline ? Tant que vous n'en serez pas venu là, ne croyez pas avoir tout fait ! »
« Monsieur le Curé, lui disait un jour son Missionnaire, si le bon Dieu vous proposait, ou de monter au ciel à l'instant même, ou de rester sur la terre pour travailler à la conversion des pécheurs, que feriez-vous ?
— Je crois que je resterais.
— Oh ! monsieur le Curé, est-ce possible ? Les saints sont si heureux dans le ciel ! plus de tentations, plus de misères !...»
Avec un angélique sourire, il répondit :
« C'est vrai ; mais les saints sont des rentiers ! Ils ont bien travaillé, puisque Dieu punit la paresse et ne récompense que le travail ; mais ils ne peuvent plus, comme nous, glorifier Dieu par des sacrifices pour le salut des âmes.
— Resteriez-vous sur la terre jusqu'à la fin du monde ?
— Tout de même.
— Dans ce cas, vous auriez bien du temps devant vous : vous lèveriez-vous si matin ?
— Oh ! oui, mon ami, à minuit ! Je ne crains pas la peine... Je serais le plus heureux des prêtres, si ce n'était cette pensée qu'il faut paraître au tribunal de Dieu avec ma pauvre vie de curé. »
En disant cela, il versait d'abondantes larmes.
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