Méditation pour le 24 novembre
La pensée du purgatoire,
en nous donnant une idée de la sévérité de la justice divine,
porte notre cœur à la pratique de toutes les vertus chrétiennes
II est pour le salut un écueil contre lequel on ne se précautionne pas assez ; c'est celui d'une foi languissante et inutile, d'une foi stérile et inefficace. Or, sans parler de tant d'autres articles de la foi, qui ne sont que dans notre esprit sans passer dans notre cœur pour en régler les mouvements et les affections, nous allons prouver, dans la méditation de ce jour, que, s'il est un dogme de la religion sur lequel on puisse, ou doive nous reprocher une contradiction coupable entre ce que nous croyons et ce que nous sommes, c'est le dogme du purgatoire.
Et, en effet, en croyant le purgatoire, que faisons-nous ? Nous reconnaissons qu'il est un lieu, séjour de douleurs et de larmes, où Dieu exerce les rigueurs de sa plus sévère justice sur des âmes qui lui sont chères, et qui ne peuvent nous être indifférentes ; sur des âmes qu'il aime, et que nous devons aimer. De là si nos mœurs, si notre conduite répondaient à notre foi, que serions-nous ? Nous serions d'abord des hommes de zèle et de charité pour soulager ces âmes que Dieu punit si sévèrement dans le purgatoire ; ce point a été l'objet de nos méditations précédentes, et sans doute elles nous ont prouvé à l'évidence combien notre indifférence pour ces frères souffrants, dont le sort est entre nos mains, serait criminelle ; ainsi il est inutile de rien ajouter pour nous exciter à la compassion envers ces âmes. C'est d'un second effet que la croyance du purgatoire doit produire en nous, que nous nous occuperons : car, la pensée de ce lieu d'expiation ne doit pas avoir pour seul résultat de nous rendre des hommes de zèle et de charité, elle doit encore exciter notre cœur à la pratique des plus grandes et des plus sublimes vertus, en nous donnant une idée de la sévérité de la justice de Dieu ; et, par suite, elle doit nous rendre des hommes de vertu et de sainteté pour éviter ces péchés que Dieu punit si sévèrement dans le purgatoire.
Oui, pour nous changer en des hommes de vertu et de sainteté, en des hommes de vigilance et d'attention, il suffirait de profiter, comme nous le devons, de ce que la foi nous enseigne du purgatoire.
Quelle leçon plus forte, plus touchante ; quelle leçon plus instructive et plus persuasive Dieu pouvait-il nous donner de la haine qu'il a, et de la haine que nous devons avoir pour le péché ? Notre religion entière, il est vrai, n'est qu'un enseignement continuel de la malice infinie et des suites funestes du péché ; elle n'est, dans ses secours, dans ses grâces, que préservatif du péché ; dans sa morale et ses conseils, que précaution contre le péché ; dans ses dogmes et ses mystères, qu'anathème et malédiction contre le péché ; en sorte que, selon la remarque d'un Père, l'homme véritablement chrétien n'est qu'un homme qui déteste le péché, qui redoute le péché, qui craint le péché jusqu'à n'avoir aucune autre crainte. Cependant, de tous les articles de foi chrétienne, ne peut-on pas dire que celui du purgatoire est un des plus puissants et des plus efficaces pour nous défendre de la séduction du péché ? À la vérité, le dogme d'une éternité malheureuse dans l'enfer a quelque chose de plus frappant au premier coup d'œil ; il parle davantage aux sens et à l'amour propre ; mais le dogme du purgatoire a plus de force pour éclairer l'esprit, pour convaincre la raison, pour faire sentir au cœur combien le péché est ennemi de Dieu, combien Dieu est ennemi du péché.
Dans l'enfer, ce sont des péchés qui laissent le pécheur sans excuse, des péchés que Dieu ne peut pardonner sans cesser, pour ainsi dire, d'être le Dieu de justice et de sainteté ; dans le purgatoire, ce sont des péchés qui ne sont pas tant des péchés que des imperfections, des fautes légères ; car l'on peut faire sur le purgatoire la question que le Roi-Prophète faisait sur la sainte Sion : Seigneur, qui habitera dans votre tabernacle ? et répondre avec lui : C'est celui qui marche dans l'innocence, et qui pratique la justice (Ps. 14.). Le purgatoire, qui n'est que comme le portique de la céleste Jérusalem, ne sera ouvert qu'aux âmes fidèles ; on n'y arrive que par la voie de la justice et de la sainteté. Vous êtes étonnés de ce que Dieu ne pardonne jamais dans l'enfer ; vous devez l'être davantage de ce que Dieu punit dans le purgatoire. Dans l'enfer ce sont des hommes ennemis de Dieu, assujettis, asservis au péché, et dont le cœur demeure fermé aux regrets de la pénitence, et ne s'ouvre qu'aux fureurs du blasphème. Dans le purgatoire, au contraire, ce sont des âmes pénitentes, pour qui le plus grand malheur du péché est de l'avoir commis ; ce sont des âmes soumises, sans plainte, sans murmure ; elles baisent avec respect la main qui les frappe ; loin de se révolter contre le Dieu qui les afflige, elles ne savent que louer, que bénir, qu'adorer le Dieu qui les sauve. Et cependant des jours, des années, des siècles peut-être les verront dans les larmes, dans les feux dévorants ; parce que la haine du péché l'emporte dans le cœur de Dieu sur sa clémence et sur sa tendresse. Jésus-Christ les aime ; il en est aimé ; n'importe, il ne les recevra pas dans la plénitude de ses miséricordes, avant que la flamme qui les consume n'ait effacé jusqu'aux derniers vestiges de leurs anciennes fragilités ; donec reddas novissimum quadrantem : Sa Sainteté s'oppose à son amour, sa justice suspend le cours de ses bienfaits.
Ce principe de la sainteté, de la justice infinie de Dieu, démontré si clairement par l'existence du purgatoire, était le principe sur lequel raisonnaient les anciens pénitents, lorsqu'ils se portaient à ces austérités dont le récit épouvante notre mollesse ; c'était aussi le principe sur lequel s'appuyait la primitive Église, lorsque, dans les canons de ses conciles, elle traçait des voies si pénibles, si laborieuses aux pécheurs qui voulaient revenir à Dieu par la pénitence, persuadée que Dieu punira dans l'homme tout ce qui n'aura pas été puni par l'homme, et que la satisfaction, par laquelle nous vengeons Dieu, ne peut approcher des châtiments par lesquels Dieu se venge lui-même. En effet, la foi du purgatoire nous apprend que les plus légères offenses, les fragilités, ne trouvent point de grâce au tribunal de Dieu, dans des âmes saintes et justes, dans des âmes élues et prédestinées. Quelle conclusion pratique dois-je donc tirer de cette foi ? qu'il est de mon plus grand intérêt de fuir jusqu'à l'ombre du péché. En d'autres termes, l'effet que doit produire en nous la foi du purgatoire, si nous savons en profiter, c'est de nous changer en des hommes de vertu et de sainteté pour éviter ces péchés que nous voyons punis si sévèrement dans le purgatoire. La pensée des douleurs de ces saintes âmes doit nous faire sentir la vérité de ces paroles de l'Apôtre ; c'est une chose terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant, après avoir négligé de l'apaiser, de le satisfaire en ce monde qui est le règne de sa miséricorde, et avoir mieux aimé attendre en l'autre qui est le règne de la justice.
CONSIDÉRATION
Sur la terre, c'est le règne de la miséricorde : dans le purgatoire, c'est le règne de la justice !... Cette pensée bien méditée suffirait pour régler notre conduite, nous porter à la pratique de toutes les vertus et nous engager à ne rien négliger pour éviter ce terrible règne de la justice d'un Dieu infiniment saint.
PRIÈRE
Plus je médite sur le purgatoire, plus je suis convaincu, ô Dieu de sainteté ! que le péché, que le moindre péché vous déplaît infiniment et que votre justice exige que vous le punissiez rigoureusement : accordez-moi la grâce de profiter de cette conviction ; qu'elle me pénètre d'une juste crainte de votre sévérité, afin que jamais je ne vous offense de propos délibéré, et que je travaille chaque jour à me purifier de plus en plus pour être sans souillure au moment de paraître devant vous. Par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts
1° Indulgence de cent jours, une fois par jour, accordée à tous les Fidèles qui réciteront, avec un cœur contrit, l'offrande suivante au sacré cœur de Jésus, devant son image.
2° Indulgence plénière, une fois par mois, pour ceux qui l'auront récitée tous les jours du mois, le jour à leur choix, où, s'étant confessés et ayant communié, ils prieront pour les besoins de l'Église.
OFFRANDE
Ô mon aimable Jésus ! moi, NN., pour vous témoigner ma reconnaissance et pour réparer mes infidélités, je vous donne mon cœur, je me consacre entièrement à vous, et, avec le secours de votre grâce, je me propose de ne plus pécher à l'avenir. (Rescrits du 9 juin 1807. — 26 septembre 1817)
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