mercredi 24 février 2021

Qu'il faut s'abstenir de toutes paroles de raillerie, et éviter toute contestation avec le prochain



Nous devons premièrement nous abstenir de dire aucunes paroles piquantes, telles que sont toutes celles qui taxent à mots couverts le prochain, soit en ce qui regarde sa personne, soit la qualité de son esprit ou ses défauts ; car elles sont absolument contraires à la charité. On lâche quelquefois certaines expressions fines et spirituelles pour s'égayer ; mais ces paroles sont encore plus préjudiciables que les autres ; parce que plus elles ont été dites avec grâce et avec sel, plus elles s'impriment et se conservent dans la mémoire de ceux qui les ont entendues : et ce qu'il y a encore de plus fâcheux, c'est que souvent celui qui les a dites, s'applaudit, et semble très satisfait de lui-même, s'imaginant qu'il a heureusement rencontré, et qu'il a fait voir de l'esprit. Cependant il se trompe ; car, au lieu de faire remarquer la beauté de son esprit, on ne voit seulement en lui qu'une inclination perverse ; puisque l'esprit que Dieu ne lui a donné que pour en faire un bon usage, et pour le servir, il l'emploie à dire de bons mots qui blessent et qui scandalisent le prochain, qui troublent la paix et la charité. Est-il rien de plus opposé à l'esprit du christianisme ? Il faut donc être très-attentif à ne rien dire, à ne rien faire, et surtout à ne rien rapporter de tout ce qui porte un caractère de malignité, comme d'inventer des ressemblances ridicules, de donner des sobriquets, de contrefaire quelqu'un, ou enfin de le noter de quelqu'autre manière que ce soit ; tout cela doit être tellement supprimé, qu'il ne faut pas même que, soit en riant, soit autrement, on prenne jamais de semblables libertés, et qu'on se permette de telles légèretés. Que chacun en juge par soi-même : Seriez-vous bien aise, par exemple, qu'un autre fît de vous quelque application ridicule et quelque portrait bizarre, qui apprêtât à rire à vos dépens ? Or, comme il est probable que vous n'y prendriez aucun plaisir, ne faites donc pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on fît à vous-même ; car c'est là la véritable règle de la charité.
Il faut aussi éviter soigneusement d'enter en contestation avec qui que ce soi ; parce que c'est une chose également contraire à l'union et à la charité. Saint Paul nous en avertit, lorsqu'écrivant à Timothée, il lui dit (2 Tim. 2, 14) : Ne contestez point de paroles, car cela ne sert qu'à scandaliser ceux qui écoutent. Et un peu après (Ibid. 24) : Il ne faut point qu'un serviteur de Dieu s’amuse à contester ; mais il faut qu'il soit doux envers tout le monde, et qu'il ait de la docilité et de la patience. Tous les saints nous donnent la même leçon et le même avertissement. Saint Bonaventure (Bon. in spec. discip. c. 3) dit que rien n'est plus indigne de la qualité de serviteurs de Dieu, que de contester les uns contre les autres, comme des femmes du commun ; et saint Jean Climaque assure encore que l'opiniâtreté que l'on fait paraître dans les choses mêmes où l'on a raison ne peut venir que du démon ; la raison qu'il en donne, est que ce qui porte ordinairement un homme à soutenir son sentiment avec chaleur, c'est l'envie qu'il a d'être estimé ; de là vient que pour paraître plus habile qu'un autre, il tâche de le convaincre, ou s'il ne peut pas sortir victorieux de la dispute, il essaie au moins de faire voir qu'il n'y a point eu de désavantage : c'est donc toujours le démon de l'orgueil, qui est la cause de cette opiniâtreté.
Au reste, s'il arrive que quelqu'un vous contredise, n'insistez pas, et ne vous mettez pas non plus dans l'esprit de l'emporter sur lui ; marquez seulement une ou deux fois avec douceur quel est votre sentiment, après quoi laissez-lui croire ce qui lui plaira, et imposez-vous silence, comme si vous n'aviez plus rien à lui opposer : évitez surtout de vous conduire comme quelques-uns qui, par un murmure secret et sourd, et par quelques gestes qui leur échappent en cédant, cherchent à faire connaître qu'ils ne cèdent que par complaisance, mais que les autres ont tort.

(Abrégé de la pratique de la perfection chrétienne)


Reportez-vous à Que tous nos discours et nos entretiens doivent être de Dieu ; et de quelques moyens qui peuvent y contribuer, Prière à Saint Jean, disciple que Jésus aimait, De l'amour du prochain, Prière pour obtenir l'humilité, l'exemple de Saint Robert Bellarmin et de Saint Ignace, et comment acquérir cette vertu, La parfaite charité n'attend pas qu'on la recherche, De la Charité à l'égard du prochain : Du mérite et de l'excellence de cette vertu, Prière pour demander la patience, Prière pour demander l'humilité, Prière pour les Ennemis et Prière pour demander la charité.