Extrait de "LES SAINTS ÉVANGILES DES DIMANCHES ET DES PRINCIPALES FÊTES DE L'ANNÉE", par M. l'Abbé A. Guillois :
« On amena à Jésus un homme qui était sourd et muet. » C'est un triste spectacle, aux yeux de la foi, qu'un Chrétien qui n'entend plus la voix de Dieu, qui ne parle plus à Dieu. Mais quelque déplorable que soit cet état, il est encore une main puissante qui peut l'en faire sortir ; il n'a qu'à se faire conduire à Jésus-Christ par ceux qui s'intéressent à son salut. — « Jésus, tirant cet homme de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles et de la salive sur la langue. » Ce qui rend un pécheur sourd à la voix de Dieu, c'est le fracas du monde au milieu duquel il vit, c'est le tumulte des affaires, c'est le bruit des passions. Pour le disposer à entendre, il faut auparavant le tirer de la foule ; mais il faut aussi que Jésus-Christ le touche particulièrement de sa grâce. « Puis levant les yeux au ciel, il jeta un soupir, et dit : Ephpheta, c'est-à-dire, ouvrez-vous ; aussitôt ses oreilles furent ouvertes, sa langue déliée, et il parlait distinctement. » Toutes ces différentes actions n'étaient point nécessaires pour la guérison de cet homme ; une seule parole, un seul acte de la volonté du Sauveur aurait suffi ; mais elles étaient nécessaires pour notre instruction : Jésus-Christ nous apprend par là qu'un pécheur est bien difficile à convertir, quand il ne veut point entendre parler de son état, ni s'en expliquer lui-même à ceux qui pourraient l'en tirer ; il faut lever les yeux au ciel, il faut gémir ; c'est-à-dire qu'il faut prier, qu'il faut faire pénitence pour ces sortes de pécheurs, et forcer pour ainsi dire le ciel, par une sainte importunité, de toucher leur cœur et de les convertir. — « Ephpheta, c'est-à-dire, ouvrez-vous. » Ce mot mystérieux fut aussi prononcé sur vous, au moment de votre baptême, afin que vos oreilles s'ouvrissent aux vérités de la foi et aux préceptes de l'Évangile. Elles se sont en effet ouvertes par la vertu de ce mot puissant ; mais ne se sont-elles point refermées depuis ? Et votre langue qui, sur les fonts sacrés, fut déliée pour confesser hautement la foi de Jésus-Christ, n'est-elle point aujourd'hui comme paralysée ? De nos jours, hélas! que d'infortunés qui sont tout à la fois sourds et muets ! sourds à toutes les inspirations de la grâce ; muets quand il faudrait parler et se montrer franchement Chrétiens. N'êtes-vous point de ce nombre ? Que de muets surtout au tribunal de la pénitence ! que de pécheurs qui manquent de sincérité et cachent des péchés en confession ! En vain l'Église ne cesse-t-elle de leur répéter, par la voix de ses ministres, que la confession, pour être bonne et pour conduire à la grâce de la justification, doit être faite avec une bonne foi pleine et entière ; ils se laissent dominer par le démon de la mauvaise honte, et sortent du saint tribunal plus coupables qu'ils n'y étaient entrés. Vous n'osez déclarer vos péchés... Et que craignez-vous donc ? la sévérité du Prêtre ? Mais un confesseur, quoique votre juge, manque-t-il jamais de vous parler en père ? Si quelquefois il parle avec force et énergie, s'il exige de vous quelque sacrifice, c'est qu'il le juge nécessaire au salut de votre âme. Un médecin est-il un bourreau, parce qu'il emploie le fer et le feu à guérir une plaie que des remèdes plus doux entretiendraient et rendraient mortelle ? Qu'arriverait-il, d'ailleurs, si le dépositaire des secrets de votre conscience ressemblait à ces ministres séducteurs dont parle Jérémie, qui traitent d'une manière honteuse les plaies du peuple, disant : La paix, la paix, quand il n'y a point de paix ? Qu'arriverait-il, s'il ressemblait à ces Prophètes lâches et mous par intérêt, qui, selon Ézéchiel, mettent des coussins sous tous les coudes, et des oreillers sous toutes les têtes ? il tuerait votre âme, en prétendant la guérir, et vous conduirait à l'enfer, en voulant élargir la voie qui conduit au ciel. — Vous n'osez déclarer vos péchés.... Et que craignez-vous donc ? l'indiscrétion du Prêtre ? Toutes les lois divines et humaines l'obligent à se taire. Votre secret est plus sûr entre ses mains que dans les vôtres : vous, vous pouvez parler de vos péchés; le confesseur ne peut pas même y penser. Au saint tribunal, le confesseur a dû tout savoir ; sorti du tribunal, il est tenu de tout ignorer. Quand il s'agirait du salut d'un état tout entier, et, par impossible, de la conservation de la foi dans un empire, il n'aurait d'autre parti à prendre que le silence. Il ne pourrait user, ni directement, ni indirectement, de la connaissance acquise par la confession, pour conserver ses propres jours, et n'eût-il point d'autre moyen d'éviter la mort, il devrait mourir, plutôt que de rompre l'inviolable secret de la confession. Du reste, on peut dire que Dieu veille lui-même à la conservation de ce secret. Dans les jours mauvais, tout a été violé, excepté le secret des âmes et des consciences ? De nombreuses apostasies ont eu lieu : à-ton jamais entendu dire que des confessions aient été révélées ? Ce qu'il y a de plus étonnant encore, c'est que, plusieurs fois, on a interrogé des Confesseurs dans la folie et dans le délire, des Confesseurs qui déraisonnaient sur tout autre objet ; leur parlait-on de confession ? ils reprenaient leur sens pour réprimer l'audace de ceux qui les interrogeaient. — Pécheurs, qui que vous soyez, bannissez donc toute crainte, n'écoutez plus ce démon muet qui, jusqu'à ce jour peut-être, vous a fermé la bouche, et déclarez avec candeur et ingénuité tous vos péchés, quelque nombreux et quelque énormes qu'ils puissent être.
PRIÈRE
Faites, ô Jésus ! que mes oreilles soient toujours ouvertes aux vérités de la foi et aux préceptes de votre Évangile ; rendez-moi docile à toutes les inspirations de votre grâce, et déliez ma langue, afin que je déclare avec sincérité à votre ministre tous les péchés dont je me suis rendu coupable, et que je mérite d'en obtenir le pardon. Ainsi soit-il.
Reportez-vous à Réflexions pratiques sur la Transfiguration.