SAINT CHRISTOPHE, MARTYR
IIIe siècle.
(CHRISTOPHORUS, en Grec, qui porte le Christ)
Patron des Navigateurs, Marins, Bateliers, Porteurs de grains, Déchargeurs de bateaux, Charpentiers, Scieurs de long, Portefaix, Forts de la Halle, Crocheteurs, Fruitiers, Jardiniers, Arbalétriers, Voyageurs dans les montagnes, Teinturiers, Chapeliers, Foulons, Marchands de poulets, Marchands de beurre. — Invoqué contre les Périls de la mer, la Foudre, les Orages, la Grêle, les Démons, la Famine, les accidents de toutes sortes, la Mort subite, l'Impénitence finale, la Peste, l'Épilepsie, les Maux de dents, pour les Pommes, les Orangers, pour les Enfants langoureux.
On voit encore à l'entrée intérieure d'un certain nombre d'églises, un géant, appuyé sur un bâton très long et très gros, qui travers le lit d'un torrent soulevé par la tempête, en soutenant sur ses épaules un enfant au nimbe crucifère.
Ce personnage n'est autre que saint Christophe ; au Moyen-âge, on pensait qu'il suffisait de regarder son image peinte ou sculptée pour être préservé pendant tout le jour des catastrophe les plus terribles, aussi plaçait-on sa figure dans des lieux apparents où il était facile de la voir ; on avait surtout l'habitude de la placer à l'entrée des églises, afin que ceux qui étaient pressés par le temps, pussent au moins l'apercevoir en entrouvrant la porte ! C'est pourquoi on le trouve peint ou sculpté intérieurement à la porte de presque toutes les églises, surtout des cathédrales ; il était sculpté à Notre-Dame de Paris, à Nevers, à Amiens, à Notre-Dame de Moulins, à Notre-Dame et à Saint-Père de Chartres ; à Florence, sur la façade de San-Miniato, un des Pollaioli (Famille de peintres Florentins) avait peint un saint Christophe de vingt pieds ; à Strasbourg on le voit également à une porte latérale, mais dans un vitrail d'une grande hauteur. Sur une gravure en bois de la Bibliothèque nationale qui passait, il y a quelques années, pour la plus ancienne connue, se montre saint Christophe avec l'inscription qui témoigne de sa vertu spéciale contre la mort subite et l'impénitence finale.
CHRISTOPHORI faciem qusumque tueris
Illa nepè die MORTE MALA non morieris.
Quel que soit l'endroit où tu auras vu l'image de saint Christophe, ce jour-là même tu es assuré de ne pas mourir d'une mauvaise mort.
À Venise, sous le porche de Saint-Marc, on voit une mosaïque représentant saint Christophe, avec la variante de ces vers :
CHRISTOPHORI sancti speciem quicumque tuetur
Illo namque die NULLO LANGUORE tenetur.
Quiconque aura vu l'image de saint Christophe, ce jour-là même ne sera affligé d'aucun mal.
À Milan, sur le mur extérieur du porche de Saint-Ambroise et sur la façade d'une maison, se lisent ces mots sous les images du Saint :
CHRISTOPHORUM videas
Postea tutus eas.
Après avoir vu Christophe, tu peux t'en aller tranquille.
Un dicton, cité par l'abbé Daguin (Curé de Perrancey (Haute-Marne). Notice sur les sept images de saint Christophe. Langres, Messager de la Haute-Marne), interprète ainsi cette inscription :
Si vous avez vu SAINT CHRISTOPHE
Ne craignez nulle catastrophe.
Les Bollandistes mentionnent deux autres vers qui expriment à peu près la même idée :
CHRISTOPHORE sancte
Virtutes sunt tantoe
Qui te mane videt
Nocturno tempore ridet.
Saint Christophe, ta vertu est si grande que celui qui t'a vu le matin peut rire pendant la nuit.
La légende de saint Christophe n'a pas été inscrite dans les bréviaires autorisés des divers diocèses d'Italie, de France et des autres pays ; mais néanmoins elle mérite quelque respect pour l'hospitalité qui lui a été accordée dans une foule de sanctuaires, bien que cette hospitalité le plus souvent, se soit exercée seulement près de la porte, il est d'ailleurs nécessaire de connaître cette légende pour expliquer quelques-uns des patronages ou quelques-unes des invocations mentionnées plus haut.
D'origine chananéenne, il s'appelait primitivement Reprobus (réprouvé) (Légende Dorée, traduction de Jehan du Viguay, 1493). C'était un homme d'une taille gigantesque, fier de sa force prodigieuse qu'il estimait au-dessus de toute chose, il résolut d'entrer au service du prince le plus puissant de la terre. Il se mit en route et arriva à la cour d'un roi qui passait pour le plus redoutable du monde entier ; mais Reprobus s'aperçut que chaque fois qu'on prononçait le nom de Satan devant ce prince, il se signait ; sur les instances de Reprobus, il fut obligé de convenir qu'il agissait ainsi par crainte du Diable et pour se préserver de ses embûches. « Tu n'es donc pas le roi le plus puissant de la terre, lui dit le géant, aussi tu trouveras bon que j'aille à la recherche de ce Satan que tu crains, car je veux me faire son serviteur ». Après avoir marché longtemps, il se trouva face à face avec un guerrier d'un aspect terrible qui conduisait une grande armée et qui l'arrêta : « Où vas-tu ? » lui dit-il. — « Je cherche Satan pour entrer à son service, reprit Reprobus ». — « En ce cas, réplique l'autre, ne va pas plus loin, car c'est moi qui suis Satan ». Reprobus s'inclina et se rangea parmi les serviteurs du Diable. Tout en continuant leur route, ils atteignirent bientôt un carrefour au milieu duquel s'élevait une croix. À cet aspect, le démon pâlit et voulut se détourner, mais Reprobus l'ayant interrogé sur la crainte qu'il manifestait, Satan fut obligé d'avouer qu'en présence de ce signe redoutable de la croix, sur laquelle Jésus, le fils de Dieu était mort, il ne pouvait s'empêcher de trembler au souvenir de celui qu'il reconnaissait comme son maître. « En ce cas, ce Jésus que tu crains, dit Reprobus, est plus puissant que toi. Je te quitte donc pour ne servir que lui. »
Après avoir arpenté bien du pays, il vint frapper à la cellule d'un Ermite, qui lui apprit que Jésus-Christ n'était autre que le roi du ciel et de la terre, mais que pour le servir, il fallait s'imposer de rudes devoirs et de nombreuses privations ; Reprobus ne voulait ni jeûner, ni prier. « En ce cas, lui dit l'Ermite, tu vois cette rivière large et profonde, emploie ta vigueur à lutter contre le courant et à porter ceux qui voudront traverser ». Ayant déraciné un palmier, Reprobus s'en servit comme d'un bâton pour se diriger à travers les flots, et se mit en devoir de remplir, sans relâche, la tâche qu'il s'était imposée. Un soir, il découvrit à l'aide de sa lanterne, un enfant qui le suppliait de le passer, le colosse plaça l'enfant sur ses épaules et prit son bâton ; mais à mesure qu'il avançait, l'eau montait de plus en plus, et le poids de l'enfant était si considérable qu'il se sentait sur le point d'être englouti. Enfin, après avoir déposé sur le rivage le petit voyageur, il lui demanda qui il était ? « Ne t'étonne pas, lui dit l'enfant, tu as porté plus que le monde, puisque tu avais sur tes épaules le créateur du ciel et de la terre. C'était moi que tu voulais servir en accomplissant cette œuvre charitable ; pour te prouver ma reconnaissance, plante ton bâton dans le sol, il va se couvrir de feuilles et de fruits ». Ce qui fut dit fut fait, alors Reprobus tomba la face contre terre, adora Jésus-Christ et se convertit à la vraie foi.
C'était l'époque de la persécution de Dèce, le juge de la province de Lycie, ayant ouï parler du géant chrétien, le fit venir devant lui : « Qui es-tu ? » lui demanda-t-il ; « on m'appelait jadis Reprobus ; maintenant on m'appelle Christophore ou simplement Christophe, parce que j'ai porté le Christ. »
Cette légende trouve sa terminaison dans le bréviaire romain :
« En Lycie, martyre de saint Christophe qui, sous Dèce, fut cruellement fouetté avec des verges de fer, fut préservé des flammes d'un foyer ardent par le secours de Jésus-Christ, fut percé de flèches en dernier lieu, et comme complément de son martyre, eut la tête tranchée. »
Les Bollandistes, Surius et Ribadaneïra mentionnent qu'avant de recevoir le coup mortel, il supplia Notre-Seigneur de se rendre propice à ceux qui imploreraient la miséricorde divine par son intercession, de les délivrer des démons, de les préserver de la Grêle, de la Peste, de la Famine. Dix mille chrétiens, qu'il avait exhortés au martyre, furent exécutés après lui.
Le culte de saint Christophe s'étendit rapidement dans toutes la chrétienté, il est compté dans le nombre des quatorze saints Auxiliateurs dont il sera question au 14 novembre.
À cause du transbordement qu'il opérait plusieurs fois par jour pour transporter les voyageurs d'un bord à l'autre de la rivière dont il a été parlé plus haut, en luttant contre le courant et appuyé sur son long bâton, les Navigateurs, les Marins, les Bateliers l'ont choisi pour patron et l'ont invoqué contre la Foudre, la Grêle et les Orages.
Dans un recueil général de formules usitées dans l'empire des Francs du Ve au Xe siècle (par E. de Rozière), on trouve la prière suivante :
CONTRA tempestates ET grandines.
OREMUS
À domo tua, quoesumus, Domine Spiritales nequitioe repellantur, et per virtutem sanctoe crucis, per preces sanctorum apostolorum et sancti CHRISTOPHORI et sancti Clementis et sancti Cyrilli et omnium sanctorum tuorum aerarium discedat malignitas tempestatum. Per.
Contre les TEMPÊTES et la GRÊLE.
PRIONS
Nous vous en prions, Seigneur, que la malice des Esprits soit chassée de votre maison et par la vertu de la Sainte Croix, par les prières des saints Apôtres, de saint Christophe, de saint Clément et de saint Cyrille et de tous vos saints, que la malignité des tempêtes de l'air disparaisse.
Les Porteurs de grains, les Déchargeurs de bateaux, les Charpentiers, les Scieurs de long, les Portefaix, les Forts de la halle, les Crocheteurs, tous les ouvriers qui, par leur profession, sont obligés de déployer une grande force pour soulever des poids considérables, l'ont naturellement choisi pour patron.
Le bâton de saint Christophe fiché en terre et produisant instantanément des fleurs et des fruits, doit être l'origine du patronage des Jardiniers, des Fruitiers et des Marchands orangers. Quant à la bénédiction des Pommes, qui a lieu dans quelques localités le jour de la fête du Saint, nous croyons avec l'abbé Corblet, que cette intervention de saint Christophe au sujet des Pommes, provient de la coïncidence de sa fête (25 juillet), avec la maturité des premières Pommes. On fait également intervenir pour cette même bénédiction, saint Jacques Majeur, dont la fête tombe le même jour. Dans un très vieux rituel, à l'usage du diocèse de Reims, on trouve :
Benedictio POMORUM in die festi beatorum Jacobi et CHRISTOPHORI hoc modo :
Post Missam dictoe diei presbyter existens in albis cum stola benedicit POMANOVA et post benedictionem clericus distribuit POMA assitentibus
Sequitur benediction :
OREMUS
Benedic, Domine, hunc fructum arborum, ut hi omnes qui utentur ex eo sint in perpetuum sanctificati. Per, etc.
La bénédiction des pommes au jour de la fête des saints Jacques et Christophe, se fait de cette manière.
Après la messe de ce jour, le prêtre revêtu de l'Aube et de l'Etole, bénit les pommes nouvelles, et après cette bénédiction, un clerc distribue des pommes aux assistants.
Voici cette bénédiction :
PRIONS
Bénissez, Seigneur, ce fruit des arbres, afin que tous ceux qui en mangeront, soient sanctifiés pour l'Éternité.
D'après A. Forgeais (Plombs historiés), les Fruitiers de la ville de Paris, sous le patronage de saint Christophe, étaient en communauté et avaient des statuts depuis 1412, renouvelés en 1499, confirmés par Henri IV (1608) et par Louis XIII (1612).
À Hangest-sur-Somme, diocèse d'Amiens, dit l'abbé Corblet (Hagiographie du diocèse d'Amiens), le jour de la fête des Brandons, c'est-à-dire au premier dimanche de Carême, les jeunes gens parcouraient la place, vers le soir, avec des torches enflammées et chantaient ce refrain :
Saint Christophe
Envoyez-en de grosses
(C'est-à-dire de grosses pommes,)
Des tiots cafignons
Pour manger en saison.
À Buigny-les-Gamaches du même diocèse, continue le même auteur, naguère encore, les jeunes gens allumaient un feu d'éteules dans les champs, et dansaient autour en chantant :
Bonhour, bonhour, Saint Christophe
Envoyez-nous des pommes grosses,
Des cafignons
Pour manger dans l'saison.
À Mareuil, même diocèse (M. Pravon, rues d'Abbeville), la chapelle de saint Christophe était fort courue des fidèles ; on y allait en pèlerinage un peu mondainement, il est vrai. On y mangeait les premières prunes et dans ce temps de simples mœurs et de distractions naïves, ce n'était pas là un des moindres attraits de la dévotion au Saint du pays.
Les Voyageurs dans les montagnes ont choisi saint Christophe pour patron, probablement à cause du long bâton avec lequel il est représenté, bâton que portent ordinairement les montagnards et les touristes qui veulent faire l'ascension de quelque pic élevé ; peut-être aussi parce que dans ces excursions on rencontre souvent des torrents, dont la traversée ne s'effectue pas toujours sans dangers, on désire d'être sauvegardé contre ces éventualités. Dès l'année 1386, dans les Apennins, une confrérie s'était mise sous la protection de saint Christophe, et depuis cette époque jusqu'à l'année 1614, on y voit figurer quatre archiducs d'Autriche et huit évêques (Bollandistes).
Nous avons vu plus haut qu'avant de recevoir le coup mortel, saint Christophe demanda à Dieu que ceux qui l'invoqueraient fussent préservés des Démons, de la Grêle, de la Peste et de la Famine. On a dû naturellement se recommander à lui contre ces fléaux ; l'invocation contre la Peste est basée encore sur un autre motif ; en effet, saint Christophe ayant été percé de flèches, il y a lieu de remarquer, comme nous l'avons démontré pour saint Sébastien, que les flèches sont les hiéroglyphes de la Peste, non seulement chez les anciens, mais encore dans l'Écriture sainte où cette maladie est regardée comme les flèches de Dieu.
Saint Vincent Ferrier propagea, en Espagne, cette invocation adressée à saint Christophe, pendant une peste qui sévit à Valence.
En Catalogne on chante encore un cantique (Goigs), adressé à saint Christophe, dont nous donnons le verset suivant :
De fam, Pedra y PESTILENCIA
De calamarsa, y de foch
Vos dota la alta Potencia
Deslliureu à tot Iloch.
Contre la Famine, les Grêlons, la Peste
La Grêle et le feu
Le Très-Haut vous a donné pouvoir
Et vous en délivrez tout lieu.
M. l'abbé Corblet s'exprime ainsi : « Saint Christophe dont le seul aspect protégeait contre tous les dangers, devait être surtout visité en temps de Peste ; aussi lui donne-t-on place sur une médaille de confrérie amiénoise instituée pendant la Peste de 1581. On économisait ainsi, pour les pieux confrères de saint-Firmin-le-Confés, la course qu'il leur aurait fallu faire jusqu'à la cathédrale ; il leur suffisait de considérer dévotement leur médaille, pour espérer la préservation de toute atteinte contagieuse. »
Antonio Castiglioni, auteur d'un livre écrit en latin sur les Antiquités de Milan, a consacré un chapitre sur la dévotion des Milanais au grand saint Christophe, sous l'invocation duquel on avait construit une église en dehors de la ville, du côté de la porte du Tessin. Les murs de cet édifice étaient encore, du temps de l'écrivain, couverts d'images du saint qu'avaient fait peindre des individus guéris de la peste. Il est probable que si saint Christophe a été représenté avec une tête de loup ou de chien, c'était pour rappeler la contrée de sa naissance, la Lycie, qui a reçu ce nom à cause de la grande quantité de « loups » qui l'infestaient, d'où « Lycie », regio Luporum, en prenant l'étymologie grecque.
À cause des Flèches qui furent lancées contre saint Christophe, avant qu'on ne lui tranchât la tête, les Arbalétriers l'ont choisi pour patron.
Une prière qui se trouve à la fois dans les heures de Jehan Poitevin (1478), celles de Jehan Pychore et Remy de Laistre (1503), et dans celles de Simon Vostre (1507), prouve que saint Christophe était invoqué contre toutes les douleurs et tous les tourments de cette vie. Nous croyons devoir la citer :
Saint Christophe, grand martyr du Seigneur, je vous prie par le nom du christ, votre Créateur et par ce privilège qu'il vous a conféré, en vous donnant son nom à vous seul ; je vous supplie au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, afin que par la grâce que vous avez reçue, vous me soyiez propice auprès de Dieu et de sa Sainte-Mère à moi pauvre pécheur et votre serviteur. Faites-moi également par votre pieuse intervention triompher de tous ceux qui me veulent du mal ; et par ce poids léger qui est le Christ et que vous avez mérité de porter heureusement sur vos épaules à travers un torrent maritime, daignez alléger mes angoisses présentes : les misères, les tribulations, les machinations mauvaises et perverses, les conspirations frauduleuses, les mensonges, les faux témoignages, les suggestions cachées ou à découvert et tout ce que les ennemis de la vérité s'efforcent de faire peser sur moi votre serviteur par leurs désirs et leurs projets contre mon honneur, afin que je puisse, mon honneur intact et ma vie sauve, me réjouir avec vous dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
D'après M. l'abbé Corblet qui cite M. Fl. Lefils (Géogr.), « le village de Lanchères (diocèse d'Amiens) donnait autrefois lieu à un pèlerinage à saint Christophe, patron de l'église. Les Enfants langoureux y étaient guéris. On passait au Saint une chemise que les Enfants portaient ensuite tous le temps d'une neuvaine qui se faisait devant l'image du Saint. »
Didron (Ann. Arch. XX, 279) raconte qu'il a souvent vu dans les églises grecques, saint Christophe représenté avec une tête de chien ou de loup, sans pouvoir obtenir aucun éclaircissement à cet égard, la réponse se trouve dans le Menologium Groecorum (9 mai) :
Quelques auteurs racontent de ce Saint des choses étonnantes et merveilleuses, entr'autres qu'il avait primitivement une tête de chien et qu'il dévorait les hommes, et qu'ensuite, ayant cru en Jésus-Christ, il changea de figure. Cependant, il n'en fut point ainsi ; mais quelques-uns disent qu'il a été ainsi traité, parce qu'il était païen, féroce et terrible.
Ce géant portant le Christ, placé à la porte des Églises comme une sentinelle, a toujours singulièrement exercé les intelligences. En terminant, je transcris des vers latins très curieux, cités par les Bollandistes. Ces vers donnent, à cette statue, un sens essentiellement symbolique, ils sont inscrits au bas d'une gravure du Saint qui est interpelé directement :
— Qui es-tu ? — Je suis l'image de celui qui confesse le Christ dans la sincérité de son cœur et auquel cet enfant que je porte a donné un doux nom.
— Quel est cet enfant ? — Le Christ.
— À quoi bon cette immense taille de géant pour porter le fardeau léger d'un petit enfant ?
— En apparence cet enfant paraît petit à tous les yeux, et cependant dans tout l'univers, il n'y a rien de pus grand que lui ; ainsi doivent être robustes de corps et d'esprit ceux qui veulent être les porteurs du Christ par leur bouche.
— Pourquoi en entrant à travers les rochers d'une mer gonflée par la tempête, repousses-tu les flots ennemis avec cet arbre énorme ? — En cette mer que je foule aux pieds, vois le monde pervers ; c'est lui qui suscite aux âmes pieuses les plus redoutables dangers. Dans cet arbre, ne vois pas autre chose que la sainte parole qui dirige les cœurs pieux à travers les adversités. Instruits par elle, nous nous précipitons à travers les rochers, à travers le feu, nous qui enseignons le grand œuvre opéré par le mérite du Christ.
(Extrait de Les Saints Patrons des Corporations et Protecteurs, Louis du Broc de Segange).