LE DON DES MIRACLES
Autour de l'angélique figure du Pape s'était créée une auréole de sainteté. Au Vatican et au-dehors, toutes les bouches colportaient avec émotion les grâces et les miracles obtenus par ses prières ou par sa simple bénédiction. Ces bruits étant parvenus jusqu'à lui, il en plaisantait : « Voilà qu'on raconte et qu'on imprime que je me suis mis à faire des miracles, comme si je n'avais pas autre chose à faire. » Et il ajoutait avec un sourire : « Que voulez-vous !... En ce monde, il faut tout faire ! » Mais la voix populaire ne se trompait pas. Le saint Pontife n'avait-il pas inauguré son règne par une bénédiction qui avait frappé de « stupire » le Vatican ?
Le cardinal Herrero y Espinosa, archevêque de Valence en Espagne, déjà vieux de quatre-vingts ans, fut atteint pendant le Conclave d'une maladie mortelle.
Le jour même de son élection, Pie X, en dépit de sa fatigue, se rendit dans sa chambre, accompagné des cardinaux Samminiatelli et Satolli et de Mgr Merry del Val, pour assister à son agonie.
Le cardinal, averti de la présence du nouveau Pape, ouvrit les yeux et, d'une voix affaiblie, sollicita la Bénédiction Apostolique.
Pie X se recueillit un instant et, effleurant de la main son front, le bénit.
À ce contact, le mourant se ranime. Trois jours plus tard, il était sur pied et, peu après, retournait en Espagne, « ramené à la vie, disait-il lui-même, par une Bénédiction de Pie X ».
Ce cas prodigieux n'était pas nouveau dans la vie de Pie X. Evêque de Mantoue, n'avait-il pas guéri, avec une simple bénédiction, la domestique d'un curé de Trévise, souffrant d'un mal que les médecins avaient jugé inguérissable ?
Il suffisait que le Bienheureux apparût dans la grande salle des audiences, vêtu de blanc, avec sa démarche lente et silencieuse, pour que les multitudes tombassent d'instinct à genoux. Elles ne pouvaient se détacher de ce doux visage, tout en implorant ses lumières et ses consolations. Alors Pie X levait vers le ciel ses yeux qui semblaient refléter un monde surnaturel, il répandait sa bénédiction et passait comme une vision extra-terrestre, tandis que derrière lui se manifestait le « Pouvoir des Saintes Clefs », comme il disait modestement.
Il semblait qu'une impulsion irrésistible poussât tous les éprouvés à demander son aide, avec la certitude de puiser au contact de ses mains et par l'efficacité de sa bénédiction, un réconfort dans leurs larmes, un soulagement à leurs douleurs, un remède à leurs maux. De nombreux prodiges s'opéraient, comme aux jours où le Maître Divin traversait la Palestine, en faisant le bien et en procurant des guérisons.
Dans l'impossibilité de tout dire, nous ne citerons que quelques faits, au sujet desquels nous demandons une foi simplement humaine.
LE BRAS INERTE
Dans une de ces audiences publiques que Pie X accordait avec tant de facilité se trouvait, confondu parmi la foule, un homme qui avait le bras droit entièrement paralysé.
Désespérant des médecins qui n'avaient pas réussi à le guérir, il n'avait plus de confiance qu'en Pie X et l'attendait avec anxiété.
Et voici le Pontife qui passe lentement, bénit tout le monde, échange avec chacun des paroles de paternelle bonté.
Le pauvre homme lui exhibe son bras inerte et l'implore :
« Très Saint-Père, guérissez-moi, que je puisse gagner le pain de ma famille.
« Va, aie foi en Dieu, dit le Pape. Et, effleurant son bras, il répète : « Aie foi ; le Seigneur te guérira. »
À l'instant même, le bras inerte reprit force et mouvement.
Saisi d'émotion l'homme jeta un cri : « Saint-Père... Saint- Père !... » Pie X s'arrêta, le regarda fixement et lui fit signe de se taire.
« MAMAN, JE SUIS GUÉRIE ! »
Une jeune Irlandaise avait la tête couverte de plaies.
« Si tu me conduis à Rome, chez le Saint-Père, avait-elle dit à sa mère, je guérirai, car si le Christ a donné aux apôtres le pouvoir des miracles, à plus forte raison Pa-t-il donné aussi à son Vicaire sur la terre. »
Cédant à ces instances, la mère emmena sa fille à Rome, en dépit des médecins qui désapprouvaient un voyage aussi long.
Arrivées sans encombres, elles se rendirent tout de suite au Vatican. Dès qu'elle fut en présence de Pie X, la jeune fille le supplia de guérir ses plaies.
Pie X, souriant, pose les mains sur la tête de la malade, la bénit et passe outre.
D'un coup, la jeune fille s'écrie : « Maman, je suis guérie ! »
De retour à l'hôtel où elles logeaient, la mère enlève les bandages qui recouvraient la tête de la jeune fille.
Ô stupeur !... Les plaies avaient disparu sans laisser la moindre trace.
PHTISIES GUÉRIES
En 1912, une religieuse de Florence, phtisique au dernier degré, avait obtenu la permission de venir à Rome pour solliciter sa guérison.
Au cours de l'audience pontificale, elle implore cette grâce.
« Que voulez-vous ? Vous vous portez mieux que moi », dit-il, en faisant le geste de bénédiction.
La Sœur était complètement guérie *.
Une autre religieuse, atteinte du même mal, était venue à Rome dans le même dessein.
Si grave était son état que, durant le trajet d'une maison de son Institut au Vatican, elle s'évanouit plusieurs fois.
Nous ignorons les détails de l'audience. Nous savons seulement qu'à l'issue elle était guérie.
La Supérieure des Sœurs de la Sainte Famille a écrit :
« Une de nos novices, Sœur Marie Frontito, souffrait d'un mal qui la consumait depuis longtemps et qui, en quelques semaines, avait fait de terribles progrès.
« À un crachement de sang, succédèrent d'autres symptômes alarmants. Le médecin diagnostiqua une mort prochaine.
« J'eus alors la pensée de mener la novice chez le Saint-Père, comme elle le désirait ardemment.
« Le jour de l'audience arriva : 13 juillet 1913. Nous étions dans une grande salle, quand surgit le Pape.
« La novice murmura, d'une voix suppliante :
« Saint-Père, je vous demande de me guérir.
« Mais pourquoi n'allez-vous pas bien ? Il faut bien se porter, avez-vous compris? » répondit le Pape en posant une main sur sa tête.
« Sœur Marie versait d'abondantes larmes.
« Miracle !... Au contact de la main de Pie X, elle avait senti comme quelque chose qui lui tombait des épaules.
« Le mal avait disparu. »
LES AVEUGLES VOIENT
Un des Camériers Secrets Participants a fourni ce témoignage :
« Un Allemand d'une cinquantaine d'années, aveugle de naissance, s'était présenté à une audience. Quand Pie X l'approcha et connut son épreuve, il lui appliqua les mains sur les yeux, l'exhortant à la confiance en Dieu. L'aveugle-né recouvrit immédiatement la vue. »
Si toutes les misères avaient droit à la compassion du Père Commun, il enveloppait d'une tendresse particulière les petits malades.
Une pauvre mère lui avait amené son fils aveugle et l'adjurait de le guérir.
« Priez Dieu et ayez foi », fut la réponse de Pie X.
Le bambin ouvrit aussitôt les yeux et sa première vision fut le visage rayonnant du Pontife.
Le 19 juin 1945, un vieux Camérier d'honneur, de Cappe et d'Épée, nous faisait parvenir le témoignage suivant :
« Un jour que j'étais de service à St-Pierre, en traversant la salle du Trône, au milieu de rangées de fidèles, presque tous Italiens, la mère d'une fillette aveugle sollicita de Sa Sainteté, pour celle-ci, une bénédiction particulière.
« Le Saint-Père s'arrêta, il prit à la dérobée un peu de salive et fit une onction sur les yeux de la petite aveugle. La fillette cria tout à coup : « Maman, je vois, je vois ! »
Le Saint Pontife imposa silence à tous et nous recommanda, à nous, Camériers l'accompagnant, avant de rentrer dans ses appartements, après sa bénédiction, de n'en parler à personne (A. RICHARDET, de Pondremand (Hte-Saône), Camérier d'honneur de Cappe et d'Épée de Sa Sainteté : Archives de la Postulation). »
UN CANCER DISPARU
« Que voulez-vous que je vous fasse ? » demandait Pie X à une religieuse qui montrait sa main rongée par un cancer.
« Simplement me bénir, Saint-Père. »
Pie X traça lentement sur la main le signe de la croix.
De retour chez elle, la Sœur enleva ses bandages. Le mal avait disparu.
LES SOURDS ENTENDENT
Il traversait un jour une foule de pèlerins, quand il entendit des sanglots.
C'était une mère qui pleurait, venue de Lyon avec son fils complètement sourd.
Pie X se tourna vers elle et, d'un accent qui décelait une inspiration surnaturelle :
« Ayez foi, Madame, ayez foi! »
Ces mots furent comme l' « Ouvre-toi » du Maître divin (Saint MARC, VII, 34).
L'enfant entendait.
En novembre 1911, une jeune Bavaroise s'apprêtait à entrer au Carmel de San-Remo, quand, à la suite d'un refroidissement, elle ressentit de violentes douleurs aux oreilles. Un médecin spécialiste diagnostiqua une perforation du tympan, accompagnée d'un otite. Il prescrivit quelques remèdes, sans résultat.
Les souffrances devinrent intolérables. L'oreille gauche n'entendait plus rien ; l'oreille droite entendait encore, mais comme à travers une cloison.
Il ne pouvait plus être question d'embrasser la vie religieuse.
La jeune Bavaroise exprime un jour à la Supérieure son désir d'aller à Rome et sa certitude d'être guérie par le Pape.
La Supérieure consent, et, un matin, émue et sereine, la jeune fille se trouve devant Pie X.
« Que voulez-vous de moi ? lui dit-il.
« Je voudrais entrer au Carmel de San-Remo, mais il y a un obstacle, le mal qui me tourmente.
« Et quel est ce mal ? »
La jeune fille raconte ce qu'elle souffre.
« Et tu crois que je puis te guérir ?
« Oui, Saint-Père, vous le pouvez. Guérissez-moi, je vous en supplie. »
Vaincu par cette prière, il posa les mains sur la tête de la jeune fille : « Si tu crois, sois guérie ! »
Peu après, elle entendait tous les sons avec une parfaite exactitude.
« OUI, OUI, ELLE NE MOURRA PAS ! »
Un groupe de religieuses étaient admises un jour à l'audience ; l'une d'entre elles en proie à un mal très grave qui menaçait sa vie.
La Supérieure la montre au Pape, en lui demandant de la guérir.
a Oui, oui... elle ne mourra pas ! » répond-il avec un sourire plein de bonté.
Deux mois plus tard, la Sœur eut une crise qui semblait mortelle.
Le médecin déclara qu'il allait recourir à une opération, mais que, pour ce genre de maladie, dans 99 cas sur 100 l'issue fatale était à redouter.
La Sœur ne se laissa pas abattre. Se souvenant de la promesse de Pie X, elle se soumit à l'opération chirurgicale et, bientôt, elle regagnait son Institut, dans les meilleures conditions de santé.
LES PARALYTIQUES MARCHENT
La salle des audiences offrit un jour un spectacle pitoyable : un petit paralytique venu d'Allemagne, amené par son père et sa mère qui nourrissaient une grande espérance.
À la vue du bambin gisant sur le sol, Pie X demanda ce qu'il avait.
On lui apprit qu'il était paralysé. Pie X, avec un geste paternel, s'incline vers l'enfant, le prend par les mains, le relève et s'écrie :
« Mais quoi !... debout, debout... Il faut marcher! »
À l'instant même, l'enfant se dresse sur ses jambes, parfaitement guéri.
En 1913, une pauvre mère supplie le Pape de guérir une de ses filles, depuis longtemps paralysée.
« Je ne peux pas ! répond-il. Dieu seul peut faire des miracles. »
La mère ne se décourage pas et, débordante de foi, réplique :
« Si ! Vous le pouvez. Il suffit que vous le vouliez ! « Je ne peux pas. Dieu seul peut faire des miracles », répète Pie X. La mère insiste :
« Saint-Père, vous représentez Jésus-Christ sur la terre. Vous pouvez, vous devez faire ce miracle !
« Ayez confiance, dit alors Pie X, Dieu guérira votre fille. »
À ces mots, la fillette eut comme un frémissement ; elle se leva et, à la stupeur de toutes les personnes présentes, commença à marcher.
Non moins heureuse fut une fillette de onze ans, du diocèse de Nîmes, en France.
Paralytique générale depuis sa naissance, elle n'avait jamais pu faire un pas, nonobstant tous les soins et tous les remèdes.
Elle avait la conviction que le Pape la guérirait. Ses parents, pour lui donner satisfaction, l'emmenèrent à Rome.
Portée au Vatican, dès qu'elle fut en présence du Pape, et après avoir baisé son anneau :
« Très Saint-Père, une grâce... murmura-t-elle.
« Que le Seigneur ? accorde ce que tu désires », dit simplement Pie X. »
Là-dessus, l'enfant frissonne de tous ses membres, se lève d'un bond et, pleine de vigueur, se met à marcher aisément.
Les parents reconnaissants sollicitèrent, au bout de quelque jours, une audience particulière afin de remercier le Pontife. Mais il s'y refusa, disant :
« C'est la foi qui a tout fait ! C'est le pouvoir des Saintes Clefs! »
Sans doute. Mais si ce Pouvoir n'avait pas été exercé par un Pape qui n'eût point la foi aussi puissante ?
LE PETIT SOURD-MUET
Il l'exerça encore en faveur d'un petit sourd-muet. Ceci est le témoignage d'un avocat romain :
« Pendant que j'étais en villégiature à Rocca di Papa, une femme du pays me raconta un fait extraordinaire.
« Elle avait deux fils, sourds-muets de naissance, et brûlait du désir d'être présenté au Saint-Père pour qu'il leur procurât la parole.
« Le Serviteur de Dieu la reçut, l'écouta, et, posant ses mains sur la tête des deux enfants, prononça quelques mots où elle crut comprendre que le plus petit mourrait et que l'autre parlerait.
« Peu de temps après, en effet, le plus jeune mourut, et l'aîné guérit. »
LE BAS DU PAPE
Tous ces miracles s'accomplissaient comme la chose la plus naturelle du monde, et Pie X en plaisantait.
Dans un pensionnat de Rome, une jeune fille était réduite depuis un an à une absolue immobilité, par suite d'une grave périostite au pied.
On lui apporta un bas de Pie X, dans l'espoir que, si elle s'en servait, elle obtiendrait sa guérison.
C'est ce qui advint. A peine a-t-elle enfilé le bas qu'elle est complètement guérie.
Le fait fut raconté au Pape qui eut un sourire :
« C'est bien amusant. Je mets tous les matins mes bas et je continue à souffrir des pieds. D'autres les mettent et leurs douleurs s'en vont. C'est proprement curieux ! » (V. STURMUSCH, Ord. Ven., p. 1655. — Cf. aussi G. BRESSAN, Ap. Rom., p. 122.— Il est notoire que Pie X, en ses dernières années, était atteint d'uricémie et de douleurs très aiguës aux pieds qu'il supportait sans se plaindre, continuant à donner des audiences et à traiter les affaires de l'Église, et même plaisantant sur les précautions que lui prescrivaient les médecins. (Mgr PESCINI, Ord. Rom., 375. — Docteur AMICI, ib., 1424. — Professeur MARCHIAFAVA, ib., 1702. — Cardinal MERRY DEL VAL, ib., 922.—Mgr FABERI, ib., 1062)).
UN RÊVE PRODIGIEUX
La Mère Générale des Sœurs Franciscaines de la via Castro Pretorio à Rome, souffrait d'un mal de gorge qui menaçait sa vie.
L'opération de la trachéotomie était urgente. Mais la Révérende Mère se fiait moins à la science qu'au pouvoir miraculeux de Pie X.
Une nuit, tandis qu'elle craignait d'un moment à l'autre de mourir suffoquée, le Saint-Père lui apparut en songe et lui assura qu'elle allait guérir.
Le matin, son mal avait disparu !
Quelques jours plus tard, elle voulut remercier le Pape. On devine sa stupéfaction quand, dès qu'elle eut pénétré dans la salle, Pie X lui dit, comme s'il s'agissait du fait le plus ordinaire : « Je t'ai guérie. Sois bonne ! »
BÉNÉDICTIONS A DISTANCE
Ces prodiges attestent, d'une façon indubitable, l'héroïcité des vertus de notre Bienheureux. Aussi, surtout dans ses dernières années, parvenaient au Vatican, de toutes les parties du monde, des requêtes pour obtenir sa Bénédiction Apostolique destinée à soulager les infirmités physiques et morales. Requêtes si nombreuses que la Secrétairerie d'État dût créer « un véritable supertravail » (Cardinal CANALI, Ord. Rom., 2015. — Mgr PESCINI, Ord. Rom., 428. — « Toute cette correspondance spéciale — d'après un Secrétaire particulier de Pie X — fut recueillie en fascicules, mois par mois, année par année, et elle fut remise par Mgr BRESSAN au Pape Benoît XV. » (Mgr PESCINI, ib.)).
Plusieurs traits émouvants démontrent que Dieu se plaisait à manifester sa puissance par l'entremise de son plus fidèle serviteur, non seulement de près, mais de loin.
« Un bambin d'environ six ans, fils de mes cousins Joseph et Anna Corradi — raconte un Romain très autorisé — avait eu, à la suite d'une chute, un rein brisé et une déchirure de la vessie. Le cas était désespéré : les médecins ne lui accordaient que quelques heures de vie. Le jour même où fut prononcée la triste sentence, j'eus l'occasion d'être reçu par le Saint-Père.
« À la fin de l'audience, j'eus l'inspiration de solliciter une bénédiction pour la famille éprouvée. Il écouta mon récit avec attention : « Pauvre mère ! dit-il. Je lui envoie de tout cœur une Bénédiction particulière. »
« De retour chez moi, j'informai de cette bénédiction les parents de l'enfant.
« La mère, pleine de foi, s'écria : Pie X nous a envoyé sa bénédiction ; mon Georges sera sauvé !
« En effet, contrairement à tous les diagnostics des médecins, la vessie se cicatrisa et le rein retrouva son état normal, sans intervention chirurgicale.
« Quelques mois plus tard, étant reçu de nouveau par Pie X, je lui rappelai cette bénédiction. Il m'interrompit et me demanda avec son habituel sourire : « Est-il mort ? »
« Je répondis que le bambin était sauvé et que l'on attribuait sa guérison à la bénédiction du Pape.
« Le Pape bénit tout le monde ; c'est la foi de la mère qui a sauvé l'enfant, s'écria-t-il, avec son admirable humilité.
« Georges Corradi est devenu un robuste garçon et sa parfaite santé a été mise à l'épreuve comme soldat d'artillerie dans la guerre de 1914-1918. »
« Au début de novembre 1908 — raconte un chanoine de la cathédrale de Trente —, je fus appelé à Rome. Je ne voulais point partir, car ma mère était gravement malade depuis deux mois ; on craignait qu'elle ne mourût d'un jour à l'autre ; elle ne pouvait plus se nourrir et elle avait 76 ans.
« Elle me demande un soir pourquoi je ne m'en allais pas. Je lui expliquai que je ne pouvais l'abandonner dans un pareil état. — Pars tout de suite, me dit-elle ; il faut faire ton devoir, et sois certain que, si tu peux m'obtenir la bénédiction de Pie X, je guérirai.
« Je partis le lendemain. À Rome, je me présentai au Majordome et Maître de Chambre, Mgr Bisleti, qui m'octroya une audience pour le jour suivant.
« Pie X, dès qu'il me vit, me témoigna une grande affabilité, s'informa de ma santé et de celle de ma vieille mère. Je lui dis que je Pavais laissée moribonde et qu'elle attendait de lui une bénédiction spéciale. — Bien volontiers, répondit le Serviteur de Dieu. Joignant les mains et levant les yeux au ciel, il fit le signe de croix. Puis, me donnant un léger coup sur l'épaule : Je fais des vœux ardents pour que Dieu vous conserve votre mère de longues années encore.
« Je m'empressai d'envoyer à ma sœur une carte postale où je l'avisai de cette bénédiction.
« Le surlendemain, je reçus une lettre de ma sœur. Elle m'annonçait que la veille, vers midi, notre mère s'était sentie bien, s'était levée et avait absorbé quelque nourriture.
« Je constatai que la guérison s'était produite à l'heure même où Pie X avait prié pour elle et l'avait bénie. »
Un des plus fidèles et dévoués Aides de Chambre de Pie X a raconté ce qui suit :
« Vers 1910, mon fils Joseph avait eu une rougeole, bientôt dégénérée en une laryngite qui faisait craindre pour sa vie. Les médecins le déclaraient en danger. Il était soigné par les docteurs Amici, Marchiafava, Cogiati, Mancini et autres, qui lui appliquèrent à l'intérieur de la gorge, un tube caoutchouté pour faciliter la respiration.
« L'enfant souffrait atrocement, ne pouvait respirer. Je téléphonai à Mgr Bressan, pour qu'il sollicitât la bénédiction du Pape. Mgr Bressan me répondit : Le Saint-Père envoie une bénédiction et il prie en ce moment pour le bambin.
« Un quart d'heure s'écoula. L'enfant eut un violent accès de toux, il rejeta le tube et l'on put croire qu'il allait mourir suffoqué.
« On courut à la recherche du professeur Mancini. Mais celui-ci trouva le bambin qui respirait librement, déclara qu'il était en face d'un fait nouveau et qu'il n'y avait plus besoin, pour l'instant du moins, d'appliquer de nouveau le tube.
« C'est un fait que le petit malade guérit complètement. »
« Un évêque du Brésil avait sa mère malade de la lèpre. Attiré par la renommée de sainteté de Pie X, il se rendit à Rome, dans les premiers mois de 1914, afin d'implorer la guérison de sa mère.
« Il insista vivement auprès de Pie X. Celui-ci le pressa de se recommander à la Madone ou à quelque saint. L'évêque lui dit : Au moins, Très Saint-Père, daignez répéter la parole de Notre-Seigneur : Vola, mundare (je le veux, sois pur — Saint Luc, v, 13). Pie X répondit : Volo, mundare.
« Quand l'évêque rentra au Brésil, il trouva sa mère complètement guérie. »
En avril 1911, le marquis Galeani, de Turin, gisait sur son lit avec une jambe tellement gangrenée que l'amputation fut jugée inutile.
« Sa sœur avertit immédiatement le Souverain Pontife qui célébra la messe pour le malade.
« Peu après, le docteur Galle, médecin réputé qui le soignait, constate avec étonnement que le cancer a disparu. L'illustre professeur Murri, de Bologne, appelé à donner son avis, déclara, ou que les médecins s'étaient trompés — ce qu'il ne croyait pas possible — ou que l'on était en présence d'un fait humainement inexplicable.
« La guérison s'était produite à l'heure même où Pie X avait célébré la messe. »
Le consul de Belgique à Rome, M. Charles Dubois, était torturé depuis longtemps par des furoncles de nature maligne qui attaquaient tout son corps. Les médecins et leurs remèdes avaient échoué. La situation allait toujours empirant.
Le matin du 8 septembre 1912, Mme Dubois, ne sachant plus que faire, accourt au Vatican.
Pie X la regarde, joint les mains, lève les yeux au ciel, murmure une courte prière. Puis il la bénit :
« — Ayez confiance, Madame, vous serez exaucée. »
Rentrée chez elle, Mme Dubois annonce au consul :
« Je t'apporte la bénédiction du Saint-Père. Tu es guéri ! » Le Consul était en effet guéri. La bénédiction de Pie X avait triomphé du mal incurable.
« Je me souviens — raconte un témoin oculaire de Trévise
— que, devant être assisté dans un différend par l'avocat Paleari, de Milan, je m'étais rendu chez lui.
« À mon grand déplaisir, je le trouvai très affecté, au chevet de son fils moribond.
« J'avais besoin de son concours et, ayant su qu'il avait toute confiance en Pie X, je me permis, sans rien lui dire, de télégraphier au Vatican pour obtenir une bénédiction spéciale.
« La réponse reçue, je l'apportai à l'avocat qui, rempli de joie, en fit part au petit malade.
a Dès l'instant, la santé de celui-ci s'améliora, et la guérison suivit. »
« La Mère Supérieure des Sœurs dont j'étais le chapelain — raconte un prêtre français — apprit un jour que j'avais quitté Rome à l'improviste, parce que mon père, un vieillard de 78 ans, était en danger de mort.
« Elle sollicita pour lui la bénédiction de Pie X.
« Le télégramme qui annonçait cette bénédiction ne se fit pas attendre. Mais, quand il parvint, mon père était dans le coma. Je le secouai, il ouvrit les yeux et écouta la lecture du télégramme.
« Aussitôt commença une amélioration. Puis il entra en convalescence, se rétablit complètement et vécut encore huit années. »
La Supérieure de l'orphelinat des Sœurs de Belgaum (Indes Anglaises) souffrait d'une maladie d'estomac, devenue chronique et inguérissable, et elle n'était plus qu'une ombre.
Les plus éminents médecins de l'endroit, ceux aussi de Bangalore et de Bombay, avaient dépensé vainement leurs efforts et deux interventions chirurgicales n'avaient pas abouti.
Le 18 janvier 1914, quelques petites élèves, qui venaient de faire leur première Communion, décident d'implorer Fie X pour leur Supérieure et lui adressent la lettre suivante :
Belgaum, couvent Saint-Joseph, 18 janvier 1914.
CHER SAINT-PÈRE,
Ayant eu le bonheur de faire notre première Communion, nous désirons de Votre Sainteté un cadeau : la guérison de notre Mère Supérieure, malade depuis quinze ans et qui, depuis douze ans, ne se nourrit plus que de lait. Nous désirons la voir se bien porter.
Nous remercions Votre Sainteté d'avoir permis à nous, enfants, de faire si jeunes leur première Communion. Nous prions pour Votre Sainteté et nous chantons avec joie : Pitié, mon Dieu, pour le Pape de Rome.
Bénissez, ô Père Saint, nos Sœurs, les élèves et les orphelines.
Les élèves et les orphelines de Belgaum.
L'état de la malade, privée de nourriture, ne cessait de s'aggraver, et telle était sa prostration que, dans la nuit du 7 février, on lui administra l'Extrême-Onction.
Le lendemain, arrive aux Sœurs de Belgaum cette dépêche :
Rome, 7 février 1914.
Le Saint-Père accorde volontiers la Bénédiction Apostolique demandée.
Cardinal MERRY DEL VAL.
La dépêche fut remise à la malade qui se trouvait seule, les Sœurs étant au réfectoire. Elle la lit, et, pleine de foi, entreprend de se lever ; ses vêtements étaient sur une chaise.
Quand les Sœurs la virent hors du lit, elles n'en croyaient pas leurs yeux ; quand elle leur dit qu'elle voulait manger, elles ne cachèrent pas leur stupeur. Quelques-unes tendaient à lui donner satisfaction immédiate ; d'autres opinaient qu'il serait préférable de patienter quelques jours. La malade trancha la discussion en déclarant qu'elle voulait manger tout de suite. Et elle absorba de la soupe, du pain, de la viande, toutes choses que retint son estomac.
Dès ce 8 février 1914, elle reprit sa place au réfectoire et, vigoureuse, bien vivante, se remit au travail.
Autre épisode.
En juillet 1914, le sénateur Pascal Del Giudice, professeur de l'Histoire du Droit à l'Université de Pavie, où il avait succédé à l'illustre juriste Contardo Ferrini, souffrait depuis plusieurs mois de calculs biliaires. Les plus réputés cliniciens d'Italie, appelés en consultation, furent unanimes à estimer qu'une intervention chirurgicale s'imposait. Mais elle n'était pas possible, à cause de l'âge avancé du malade — 71 ans — et de ses conditions organiques.
Se souvenant alors qu'on avait parlé d'une guérison miraculeuse obtenue par Pie X, sa femme écrivit à Mgr Ratti, préfet de la Bibliothèque Vaticane et ami du sénateur, pour qu'il sollicitât une bénédiction spéciale.
Le 21 juillet 1914, Mgr Ratti répondit que le Pape bénissait le malade.
Ce dernier éprouva une telle émotion qu'il voulut recevoir les sacrements. Il se confessa au vicaire général de Pavie, Mgr Dolcini, et communia de ses mains.
Trois heures après, sans le moindre effort et la plus minime douleur, il se débarrassa d'un gros calcul. Il était complètement guéri et vécut encore dix ans : son foie ne ressentit plus jamais aucun trouble.
Un des médecins qui l'avaient soigné, le professeur Forlanini, à l'annonce de l'heureuse nouvelle, écrivit un mois plus tard au sénateur :
Contre ce calcul, nous tous, médecins et chirurgiens, avions dû proclamer notre impuissance. La victoire acquise après un an de maladie (chose vraiment extraordinaire) n'est pas notre victoire. Nous nous en réjouissons avec toi et avec tous ceux qui t'aiment et t'honorent.
DANS LE SECRET DES CŒURS
Parmi les privilèges dont Dieu avait doué Pie X, la conviction s'était répandue qu'il avait celui de lire dans les cœurs.
« II était notoire — a affirmé un de ses Secrétaires particuliers — que le Serviteur de Dieu possédait une sûre intuition. Si des interlocuteurs se présentaient chez lui pour traiter de quelque affaire, il les devançait en abordant tout de suite la question. Ce fait a été communiqué par des personnes qui avaient eu à s'entretenir avec lui durant son épiscopat de Mantoue. »
Un autre Secrétaire particulier ajoutait :
« Beaucoup de visiteurs qui sortaient d'une audience pontificale m'ont rapporté cette impression que Pie X lisait dans leur cœur, si bien que je n'aurais jamais osé lui dire le plus léger mensonge ; j'étais certain qu'il pénétrerait la vérité. »
Voici le témoignage d'un cardinal qui fut son Maître de Chambre :
« J'ai eu souvent l'impression que le Serviteur de Dieu lisait en moi. Aussi, quand je lui parlais, je m'astreignais à une scrupuleuse relation des faits. Maintes âmes d'élite ont partagé mon impression. »
Le Supérieur de la Trappe des Trois-Fontaines de Rome vint le voir pour lui confier une affaire de grande importance et lui demander conseil. À peine s'était-il agenouillé, le Bienheureux lui dit : « Quant à l'affaire qui vous amène ici, j'agirais de telle façon » et Pie X lui donna les conseils les plus précis avant que le Supérieur n'eût commencé à parler a .
Mais les cœurs ne contenaient pas toujours des secrets consolants pour le Pape.
Un distingué Prélat lui présente un jour, avec de chaleureux éloges, un prêtre de son diocèse et lui assure que celui-ci ne compte point parmi les Modernistes.
Pie X regarde fixement le prêtre ; une ombre de tristesse passe sur son visage et il ne prononce pas une syllabe.
L'attitude sévère du Pape, d'ordinaire très expansif, émut fortement le Prélat qui réitéra ses éloges et ses assurances.
Ce fut en vain. Le Prélat connut, plus tard, la raison de cet accueil insolite.
Quand le Serviteur de Dieu, don Louis Orione, devait se rendre à une audience, il faisait deux choses : il mettait en ordre sa personne... et son âme. Il se rasait la barbe, changeait de vêtement et de chaussures, arborait un chapeau quasi neuf ; puis, rayonnant de joie, se confessait à Saint- Pierre.
Un jour, il ne trouve point dans la Basilique de pénitenciers disponibles, parce qu'il s'était présenté en dehors de l'horaire. Il entre dans l'église voisine de Sainte-Marie in Traspontina, aborde un vieux Carme auquel il se confesse, en calculant les minutes qui lui restent avant l'audience. Mais le bon Carme prolonge ses recommandations, et la confession menace de dépasser le temps prévu.
Don Orione ne cesse de compter les minutes, et voyant qu'il n'y a pas d'autre moyen, prie le confesseur de se hâter, de lui accorder promptement l'absolution, parce qu'il a une audience du Pape.
Il sort de l'église, parcourt la rue en vitesse, gravit les escaliers du Vatican et, tout haletant, arrive avec deux minutes d'avance.
Son tour étant venu, il pénètre dans le cabinet de travail de Pie X qui sourit et lui dit à brûle-pourpoint : « Vous pouvez vous passer de vous confesser avant d'aller chez le Pape. Une autre fois, confessez-vous avec un peu plus de calme. »
Personne, absolument personne, ne savait que Don Orione avait été se confesser.
IL LIT DANS L'AVENIR
Outre le don des miracles et de l'intuition des cœurs, Pie X eut le don de prophétie : ce don de prévoir les événements humains qui est le privilège des hommes parvenus aux plus hautes cimes de sainteté.
Le fait est confirmé par plusieurs témoins des Procès Ordinaires et Apostoliques. Il était rempli de cette lumière divine qui découvre aux Serviteurs de Dieu le monde du mystère et leur fait voir ce que les yeux mortels ne voient point.
L'avenir n'eut pas plus de secrets pour Pie X que les cœurs des hommes. Il pressentit clairement les événements lointains.
On en eut déjà la preuve quand il était évêque de Mantoue.
Le sacristain de la cathédrale, Aristide Gregori, avait sa belle-fille gravement malade. Trois médecins annonçaient une fin imminente.
Un matin, Gregori demande à l'évêque de célébrer la messe pour la guérison de sa bru.
Après la messe, Mgr Sarto invite Gregori à prendre le café avec lui et, restituant son aumône, lui dit :
« Achète quelque chose pour ta belle-fille et sois tranquille ; elle ne mourra pas. »
Elle guérit et vécut encore de longues années.
Mgr Sarto se trouvait un jour à Castiglione della Stiviere pour le centenaire de saint Louis de Gonzague. Il s'aperçut que l'économe du collège dont il était l'hôte était très troublé.
« Qu'avez-vous, Louis ? demanda-t-il.
« J'ai un fils de trois ans en danger de mort.
« J'irai le voir », dit l'Évêque.
Le lendemain, il tint sa promesse. Monté dans la chambre du petit moribond, il le regarde, le bénit et rassure ses parents désolés :
« Il ne mourra pas, il ne mourra pas, non ! »
Pierino — ainsi s'appelait le bambin — guérit en effet, et se développa, l'intelligence alerte, exubérant de vie.
À Venise, près de l'église des Miracles — relate son secrétaire particulier, Mgr Bressan — il rencontre une pauvre femme qui portait sa fillette mourante.
« Éminence, bénissez cet enfant qui meurt », gémit-elle.
Le cardinal bénit la fillette et, s'adressant à la mère :
« Sois tranquille, ton enfant ne mourra pas. »
L'événement confirma cette parole du Patriarche des Vénitiens *.
Un Mantouan distingué, en résidence à Rome, était très lié avec le Bienheureux depuis l'époque où celui-ci avait été évêque de Mantoue. Il a fait ce récit :
« Le 29 août 1901, mourait un de mes fils, âgé de dix-huit ans.
« On imagine la douleur de la mère qui, ne pouvant se résigner, était tombée dans le désespoir, à tel point que l'on craignait pour sa raison.
« Le Serviteur de Dieu, alors Patriarche de Venise, m'envoya une lettre de réconfort et, peu après, de passage à Rome, il voulut consoler ma femme et lui dit :
« Courage l Le Seigneur prend parfois pour rendre. Ayez confiance, Gaëtana ! Il vous donnera un autre fils. »
« Le chagrin de ma femme ne s'apaisa pas, car, à la suite d'une opération chirurgicale subie en 1884, les médecins lui avaient signifié qu'il lui serait désormais impossible d'avoir des enfants.
« Or, un jour, après dix-neuf ans, s'annonça une maternité prochaine.
« En février 1903, le cardinal Sarto passe devant mon magasin, me salue et m'interroge :
« Vous ne me dites pas que votre femme va devenir mère ?
« Serait-ce donc vrai ? répondis-je, tant le cas me semblait extraordinaire.
« Vous ne le croyez pas encore? ajouta-t-il en souriant.
« Je lui demandai comment il le savait.
« Qu'il vous suffise de savoir que je le sais. Dites-moi plutôt : votre femme préférerait-elle un garçon ou une fille ?
« Un garçon, pour remplacer celui que nous avons perdu !
« Assurez-lui qu'elle aura un garçon. Et puis, elle et vous, ayez plus de confiance dans le Seigneur.
« Quatre mois plus tard, le 8 juillet 1903, naissait un garçon, qui, à l'âge de sept ans, reçut la première Communion des mains de Pie X. »
Une fillette se trouvait au Vatican pour recevoir de Pie X le sacrement de Confirmation, quand soudain elle éclata en sanglots.
Le Pape lui demanda ce qu'elle avait. La voix mouillée de larmes, elle répondit qu'elle pleurait parce qu'il n'y avait personne qui pensât à elle.
La mère était séparée de son mari qui vivait avec une autre femme.
Pie X la réconforte et lui dit :
« Sois tranquille. Quand tu rentreras à la maison, tu trouveras le papa et la maman. »
Prédiction réalisée : la fillette trouva son père et sa mère, réconciliés, qui attendaient son retour.
« En 1912 — raconte un témoin autorisé de Venise — j'exposai à Pie X, au cours d'une audience, que ma mère, âgée de 75 ans, était depuis longtemps malade et paralysée. Je lui demandai une bénédiction spéciale.
« Dites à votre maman, me répondit-il, que je la bénis volontiers. Le Seigneur lui a infligé une grande croix qu'elle portera longtemps ; mais qu'elle ne se décourage point, cette croix lui fera gagner le paradis.
« La parole du Pape se vérifia de la façon la plus précise. À la surprise des médecins, l'infirmité de ma mère se prolongea encore quatorze ans. Elle la subit avec une patience admirable et une parfaite sérénité. »
LA GUERRE
Entre toutes ses prophéties, la plus mémorable est celle qui a trait à la conflagration européenne de 1914, qu'il appelait il guerrone.
Le premier indice remonte à 1906.
Il convoque à Rome Mgr Luçon, évêque de Belley.
Le Prélat français part immédiatement. Dès qu'il l'aperçoit, Pie X lui dit : « Je vous nomme Archevêque de Reims. »
Mgr Luçon met en avant plusieurs motifs pour décliner cette promotion. Pie X lui répond :
« J'ai pensé à vous promouvoir au Siège archiépiscopal de Reims, non pour vous donner un honneur ou une récompense, mais pour vous donner une croix. Un évêque peut-il refuser la croix, s'il contemple le Crucifix ? Vous êtes déjà évêque et vous portez une croix, mais celles qui vous attendent à Reims seront bien plus graves et plus lourdes, et donc plus méritoires. »
Mgr Luçon, très ému, supposa que le Pape faisait allusion à l'événement de l'époque, la séparation de l'Église et de l'État.
Mais, huit ans après, en septembre 1914, lorsque, sous les coups implacables des canons allemands, s'écroulaient les tours gothiques de la cathédrale de Reims, l'archevêque, devenu cardinal, se souvint de la prédiction de 1906 ; prédiction tragiquement confirmée dans ces jours de terreur.
À mesure que les années s'écoulaient, le Pontife revenait sur ce présage avec une précision impressionnante ; c'était chez lui comme une idée fixe.
Il semblait déjà voir la grande guerre européenne ; il la sentait prochaine, traînant la destruction et la mort.
« Je vois une grande guerre ! » disait-il de temps en temps à ses sœurs avec une immense tristesse. Elles cherchaient à le rassurer, lui suggéraient de ne pas se laisser ainsi émouvoir par les événements du monde. « Hélas! s'écriait-il, ce sera un guerrone ! »
« Éminence, les choses vont mal... le Guerrone approche » disait-il fréquemment à son Cardinal Secrétaire d'État, étonné de cette insistance et de cette précision.
« Je ne parle pas de cette guerre-ci », disait-il en 1911, où se déroulait l'expédition militaire italienne en Libye. Et, pendant le conflit balkanique de 1912-1913 : « Tout cela n'est rien en comparaison du Guerrone que l'on verra. » Chaque fois qu'il revenait là-dessus — affirme le cardinal Merry del Val — il semblait voir et toucher de ses mains ce qu'il annonçait. Et si le cardinal lui faisait observer que la guerre n'était pas en vue, ou que, du moins, elle pouvait être différée, peut-être même évitée, le saint vieillard, élevant la main, ajoutait : « Éminence, nous ne passerons pas 1914 ! »
En 1912, un Vénitien lui proposait d'acquérir, pour un Institut religieux, une grande propriété, à Gradisca, dans la région de Goritz, avec de vastes bâtiments.
« Ce n'est pas possible, répondit-il, car ces bâtiments seront tous détruits. »
Trois années plus tard, l'ouragan de la guerre transformait cette propriété en un amas de ruines.
Le 30 mai 1913, Pie X reçut en audience de congé le ministre du Brésil auprès du Saint-Siège.
« Vous êtes heureux, Monsieur le Ministre, lui dit-il, de pouvoir retourner au Brésil. Ainsi ne verrez-vous pas les horreurs de la guerre qui va se déchaîner. »
« Je pensai — a écrit plus tard le diplomate — que Pie X faisait allusion aux Balkans. Mais il continua en me disant :
« Les Balkans sont le début d'une grande conflagration que je ne pourrai éviter et à laquelle je ne pourrai résister. »
Phrase prophétique !
Quatorze mois plus tard, le 28 juillet 1914, des champs de la Bosnie, ensanglantés par un horrible crime, l'ombre de Tamerlan se profilait, avec ses chevaux apocalyptiques, aux portes de l'Europe !
(Extrait de la biographie de J. Dal-Gal)
Reportez-vous à Saint Pie X, ni noble ni Docteur en théologie, Bienfaisantes initiatives de Don Sarto, vicaire à Tombolo, pour mettre fin aux blasphèmes dans son église, Saint Pie X, toujours avec Dieu, Saint Pie X, toujours avec Marie, Saint Pie X, pauvre et riche, Saint Pie X et l'Esprit de pauvreté, Fermeté invincible de Saint Pie X, Extrait de la Lettre au Clergé du Cardinal Sarto, nommé Patriarche de Venise, Neuvaine à Saint Pie X, Litanies de Saint Pie X, Haerent animo, Exhortation apostolique du Pape Pie X, au Clergé catholique, Celui qui est saint ne peut être en dissentiment avec le Pape, Saint Pie X, côté mystique d'une élection papale, E supremi du Pape Pie X, Acerbo nimis du Pape Pie X, Editae saepe Dei du Pape Pie X, Vehementer nos du Pape Pie X, Notre charge apostolique du Pape Pie X, Pascendi du Pape Pie X, Décret Lamentabili du Pape Pie X, Il fermo proposito, du Pape Pie X, sur l'Action catholique ou Action des catholiques, Ex Quo Nono, du Pape Pie X, sur la question du retour des Églises à l'unité catholique, Vi ringrazio du Pape Pie X, Le progrès religieux, et Vehementer nos du Pape Pie X.