Je pourrais ici, chrétiens, vous faire une vive peinture d'un Jésus mourant et agonisant, défaillant peu à peu, attirant l'air avec peine d'une bouche toujours ouverte et livide, et traînant lentement les derniers soupirs par une respiration languissante, jusqu'à ce qu'enfin l'âme se retire, et laisse le corps froid et immobile : ce récit pourrait peut-être émouvoir vos cœurs ; mais il ne faut pas travailler à vous attendrir par de vaines imaginations.
Jésus n'est pas mort de la sorte : il fait l'un après l'autre ce qu'il a à faire. Il parcourt toutes les prophéties, pour voir s'il reste encore quelque chose : il se retourne à son Père, pour voir s'il est apaisé. Voyant enfin la mesure comble, et qu'il ne restait plus que sa mort pour désarmer entièrement la justice, il recommande son esprit à Dieu ; puis élevant sa voix, avec un grand cri qui épouvanta tous les assistants, il dit hautement : « Tout est consommé, » et remet volontairement son âme à son Père, d'une action libre et forte ; pour accomplir ce qu'il avait dit, que « nul ne la lui ôte par force, mais qu'il la donne lui-même de son plein gré ; » et ensemble pour nous faire entendre que vraiment il ne vivait que pour nous, puisque, notre paix étant faite, il ne veut plus rester un instant au monde. Ainsi est mort le divin Jésus, nous montrant combien il est véritable « qu'ayant aimé les siens, il les a aimés jusqu'à la fin. » Ainsi est mort le divin Jésus, « pacifiant par ses souffrances le ciel et la terre. » Il est mort, il est mort, et son dernier soupir a été un soupir d'amour pour les hommes !
Ô Marie, divine Marie ! ô de toutes les mères la plus désolée ! qui pourrait ici exprimer de quels yeux vous vîtes cette mort cruelle ? Tous les coups de Jésus sont tombés sur vous, toutes ses douleurs vous ont abattue, toutes ses plaies vous ont déchirée ; votre accablement incroyable vous ayant, en quelque sorte, rendue insensible, le dernier adieu qu'il vous dit renouvela toutes vos douleurs et rouvrit violemment toutes vos blessures ; vous étiez en cela d'autant plus inconsolable, que, bien loin de diminuer ses afflictions, vous les redoubliez en les partageant ; et que vos douleurs mutuelles s'accroissaient ainsi sans mesure, et se multipliaient jusqu'à l'infini, pendant que les flots qu'elles élevaient se repoussaient les uns sur les autres par un flux et un reflux continuel. Mais, quand vous lui vîtes rendre les dernier soupirs, c'est alors que vous ne pouviez plus supporter la vie, et que votre âme, le voulant suivre, laissa votre corps longtemps immobile.
Ce n'est pas pour cette Vierge, ô Père éternel, qu'il faut éclipser votre soleil, ni éteindre tous les feux du ciel ; ils n'ont déjà plus de lumière pour elle ; il n'est pas nécessaire que vous ébranliez tous les fondements de la terre, ni que vous couvriez d'horreur toute la nature, ni que vous menaciez tous les éléments de les remettre dans leur première confusion. Après la mort de son Fils, tout le monde lui paraît couvert de ténèbres ; la figure de ce monde est passée pour elle, et, de quelqu'endroit qu'elle tourne ses yeux, ils ne découvrent partout qu'une ombre de mort. Elle n'est pas la seule qui en est émue, et pour ne point parler des tombeaux qui s'ouvrent et des rochers qui se fendent, les cœurs des spectateurs, plus durs que les pierres, sont excités par cette mort à componction. J'entends un centenier qui s'écrie : « Très-certainement cet homme était juste. » Tous ceux qui assistaient à ce spectacle, « s'en retournaient, dit saint Luc, battant leur poitrine : » Percutientes pectora sua revertebantur.
Qu'il ne soit pas dit, chrétiens, que vous soyons plus durs que les Juifs. Ah ! toutes nos églises sont aujourd'hui un calvaire : qu'on nous voie sortir d'ici battant nos poitrines. Faisons résonner tout ce calvaire de nos cris et de nos sanglots ; mais que ce ne soit pas Jésus-Christ tout seul qui en fasse le sujet. Ne pleurez pas sur moi, dit-il, je n'ai que faire de vos soupirs, ni de votre tendresse inutile. Pleurez, pécheurs, pleurez sur vous-mêmes : et pourquoi pleurer sur nous-mêmes ? Quia si in viridi ligno hoec faciunt, in arido quid fiet ? « Si on fait ceci dans le bois vert, que sera-t-il fait au bois sec ? » Si le feu de la vengeance divine a pris si fortement et si tôt sur ce bois vert et fructueux ; bois aride, bois déraciné, bois qui n'attends plus que la flamme, comment pourras-tu subsister parmi ces ardeurs dévorantes ?... etc. (Bossuet)
(Tiré de Les Fêtes de l’Église romaine)
Reportez-vous à La passion de Jésus-Christ, Litanies de la Passion, Hymne de la Croix, VIE CHRÉTIENNE : Dévotion envers la Passion de Jésus-Christ, Des exercices de piété, par le R.-P. Jean-Joseph Surin : Comment faut-il s'occuper des souffrances de Jésus-Christ ?, Litanies de la Croix, Jésus crucifié est le Livre des Élus, Jésus-Christ couronné d'épines, Chapelet de dévotion aux Saintes Plaies, Compassion de la Sainte Vierge, Litanies du Précieux Sang de Jésus, Méditation pour le Lundi Saint, Méditation pour le Mercredi Saint, Méditation pour le Vendredi Saint, Méditation pour le Samedi Saint, Méditation pour le Dimanche des Rameaux, Méditation pour le Dimanche de la Passion, Méditation pour le lundi de la Passion, Méditation pour le mardi de la Passion, Méditation pour le mercredi de la Passion, Méditation pour le Jeudi de la Passion, Méditation pour le Vendredi de la Passion, Méditation pour le samedi de la Passion, Réflexion sur la flagellation de Notre-Seigneur Jésus-christ, et Discours sur les douleurs de Marie.