mercredi 12 avril 2017

CATÉCHISME HISTORIQUE : DU DESSEIN ET DE L'USAGE DE CE CATÉCHISME



CATÉCHISME HISTORIQUE CONTENANT EN ABRÉGÉ

L'HISTOIRE SAINTE ET LA DOCTRINE CHRÉTIENNE




Par M. Fleury, Prêtre, Prieur d'Argenteuil ; et Confesseur du Roi



(Nouvelle Édition, 1791)




DISCOURS


DU DESSEIN ET DE L'USAGE DE CE CATÉCHISME



Ceux qui ont quelque expérience des fonctions Ecclésiastiques, et quelque zèle pour le salut des âmes, sont sensiblement touchés de l'ignorance de la plupart des Chrétiens. Ce ne sont point seulement les paysans, les ouvriers, les gens grossiers, sans esprit, sans éducation ; ce sont les gens du monde, polis et éclairés d'ailleurs, souvent même les gens de Lettres, que l'on trouve fort mal instruits, et des mystères et des règles de morale. On voit des personnes dévotes, qui ont lu beaucoup de Livres spirituels, et savent grand nombre de pratiques de piété, mais qui n'ont pas encore bien compris l'essentiel de la Religion. On voit, qui le pourrait croire : des Religieux, des Prêtres et des Théologiens, à qui l'Écriture Sainte n'est pas familière, et qui ne se sont pas assez appliqués à entendre le corps de la Doctrine Chrétienne, et la suite des desseins de Dieu sur nous.

Cette ignorance est une des principales sources de la corruption des mœurs. Rarement la dépravation du cœur est-elle si grande, que l'on résiste ouvertement à la lumière de la vérité et de la justice ; mais on ne peut faire que par hasard le bien que l'on ne connaît pas. La dévotion ne peut jamais être que superficielle, quand elle n'est point fondée sur des principes solides, et sur une pleine conviction de l'excellence de la Loi de Dieu : et un Théologien, qui ne s'attache qu'aux questions particulières, que l'on agite dans les Écoles, et au détail de la pratique présente, ne sera jamais capable de bien instruire les enfants de l'Église, ni de bien combattre ses ennemis.

Le libertinage même et le mépris de la religion ne vient que de l'ignorance ; car il est impossible de connaître la Doctrine chrétienne telle qu'elle est, sans l'admirer et l'aimer. La plupart des Libertins le sont sans connaissance de cause, par emportement ou par préoccupation ; et si quelques-uns ont de l'étude, ce sera de la Philosophie purement humaine, ou la lecture de quelque Auteur extravagant, qui combat toutes les maximes établies ; mais il n'y en a point qui ait examiné les preuves avant les objections, et qui se soit donné la patience de sonder les fondements de la religion, et d'en considérer attentivement toute la suite.

Il ne faut pas chercher bien loin la cause de cette ignorance : l'ignorance naît avec nous ; et c'est une des suites de la corruption de la nature. Ce n'est pas de ces maux auxquels on puisse remédier une fois pour une longue suite d'années ; puisque tous les jours des enfants viennent au monde, et y viennent entièrement ignorants. Il leur sert peu de naître dans le sein de l'Église, et de parents éclairés, si l'on ne prend grand soin de les instruire chacun en particulier, et si de leur côté ils ne s'affectionnent aux instructions : mais la corruption du cœur humain résiste à l'un et à l'autre. À moins que la grâce n'opère puissamment, nous ne sommes point touchés des choses de l'autre vie, parce qu'elles ne frappent point nos sens ; toute notre application se porte aux choses temporelles. Avec combien de soin, de travail, et de patience les hommes les plus grossiers s'appliquent-ils à apprendre des métiers pour subsister ! Combien donne-t-on à l'étude de la Jurisprudence, de la Médecine, des Mathématiques, et des autres connaissances utiles au commerce de la vie ? Il n'y a point de Financier, de Marchand, de riche Bourgeois, qui n'étudie soigneusement ses comptes et ses papiers, qui n'ait de la pénétration dans ses affaires, et n'y raisonne juste. Il n'y a point de paysan si grossier, qui, sans savoir lire ni écrire, ne suppute exactement ce qui lui doit venir d'un tel travail, ce qu'il doit gagner sur une telle marchandise. Chacun a de la curiosité, de l'ouverture d'esprit, de la mémoire pour l'objet de ses passions, sait les plaisirs, sait les intérêts ; il n'y a que la Morale et la Religion que tout le monde trouve difficile à comprendre et à retenir ; on n'aime pas à en parler, on prend tout autre sujet de conversation.

La plupart même ne croient pas avoir besoin de s'en instruire. Je fais plus de bien que je n'en veux faire, dira l'un : Je me contente de mon Catéchisme, dira l'autre : je veux croire, dira celui-ci, sans approfondir ; les vérités de la Religion doivent être respectées, il est dangereux de raisonner en ces matières. Vous diriez qu'ils craignent de trouver le faible de leur religion, s'ils s'en instruisaient plus à fond. Mais tous ces discours ne sont que de vains prétextes dont se couvrent l'ignorance et la paresse. La vraie Religion ne craint point d'être connue, elle n'enseigne rien qui ne se soutienne au plus grand jour. La même Écriture qui nous ordonne de recevoir avec soumission les vérités révélées de Dieu, de captiver notre entendement, d'obéir à la foi, nous commande expressément de méditer la Loi jour et nuit, de nous appliquer de toutes nos forces à l'étude de la science et de la sagesse, et de travailler toute notre vie à connaître la volonté de Dieu le plus distinctement qu'il est possible.

En effet, quoique le Catéchisme contienne ce qui est le plus nécessaire à savoir, il en est comme de tous les autres Abrégés, que l'on ne sait jamais bien, si l'on n'étudie rien au-delà. Pour entendre et retenir ce peu que contient ce Catéchisme, il faut en peser toutes les paroles, et pénétrer, chacun selon sa portée, la profondeur de la doctrine qu'elles renferment. Quant aux vérités de Morale, il est vrai que la meilleure manière de les étudier est la pratique, et que nous ne savons comme il faut, que celles que nous observons ; mais il  ne s'ensuit pas que nous ne devions les apprendre qu'à mesure que nous les mettons en œuvre. Les occasions d'agir ne se présentent pas par ordre ; et si j'attends que j'aie exécuté tous les commandements de Dieu pour connaître les conseils, je ne les connaîtrai peut-être de ma vie, quoiqu'ils soient donnés pour faciliter l'observation des Commandements. La négligence à garder les Préceptes que nous savons déjà, ne nous donne donc pas droit d'ignorer les autres : nous sommes obligés à les garder tous, et par conséquent à les savoir tous.

Enfin, la vraie Religion n'est pas comme les fausses, qui ne consistent qu'en un culte extérieur et en de vaines cérémonies : c'est une doctrine, une étude, une science. Les Fidèles étaient nommés Disciples, avant qu'ils eussent reçu à Antioche le nom de Chrétiens : les Évêques sont nommés Docteurs chez tous les Anciens : et Jésus-Christ fondant son Église, dit aux Apôtres : allez, instruisez toutes les Nations. Il est donc impossible d'être Chrétien et d'être entièrement ignorant : et celui-là est le meilleur Chrétien, qui connaît le mieux et pratique le mieux la Loi de Dieu : or, quoique l'on puisse la connaître sans la pratiquer, il est impossible d'en pratiquer que ce que l'on en connaît.

Mais il faut avouer que les particuliers ne sont pas seuls coupables de l'ignorance qui règne depuis longtemps dans l'Église : il y a bien de notre faute, je dis de nous autres Prêtres, et de tous ceux qui sont établis pour instruire. Quoique l'on prêche très souvent, et qu'il y ait une infinité de Livres qui traitent de toutes les parties de la Religion : on peut dire qu'il y a pas assez d'instruction pour les Chrétiens, même pour les mieux intentionnés. Les livres sont de plusieurs sortes : des Traités de Théologie, pleins de questions curieuses, dont le commun des Fidèles n'a pas besoin, écrits en latin, et d'un style qui n'est intelligible qu'à ceux qui ont fréquenté les écoles : des Commentaires sur l'écriture, la plupart fort longs, et presque tous en latin : des vies de Saints, qui ne vont qu'à montrer des exemples particuliers de vertu : des livres spirituels, qui donnent de bonnes pratiques pour sortir du péché et pour avancer dans la vertu et dans la perfection, mais qui supposent des Chrétiens suffisamment instruits de l'essentiel de la religion : et qui par la longueur du style, et la grosseur des volumes ne sont pas à l'usage des gens occupés ou peu attentifs. Il en est de même des Sermons : on n'y traite que des sujets particuliers, détachés le plus souvent les uns des autres, selon la Fête, l'Évangile, ou le dessein du Prédicateur. On y explique rarement les premiers principes, et les faits qui sont les fondements de tous les dogmes. On y parle en passant des Histoires contenues dans l'Écriture Sainte, comme des choses connues de tout le monde.

De là vient que les lectures publiques de l'Écriture, qui font partie de l'Office de l'Église, servent si peu pour l'instruction des Fidèles, pour laquelle on les a instituées. Tout le monde n'entend pas le latin : peu de gens se servent des traductions, et elles ne suffisent pas, si l'on ne connaît les livres Saints d'où les leçons sont tirées, et si l'on ne les y lit dans leur suite. On devrait suppléer à ce défaut par les sermons ; mais ce n'est pas expliquer un Évangile ; que d'en prendre un mot pour texte, et y faire venir à propos tout ce que l'on veut. Ainsi on trouve partout de bonnes gens, qui, fréquentant les Églises depuis quarante ou cinquante ans, et étant fort assidus aux Offices et aux Sermons, ignorent encore les premiers éléments du Christianisme.

Il n'y a que les Catéchismes qui descendent jusqu'à ces premières Instructions si nécessaires à tout le monde : mais il semble qu'ils ne sont pas assez estimés. La plupart croient savoir le Catéchisme, parce qu'ils l'ont appris en leur enfance, et ne s'aperçoivent pas qu'ils l'ont oublié, ou qu'ils ne l'ont jamais bien entendu. D'autres ont honte d'avouer leur ignorance et leur mauvaise éducation, et ne peuvent s'abaisser jusqu'à ces instructions, qui les remettraient, ce leur semble, aux petites écoles. Les Ecclésiastiques, je dis ceux qui cherchent leur intérêt plutôt que celui de Jésus-Christ, méprisent cet emploi, parce qu'il est pénible, obscur et infructueux. S'ils croient avoir de grands talents, ils cherchent de la réputation par l'éloquence de la Chaire ; s'ils en ont moins, ils s'appliquent au confessionnal et à la direction. Mais une des plus grandes difficultés de la confession, est l'ignorance des chrétiens ; et qui les instruirait bien, trancherait beaucoup de péchés par la racine.

Il est vrai que la forme et le style des Catéchismes a peu d'attrait pour ceux qui l'apprennent : car pour ceux qui l'enseignent, il ne faut pas espérer qu'ils prennent jamais grand plaisir à répéter souvent des vérités qui leur sont familières, trouvant toujours de nouvelles difficultés de la part des Auditeurs : il n'y a que la charité qui puisse en faire l'agrément. Mais pour les disciples, comme la plupart sont des enfants qui ne peuvent voir l'utilité de ces instructions, il serait fort à souhaiter qu'elles eussent quelque chose de plus engageant qu'elles n'en ont pour l'ordinaire ; car il semble que ceux qui, dans ces derniers temps, ont composé des Catéchismes, n'ont pas eu cette vue, ou n'ont pas cru qu'il fût possible d'y réussir. Ils ont seulement cherché à renfermer un peu de paroles le plus essentiel de la Doctrine Chrétienne, à le distribuer suivant un certain ordre, et à le faire apprendre aux enfants par des questions et des réponses qui s'imprimassent fortement dans leur mémoire, et c'est en effet le plus nécessaire : aussi ces Catéchismes ont-ils fait de très grands fruits : et quelque ignorance qu'il reste parmi les Chrétiens, elle n'est pas comparable à celle qui régnait il y a deux cents ans, avant que Saint Ignace et ses disciples eussent rappelé la coutume de catéchiser les enfants.

Mais enfin, on ne peut nier que le style des Catéchismes ne soit communément fort sec, et que les enfants n'aient beaucoup de peine à les retenir, et encore plus à les entendre. Cependant les premières impressions sont les plus fortes, et plusieurs conservent toute leur vie une aversion secrète de ces Instructions qui les ont tant fatigués dans leur enfance. Tous les discours de Religion leur paraissaient tristes et ennuyeux. S'ils écoutent des sermons, s'ils lisent des livres de piété, c'est avec dégoût et à contrecœur, comme on prend des médecines salutaires, mais désagréables. La Religion leur semble une Loi dure : ils ne la suivent que par crainte, sans goût et sans affection, la mettant où elle n'est pas, et ne s'attachant qu'aux formalités. D'autres, plus emportés, s'écartent tout-à-fait : prévenus des fausses idées que leur ont donné la dureté des Catéchismes et la simplicité des femmes qui ont été les premières à leur parler de Religion, ils ne veulent rien écouter, et supposent, sans s'en éclaircir, que tous ces discours ne méritent pas seulement d'être examinés. C'est ce qui fait les libertins, principalement quand leurs passions et leurs mauvaises habitudes leur rendent odieuses les vérités de la Religion ; quand ils ont intérêt de les détruire, au moins dans leur esprit, pour apaiser les remords qui les tourmentent : et voilà jusqu'où peuvent aller les mauvais effets des Instructions désagréables.

Cherchons donc, avec l'aide de Dieu, qui veut le salut de tous les hommes, s'il y a quelque moyen de remédier ou de suppléer à la sécheresse des Catéchismes : et premièrement, tâchons d'en découvrir la cause. Elle vient, si je ne me trompe, de ce que les premiers qui les ont composés; étaient des Théologiens nourris dans l'école, qui n'ont fait qu'extraire de chaque Traité de Théologie, les définitions et les divisions qu'ils ont jugées les plus nécessaires, et les traduire en langue vulgaire sans changer le style. Ils ont aussi suivi la méthode scolastique, et ont voulu faire apprendre aux enfants les raisons de la suite des Traités ; pourquoi l'on parle des vertus et des Sacrements, après avoir traité des Mystères, et ainsi du reste ; mais je crains qu'ils n'aient pas assez fait de réflexions sur l'état de ceux qu'ils entreprenaient d'instruire ; et en effet, il est difficile que des hommes qui ont étudié longtemps, et qui sont fort exercés dans toutes les subtilités d'une science, puissent bien se représenter jusqu'où va l'ignorance de ceux qui n'en ont aucune teinture.

La méthode et le style de la Théologie scolastique est fort propre à ceux qui ont étudié la Logique et les autres parties de la Philosophie, tels que sont ordinairement les Théologiens. Quand on leur propose d'abord que Dieu peut être considéré, en foi, ou par rapport aux créatures ; en foi, ou quant à l'essence, ou quant à la distinction des personnes ; à l'égard des créatures, ou comme leur principe, ou comme leur fin. Que les moyens par lesquels la créature raisonnable peut arriver à cette fin, sont les vertus, et la grâce que Jésus-Christ nous a méritée, et qui nous est communiquée par les Sacrements. Quand, dis-je, vous proposerez tout cela à un homme instruit de la Philosophie, il vous entendra fort bien et ce plan général lui fera prévoir agréablement tout ce qu'il doit apprendre ensuite. Mais si vous dites la même chose à un Marchand, ou à un homme d'affaires, qui n'a point été au Collège, il ne vous entendra point, et il ne formera qu'une idée confuse d'un discours qui regarde Dieu et la Religion. Il n'est point accoutumé à ces divisions méthodiques, il n'entend point ces termes, d'essence, de principe, de fin, de moyens : il faudrait bien des paroles et bien du temps pour lui expliquer tout cela. Ce sera bien pis si vous parlez à un paysan, à une femme de ménage, à un enfant qui ne sait pas encore toute la langue, et qui n'a pas encore les idées des choses communes de la vie.

La meilleure méthode d'enseigner n'est donc pas celle qui nous paraît la plus naturelle, quand nous considérons les vérités abstraites, et en elles-mêmes : mais celle que l'expérience fait connaître pour la plus propre à faire entrer ces vérités dans les esprits de ceux à qui nous parlons : or il me semble que nous devons faire grand cas de l'expérience de tous les siècles. En remontant jusqu'à sept ou huit cents ans, qui est à peu près le temps où la plus grande ignorance s'est répandue dans le Christianisme, au-dessus de ces temps misérables jusqu'au commencement du monde, je trouve que l'on a toujours suivi à peu près la même méthode pour enseigner la Religion, et que l'on s'est servi principalement de la narration, et de la simple déduction des faits, sur laquelle on fondait les dogmes et les préceptes de morale.

En effet, pendant les premiers deux mille ans, la vraie Religion se conserva sans écriture par la seule tradition, et cette tradition n'était autre chose que le soin religieux qu'avaient les pères de raconter à leurs enfants les merveilles de Dieu, qu'ils avaient vues de leurs yeux, ou apprises par le récit de leurs pères, et que ces enfants, également pieux et fidèles, avaient soin à leur tour de raconter à leurs enfants. Ainsi, Adam avait instruit ce grand nombre d'enfants dont il commença à peupler la terre : il leur avait dit souvent, l'ayant appris de Dieu même, comment le monde fut créé, comment lui et sa femme furent formés ; il leur avait raconté le bonheur de leur premier état, leur péché, leur peine. Ainsi Noé avait enseigné à ses enfants tout ce qui s'était passé de mémorable avant le Déluge ; et ses trois fils répandirent par toute la terre la mémoire de ce fameux événement. Qui peut douter qu'Abraham n'ai pris grand soin de raconter à Isaac tout ce que Dieu avait fait avant lui pour le genre humain, et les grâces particulières que lui-même en avait reçues, puisque l'Écriture marque expressément son zèle pour l'instruction de sa famille ? Et qui peut douter que les autres Patriarches ne l'aient imité ?

Moïse inspiré de Dieu, recueillit et écrivit toutes ces anciennes traditions dans le livre de la Genèse : et dans les livres suivants, après avoir raconté fort au long les grands miracles que Dieu avait faits pour tirer son peuple de la servitude d'Égypte, il recommande à tous les Israélites qui les avaient vus comme lui, de les raconter à leurs enfants, et répète souvent de la part de Dieu ce commandement, comme celui de lire, relire et méditer continuellement sa Loi, c'est-à-dire, tout ce qu'il leur donnait par écrit. Josué, Samuel, et les autres Prophètes, écrivirent de temps en temps les miracles, les prédictions, et toutes les autres choses qui servaient à la Religion ; ce qui fut continué sans interruption jusqu'à la captivité de Babylone. Au retour, Dieu suscita le savant Esdras pour recueillir avec soin tous les livres précédents ; et y ajouter l'Histoire du rétablissement. Enfin, après un assez long intervalle, où il ne s'était rien passé de mémorable pour la religion, on écrivit l'Histoire de Judas Macchabée et de ses Frères, qui l'avaient défendue si vaillamment contre les Infidèles acharnés à la détruire, et à faire périr les livres sacrés ; et cette Histoire nous mène fort proche du temps du Messie. Cependant l'Écriture ne nuisait pas à la tradition, elle ne servait qu'à la rendre plus certaine ; et les Fidèles n'avaient pas moins de soin, que dans les premiers temps, de raconter à leurs enfants et à leurs petits enfants, ce qu'ils avaient appris de leurs pères et de leurs aïeux ; et de leur recommander de le faire passer à leur postérité. Ce devoir est marqué dans tous les Livres de Morale, et particulièrement dans les Psaumes. Il est donc vrai que pendant tout l'Ancien Testament, la Religion s'est conservée par les narrations et par les Histoires.

La publication de la nouvelle alliance n'a rien changé à cette méthode ; on a seulement ajouté à l'Histoire des anciennes merveilles celle des nouvelles encore plus grandes. La Naissance et la Vie de Jésus-Christ, ses Discours, ses Miracles, sa Résurrection, l'établissement de son Église : et Dieu a fait écrire ces prodiges nouveaux, comme les anciens, par ceux qui en étaient les témoins oculaires. Le sermon de Saint Étienne et la plupart de ceux des Apôtres, que l'Écriture nous rapporte, font voir que leurs disputes contre les Juifs, et les instructions qu'ils donnaient aux Païens, étaient toujours fondées sur la déduction des faits. Il fallait faire souvenir les Juifs de ce que Dieu avait fait pour leurs pères, et de ce qu'il leur avait promis, pour leur en montrer l'accomplissement ; et il fallait enseigner aux infidèles que Dieu avait créé le monde, qu'il le gouvernait par sa Providence, et qu'il avait envoyé un homme extraordinaire pour le juger.

Nous voyons la même conduite dans les siècles suivants. Entre les Ouvrages des Pères, nous avons un grand nombre d'instructions pour ceux qui se voulaient faire Chrétiens : elles sont la plupart fondées sur les faits, et le corps du discours est d'ordinaire une narration de tout ce que Dieu a fait pour le genre humain, depuis l'origine du monde jusqu'à la publication de l'Évangile. Rien n'est plus clair que ce que Saint Augustin en a écrit dans le livre de la vraie Religion, et dans celui qu'il a composé exprès de la manière dont on devait catéchiser les ignorants. Il parle toujours de narration ; il suppose toujours que l'instruction doit se faire en racontant des faits ; et les étendant plus ou moins, selon leur importance et la capacité du disciple ; et le modèle de ce Catéchisme qu'il donne lui-même à la fin de ce Traité, est un abrégé de toute l'Histoire de la Religion, mêlé de diverses réflexions. Il en donne encore un semblable dans l’Épitre à Volusien, commençant à la vocation d'Abraham, et finissant à son temps. Il est vrai qu'en tous ses Ouvrages, Saint Augustin ne parle que de l'instruction des personnes raisonnables, qui après avoir passé une partie de leur vie hors de l'Église, demandent à être instruites de la Religion Chrétienne : il ne parle point des enfants baptisés ; et ni dans ce Père, ni dans aucun autre, nous ne voyons point de Catéchisme pour eux. Cela vient de ce que ceux qui étaient baptisés en enfance, étaient enfants de Chrétiens, qui avaient été eux-mêmes bien instruits avant que d'être baptisés, et qui ensuite avaient grand soin d'instruire leurs enfants chez eux, et de les mener à l'Église, où ils assistaient aux Catéchismes de ceux qui demandaient le baptême. Ainsi l'Histoire de la Religion, et toute la Doctrine Chrétienne leur était tant de fois répétée, et en public et en particulier, qu'ils ne pouvaient manquer de la bien savoir, pour peu qu'ils y eussent d'affection. Il ne faut pas douter néanmoins, que l'instruction des enfants baptisés n'ait toujours commencé d'une autre manière que celle des Catéchumènes plus âgés. Avant que de donner le symbole à ces derniers, et leur expliquer les Mystères, il fallait les préparer par plusieurs discours, pour s'assurer de leur conversion, et pour leur inspirer la soumission qui est due à l'autorité de l'Église : en sorte qu'ils fussent prêts à recevoir sans examen toutes les vérités qu'elle leur proposerait à croire. Les enfants baptisés n'avaient pas besoin de ces préparations ; ils avaient déjà la foi, ils avaient la docilité, non seulement par la crédulité naturelle à leur âge, qui n'eût produit tout au plus qu'une foi humaine, mais par la grâce du baptême, qui leur avait imprimé dans l'esprit l'autorité de Dieu et de Son Église. Ainsi on leur enseignait d'abord le symbole, comme nous faisons encore ; mais on était bien plus soigneux que nous le sommes de le leur expliquer et de fortifier leur foi par toutes les instructions que j'ai marquées, et dans les Maisons et à l'Église.

Il est à croire que cette manière d'instruire a duré tant que l'ancienne discipline de l'Église s'est conservée, c'est-à-dire, jusqu'à vers le neuvième siècle, puisque l'on voit durer jusque-là l'usage de catéchiser et d'examiner plusieurs fois pendant le Carême, ceux que l'on devait baptiser à Pâque. J'en trouve dans le septième siècle deux exemples remarquables. Un sermon de Saint Gal aux infidèles d'Allemagne, vers l'an 620, et un de Saint Vilfrid aux Anglois de Sussex l'an 680. Enfin, lorsqu'on commença à ne baptiser presque plus que des enfants, ces instructions publiques dégénérèrent en formalités ; et la misère des temps ayant introduit une grande ignorance, même dans le Clergé, l'instruction effective fut fort négligée. On ne le voit que trop par les plaintes qu'en font les Évêques au Concile de Trofly l'an 909. Depuis un siècle, on était réduit à ordonner en plusieurs Conciles que les Évêques et les Prêtres enseigneraient aux Peuples, du moins le Symbole et l'Oraison Dominicale ; par là il marquait tout le Catéchisme. Expliquer ou donner le Symbole, selon les anciens, c'est catéchiser, parce que le Symbole est l'abrégé de toute la Doctrine. En effet, ces conciles veulent que l'on envoie les enfants aux écoles pour recevoir cette instruction ; ce qui serait inutile s'il ne s'agissait que de retenir par cœur ce peu de paroles, et ils veulent que les Fidèles apprennent le Symbole et l'Oraison, au moins en leur langue vulgaire, afin qu'ils l'entendent, en sorte qu'ils puissent l'enseigner aux autres. Depuis ce temps-là, c'est-à-dire, environ depuis le dixième siècle, on s'est réduit à cette manière d'instruction, et l'on a cru, que pourvu que les Chrétiens entendissent médiocrement le Symbole, ils pouvaient se passer pour la plupart, de la connaissance des faits que les anciens étaient si soigneux de leur raconter. Cependant quand nous n'aurions pas l'autorité de l'écriture, et les exemples de tant de siècles, il serait aisé de voir que la narration et la déduction des faits est, généralement parlant, la meilleure manière d'enseigner la Religion.

On peut à la vérité prouver par des raisons convaincantes, qu'il y a un Dieu créateur de toutes choses, qui les conserve et les gouverne par sa Providence ; que la nature humaine est corrompue ; que l'âme est immortelle, et qu'elle ne peut trouver de bonheur en cette vie. Les Pères l'ont fait quelquefois, et le devaient, ayant à convertir les hommes en âge de raison, et souvent des Hérétiques ou des Philosophes. C'est de cette espèce de Catéchisme que Saint Grégoire de Nice nous a donné un excellent modèle ; mais les enfants, et la plupart des hommes grossiers et peu attentifs, ne sont point capables d'entendre et de suivre ces raisonnements. Ceux mêmes qui raisonnent le mieux ne peuvent arriver à ce qui est au-dessus de la raison, comme la Trinité, l'Incarnation, la Prédestination ; en un mot, les Mystères dont toutefois la connaissance est nécessaire pour nous faire voir ce que nous devons à Dieu. C'est pourquoi Dieu qui nous connaît parfaitement, a fondé la Doctrine de sa Religion sur des preuves dont tous les hommes fussent capables, c'est-à-dire, sur des faits, et sur des faits évidents, illustres et sensibles, tels que sont la Création du monde, le péché du premier homme, le Déluge, la vocation d'Abraham, la sortie d'Égypte.

Afin que la vérité de ces faits ne pût être révoquée en doute par ceux qui ne les auraient pas vus, Dieu a de temps en temps rendu témoignage à ceux qui les racontaient par d'autres faits extraordinaires, c'est-à-dire, par des miracles, tels que ceux de Moïse, et des Prophètes, et enfin de Jésus-Christ et de ses disciples ; en sorte que pour croire à ceux que Dieu a envoyés, il n'a été besoin que de ce raisonnement si facile : il faut bien que ce soit Dieu qui nous parle par ces hommes, puisqu'en son Nom ils ressuscitent des morts, et font d'autres merveilles, que lui seul peut faire. C'est ainsi que l'Aveugle-né raisonnait sur les miracles de Jésus-Christ, et faisait le même raisonnement que Nicodème, Docteur en Israël.

Cette manière d'instruire n'est pas seulement la plus sûre et la plus proportionnée à toute sorte d'esprits, c'est encore la plus facile et la plus agréable. Tout le monde peut entendre et retenir une histoire, où la suite des faits engage insensiblement, et où l'imagination se trouve prise ; et quoique plusieurs se plaignent de leur mémoire, elle est toutefois moins rare que le jugement. De là vient la curiosité pour les nouvelles, l'amour des Romans et des Fables. Surtout ce sont les enfants qui en sont les plus avides, parce que tout a pour eux l'agrément de la nouveauté ; et comme d'ailleurs les personnes âgées aiment naturellement à raconter les faits dont elles ont la mémoire pleine, rien ne serait si facile que d'instruire les enfants dans la Religion, si les Pères et les Mères en étaient bien instruits, et s'ils voulaient s'appliquer à raconter les merveilles de Dieu, comme ils faisaient autrefois. Ceux qui ont composé nos Catéchismes modernes ont bien vu cette utilité des faits, pour arrêter l'imagination des enfants, et pour leur rendre les instructions agréables ; et plusieurs ont établi pour règle de leur méthode, de finir chaque leçon par une Histoire. Mais comme ils n'ont pas trouvé dans l'Écriture et dans les livre de grande autorité, des Histoires courtes qui s'ajustassent toujours à leurs leçons, ils en ont pris où ils ont pu, et souvent ils les ont tirées de la fleur des exemples du pédagogue chrétien, ou de quelques Vies des Saints peu correctes : en sorte que la plupart de ces Histoires contiennent des visions ou des miracles peu certains, ou même peu vraisemblables. On croit que tout est bon pour les enfants, mais ils deviendront hommes, et ces premières impressions peuvent les rendre trop crédules, ou leur donner du mépris pour tout ce qu'ils ont appris dans l'enfance, sans distinguer le solide. De plus, le Catéchisme se fait en public et à la face des Autels ; c'est la parole de Dieu, ou il n'est pas permis de rien mêler qui ne puisse se soutenir devant les hommes les plus savants et les mieux sensés, et qui ne soit digne de la majesté de la Religion.

Un autre moyen pour suppléer à la sècheresse des Catéchismes, bien plus approchant de l'ancienne méthode, sont les Abrégés de l'Histoire Sainte de l'Ancien et du Nouveau Testament, accompagnés de Figure. L'invention en est excellent ; les images sont très propres à frapper l'imagination des enfants, à fixer leur mémoire ; et c'est l'écriture des ignorants. Mais il serait à désirer que ceux qui ont fait ces Abrégés, au moins ceux dont j'ai connaissance, y eussent observé plus de choix et plus de méthode. Ils ont mis plus au long les Histoires de la Genèse que des autres Livres historiques : ils en ont mis plusieurs qui ne servent de rien à l'essentiel de la Religion, comme la punition d'Adonibezec et d'Agar, la révolte de Zamri et d'autres semblables, et ils en ont omis d'importantes, comme les promesses du Messie faites à David, et la vie des Prophètes : surtout, il ne paraît pas qu'ils aient pris soin de faire voir la suite et le rapport de tous ces faits, et véritablement c'est ce que les enfants entendent le plus tard, mais c'est pourtant à quoi l'on doit toujours tendre. Enfin les livres remplis de figures sont de trop grand prix pour être à l'usage des pauvres, qui ont le plus de besoin de ces instructions ; et le discours, qui n'est fait que pour expliquer les figures, n'est plus si clair, quand elles sont ôtées. Cependant elles m'ont paru d'une si grande utilité, que j'ai cru en devoir mettre à ce Catéchisme, afin qu'il puisse servir tout ensemble de Catéchisme et de Figures de l'Histoire Sainte. Mais je les y ai jointes de telle sorte, qu'il n'en dépend aucunement, et que les figures ont plus de besoin du discours, que le discours des figures.

Je sais bien que l'on a composé les Catéchismes sans narrations, par le désir de se réduire au plus nécessaire ; fondé sur la connaissance que l'on avait de l'ignorance crasse de la plupart des Chrétiens, de leur peu d'application, de leur incapacité. On a cru qu'ils pouvaient ignorer les noms des Patriarches et des Prophètes, l'alliance avec Abraham, la servitude d'Égypte et de Babylone, pourvu qu'ils sussent qu'en Dieu il y a trois Personnes, que la seconde s'est faite homme, qu'il y a sept Sacrements, et le reste. Cependant on n'a pu éviter de mêler beaucoup de faits à la Doctrine. On ne peut expliquer le premier article du Symbole, sans parler de la Création : ni le Baptême, sans parler du péché de notre premier Père ; ni le commencement du Décalogue, sans parler de Moïse, de l'occasion et de la manière dont la Loi lui fut donnée. On ne peut s'exempter de raconter assez en détail la Naissance de Jésus-Christ, ses principaux miracles, sa Passion, sa Résurrection, son Ascension, quand ce ne serait que pour rendre raison des Fêtes, par lesquelles on honore ces Mystères, qui est une des instructions dont le peuple a plus de besoin. Or ces faits seraient bien plus intelligibles et plus agréables, s'ils étaient contés de suite, dans leur ordre naturel, et avec une étendue raisonnable, qu'ils ne sont quand on ne les lit que par occasion, suivant l'ordre des parties du catéchisme ; quand on ne les dit qu'en passant, et comme à regret, craignant d'y perdre du temps.

C'est ce qui mérite d'être fort considéré, car je crains que les Catéchismes les plus courts ne contiennent plusieurs choses moins nécessaires que ces narrations. Il n'y en a guère qui ne disent rien au-delà de ce qui est précisément de la Foi, et ce surplus est tiré pour l'ordinaire, ou des opinions de l'école, ou des méditations des spirituels. Il n'y en a point qui ne soit rempli de termes de scolastique, qui demandent une grande explication pour pouvoir être entendus du peuple : vertus infusées, vertus Théologales, Cardinales, culte de Latrie, de Dulie, d'Hyperdulie. Mais quand on pourrait, sans connaissance des faits, savoir les vérités les plus absolument nécessaires au salut, ne faut-il pas songer à rendre les Chrétiens capables de profiter des livres de piété, des sermons, de l'Écriture même, s'ils peuvent y arriver ? Ne faut-il pas qu'ils entendent, autant qu'il est possible, ce qui se lit publiquement, et ce qui se chante à la Messe et aux autres Offices, et ce qui est signifié par les saintes cérémonies de l'Église ? Or que peuvent y entendre ceux qui n'ont jamais ouï parler, ni de Patriarches, ni de Prophètes, ni d'Abraham, ni d'Israël, ni de Moïse, ni de David, ni de Jérusalem, du Temple, ni des sacrifices anciens, ou qui en ont ouï parler si confusément, qu'ils n'en ont aucune idée claire.

Voilà les motifs qui m'ont fait entreprendre ce Catéchisme, dont le but est de soutenir par la connaissance des faits, l'explication du Symbole et des autres parties de la Doctrine Chrétienne. L'expérience a déjà fait voir que cette méthode n'est pas inutile : et ce qui m'en a fait bien espérer d'abord, est qu'elle approche de celle que Dieu même nous a enseignée dans la suite de ces Saintes Écritures. Les premiers livres et les plus anciens ne sont la plupart que des Histoires : les Préceptes de Morale viennent après ; puis les Livres des Prophètes mêlés d'exhortations et de prédictions ; partout l'ordre des temps est suivi. Il en est de même dans le Nouveau Testament. D'abord est l'Histoire, dans les Évangiles et les Actes des Apôtres ; puis les Instructions et les Exhortations dans leurs Épîtres, et enfin les prédictions dans l'Apocalypse, en sorte que l'ordre des Écritures renferme toute la suite des desseins de Dieu. Le premier Livre commence par la création du monde, et le dernier finit par l'espérance du dernier avènement de Jésus-Christ.

Si tous les Chrétiens étaient encore capables, comme dans les premiers temps, de lire l'Écriture et de l'entendre, il ne leur faudrait point d'autre instruction, puisque ce serait Dieu même qui les instruirait, parlant par ses Prophètes ; mais il n'est que trop évident que toute sorte de gens ne sont pas en état de lire utilement l'Écriture. La plupart sont arrêtés à toutes les pages, par les manières de parler, et les locutions hébraïques, que l'on ne peut éviter dans les meilleures traductions ou par les mœurs des anciens Orientaux si différentes des nôtres. Quoique chacun des Livres soit court, tous ensemble sont un assez gros volume ; et le commun des Chrétiens ont peu de loisir pour lire, peu d'application ou peu de mémoire. De plus, quoique toute l'Écriture soit très utile pour notre salut, toutes ses parties ne sont pas nécessaires à tous. Les livres purement historiques sont plus nécessaires que Job, le Cantique et les Prophètes ; le Nouveau Testament plus que l'Ancien, quoique l'on ne puisse bien entendre l'un sans l'autre. Dans la Genèse et dans les autres Livres d'Histoire, il y a bien des faits, qui ne nous importent pas autant qu'à ceux  pour qui ils ont été premièrement écrits, comme les origines des nations et les généalogies. Dans la Loi nous avons bien plus de besoin des Préceptes de Morale, que des Cérémonies qui sont abolies : or il est impossible de démêler d'abord tout cela, si l'on n'est averti par quelqu'un qui ait bien lu l'Écriture. L'obscurité de l'Écriture est encore un obstacle considérable, car sans parler de ce qui a été écrit obscurément tout exprès pour exercer notre foi et notre soumission, et pour exciter notre attention, ce qui était écrit le plus clairement est devenu obscur en plusieurs endroits par des causes fort naturelles ; par l'imperfection des traductions, qui ne peuvent jamais attendre à la force des expressions originales ; par la différence des mœurs ; par la longueur du temps, qui a fait perdre la tradition de mille circonstances des lieux et des personnes. On ne peut lever ces difficultés que par une longue étude et une grande application, qui doit être le partage des Prêtres et des Pasteurs. C'est à eux d'étudier continuellement la Loi de Dieu pour l'expliquer en public et en particulier au Peuple, qui a droit de la chercher dans leur bouche. Mais avant que d'en venir au détail de chaque Livre et de chaque passage, il est nécessaire de leur montrer en abrégé le Sommaire de la Doctrine que contiennent ces Livres divins pour les conduire dans la lecture qu'ils en pourront faire ensuite, leur marquant ce qu'ils y doivent principalement chercher, ce qu'ils doivent lire d'abord, et où il faut plus s'arrêter : or j'espère que ce catéchisme pourra servir à cette sorte d'instruction.

Après avoir rendu compte du dessein que je me suis proposé, je crois devoir expliquer la méthode dont je voudrais me servir pour le réduire en pratique. Je ne prétends pas que ce Catéchisme doive être regardé comme un Livre fait simplement pour être lu, ou même pour être appris par cœur ; ce doit être plutôt un modèle d'instruction que le Prêtre, ou tout autre qui enseigne, puisse suivre selon son talent, sans s'y attacher scrupuleusement, changeant et diversifiant, suivant les personnes et les occasions. Autre doit être l'instruction des enfants, autre celle des personnes raisonnables, mais ignorantes de la Religion : à des gens polis et éclairés d'ailleurs, il faut parler autrement qu'à des ouvriers et des paysans. Ne pouvant marquer toutes ces différences dans ce modèle, je me suis contenté d'y marquer la principale, et de donner deux Catéchismes, un plus petit pour les enfants, qui pourra servir aux hommes les moins instruits, et un plus grand pour les personnes plus éclairées et plus capables. Le premier Catéchisme ne sera pas nécessaire à ceux qui seront en état d'entendre d'abord le second ; mais ceux qui se serviront du premier doivent ensuite étudier l'autre, puisque encore qu'il aille un peu au-delà de ce qui est absolument nécessaire, je ne crois toutefois y avoir rien mis qui ne soit fort utile à tous les Chrétiens. Au reste, afin que le grand Catéchisme pût être seul une instruction suffisante, je n'ai pu éviter d'y comprendre tout ce que contient le petit ; et je n'ai pas craint que cette répétition fût inutile ; ceux qui commencent à apprendre ne son jamais si attentifs, qu'il suffise de leur dire les choses une fois. On est bien heureux s'ils la retiennent à la troisième ou à la quatrième répétition ; et je crois que c'est la cause des fréquentes redites que nous trouvons dans l'Écriture, particulièrement dans la Loi. Dieu parlant par Moïse ne se contente pas de proposer ses volontés une fois à son peuple, il les leur redit plusieurs fois, en différentes occasions, et les fait écrire comme il les avait dites, particulièrement celles qui étaient les plus importantes ; comme la défense de l'idolâtrie. Ainsi je crois qu'il sera bon qu'un enfant qui aura d'abord appris de son père ou de sa mère les paroles du Symbole, avec quelque légère explication, apprenne l'histoire du petit Catéchisme avec les questions et les réponses de chaque Leçon ; qu'il renvoie dans l'explication des dogmes ce qu'il doit le plus retenir ; et qu'il passe ensuite au grand Catéchisme, où il verra encore les mêmes faits et les mêmes dogmes, mais avec plus d'étendue. À force d'entendre dire ces mêmes vérités en tant de manières différentes, peut-être enfin lui demeureront-elles dans l'esprit ; peut-être y prendra-t-il goût, et s'affectionnera-t-il à s'instruire plus à fond tout le reste de sa vie par la lecture de l'Écriture Sainte, et des autres Livres spirituels, par les Sermons et les entretiens familiers. Je sais qu'il peut y avoir plusieurs degrés de capacité, entre ceux à qui le petit Catéchisme est nécessaire, et ceux qui peuvent d'abord se servir du grand ; c'est au catéchiste à s'accommoder à ces différences avec jugement et discrétion. Il doit étendre ou resserrer les narrations, selon la portée de ses disciples, leur éclaircir ce qu'ils trouveront obscur, satisfaire à leurs difficultés ; enfin ne point quitter chaque sujet qu'ils ne l'entendent autant qu'ils en sont capables.

Il est évident par là que le Catéchiste doit en savoir beaucoup plus que ce qui est écrit ici. Il doit avoir bien lu l'Écriture Sainte, particulièrement les Livres Historiques ; il doit, pour bien faire, avoir vu dans les sources tout ce que j'ai tiré des Auteurs Ecclésiastiques, dont je fais ici mention. Je n'ai dit dans chaque leçon que ce que je crois nécessaire : mais afin que le disciple puisse retenir ce peu que j'y ai mis, il lui en faut bien dire davantage. Donc dans la partie Historique, il faudra étendre les narrations, y ajoutant les circonstances que j'y ai retranchées, du moins celles que l'on jugera les plus utiles ; et je crois que le plus souvent il n'y aura qu'à lire en ces endroits le texte de l'Écriture. Dans la partie Dogmatique, on pourra s'étendre par des raisonnements, des comparaisons, des exemples toujours bien sensibles et bien proportionnés à l'Auditeur.

Mais, en l'une et l'autre partie, il faut bien prendre garde à ne rien ajouter qui ne soit exactement vrai, et d'une autorité incontestable. Gardez-vous de mêler aux vérités de l'Écriture les opinions qui partagent l'école, touchant les circonstances de la création du monde, les Anges, l'état d'innocence ; de vouloir déterminer le temps qu'Adam passa dans le Paradis terrestre, l'âge d'Abel, et comment Caïn mourut. Ne vous arrêtez pas aux questions que les disciples pourraient faire sur ces circonstances, et sur d'autres plus inutiles. Accoutumez de bonne heure les enfants à borner leur curiosité naturellement infinie, et à se contenter de ce que Dieu a voulu que nous sachions. En expliquant ce qui regarde Jésus-Christ, on doit se défier de certaines méditations qui ajoutent aux Histoires plusieurs circonstances, inventées sous prétexte de vraisemblance, dont l'Écriture (LPS : ou la Tradition) ne dit rien (LPS : Ne tombons pas dans le protestantisme par une mauvaise compréhension du texte). Tout de même, sur les dogmes, on ne doit pas mêler les opinions probables avec les décisions de foi. Vous trouverez assez de choses nécessaires à dire avant que de parler de la qualité des peines du Purgatoire, de l'âge auquel nous devons ressusciter, et d'autres articles semblables, sur lesquels l'Église n'a rien prononcé, et dont plusieurs s'embarrassent, tandis qu'ils en ignorent d'essentiels à la Religion (LPS : Nous sommes ici dans un contexte d'enseignement du Catéchisme, il faut donc respecter la hiérarchie des connaissances).

(...)

Suivant leur exemple, imitons, autant que nous pourrons, selon notre langue et nos mœurs, le style de Jésus-Christ, des Apôtres et des Prophètes. Ils parlaient le langage commun des hommes, leurs expressions étaient simples, nettes, solides, et ne laissaient pas que d'être grandes et nobles. Ils donnaient des idées claires et vives, et agissaient beaucoup sur l'imagination, parce qu'il y a eu peu d'hommes capables de penser sans s'en aider. Plus les Pères sont anciens, plus ils tiennent de cette noble simplicité. Servons-nous des expressions que l'Église a consacrées par ses Décrets et par ses Prières, et particulièrement de celle des Symboles et des autres professions de foi qu'elle a faites de temps en temps pour conserver sa doctrine contre les hérésies, à mesure qu'elles se sont introduites ; car c'est le langage qu'elle a voulu mettre en la bouche de tout le peuple. Les termes scientifiques seront toujours d'usage dans les écoles, entre les Théologiens de profession ; mais à quoi bon en fatiguer les simples, qui ne demandent qu'à s'instruire sans disputer, et à qui il importe de savoir les choses qu'ils doivent croire, non pas les mots dont se servent les Savants pour les expliquer ?

Or je prétends que la méthode historique sera fort utile pour faire entendre le fond des choses, sans s'arrêter aux paroles. Je suppose qu'un enfant, sitôt qu'il a su parler, a appris par cœur le symbole, et si l'on veut, quelqu'un des Catéchismes ordinaires, le plus court et le plus clair. Quand après cela pendant un long temps, comme de six mois, on lui aura parlé de la création du monde, de la providence de Dieu, de ses miracles, de ses bienfaits, des terribles effets de sa Justice, et de tout le reste que je raconte dans la première partie, la seconde sera bien préparée, et les dogmes seront beaucoup moins difficiles. Il doit rester naturellement de tous ces faits l'idée d'un Dieu tout-puissant, bon, juste et sage. Il ne sera pas nécessaire de demander combien il y a de Dieux : il ne viendra pas dans l'esprit qu'il puisse y en avoir plusieurs.

(...)

Dans la même suite d'Histoire, on aura souvent parlé du Messie, Fils de Dieu, longtemps promis et attendu. On aura raconté sa venue, sa vie, ses miracles, sa Passion. On aura parlé plusieurs fois du Saint-Esprit, à l'occasion des Prophètes et des Apôtres. Après tous ces faits bien expliqués, il ne sera pas difficile de faire entendre que Dieu est Père, Fils et Saint-Esprit : que Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme, et que toutefois ce ne sont pas deux, mais un seul Jésus-Christ. Il ne sera pas nécessaire de parler, si l'on ne veut, de substance, ni d'union hypostatique.

(...)

Le Catéchiste doit prendre sur lui toute la peine ; se faire petit avec les enfants, et avec les simples, étudier leur langage, et entrer dans leur idée pour s'y accommoder autant qu'il sera possible ; mais il ne faut pas donner dans la bassesse. Pour se faire entendre des enfants, il n'est pas nécessaire de parler comme leurs Nourrices, ni de bégayer avec eux, (...) d'user de proverbes avec le petit peuple. Il faut toujours conserver la majesté de la Religion, et attirer du respect à la parole de Dieu. Il n'y a qu'à bien étudier l'Écriture Sainte, on y trouvera les moyens d'être simple, non seulement sans bassesse, mais avec grande dignité.

On s'étonnera peut-être du discours suivi que j'ai mis à chacune des Leçons du petit Catéchisme avant les questions et les réponses. La Méthode Historique m'y a engagé ; car une histoire s'entend bien mieux contée de suite que coupée par des interrogations. Outre qu'il pourrait sembler étrange d'interroger un enfant avant que de lui avoir rien appris, et de lui faire dire toute la Doctrine, comme s'il instruisait le Maître qui l'interroge ; il semblerait plus naturel que l'enfant, qui ne sait rien, fit des questions pour s'instruire. Je sais bien que l'ignorance des enfants va jusqu'à ne savoir pas qu'il y ait quelque chose à apprendre ; et que, bien qu'ils fassent souvent des questions, ils les font sans ordre et sans choix. C'est pourquoi le plus raisonnable, à mon avis, est qu'un père ou un maître prenne un enfant, quand il le trouve en état d'entendre, qu'il lui raconte une Histoire, ou qu'il lui explique un Mystère, et qu'ensuite il l'interroge pour voir ce qu'il a retenu, et pour le redresser, s'il a mal entendu quelque chose, ou s'il ne s'est pas attaché au plus essentiel.

J'ai fait les réponses les plus courtes que j'ai pu pour fatiguer moins les enfants, et pour imiter mieux la nature, car ils ne parlent pas longtemps de suite. J'ai mieux aimé les interroger à plusieurs fois, et je désir que l'on en use ainsi, autant que l'on pourra ; quoique quelquefois, pour écrire moins, j'aie fait des réponses un peu longues : j'ai aussi évité de les faire trop souvent répondre par oui, et par non, de peur qu'ils ne soient pas attentifs à ce qu'ils affirment ou nient. Enfin je me suis efforcé de les interroger de telle sorte, qu'ils ne puissent répondre autre chose que ce que j'ai mis, ou qu'ils n'y changeassent que les paroles, et j'en ai fait quelques expériences sur des enfants de bon esprit.

(...)

Quant au grand Catéchisme, j'en ai retranché les Questions et les Réponses, parce que les personnes plus raisonnables et plus âgées ne s'y assujettiraient pas volontiers, et n'en ont pas tant de besoin. Elles sont d'ordinaire plus attentives que les enfants ; elles ont l'esprit plus suivi, et voient mieux l'utilité de ce qu'elles apprennent. Il suffira de le leur faire lire, ou le lire en leur présence, et leur expliquer ce qui ne sera pas assez clair pour elles. Si elles peuvent lire la Sainte Écriture, il sera bon de leur indiquer les lieux d'où la Leçon est tirée, et ceux qui y ont le plus de rapport. On pourra leur choisir quelques endroits des Pères les plus propres à leur édification : leur faire lire quelques Actes des Martyrs, et quelques vies des Saints les plus certaines et les mieux écrites. Dans l'explication des Sacrements, la lecture du Rituel et du Pontifical sera fort utile. Enfin il faut, autant qu'il est possible, faire voir au disciple la Doctrine dans les sources où nous l'avons prise, afin de le rendre capable d'enseigner à son tour les autres.

Car les meilleurs Catéchistes seraient les pères de familles, si chacun était bien instruit et soigneux d'instruire ses enfants et ses domestiques : ils feraient beaucoup plus de bien que ne peuvent faire les Prêtres. Nous ne parlons aux enfants qu'à l'Église ; à certains jours ; pendant peu de temps : les enfants y sont plusieurs ensemble, extrêmement dissipés par la compagnie, par les divers objets qui les frappent de tous côtés, et qui ne leur sont pas familiers. De là vient la peine que l'on a à les rendre attentifs, les interruptions et les réprimandes, qui emportent la moitié du temps destiné au catéchisme. Si vous vous appliquez à un enfant, dix autres badinent ; c'est toujours à recommencer. Au contraire, dans la maison les enfants sont plus recueillis, parce qu'ils sont plus libres ; s'ils n'ont pas cette crainte, qui les rend quelquefois immobiles à l'Église, leurs pensées sont plus tranquilles, ils ne voient rien qui leur soit nouveau. Un père qui n'en a que deux ou trois, accoutumés à le respecter, n'a pas de peine à les tenir dans le devoir : il les a toujours auprès de lui, il peut prendre le temps où ils sont plus dociles ; il connaît la portée de leur esprit, leur génie, et leurs inclinations ; il peut les instruire tout à loisir, et y donner tout le temps nécessaire ; et ce temps doit être long ; car comme les enfants ne peuvent s'appliquer beaucoup de suite, il faut y revenir souvent et continuer l'instruction pendant plusieurs années, avançant à mesure que leur esprit et leurs mœurs se forment. Ce que je dis des pères doit s'entendre des mères à proportion, principalement à l'égard des filles ; et je ne dis rien ici que je n'aie vu, et que je ne sache par expérience. Je connais un homme, entr'autres ; qui est passablement instruit de la Religion, sans avoir jamais appris par cœur les Catéchismes ordinaires, sans avoir eu pendant l'enfance d'autre Maître que son père. Dès l'âge de trois ans, ce Bon homme le prenait sur ses genoux, le soir après s'être retiré, lui contait familièrement, tantôt le Sacrifice d'Abraham, tantôt l'Histoire de Joseph, ou quelqu'autre semblable ; il le lui faisait voir en même temps dans un Livre de Figures ; et c'était un divertissement dans la famille de répéter ces Histoires. À six ou sept ans, quand cet enfant commença à savoir un peu de Latin, son père lui faisait lire l'Évangile, et les Livres les plus faciles de l'Ancien Testament, ayant soin de lui expliquer les difficultés. Il lui en est resté toute la vie un grand respect et une grande affection pour l'Écriture sainte, et pour tout ce qui regarde la Religion.

Je sais bien qu'il y a peu de pères et de mères qui veuillent prendre cette peine. On trouve plus commode de mettre les filles en pension chez des Religieuses, et les garçons au Collège, ou de payer des Maîtres et des Maîtresses ; mais il est difficile que les étrangers fassent, par charité ou par intérêt, ce que des pères et des mères feraient par l'amour que Dieu leur donne naturellement pour leurs enfants, s'ils savaient le bien appliquer. Quelque occupé que soit un père, il a peu d'affaires aussi pressantes que celle-ci : et ses enfants gagneraient beaucoup, si pour leur laisser une meilleure éducation, il leur laissait moins d'argent. On ne voit que trop de pères, qui ne savent à quoi s'occuper, après avoir mis leurs enfants hors de chez eux, et qui ne les éloignent que pour n'en point avoir l'embarras, et se donnent plus librement à leurs plaisirs. Il ne faut pas s'étonner si ces enfants ont peu d'amitié, et même peu de respect pour leurs parents ; et c'est un grand bonheur quand ils deviennent honnêtes gens et bons Chrétiens. Au contraire, on voit ordinairement réussir ceux dont les pères sont vertueux, capables et soigneux de les bien instruire.

Tout le Catéchisme se rapporte à l'amour de Dieu. Racontez, dit Saint Augustin, de telle sorte que l'Auditeur croie en écoutant, qu'il espère en croyant, et qu'il aime en espérant. Or l'amour de Dieu, l'espérance ou la crainte ne s'inspire pas d'ordinaire, en disant seulement qu'il faut aimer, craindre ou espérer, quoique l'on le répète plusieurs fois, principalement si on le dit d'une manière sèche et désagréable. Il faut dire des choses qui inspirent effectivement l'amour ou la crainte, soit que vous les nommiez ou non, puisqu'il importe bien plus au disciple des les avoir que de les connaître. La crainte de Dieu entrera dans les esprits, si l'on sait bien représenter la création, les miracles du désert, et les autres faits qui montrent sa grandeur et sa toute-puissance : si l'on raconte bien le Déluge, et l'embrasement de Sodome, les plaies d'Égypte, la captivité de Babylone, et les autres effets de sa justice. La seule déduction de ces faits rendra Dieu terrible, même sans dire qu'il le soit : Au contraire on le fera voir aimable par les biens qu'il a faits à Abraham, par le soin qu'il a eu du peuple dans le désert, par sa fidélité à accomplir ses promesses, par la prospérité de David et de Salomon, par le retour de Babylone ; mais bien plus, sans comparaison, par l'Incarnation de son Fils, par la vie et la Passion de Jésus-Christ : après avoir raconté fidèlement tout cela, quand même vous ne diriez point à vos Auditeurs qu'ils doivent aimer Dieu, ils l'aimeront, ou ils seront insensibles. Mais tant qu'ils ne sauront point tous ces faits, ou qu'ils n'en auront ouï parler que légèrement et confusément, en sorte que l'impression en sera faible, quoique l'on s'échauffe, en leur disant qu'il faut aimer Dieu, quoiqu'on leur fasse apprendre par cœur divers motifs d'amour, quoiqu'ils en prononcent des Actes, il est à craindre qu'ils ne demeurent aussi froids qu'auparavant.

La manière d'enseigner y fait encore. Si le catéchiste parle des Mystères de la Religion sèchement et froidement, comme des choses indifférentes, s'il marque de l'ennui ou du dégoût, s'il s'impatiente et se met en colère, s'il se familiarise trop, s'il lui échappe quelque parole ou geste indigne du personnage qu'il fait, il ne faut pas attendre grand fruit de son instruction. Les enfants, avant que d'entendre la langue de leur pays, entendent ce langage naturel et commun à tous les hommes, qui consiste dans tous les mouvements des yeux, du visage, et de tout le corps, dans le ton ou le mouvement de la voix, et qui, sans parole, exprime toutes les passions. Ainsi, ils voient fort bien si l'on agit sérieusement, ou si l'on se joue, si on les flatte, si on les menace, si on est tranquille ou passionné. Ils reçoivent mieux l'impression des mouvements que des paroles. Si vous voulez donc leur inspirer la crainte et l'amour de Dieu, il faut que vous leur paraissiez pénétré de ces sentiments, et pour le paraître il faut l'être en effet. Quand ils vous verront raconter les merveilles de Dieu avec un profond respect, montrant naturellement par vos gestes que vous êtes saisi d'admiration et de crainte, ils suivront vos mouvements. Il en sera de même de l'espérance, si vous leur paraissez frappé de l'attente du Royaume de Jésus-Christ : si levant les yeux et les mains au Ciel, vous soupirez après cette bienheureuse éternité : si vous représentez dignement la gloire des corps ressuscités, et la joie du Paradis. Il en sera de même de l'amour, si vous savez bien peindre les souffrances du Sauveur, si vous les décrivez avec tendresse, si vous être pénétré jusqu'à verser des larmes : or tout cela viendra de soi-même, si vous êtes bien touché des vérités de la Religion ; et vous le serez si vous êtes homme d'oraison.

C'est par ce conseil que je finis l'instruction de quiconque voudra se servir de ce catéchisme. On ne peut bien écrire une Méthode, qui doit varier infiniment selon les sujets et les occasions ; mais il est assuré que l'on fera bien, si l'on a une véritable charité pour Dieu et pour le prochain, et c'est par la prière qu'elle s'acquiert et se fortifie. Prions donc sans cesse, et de toutes nos forces, que Dieu envoie de dignes Ouvriers à sa moisson : qu'il leur donne des lumières nécessaires pour instruire les simples, la charité et toutes les vertus qui doivent soutenir ces Instructions. Puisque nous sommes appelés à une fonction si noble, prions que nous ne la déshonorions pas par notre négligence à nous en acquitter, et par notre vie peu édifiante. Demandons un zèle ardent, qui nous fournisse mille saintes inventions pour attirer les petits et les grands, les simples et les sages, et qui nous fasse être toujours prêts à donner des instructions à ceux qui les voudront recevoir. Demandons une patience invincible pour supporter leurs défauts, et la fatigue de l'Instruction. Enfin une humilité solide, qui nous persuade sincèrement que nous y commettons une infinité de fautes ; et que nous ne faisons que gâter l'œuvre de Dieu. Nous devons aussi beaucoup prier pour ceux que nous instruisons ; demander à Dieu qu'il nous fournisse les occasions, et nous ouvre les portes ; qu'il donne à ceux qui nous écoutent la docilité, l'intelligence, l'affection, la persévérance. On peut se servir très utilement à cette fin des Prières que l'Église a instituées pour les Catéchumènes, et que nous avons encore dans le Rituel au commencement de la cérémonie du Baptême. Voilà ce que j'avais à dire sur le dessein et l'usage de ce Catéchisme.






PETIT CATÉCHISME HISTORIQUE : Leçon I : De la Création, Leçon II : Du péché du premier Homme, Leçon III : Du déluge et de la Loi de Nature, Leçon IV : D'Abraham et des autres Patriarches, Leçon V : De la servitude d’Égypte et de la Pâque, Leçon VI : Du voyage dans le désert et de la Loi écrite, Leçon VII : De l'Alliance de Dieu avec les Israélites, Leçon VIII : De l'Idolâtrie, Leçon IX : De David et du Messie, Leçon X : Du Schisme de Samarie, Leçon XI : Des Prophètes, Leçon XII : De la Captivité de Babylone, Leçon XIII : De l'état des Juifs après la captivité, Leçon XIV : Des Juifs spirituels et des Juifs charnels, Leçon XV : De la Naissance de Jésus-Christ, Leçon XVI : De Saint Jean-Baptiste, Leçon XVII : De la vocation des Apôtres, Leçon XVIII : Prédication de Jésus-Christ, Leçon XIX : Des ennemis de Jésus-Christ, Leçon XX : De la Passion de Jésus-Christ, Leçon XXI : De la mort de Jésus-Christ, Leçon XXII : De la Résurrection de Jésus-Christ, Leçon XXIII : De la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres, Leçon XXIV : De la vocation des Gentils, Leçon XXV : De la fondation des Églises, Leçon XXVI : De la Tradition et de l’Écriture, Leçon XXVII : De la ruine de Jérusalem, Leçon XXVIII : Des persécutions, Leçon XXIX : De la liberté de l’Église, et des Moines.


PETIT CATÉCHISME HISTORIQUE, 2e Partie : Leçon I : De la Foi, de l'Espérance et de la Charité, Leçon II : De la Trinité, Leçon III : De l'Incarnation du Verbe et de la rédemption du genre humain, Leçon IV : De la descente de Jésus-Christ aux enfers, de sa Résurrection et de son Ascension, Leçon V : Du jugement, Leçon VI : Du Saint-Esprit, Leçon VII : De l’Église, Leçon VIII : De la Communion des Saints, Leçon IX : De la Rémission des péchés, Leçon X : De la Résurrection et de la vie éternelle, Leçon XI : De l'Oraison Dominicale, Leçon XII : Suite de l'Oraison Dominicale, Leçon XIII : Des autres prières, Leçon XIV : Du Décalogue, Leçon XV : Des trois premiers Commandements, Leçon XVI : Quatrième, cinquième et sixième Commandements, Leçon XVII : Des quatre derniers Commandements, Leçon XVIII : Des trois premiers Commandements de l’Église, Leçon XIX : Des autres Commandements de l’Église, Leçon XX : Des Sacrements, Leçon XXI : Du Baptême, Leçon XXII : De la Confirmation, Leçon XXIII : De l'Eucharistie, Leçon XXIV : De la Communion, Leçon XXV : Du Sacrement de Pénitence, Leçon XXVI : Suite de la Pénitence, Leçon XXVII : De l'Extrême-Onction, Leçon XXVIII : De l'Ordre, Leçon XXIX : Du Mariage.


GRAND CATÉCHISME HISTORIQUE (pour adulte) : Leçon I : De la Création, Leçon II : Du péché, Leçon III : De la corruption du Genre humain et du déluge, Leçon IV : De la Loi de Nature, Leçon V : Du Patriarche Abraham, Leçon VI : Des autres Patriarches, Leçon VII : De la servitude d’Égypte, Leçon VIII : De la Pâque, Leçon IX : Du voyage dans le désert, Leçon X : Des dix Commandements, Leçon XI : De l'alliance de Dieu avec les Israélites, Leçon XII : Des infidélités du peuple dans le désert, Leçon XIII : Des derniers discours de Moïse, Leçon XIV : De l'établissement du peuple dans la terre promise, Leçon XV : De l'Idolâtrie, Leçon XVI : De David et du Messie, Leçon XVII : De Salomon et de sa sagesse, Leçon XVIII : Du Schisme des dix Tribus ou de Samarie, Leçon XIX : Des Prophètes, Leçon XX : Des Prophéties, Leçon XXI : De la captivité de Babylone, Leçon XXII : Du rétablissement des Juifs après la captivité, Leçon XXIII : De la persécution d'Antiochus et des Macchabées, Leçon XXIV : De l'état où était le monde à la venue du Messie, Leçon XXV : Comment le Messie était attendu des Juifs, Leçon XXVI : De la Naissance de Jésus-Christ, Leçon XXVII : De l'enfance de Jésus-Christ, Leçon XXVIII : De Saint Jean-Baptiste, Leçon XXIX : De la vocation des Apôtres, Leçon XXX : Des miracles de Jésus-Christ, Leçon XXXI : Des vertus de Jésus-Christ, Leçon XXXII : De la Doctrine de Jésus-Christ et premièrement de la Trinité et de l'Incarnation, Leçon XXXIII : De l'amour de Dieu et du prochain, Leçon XXXIV : Des Conseils, de la Grâce et de la Prière, Leçon XXXV : De l'état des Fidèles dans la vie présente, Leçon XXXVI : De la vie du siècle futur, Leçon XXXVII : Des ennemis de Jésus, Leçon XXXVIII : De la Cène de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Leçon XXXIX : De la Passion de Jésus-Christ, Leçon XL : De la mort de Jésus-Christ, Leçon XLI : De la Résurrection et de l'Ascension de Jésus-Christ, Leçon XLII : De la descente du Saint-Esprit, Leçon XLIII : De l’Église de Jérusalem, Leçon XLV : De la Conversion des Gentils, Leçon XLVI : De la Fondation et de la Subordination des Églises, Leçon XLIV : De la Persécution des Juifs, et de la Conversion des Samaritains, Leçon XLVII : De la Tradition, de l'Écriture et des Conciles, Leçon XLVIII : De la ruine de Jérusalem, Leçon XLIX : De la vie des ApôtresLeçon L : Des PersécutionsLeçon LI : Des Confesseurs et des MartyrsLeçon LII : De la liberté de l'Église, et de la vie Monastique.



Reportez-vous également à Litanie de Saint Thomas d'Aquin et L’œuvre de Dom Jean de Monléon.