jeudi 12 septembre 2019

Ad apostolorum principis, Lettre encyclique de Sa Sainteté le Pape Pie XII, au sujet des épreuves de l’Église de Chine





AD APOSTOLORUM PRINCIPIS


LETTRE ENCYCLIQUE DE SA SAINTETÉ LE PAPE PIE XII


AU SUJET DES ÉPREUVES DE L'ÉGLISE DE CHINE


(29 juin 1958)




Aux Archevêques, Évêques, Prêtres et Fidèles de Chine, en paix et communion avec le Siège apostolique,

Vénérables Frères et chers Fils, Salut et Bénédiction apostolique,


Près du tombeau du Prince des Apôtres, sous les voûtes majestueuses de la Basilique vaticane, Notre prédécesseur immédiat de sainte mémoire, le Souverain Pontife Pie XI, il y a trente-deux ans, conférait la plénitude du sacerdoce « aux prémices et aux pousses nouvelles de l'épiscopat chinois » ; à ce moment solennel il exprimait en ces termes les sentiments de son cœur paternel : « Vous êtes venus, vénérables Frères, pour voir Pierre ; bien plus vous avez reçu de lui la houlette dont vous vous servirez pour entreprendre des voyages apostoliques et rassembler les brebis. Et Pierre vous a embrassés avec amour, vous qui donnez le grand espoir de porter à vos concitoyens la vérité évangélique. »

Le souvenir de ces paroles nous revient à l'esprit, vénérables Frères et chers fils, en cette heure d'affliction pour l'Église catholique de votre patrie. L'espoir du grand Pontife Notre prédécesseur, ne fut certes pas vain puisqu'une foule de nouveaux pasteurs et de hérauts de l'Évangile, ont suivi ce premier groupe d'évêques que Pierre, vivant dans son successeur, avait envoyé gouverner cette portion choisie du troupeau du Christ ; de nouvelles entreprises apostoliques se sont développées chez vous malgré de nombreuses difficultés. Et Nous, quand Nous eûmes plus tard la grande joie d'établir la hiérarchie ecclésiastique en Chine, Nous fîmes Nôtre et accrûmes cette espérance et Nous vîmes s'ouvrir des perspectives encore plus larges pour l'extension du règne divin de Jésus-Christ.

Mais peu après, hélas ! de sombres nuages s'amoncelèrent dans le ciel, et pour ces communautés chrétiennes dont quelques-unes avaient déjà reçu l'Évangile depuis longtemps, commencèrent des jours funestes et douloureux. Nous vîmes les missionnaires, parmi lesquels se trouvait un grand nombre d'archevêques et d'évêques zélés, contraints à abandonner le sol de la Chine, Notre représentant expulsé, et la prison ou les privations et des souffrances de toute sorte réservées aux évêques, aux prêtres, aux religieux, aux religieuses et à beaucoup de fidèles.

Alors Nous fûmes contraint d'élever la voix avec tristesse pour exprimer Notre douleur de cette injuste persécution, et par l'encyclique Cupimus imprimis du 18 janvier 1952, Nous eûmes soin de rappeler, par amour de la vérité et conscient de Notre devoir, que l'Église catholique ne peut être considérée comme étrangère, et moins encore comme hostile, à aucun peuple de la terre ; que, dans sa maternelle sollicitude, elle enveloppe tous les peuples d'une même charité ; elle ne cherche pas les biens de cette terre, mais elle invite tous les hommes, selon leurs possibilités, à la conquête des biens du ciel. Nous ajoutions que les missionnaires ne défendent pas les intérêts d'un pays particulier mais, venus de toutes les parties du monde, et unis par une même charité, ils n'ont en vue que la diffusion du règne de Dieu ; leur œuvre loin d'être superflue ou nocive, est bienfaisante et nécessaire pour aider le zélé clergé chinois dans l'apostolat chrétien.

Environ deux ans plus tard, dans l'encyclique Ad Sinarum Gentem du 7 octobre 1954, pour réfuter les nouvelles accusations portées contre les catholiques chinois, Nous proclamions que le chrétien ne le cède et ne peut le céder à personne dans l'amour et la fidélité véritables à sa patrie terrestre. Et puisque la doctrine trompeuse dite des « Trois autonomies » s'était répandue dans votre pays, Nous fîmes savoir, en vertu de Notre magistère universel que cette doctrine, telle que la comprennent ses tenants, au sens théorique, comme dans ses applications pratiques, était inacceptable pour les catholiques puisqu'elle écarte les fidèles de l'unité nécessaire de l'Église.

Et maintenant Nous devons constater que, pendant ces dernières années, les conditions de l'Église chez vous, se sont aggravées. Il est vrai — et cela Nous réconforte beaucoup dans la tristesse présente — que malgré la persécution prolongée, la fermeté intrépide de la foi et l'amour ardent envers Jésus-Christ et son Église n'ont pas défailli ; cette fermeté et cet amour vous les avez montrés en de très nombreuses occasions, et même si les hommes n'en connaissent qu'une petite part, vous en recevrez un jour de Dieu la récompense éternelle.

Mais en même temps, c'est Notre devoir de dénoncer ouvertement — et Nous le faisons avec une peine profonde — la tentative nouvelle et plus insidieuse de développer et de porter à ses conséquences extrêmes l'erreur pernicieuse que Nous avons condamnée si clairement.

En effet, suivant un plan soigneusement élaboré, on a fondé chez vous une « association » dite « patriotique » et par tous les moyens on pousse les catholiques à y adhérer.

Le but de cette association, comme on l'a répété plusieurs fois serait d'unir le clergé et les fidèles au nom de l'amour de la patrie et de la religion, pour propager l'esprit patriotique, promouvoir la paix parmi les peuples, coopérer à la « construction du socialisme » déjà établi dans le pays, aider les autorités civiles à défendre ce qu'ils appellent la politique de liberté religieuse. Mais il est clair que, sous ces expressions vagues de paix et de patriotisme qui peuvent induire en erreur les gens simples ce mouvement défend des objectifs et propage des initiatives détestables.

Sous prétexte de patriotisme, en effet, l'association veut conduire graduellement les catholiques à donner leur adhésion et leur appui aux principes du matérialisme athée, négateur de Dieu et de toutes les valeurs spirituelles.

Sous prétexte de défendre la paix, la même organisation accepte et répand de faux soupçons et des accusations contre beaucoup d'ecclésiastiques, contre de vénérés pasteurs, contre le Siège apostolique lui-même en leur attribuant des projets insensés d'impérialisme, de complaisance et de complicité dans l'exploitation des peuples, d'hostilité préconçue envers la nation chinoise.

En affirmant qu'il est nécessaire d'avoir une liberté complète dans les affaires religieuses et que cela facilite les relations entre l'autorité ecclésiastique et civile, l'association devient en réalité un instrument pour soumettre complètement l'Église aux autorités civiles et mépriser ses droits. Ses membres sont alors poussés à accepter et à justifier des mesures injustes comme l'expulsion des missionnaires, l'emprisonnement d'évêques, de prêtres, de religieux, de religieuses et de fidèles ; ils sont également forcés à consentir aux mesures prises pour empêcher avec pertinacité la juridiction de tant de pasteurs légitimes ; ils sont amenés à défendre des principes contraires à l'unité, à l'universalité de l'Église, à sa constitution hiérarchique ; ils doivent admettre des initiatives destinées à saper l'obéissance du clergé et des fidèles aux Ordinaires légitimes et à détacher du Siège apostolique les communautés catholiques.

Pour répandre et imposer plus facilement les principes néfastes de cette « association patriotique », on recourt aux moyens les plus variés, même à l'oppression et à la violence ; une propagande bruyante et tenace dans la presse, une série de réunions et de congrès auxquels par des menaces, des promesses, des tromperies on contraint de participer même ceux qui ne veulent pas, tandis que ceux qui se lèvent courageusement dans les discussions pour défendre la vérité sont violemment contredits et flétris du nom d'ennemis de la patrie et de l'ordre nouveau.

Il faut encore rappeler les « cours d'endoctrinement » trompeurs auxquels sont contraints d'assister les prêtres, les religieux, les religieuses, les élèves des séminaires, les fidèles de toute condition et de tout âge, au moyen de leçons interminables et de débats exténuants, répétés parfois pendant des semaines et des mois ; on exerce ainsi sur eux une pression psychologique pour leur arracher une adhésion qui loin d'être libre, comme il conviendrait, n'a au contraire presque plus rien d'humain. Sans parler de la tactique d'intimidation, exercée par tous les moyens, sournois ou manifestes, en privé ou en public ; des confessions forcées et des camps de « rééducation », des « jugements populaires » humiliants, auxquels on a osé traîner même des évêques vénérables.

Contre de telles méthodes qui violent les droits les plus fondamentaux de la personne humaine et foulent aux pieds la sainte liberté des fils de Dieu, il est impossible que ne se lèvent pas, en même temps que la Nôtre, la protestation de nos frères dans la foi et de toutes les personnes honnêtes du monde entier pour l'offense faite à la conscience civile elle-même.

Puisque, comme Nous le disions, c'est au nom du patriotisme que s'accomplissent de telles choses, c'est Notre devoir de rappeler à tous, encore une fois, que la doctrine catholique exhorte précisément les catholiques à nourrir un amour profond et sincère envers leur patrie, à rendre l'honneur qui leur est dû aux autorités civiles, étant sauf le droit divin naturel et positif, à leur apporter un concours généreux et actif dans toutes les entreprises qui contribuent au progrès vrai, pacifique et ordonné, à la prospérité véritable de la communauté nationale. L'Église ne s'est jamais lassée d'inculquer à ses fils la règle d'or reçue de son divin Fondateur : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Luc. 20, 25), maxime fondée sur le principe présupposé qu'aucune opposition ne peut exister entre les préceptes de la vraie religion et les vrais intérêts de la patrie.

Mais il faut ajouter tout de suite que si le chrétien par devoir de conscience doit rendre à César c'est-à-dire aux autorités humaines, ce qui leur appartient, celles-ci ne peuvent donner des ordres aux citoyens dans les choses ne leur appartenant pas mais qui sont dues à Dieu, et moins encore peuvent-elles exiger l'obéissance quand elles entendent usurper les droits souverains de Dieu, forcer les fidèles à s'écarter de leurs devoirs religieux, à se détacher de l'unité de l'Église et de la hiérarchie légitime. Alors le chrétien ne peut que répondre, sereinement mais fermement, comme jadis saint Pierre et les Apôtres aux premiers persécuteurs de l'Église : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes » (Act. 5, 29).

Avec une insistance emphatique, le mouvement pseudopatriotique parle à tout instant de paix et exhorte vivement les catholiques à militer en sa faveur. Paroles apparemment irréprochables : qui en effet mérite plus d'éloges que celui qui prépare les chemins de la paix ? Mais la paix, vous le savez bien, vénérables Frères et chers fils, n'est pas faite d'expressions verbales, de formules vaines inspirées par des motifs d'opportunité, mais contredites par des actes ou des initiatives motivés non par des sentiments pacifiques, mais par la haine, le ressentiment, la discorde. La vraie paix doit être inspirée par les principes de justice et de charité enseignés par Celui qui s'honore de la paix comme d'un titre royal — « Prince de la paix » (Is. 9, 6) ; la vraie paix est celle que souhaite l'Église, paix stable, juste, équitable et ordonnée — entre les individus, entre les familles, entre les peuples — qui, dans le respect des droits de chacun, et spécialement de ceux de Dieu, met l'union entre tous par la charité fraternelle et la collaboration réciproque.

Dans cette perspective pacifique de co-existence harmonieuse de toutes les nations, l'Église désire que chaque peuple ait le rang qui lui revient. L'Église en effet, suivant toujours avec sympathie les événements de votre patrie, souhaitait sincèrement, autrefois déjà par la bouche de Notre prédécesseur immédiat : « que soient pleinement reconnues les aspirations légitimes et les droits d'un peuple qui est le plus nombreux de la terre, peuple d'ancienne culture, qui connut des périodes de splendeur, et qui est destiné à un grand avenir s'il se maintient dans les voies de la justice et de l'honneur » (Pie XI, Message au Délégué apostolique en Chine, 1er août 1928).

Au contraire, selon les nouvelles transmises par la radio et par la presse, il y aurait des gens, même parmi le clergé, hélas ! qui osent jeter la suspicion et accuser le Saint-Siège de malveillance envers votre pays.

Partant de ce présupposé faux et offensant, ils ne craignent pas de limiter à leur gré l'autorité du magistère suprême de l'Église, en affirmant qu'il y aurait des questions — comme les questions sociales et économiques — dans lesquelles il serait permis aux catholiques de ne tenir aucun compte des enseignements doctrinaux et des normes données par le Siège apostolique. Opinion, il est à peine nécessaire de le dire, absolument fausse et erronée, parce que — comme Nous eûmes l'occasion de l'exposer, il y a quelques années, à un groupe choisi de Nos vénérables Frères dans l'épiscopat — « le pouvoir de l'Église n'est pas du tout circonscrit au domaine des choses strictement religieuses selon l'expression habituelle, mais tout le domaine de la loi naturelle lui appartient également ainsi que son enseignement, son interprétation et son application pour autant qu'on en considère le fondement moral. En effet, par disposition divine, l'observation de la loi naturelle se réfère à la voie selon laquelle l'homme doit tendre à sa fin surnaturelle. Sur cette voie, l'Église est donc guide et gardienne des hommes pour ce qui regarde la fin surnaturelle » (Discours au Sacré Collège et à l’Épiscopat, 2 novembre 1954).

C'est la même vérité que déjà Notre saint prédécesseur Pie X expliquait sagement dans l'encyclique Singulari quadam du 24 septembre 1912, quand il observait que « toutes les actions du chrétien sont soumises au jugement et à la juridiction de l'Église, en tant qu'elles sont bonnes ou mauvaises du point de vue moral, c'est-à-dire en tant qu'elles sont conformes ou contraires au droit naturel et divin ».

En outre, après avoir proclamé cette limitation arbitraire, ces gens déclarent vouloir obéir au Pontife romain en ce qui concerne les vérités à croire et — prétendent-ils — les normes ecclésiastiques à observer, mais ils en viennent ensuite à une telle audace qu'ils refusent obéissance à des mesures et des dispositions du Saint-Siège auquel ils attribuent des buts politiques cachés, comme de ténébreux complots dirigés contre leur pays.

Comme signe de cet esprit de rébellion à l'Église, Nous devons mentionner maintenant un fait très grave qui cause une amertume indicible et profonde à Notre cœur de Père et de Pasteur universel des âmes. Depuis quelque temps, dans une propagande insistante, le mouvement dit patriotique proclame le droit prétendu des catholiques d'élire les évêques, de leur propre initiative, affirmant que cette élection serait indispensable pour pourvoir, avec la sollicitude requise, au bien des âmes et pour confier le gouvernement des diocèses à des pasteurs agréés des autorités civiles parce qu'ils ne s'opposent pas aux ordres et à la politique du communisme.

Bien plus, Nous avons appris qu'on a procédé déjà à bon nombre de ces élections abusives et qu'en outre, malgré un avertissement explicite et sévère adressé aux intéressés par ce Siège apostolique, on a même osé conférer à certains ecclésiastiques la consécration épiscopale.

Devant de si graves attentats contre la discipline et l'unité de l'Église, c'est Notre devoir exprès de rappeler à tous que la doctrine et les principes qui régissent la constitution de la société divinement fondée par Jésus-Christ Notre-Seigneur sont tout différents.

Les sacrés canons en effet décrètent clairement et explicitement qu'il revient uniquement au Siège apostolique de juger de l'aptitude d'un ecclésiastique à recevoir la dignité et la mission épiscopales (Can. CIS 331, 3) et qu'il revient au Pontife Romain de nommer librement les évêques (Can. CIS 329, 2). Et même comme il arrive en certains cas, lorsqu'il est permis à d'autres personnes ou groupes de personnes d'intervenir en quelque manière dans le choix d'un candidat à l'épiscopat, cela n'est légitime qu'en vertu d'une concession — expresse et particulière — faite par le Saint-Siège à des personnes ou à des groupes bien déterminés, dans des conditions et des circonstances parfaitement définies. Ceci établi, il s'ensuit que les évêques qui n'ont été ni nommés ni confirmés par le Saint-Siège, qui ont même été choisis et consacrés contre ses dispositions explicites, ne peuvent jouir d'aucun pouvoir de magistère ni de juridiction ; car la juridiction ne parvient aux évêques que par l'intermédiaire du Pontife romain, comme Nous vous en avertissions dans Notre encyclique Mystici Corporis : « Les évêques... en ce qui concerne leur propre diocèse, chacun en vrai Pasteur, fait paître et gouverne au nom du Christ le troupeau qui lui est assigné. Pourtant dans leur gouvernement, ils ne sont pas pleinement indépendants, mais ils sont soumis à l'autorité légitime du Pontife romain, et s'ils jouissent du pouvoir ordinaire de juridiction, ce pouvoir leur est immédiatement communiqué par le Souverain Pontife » (Enc. Mystici corporis, 29 juin 1943). Nous avons rappelé cet enseignement dans la lettre encyclique, à vous destinée, Ad Sinarum gentem : « Le pouvoir de juridiction, qui est conféré directement au Souverain Pontife par le droit divin, les évêques le reçoivent du même droit mais seulement à travers le Successeur de saint Pierre, vis-à-vis duquel non seulement les fidèles mais tous les évêques sont tenus à l'obéissance respectueuse et au lien de l'unité » (Enc. Ad Sinarum gentem, 7 octobre 1954).

Les actes relatifs au pouvoir d'Ordre, posés par ces ecclésiastiques, même s'ils sont valides — à supposer que la consécration qu'ils ont reçue ait été valide — sont gravement illicites, c'est-à-dire peccamineux et sacrilèges. On se rappelle à ce propos les paroles de sévère avertissement du divin Maître : « Qui n'entre pas dans le bercail par la porte, mais y entre par ailleurs, est un voleur et un brigand » (Joan. 10, 1) ; les brebis reconnaissent la voix de leur vrai pasteur, « mais elles ne suivent pas un étranger ; elles le fuient même parce qu'elles ne connaissent pas la voix des étrangers » (Joan. 10, 5).

Nous savons bien, hélas ! que pour légitimer leurs usurpations, les rebelles se réclament de la pratique suivie en d'autres siècles, mais il n'est personne qui ne voie ce que deviendrait la discipline ecclésiastique si, en telle ou telle question, il était permis à n'importe qui de reprendre des dispositions qui ne sont plus en vigueur parce que la suprême autorité de l'Église en a décidé autrement depuis longtemps. Bien plus, le fait d'en appeler à une discipline diverse, loin d'excuser leurs actes, prouve leur intention de se soustraire délibérément à la discipline actuellement en vigueur, la seule qu'ils doivent suivre : discipline qui vaut non seulement pour la Chine et pour les territoires d'évangélisation récente mais pour toute l'Église ; discipline qui a été sanctionnée en vertu du pouvoir suprême et universel de gouvernement qui fut conféré par Notre-Seigneur aux successeurs de l'apôtre Pierre. On connaît en effet la définition solennelle du concile du Vatican : « Nous basant sur les témoignages clairs de la Sainte Écriture et en pleine harmonie avec les décrets précis et explicites soit de Nos prédécesseurs, les Pontifes romains, soit des conciles généraux, Nous renouvelons la définition du concile œcuménique de Florence selon laquelle tous les fidèles doivent croire que le Saint-Siège apostolique et le Pontife romain exercent le primat dans le monde entier ; que le même Pontife romain est le successeur de saint Pierre, Prince des Apôtres, le vrai Vicaire du Christ, le chef de toute l'Église, le Père et le Docteur des chrétiens ; qu'à lui, en la personne de saint Pierre a été confié par Notre-Seigneur Jésus-Christ le plein pouvoir de paître, régir et gouverner l'Église universelle...

Aussi Nous enseignons et déclarons que l'Église romaine, par disposition divine, a le pouvoir ordinaire de primat sur toutes les autres, et que ce pouvoir de juridiction du Pontife romain, de caractère vraiment épiscopal, est immédiat ; et que les pasteurs et les fidèles, de tous rites et dignités, considérés chacun en particulier ou tous ensemble, sont tenus au devoir de subordination hiérarchique et de vraie obéissance envers elle, non seulement dans les choses de la foi et de la morale, mais aussi en celles qui se rapportent à la discipline et au gouvernement de l'Église, répandue dans le monde entier ; de sorte que l'unité de communion et de foi avec le Pontife romain étant ainsi conservée, l'Église du Christ soit un seul troupeau sous un seul pasteur suprême. Tel est l'enseignement de la vérité catholique, dont personne ne peut s'éloigner sans perdre la foi et le salut (Conc. Vat., Sess. IV, cap. 3). »

De ce que Nous vous avons exposé, il suit qu'aucune autorité autre que celle du Pasteur suprême, ne peut invalider l'institution canonique donnée à un évêque ; aucune personne ou assemblée, de prêtres ou de laïcs, ne peut s'arroger le droit de nommer des évêques, personne ne peut conférer légitimement la consécration épiscopale sans la certitude préalable du mandat pontifical (Can. CIS 953). Une consécration ainsi conférée contre tout droit et qui est un très grave attentat à l'unité même de l'Église, est punie d'une excommunication « réservée d'une manière très spéciale au Saint-Siège, et encourue ipso facto non seulement par celui qui reçoit cette consécration arbitraire mais aussi par celui qui la confère (Cf. Décret de la Suprême Congrégation du Saint-Office, 9 avril 1951). »

Que dire enfin du prétexte allégué par les chefs de l'association pseudo-patriotique, quand ils voudraient se justifier en invoquant la nécessité de pourvoir au ministère des âmes dans les diocèses privés de la présence de leur évêque ?

Il est évident, d'abord, qu'on ne pourvoit pas aux besoins spirituels des fidèles en violant les lois de l'Église. En second lieu, il ne s'agit pas — comme on voudrait le faire croire — de diocèses vacants, mais souvent de sièges épiscopaux dont les titulaires légitimes ont été expulsés ou languissent en prison, ou sont empêchés de diverses manières d'exercer librement leur juridiction ; ou, en outre, on a également emprisonné et expulsé ou écarté en quelque manière les ecclésiastiques que les Pasteurs légitimes — selon les prescriptions du droit canon et les instructions spéciales reçues du Saint-Siège — avaient désignés pour les remplacer dans le gouvernement du diocèse.

Il est vraiment pénible qu'au moment où des pasteurs zélés souffrent de telles tribulations, on profite de leur épreuve pour établir à leur place de faux pasteurs, pour renverser l'organisation hiérarchique de l'Église, pour se rebeller contre l'autorité du Pontife romain.

L'on en vient à une telle arrogance qu'on veut imputer au Siège apostolique lui-même un état de choses si triste et si misérable qui est le résultat d'un dessein précis des persécuteurs de l'Église ; or, tout le monde sait que le Saint-Siège, empêché de communiquer librement et sûrement avec les diocèses de Chine, s'est trouvé et se trouve dans l'impossibilité de se procurer, toutes les fois que c'est nécessaire, les informations indispensables, pour votre pays comme pour n'importe quel autre, au choix de candidats aptes à la dignité épiscopale.

Vénérables Frères et chers fils ! Nous vous avons manifesté jusqu'ici Nos préoccupations pour les erreurs que l'on tente d'insinuer parmi vous et pour les divisions que l'on crée afin que, éclairés et soutenus par l'enseignement du Père commun, vous puissiez rester intrépidement fidèles à la foi qui nous unit tous et nous sauve.

Mais maintenant, dans toute l'effusion de Notre affection, Nous voulons vous dire combien Nous Nous sentons près de vous. Vos souffrances physiques et morales, spécialement celles que supportent d'héroïques témoins du Christ — parmi lesquels se trouvent plusieurs de Nos vénérables Frères dans l'épiscopat — Nous les portons dans le cœur et, jour après jour, Nous les offrons, avec les prières et les souffrances de toute l'Église, sur l'autel de notre divin Rédempteur.

Restez fermes et mettez votre confiance en lui : « Jetant en lui toute votre sollicitude car il a soin de vous » ! (1 Petr. 5, 7). Il voit vos souffrances et vos peines ; surtout il accueille la souffrance intime et les larmes secrètes que beaucoup d'entre vous — pasteurs, prêtres, religieux et simples fidèles — versent en secret en voyant les efforts de ceux qui voudraient semer la destruction dans vos communautés chrétiennes. Ces larmes et ces peines, en même temps que le sang et les souffrances des martyrs d'hier et d'aujourd'hui, seront le gage précieux de la résurrection de l'Église dans votre Patrie lorsque, grâce à la puissante intercession de la Vierge sainte, Reine de la Chine, des jours plus sereins resplendiront à nouveau.

C'est avec cette confiance que Nous vous accordons, à vous et au troupeau confié à vos soins, en gage des grâces célestes et en témoignage de Notre spéciale bienveillance, la Bénédiction apostolique.



Reportez-vous à L'obéissance est la fille et l'inséparable compagne de l'humilitéMystici corporis Christi, du Pape Pie XII, sur le Corps Mystique de Jésus-Christ et sur notre union en lui avec le Christ, Mit brennender sorge, du Pape Pie XI, sur la condamnation du nazisme, Diuturnum Illud du Pape Léon XIII, sur l'origine du pouvoir civil, et Divini Redemptoris, du Pape Pie XI, sur le communisme athée.