mercredi 18 décembre 2019

Du Recueillement, par le R.-P. Jean-Joseph Surin



Extrait du CATÉCHISME SPIRITUEL DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE, TOME II, Composé par le R. P. J. J. SURIN, de la Compagnie de Jésus :


Sainte Catherine de Sienne


Du Recueillement



En quoi consiste le recueillement ?

En trois choses, qui sont l'union des forces de l'âme, l'attention à Dieu, et la solide occupation du cœur.


Qu'est-ce qu'unir les forces de l'âme ?

Pour bien entendre ceci, il faut savoir que l'homme a un penchant dominant à se répandre au-dehors sur les objets qui l'environnent, à s'y arrêter et à s'en occuper. Cet épanchement de l'âme partage ses facultés, et affaiblit par conséquent les forces intérieures. De là vient cette funeste facilité à nous laisser charmer par les faux attraits des créatures, à obéir à nos passions, et à succomber aux tentations et aux attaques que nous livrent les ennemis de notre salut. Que fait la grâce pour combattre ce penchant de la nature ? Elle inspire d'abord à un homme, de retirer du dehors ses puissances qui s'égarent ; afin qu'unies ensemble, elles puissent considérer les objets éternels, et s'en bien pénétrer ; ce qui demande toutes les forces intérieures. La facilité qu'on acquiert à rappeler dans l'intérieur les puissances de l'âme, s'appelle recueillement.


Quelle est la pratique de ce recueillement ?

Je suppose une femme mondaine, qui ne trouve ni repos ni contentement que dans les compagnies brillantes, dans les conversations agréables, dans la magnificence des meubles et des parures. Si Dieu vient à la toucher du désir de se donner à lui, elle commencera par renoncer à toutes ces occupations frivoles ; elle se fera violence pour ne plus aller à la comédie, pour ne plus paraitre dans les assemblées de jeu, et dans les visites mondaines : elle ne permettra même pas à son esprit de penser à ces vains divertissements. Par-là elle dégagera les puissances de son âme, esclaves de l'extérieur, et les unira au-dedans, pour les appliquer aux objets du salut.


En quoi consiste l'attention, qui est comme la seconde partie du recueillement ?

Elle doit avoir deux objets. Le premier, c'est Dieu : on doit se faire une étude d'y penser ordinairement, et de se représenter les choses qui en entretiennent le souvenir, jusqu'à ce que l'habitude soit formée, et que la pensée de Dieu soit devenue familière. Le second objet de l'attention, c'est nous-mêmes. Il faut veiller continuellement sur son intérieur, pour prendre garde qu'il ne se dérange ; qu'aucun objet du dehors n'y jette la dissipation ; qu'aucune passion ne s'y glisse ; qu'aucune attache ne s'y forme ; qu'il n'échappe aucun sentiment déréglé, aucune légèreté, aucune précipitation ; rien qui puisse souiller la pureté du cœur, ou troubler la paix que l'âme goûte dans la douce pensée de Dieu. Toute personne qui a cette attention à Dieu et sur elle-même, est véritablement recueillie.


Quelle est la troisième chose que demande le recueillement ?

C'est de donner au cœur une occupation solide, capable de le fixer, et propre à lui servir de nourriture. Comme les différents objets qui se présentent à l'esprit, donnent occasion à ses pensées ; ce sont les pensées de l'esprit qui fournissent au cœur le sujet de ses affections. Les objets vains ne peuvent produire que vanité : les objets qui regardent Dieu et son service, sont une nourriture solide, qui remplit l'âme de saintes affections. Il faut donc pour acquérir l'habitude du recueillement, faire en sorte que le cœur ne s'occupe jamais des objets du monde, mais toujours de ceux qui regardent la gloire de Dieu. Il y a ici une réflexion importante à faire.
Tout ce qui est dans le cœur ne fait pas son occupation, parce qu'il y a bien des choses qui n'y sont qu'en passant, ou par occasion, ou malgré lui-même. Ce qui l'occupe, c'est ce qu'il a coutume de ruminer, pour ainsi dire, lorsqu'il est à soi, et que rien ne l'inquiète. Car alors les objets qui le satisfont et qui lui plaisent, ne manquent point de se présenter, et il n'y a proprement que ces objets qui fassent l'occupation du cœur. Mettons la chose dans un exemple.
On peut avoir, et on a ordinairement quand on est tranquille, deux occupations à la fois, qui sont très différentes entr'elles. Une femme qui s'applique au-dehors à quelque ouvrage, n'est pas pour cela oisive au-dedans ; tandis que ses mains s'emploient au travail, son esprit et son cœur s'occupent de quelque objet qui n'est pas l'ouvrage que ses mains travaillent.
Pour bien connaître le caractère de cette femme, il faudrait voir quelle est l'occupation de son intérieur. Si c'est une femme mondaine, elle aura l'esprit appliqué à la bagatelle, aux vanités et aux parures. Si elle pratique la dévotion, elle rappellera dans son esprit et dans son cœur ce qu'elle a lu dans un bon Livre, ce qu'elle a entendu au Sermon, ou quelqu'autre objet de piété qui est de son goût. Puis donc que l'occupation intérieure peut être différente de l'occupation extérieure, le grand secret pour acquérir bientôt l'habitude du recueillement, est de faire en sorte, dès qu'on est à soi, que l'esprit et le cœur soient toujours occupés de quelque objet de piété.
Les sources d'où l'on doit tirer le sujet de cette occupation intérieure, sont particulièrement ces trois. Premièrement, la vie de J. C., ses Mystères, ses actions et ses paroles. Secondement, tout ce qu'on a retenu du Sermon, des entretiens de piété, de la lecture des bons Livres, et surtout du Livre des Psaumes. En troisième lieu, on peut s'entretenir avec soi-même des affaires qu'on traite actuellement, et qui regardent la gloire de Dieu. Car comme il est impossible de ne pas donner quelque attention aux objets sensibles, et que chacun pense volontiers à ce qui le touche, ceux qui travaillent pour la gloire de Dieu, ne sauraient mieux faire, pour tenir leur cœur recueilli, que de l'occuper d'un si saint travail. Un autre exercice très-utile, et qui suffirait pour conduire à la perfection du recueillement, c'est de se tenir en garde à la porte de son cœur, pour la fermer constamment à tous les objets du monde.
De ce que nous venons de dire, il est aisé de conclure qu'il y a plus d'une sorte de recueillement. Il y en a un où notre industrie et nos soins ont beaucoup de part, lorsqu'avec le secours ordinaire de la grâce, nous nous étudions à unir nos forces, et à occuper saintement nos puissances au-dedans. Il y en a un autre qui est un effet particulier de la grâce et de l'opération du S. Esprit, qui prévient une âme, ou qui récompensant les efforts qu'elle a faits pendant longtemps pour se recueillir, attire au dedans, unit ses forces et les applique à Dieu ; de sorte qu'elle n'a qu'à suivre l'attrait pour se trouver dans le cabinet intérieur que sainte Catherine de Sienne avait bâti, disait-elle, au dedans d'elle-même, et d'où les occupations extérieures, dont on la chargeait dans le domestique, n'étaient pas capables de la tirer. Cette Sainte conseillait fort à son Confesseur de se ménager une semblable retraite dans son intérieur, en se servant des moyens dont nous avons parlé dans ce chapitre. Il y a des personnes qui établissent leur demeure dans le sacré cœur de Jésus-Christ ; et c'est là une manière de pratiquer le recueillement, aussi sainte que solide et pleine de douceur.
Au reste, quand on s'est une fois habitué à ce saint exercice, s'il arrive ensuite que l'attention se relâche par faiblesse, et que les facultés de l'âme s'égarent, on entend incontinent au-dedans la voix du Pasteur, laquelle est comme le signal qu'il donne à ses brebis pour se rassembler et se défendre du loup. C'est la comparaison dont se sert sainte Thérèse, pour exprimer le soin que prend Notre-Seigneur d'empêcher la diversion de nos puissances, et de réunir nos forces au-dedans, afin que nous nous y occupions de sa présence divine. Pour peu qu'on réponde à ce soin de Notre-Seigneur, on arrive bientôt au parfait recueillement qu'on peut appeler le grand ressort de la vie spirituelle, sans lequel on n'avance que bien peu, et on n'est guère en état de contribuer à l'avancement des autres.



Reportez-vous à De l'homme intérieur, par le R.-P. Jean-Joseph SurinDe la Réparation de l'Intérieur, par le R.-P. Jean-Joseph SurinDe l'activité naturelle, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie intérieure, et de la familiarité avec Jésus-Christ, par le R.-P. Jean-Joseph SurinDe la vraie et solide dévotionDu vrai Religieux, par le R.-P. Jean-Joseph SurinDe la présence de Dieu, par le R.-P. Jean-Joseph SurinDu renouvellement de l'esprit, par le R.-P. Jean-Joseph SurinNeuvaine de confiance au Sacré-Cœur, Des divertissements, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie parfaite, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Méditation sur les règles que l'on doit suivre dans l'usage des divertissements permis, Méditation sur les divertissements du monde, VIE CHRÉTIENNE : Repas, Récréations, Conversations et Visites, VIE CHRÉTIENNE : Travail et Négoce, Des amitiés, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Doctrine et paroles remarquables du bienheureux Frère Égide, compagnon de Saint François d'Assise : Sur les bonnes et les mauvaises Paroles, Méditation sur la différence des devoirs, De la conversation, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des Vertus, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'étude des Lettres, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des Habits, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Méditation sur le détachement des biens de ce monde, Méditation sur le renoncement au monde, De la nourriture du corps, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Méditation sur la connaissance des vertus et des vices, VIE CHRÉTIENNE : Conduite pour sanctifier les Dimanches et Fêtes de l'année, Catéchisme du Saint Curé d'Ars : Sur la sanctification du dimanche, Prière à réciter quand on ne peut assister à la messe les dimanches et fêtes d'obligation, VIE CHRÉTIENNE : Entrer dans l'esprit des différentes Solennités, Petits exercices de piété, VIE CHRÉTIENNE : Le coucher, VIE CHRÉTIENNE : La prière du Matin, la Bonne Pensée, la Méditation, et la Lecture Spirituelle, Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, par le R.P. Jean-Joseph Surin (1), Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, par le R.P. Jean-Joseph Surin (2), VIE CHRÉTIENNE : Dévotion envers la Passion de Jésus-Christ, Le Saint Curé d'Ars dans sa conversation : Pensées de M. Vianney sur les joies de la vie intérieure, Saint Joseph, patron et modèle des âmes intérieures, De la vie illuminative, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Dévotion au Sacré-cœur de Jésus : Don de l'Esprit et Vie intérieure, La dévotion au Cœur sacré de Jésus : Réparation, immolation, pénitence, confiance et pur amour, Jésus crucifié est le Livre des Élus, De la réformation de la mémoire, par Le R.-P. Jean-Joseph Surin, Instruction pour les personnes qui entrent dans la voie d'Oraison, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Que les âmes lâches fassent tous leurs efforts pour acquérir la bonne volonté qui leur manque, De l'Oraison et de la Contemplation, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Simple et courte méthode d'oraison mentale, De l'Oraison, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la Pénitence et de l'Oraison, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Pour bien faire l'oraison et pour en tirer le fruit qu'on a lieu d'en attendre, De la contemplation, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De quelques moyens de bien faire l'oraison mentale, Degrés des vertus qu'on se propose d'acquérir, Combien sont mal fondées les plaintes de ceux qui se disent incapables de méditer, En quoi consiste l'exercice de la présence de Dieu, Les voies du salut, De l'amour du Père Surin pour l'humilité, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De l'amour étonnant du Père Surin pour l'abjection, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De l'amour admirable du Père Surin pour les souffrances, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De l'imagination de l'homme, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de l'entendement, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de la colère, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie Purgative, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la Mortification, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, En quoi consiste la perfection chrétienne : pour l'acquérir il faut combattre, et pour sortir victorieux de ce combat, quatre choses sont nécessaires, De la sècheresse dans l'oraison, Du devoir des Veuves, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Ce qu'est l'oraison mentale, par le R.P. D. Laurent Scupoli, Clerc Régulier Théatin, Méditation sur la nécessité des progrès dans la vertu, De la Réduction des Hérétiques, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de l'Amour, de la Haine, du Désir et de l'Aversion, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De quelques moyens de bien faire l'oraison mentale, Pour la direction et la progression spirituelles : Quel chrétien êtes-vous ?, Le souvenir de nos péchés est un moyen propre pour nous aider à supporter avec résignation, toutes les afflictions que Dieu nous envoie, Avis pour la lecture spirituelle, Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (1/4), Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (2/4), Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (3/4), et Histoire de la possession des Ursulines de Loudun, et des peines du Père Surin (4/4).