Extrait de "Traité de la vie spirituelle" de Saint Vincent Ferrier :
Saint Bruno |
C'est le sentiment que l'âme fidèle doit avoir d'elle-même. Il faut qu'elle s'humilie profondément en la présence de Dieu qui voit tout ; qu'elle le considère comme un Juge très-sévère, qui lui demandera un compte exact et rigoureux de toute sa conduite. Elle ne saurait donc ressentir trop de douleur de l'avoir offensé, et d'avoir perdu la grâce qui lui fut donnée par le Baptême, où elle avait été lavée et purifiée dans le sang même de Jésus-Christ.
Ce n'est pas assez que l'âme reconnaisse sa corruption devant Dieu, et qu'elle-même en soit persuadée ; il faut, outre cela, qu'elle consente à donner ce spectacle, non-seulement aux Anges, et aux Saints du Ciel et de la terre, mais encore à tous les hommes ; qu'ils n'aient par conséquent que du mépris pour ses paroles et pour ses actions ; qu'ils se détournent pour ne la point voir, et pour ne point sentir l'odeur de sa corruption ; qu'ils la rejettent d'entre eux comme une personne morte avec qui ils ne veulent plus avoir de commerce, qui n'est plus de leur société, et qui à leur égard est quelque chose de plus horrible qu'un lépreux ; et cela jusqu'au temps que la grâce de Dieu daignera la visiter et la faire rentrer en elle-même. Qu'elle soit encore persuadée, que les hommes ne lui feraient aucun tort, mais la traiteraient comme elle le mérite, quand même ils lui arracheraient les yeux, qu'ils lui couperaient les mains, et lui feraient souffrir toutes sortes d'autres maux, dans un corps qui lui a servi pour offenser le Dieu qui l'a créée.
La seconde chose, est de désirer d'être humilié et méprisé, et de souffrir non-seulement avec patience, mais même avec beaucoup de joie, toutes les calomnies, les injures, les ignominies, enfin tout ce qu'il y a de plus fâcheux et de plus humiliant.
Il faut encore avoir beaucoup de défiance de soi-même, de tout ce qu'on a pu faire de bien, et de toute sa conduite passée, se tourner entièrement vers Jésus-Christ, et se jeter entre les bras de ce divin Sauveur, qui s'est réduit à une extrême pauvreté, qui a souffert toutes sortes d'opprobres, de mépris et d'humiliations, et une mort très-cruelle pour l'amour de nous.
Mourez donc à tous les sentiments, et à toutes les affections humaines, afin que Jésus-Christ crucifié vive dans votre cœur et dans votre esprit, et qu'étant tout transformé, et pour ainsi dire, tout transfiguré, vous n'ayez plus d'autre sentiment dans le cœur, que vous n'écoutiez, que vous ne regardiez plus que votre Seigneur attaché à la Croix et mourant pour vous, suivant en cela l'exemple de la sainte Vierge ; en sorte qu'étant entièrement mort au monde, votre âme n'ait plus d'autre vie que celle de la Foi ; attendant ainsi cette résurrection bienheureuse, où le Seigneur vous comblera d'une joie spirituelle et des dons de l'Esprit saint : vous, dis-je, et toutes les personnes dans lesquelles doit se renouveler l'état des Apôtres et la première ferveur de l'Église. Ayez donc soin de vous exercer à la prière, à la méditation, et aux saintes affections, pour obtenir les dons et les grâces de Dieu.
Les sentiments où vous devez être à son égard, se réduisent principalement à sept, qui sont : 1°. de l'aimer d'un amour très-vif, et très ardent. 2°. De le craindre par-dessus toutes choses. 3°. De lui rendre l'honneur et le respect qui lui sont dus. 4°. D'avoir un zèle très constant pour son service. Joignez à cela, 5°. les actions de grâces. 6°. Une obéissance prompte et parfaite pour tout ce qu'il vous ordonne, et autant qu'il est en vous. 7°. Le goût des choses du Ciel, lui disant sans cesse : Seigneur Jésus, faites par votre grâce, que mon esprit, mon cœur, et jusqu'à la moelle de mes os soient pénétrés de crainte et de respect pour vous, que je brûle d'un zèle ardent pour tout ce qui regarde votre gloire. Que ce zèle, ô mon Dieu, m'inspire pour tous les outrages que l'on a pu vous faire, une horreur extrême ; mais qu'elle redouble, si j'ai été moi-même assez malheureux pour vous outrager, ou que d'autres l'aient fait à mon occasion. Accordez-moi encore par votre bonté, qu'étant votre créature, je vous adore, avec une profonde humilité, comme mon Dieu et comme mon souverain Seigneur ; que je sois pénétré de reconnaissance pour toutes les grâces et pour tous les bienfaits sans nombre que j'ai reçus de votre miséricorde, et que je vous en rende de continuelles actions de grâces. Faites que je vous loue et que je vous bénisse toujours avec une joie parfaite et une entière effusion de cœur, et que vous obéissant en toutes choses, je puisse goûter un jour la douceur infinie de votre festin éternel, avec les Anges, les Apôtres, et tous vos Saints, quelque indigne que je sois d'une si grande grâce par mes continuelles ingratitudes.
Après vous avoir marqué quels sont les sentiments dans lesquels vous devez tâcher d'entrer à l'égard de Dieu, je vous en ferai remarquer sept autres, dans lesquels vous devez vous exercer par rapport à vous-même. 1°. C'est de vous humilier sans cesse pour vos imperfections et pour vos défauts. 2°. De pleurer continuellement, avec une douleur vive et amère, les péchés où vous êtes tombé, par lesquels vous avez été assez malheureux pour offenser votre Dieu et pour souiller votre âme. 3°. De souhaiter d'être méprisé, humilié, et foulé aux pieds de tout le monde, comme la plus méprisable de toutes les créatures et la plus remplie de corruption. 4°. D'exercer sur votre corps les plus rigoureuses macérations, et de lui en souhaiter de plus grandes encore, s'il est possible, le regardant comme le péché même ; ou, s'il est permis de parler ainsi, comme une sentine et un sépulcre où se trouvent renfermées toutes les horreurs. 5°. D'avoir une haine irréconciliable contre le péché, et contre les sources et les mauvaises inclinations qui le produisent. 6°. De veiller avec une application forte et continuelle sur tous vos sens, toutes vos actions, et toutes les puissances de votre âme, afin d'être toujours prêt et disposé à toutes sortes de bonnes œuvres, sans jamais vous lasser de cette attention et de cette vigilance. 7°. C'est enfin de garder en toutes choses les règles de cette modération parfaite, qui sait nous faire éviter l'excès, et le défaut, le trop, ou le trop peu, retrancher le superflu, sans faire tort au nécessaire ; en sorte qu'il n'y ait rien qui ne soit dans la bienséance et dans l'ordre.
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