Les vertus morales, dit Saint Basile, ainsi que les arts et les sciences, ne s'acquièrent que par un exercice assidu et une pratique constante. Pour devenir bon Artisan, bon Musicien, bon Orateur et bon Philosophe, il faut s'exercer souvent aux actes qui sont propres à chacune de ces professions, et ce n'est que par l'exercice continuel qu'on peut y réussir. Aussi, pour acquérir l'humilité et les autres vertus morales, il faut en pratiquer les actes: et ce n'est que par cette méthode que l'on peut en contracter l'habitude. En vain dirait-on que le raisonnement et le discours, joints aux enseignements et aux conseils de l'Écriture, suffisent pour modérer les passions et pour en régler les mouvements; c'est se tromper, dit Saint Basile, que de raisonner de la sorte ; ce serait faire comme un homme qui apprendrait toute sa vie a bâtir, ou à battre de la monnaie, et qui cependant n'exercerait jamais ni l'un ni l'autre de ces arts. Il n'est pas douteux que celui qui n'emploierait tout son temps qu'à se remplir l'esprit de règles et de préceptes de quelque art que ce soit, sans penser à les mettre en pratique, ne deviendrait jamais un bon Artisan. Il en est de même de l'humilité : il est certain que l'on ne l'acquerra jamais, non plus que toute autre vertu, si l'on ne s'applique de toutes ses forces à les mettre en pratique : « Car ceux qui écoutent la loi, dit Saint Paul, ne sont pas pour cela justes devant Dieu ; mais ceux qui pratiquent la loi seront justifiés. »
Saint Augustin dit sur ces paroles du Sauveur : « Si je vous ai donc lavé les pieds, moi qui suis votre Seigneur et votre Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres ; » que ce que Jésus-Christ a voulu nous apprendre en lavant les pieds à ses Apôtres, c'est qu'il faut pratiquer l'humilité. « Ô bienheureux Pierre ! ajoute-t-il, c'est-là ce que vous ignoriez, lorsque vous ne vouliez pas souffrir que le Seigneur vous lavât les pieds : il vous promit que vous le sauriez par la suite ; et voilà qu'il vous l'apprend : Car je vous ai donné l'exemple, dit-il, afin que vous fassiez comme j'ai fait. Puisque nous avons donc appris l'humilité de ce divin Sauveur, poursuit ce grand Docteur de l'Église, pratiquons, mes Frères, les uns envers les autres, nous qui ne sommes que de viles créatures, ce que le Très-Haut a pratiqué lui-même avec tant d'excès d'humilité. »
Puisque le souverain Maître et le Tout-Puissant s'est humilié ; que le Fils de Dieu s'est abaissé jusqu'à laver les pieds à ses Disciples ; qu'il a vécu dans la soumission la plus parfaite à la volonté de sa sainte Mère et de Saint Joseph, et qu'il s'est assujetti aux emplois les plus vils et les plus humiliants ; apprenons de lui à nous exercer de même dans les actions extérieures de l'humilité, et nous pourrons acquérir ainsi cette précieuse vertu.
Saint Bernard confirme cette vérité, lorsqu'il dit que l'humiliation est le chemin de l'humilité comme la patience est celui qui nous mène à la paix de l'esprit, et l'étude à la science. « Si vous voulez donc acquérir l'humilité, poursuit-il, mettez-vous dans le chemin de l'humiliation : car si vous ne pouvez souffrir les humiliations, vous ne pourrez jamais parvenir à l'humilité. »
Ce qui prouve encore que la pratique extérieure contribue beaucoup à nous faire acquérir cette humilité de cœur, et toutes les autres vertus intérieures, c'est que cette pratique fait bien plus d'impression sur la volonté que le simple désir, par la raison qu'un objet présent nous frappe bien plus que tout autre objet éloigné ; comme ce que nous voyons faire, nous instruit mieux que ce qu'on s'efforcerait de nous faire entendre par tous les raisonnements ; et qu'ainsi une chose que nous nous rendons sensibles par la pratique, a bien plus de force pour émouvoir notre volonté, que les désirs d'y parvenir, sur la seule idée que nous nous en sommes faite : un affront, par exemple, que l'on aura souffert sans murmurer et sans se plaindre, confirme bien davantage dans la patience, que tous ceux qu'on pourrait souffrir par le simple désir ou par la pensée.
(Abrégé de la Pratique de la Perfection Chrétienne)
Reportez-vous à Sans l'Humilité, on ne saurait avoir la paix intérieure, De quelle manière on peut s'élever au second degré de l'Humilité, Du second degré de l'Humilité, et en quoi il consiste, La connaissance de nous-mêmes ne doit pas nous faire perdre le courage, ni la confiance, Que la considération de ses péchés est un excellent moyen pour se connaître soi-même, et pour acquérir l'humilité, Du premier degré de l'Humilité, qui est d'avoir une humble opinion de soi-même, Principales Vertus dont l'Humilité est le fondement, Il n'y a point de Vertu solide sans l'Humilité : elle est le fondement de toutes les autres Vertus, Excellence et nécessité de l'Humilité, Prière pour demander l'humilité, Prière pour obtenir l'humilité, l'exemple de Saint Robert Bellarmin et de Saint Ignace, et comment acquérir cette vertu, Le Saint Curé d'Ars dans sa conversation : Humilité de M. Vianney, De l'amour du Père Surin pour l'humilité, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, Des vertus de Marie : l'humilité, De la merveilleuse humilité du séraphique saint François, Litanies de l'humilité, Méditation sur les effets de l'orgueil, Méditation sur l'humilité des Saints, Méditation sur la pratique de l'humilité Chrétienne, Méditation sur les avantages de l'humilité Chrétienne, La Crèche, Sur ces paroles : Vous avez tiré votre parfaite louange de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle. (Psaume 8), De deux sortes de Mortifications, De la nécessité de la Mortification : En quoi elle consiste, Sur Jésus-Christ, L'intérieur de Marie, De l'enfance spirituelle, et De la paix de l'âme.