On a dû remarquer, dans plusieurs opuscules du P. Grou, qu'il s'attache à faire comprendre aux âmes intérieures la nécessité de réprimer leur activité naturelle, de s'accoutumer peu à peu à se simplifier devant Dieu dans l'exercice de l'oraison ; à se reposer doucement en lui, à fixer en lui les agitations de son esprit et de son cœur. « En vain, dit-il, chercherait-on le repos hors de Dieu ; il n'est et ne peut être qu'en Dieu seul. Ce n'est point en s'agitant, en s'empressant et en agissant beaucoup, qu'on parvient à se reposer en Dieu ; c'est en faisant tomber toute agitation, tout empressement, toute activité, pour donner lieu à l'action de Dieu : Dieu est toujours agissant et toujours tranquille. L'âme unie à Dieu participe également à son action et à son repos ; elle agit toujours, lors même qu'elle ne s'en aperçoit pas ; mais elle agit avec une grande paix ; elle ne prévient point l'action de Dieu, mais elle attend que Dieu la prévienne ; elle se meut sous l'impression divine, comme la main d'un enfant qui apprend à écrire sous l'impression de la main de son maître... L'âme, sous l'action de Dieu, n'est point oisive un seul instant, comme l'imaginent ceux qui n'ont pas une vraie idée du repos en Dieu (Manuel des âmes intérieures, Première partie, p. 147 et 148). »
« L'activité, dit-il encore ailleurs, engendre la multiplicité, et le repos conduit à l'unité, à cette unité dont Jésus-Christ relève la nécessité. L'activité accumule les pratiques ; elle embrasse tous les genres de dévotion ; elle passe sans cesse d'un acte à un autre ; elle s'agite, elle se tourmente, et ne croit jamais avoir assez fait. Le repos nous concentre en Dieu et nous fixe à une chose : à l'écouter dans l'oraison ; et, hors de l'oraison, à accomplir sa volonté dans le moment présent, sans s'inquiéter du passé ni de l'avenir ; en sorte que l'âme n'a jamais qu'un objet, et qu'elle ne se livre jamais aux choses extérieures, moins occupée de son action que de la volonté de Dieu, qui est son motif et sa fin (Deuxième partie, p. 285). »
C'est la doctrine qu'enseignent tous les maîtres de la vie spirituelle, et en particulier l'un des plus célèbres, saint François de Sales : « On se met, dit-il, en la présence de Dieu pour deux raisons principales : la première est pour rendre à Dieu l'honneur et l'hommage que nous lui devons, et cela se peut faire sans qu'il nous parle, ni nous à lui. Ce devoir se fait, reconnaissant qu'il est notre Dieu et nous ses viles créatures, et demeurant devant lui prosternées en esprit, en attendant ses commandements. Combien de courtisans y a-t-il qui vont cent fois en la présence du roi, non pour lui parler ni pour l'ouïr, mais simplement pour être vus et lui témoigner par cette assiduité qu'ils sont ses serviteurs ? et cette fin de se présenter devant Dieu seulement pour témoigner et protester de notre volonté et notre reconnaissance à son service, elle est très-excellente, très-sainte, et par conséquent de grande perfection. La seconde cause pour laquelle on se présente devant Dieu, c'est pour parler avec lui et l'ouïr parler à nous par ses inspirations et mouvements intérieurs. L'un de ces deux biens ne peut jamais nous manquer à l'oraison. Si nous pouvons parler à Notre-Seigneur, parlons, louons-le, écoutons-le : si nous ne pouvons lui parler parce que nous sommes enroués, demeurons néanmoins en la chambre et faisons-lui la révérence, il nous verra là, il agréera notre patience et favorisera notre silence. Une autre fois nous serons tout ébahis qu'il nous prendra la main et devisera avec nous, et fera cent tours avec nous ès allées de son jardin d'oraison ; et, quand il ne le ferait jamais, contentons-nous que c'est notre devoir d'être à sa suite, et que ce nous est une grande grâce et un honneur plus grand qu'il nous souffre en sa présence. En cette sorte, nous ne nous empresserons point pour lui parler, puisque l'autre occasion d'être auprès de lui ne nous est pas moins utile, encore qu'elle soit un petit moins agréable à notre goût. Quand donc vous viendrez auprès de Notre-Seigneur, parlez-lui si vous pouvez. Si vous ne pouvez, demeurez là, faites-vous vous voir et ne vous empressez d'autre chose (Lettre xxxiv, liv, 2). »
Il n'est pourtant que trop vrai que bien de bonnes âmes, qui s'adonnent à l'oraison mentale, regardent ce silence devant Dieu comme une sorte d'oisiveté qui leur semble peu respectueuse envers sa divine Majesté, et peu s'en faut même qu'elles ne le confondent avec le quiétisme. C'est pourquoi il nous a paru utile de terminer ce Manuel par un opuscule peu connu, de Bossuet, le plus célèbre adversaire du quiétisme.
(Extrait du Manuel des âmes intérieures)
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