lundi 26 juin 2017

Le Saint-Esprit dans l'Ancien Testament, promis et figuré



Extrait de "Traité du Saint-Esprit" de Mgr Gaume :


Création du monde (Gustave Doré)
Le Messie est promis, le Saint-Esprit est promis. Après la promesse bien des fois renouvelée, en termes plus ou moins explicites, de la venue du Saint-Esprit sur la terre (Is. XLIV, 3 ; Ezech., XI, 19 ; XXXVI, 26, etc.), Dieu ordonne au prophète Joël de la publier clairement, plus de six cents ans avant le jour mémorable où elle devait s'accomplir. Dans la personne des Juifs, le prophète s'adresse à tous les peuples, appelés à devenir par la foi les enfants d'Abraham. Son regard inspiré voit en même temps le Verbe qui s'incarne et le Saint-Esprit qui descend. Devant lui, sont présentes les deux adorables personnes, et avec le même enthousiasme, il parle de l'une et de l'autre.
« Fils de Sion, s'écrie-t-il, soyez dans la joie et tressaillez de bonheur dans le Seigneur votre Dieu, parce qu'il vous donnera le Docteur de justice. Et il fera descendre sur vous la rosée du matin, et la rosée du soir, comme il était au commencement. Et vos greniers seront remplis de blé, et vos collines de vin et d'huile. Et je vous rendrai les années qu'ont dévorées les sauterelles, les insectes et la rouille: c'est une grande puissance que je vous enverrai. Et vous manderez dans l'abondance, et vous serez rassasiés, et vous louerez le nom du Seigneur votre Dieu qui a fait ces merveilles pour vous ; et mon peuple ne sera jamais confondu. Et vous saurez que je suis au milieu d'Israël, moi le Seigneur Votre Dieu, à l'exclusion de tout autre (Joël, XI, 23-27) »
La joie, l'abondance de tous les biens spirituels, la réparation de tous les maux, sous le poids desquels gémissait le genre humain depuis la chute primitive, la présence permanente du Seigneur lui-même au milieu de son peuple, la grande nation catholique : voilà bien les traits distinctifs du règne du Messie. Quand le Verbe incarné aura posé les fondements de cette félicité universelle et arrosé de son sang, au matin et au soir de sa vie, cette terre du monde, que va-t-il arriver ? Écoutons le prophète : « Après cela, dit le Seigneurie répandrai mon Esprit sur toute chair. Et vos fils et vos filles prophétiseront ; et vos vieillards auront des révélations, et vos jeunes gens verront des visions. En ces jours-là, je répandrai mon Esprit même sur mes serviteurs et sur mes servantes (Ibid., XXVIII, 30. — Le jour même de la Pentecôte, saint Pierre déclare aux Juifs que les merveilles qui éclatent à leurs yeux sont l'accomplissement de la promesse du Seigneur, faite par le prophète Joël. Tous les Pères parlent comme le chef des apôtres. Voir entre autres S. Chrys., in principe Act. Apost., II, t. III, p. 927, n. 11, 12, et Corn, a Lap., in Joël, II, 28.).
Tels sont, dans leurs traits généraux, les bienfaits dont le monde sera redevable au Saint-Esprit. Comme tous les cœurs devaient palpiter à cette annonce ! Comme les justes de l'ancienne loi devaient conjurer le Seigneur de hâter ce jour, unique entre les jours ! Afin de les consoler, le Seigneur veut bien leur promettre, par la bouche du prophète Aggée, la prochaine venue du Saint-Esprit. Juda revenait de Babylone : il était fort occupé de la construction du second temple ; mais les cœurs étaient tristes. On ne pouvait penser sans gémir à la magnificence de l'ancien temple et à la pauvreté relative du nouveau, qui s'élevait péniblement au milieu des difficultés de tout genre.
Aggée reçoit ordre d'encourager le peuple. Gomme Joël, il voit et il annonce la venue de deux personnes de l'adorable Trinité : Le Saint-Esprit, qui, conformément aux antiques promesses, viendra bientôt résider au milieu de son peuple ; le Verbe fait chair, qui daignera sanctifier le nouveau temple, par sa présence personnelle. « Prophète, lui dit le Seigneur, parle à Zorobabel fils de Salathiel, chef de Juda, et à Jésus, fils de Josédech, grand prêtre, et à tout le peuple, et dis-leur : Prends courage, Zorobabel ; prends courage, Jésus fils de Josédech ; et toi, peuple de toute classe, prends courage/et agissez parce que je suis avec vous ; dit le Seigneur des armées. Je vais tenir la parole que je vous ai donnée, lorsque vous sortiez de la terre d'Égypte, et mon Esprit sera au milieu de vous: ne craignez rien. Encore un peu de temps, et je remuerai le ciel et la terre, et la mer, et les îles, et toutes les nations ; puis, viendra le Désiré de toutes les nations ; et je remplirai de gloire cette maison, et sa gloire sera plus grande que celle de la première (Agg.t II, 2-10. Tous les Pères, saint Athanase, saint Cyrille de Jérusalem, saint Grégoire de Nysse, Théodoret, ont vu dans ces remarquables paroles, la promesse du Saint-Esprit. Voir entre autres S. Jerom., in Agg. II, opp. t. III, p, 1694, et Cornel. a Lapid., ibid.). »
Plus explicite que la première, cette seconde promesse ne se contente pas d'annoncer la venue du Saint-Esprit, elle en désigne l'époque. Il viendra lorsque le monde sera tiré delà vraie captivité d'Égypte ? par le sang de l'Agneau de Dieu ; et que les apôtres seront prêts à construire le grand édifice catholique, où le Saint-Esprit doit éternellement habiter.
Vers la même époque, un autre prophète, Zacharie, est chargé d'annoncer la venue du divin Esprit, qui doit changer la face de la terre, après avoir changé les cœurs. Ici encore, le Seigneur a soin de réunir dans la même prédiction l'avènement du Messie et la descente du Saint-Esprit. La raison en est que ces deux événements se tiennent. Lev premier est la preuve du second, et le second la conséquence du premier. On ne peut admettre l'un sans admettre l'autre. « En ce temps-là, dit le Seigneur, je briserai toutes les nations qui marcheront contre Jérusalem. Et je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem l'Esprit de grâce et de prières. Et ils lèveront leurs regards vers moi qu'ils auront attaché à la croix. Et ils pleureront sur moi, comme on pleure sur un fils unique, et ils pousseront des gémissements et des sanglots, comme on en pousse à la mort d'un premier-né (Zach., XII, 9, 10). »
Lisant dans le lointain des âges, disent les pères et les interprètes, Zacharie voit devant ses yeux le jour mémorable de la Pentecôte, où le Saint-Esprit descend sur les apôtres réunis à Jérusalem. Il le voit produisant la grâce et la sanctification ; puis, les gémissements et les supplications, dans les âmes qu'il vient d'éclairer sur l'énorme attentat, commis par la nation juive sur la personne adorable du Messie. Tout cela est tellement précis, que les Actes des Apôtres, en racontant l'histoire de la Pentecôte, ne semblent être que la reproduction des paroles de Zacharie (Voir Corn, a Lap., in Zach., XII, 9 ; et S. Jerom., in Zach., opp. t. III, p. 1784, 1785).
Ce n'est pas seulement par ces promesses solennelles et par beaucoup d'autres répandues dans l'Ancien Testament, que Dieu annonçait au monde la venue de l'Esprit sanctificateur.
Pour le Messie, nous voyons marcher de pair avec les promesses d'innombrables figures, qui fixaient continuellement l'attention sur le Libérateur futur. Il en est de même pour le Saint-Esprit. À côté des promesses, se montrent constamment des figures qui le révèlent dans sa nature et dans ses dons. Appuyés sur l'autorité des saints docteurs, nous allons en faire connaître quelques-unes.
L'Esprit aux sept dons qui est le principe vital, la lumière, la beauté du monde moral et de l'Église en particulier, se trouve représenté par les différents septénaires, qui reviennent si souvent dans la création du monde matériel et dans la formation du peuple figuratif. Pour n'en citer que deux exemples : le monde physique fut créé en six jours, suivis du jour de repos ; il en est de même du monde moral. L'homme, qui en est le sublime abrégé, est formé par l'Esprit aux sept dons.
Dans l'ordre de la nature, la lumière paraît le premier jour. Elle figure le don de crainte, par lequel l'homme commence à connaître Dieu efficacement, selon cette parole du prophète : La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse.
Au second jour de la création, se déploie le firmament, qui sépare les eaux inférieures des eaux supérieures. C'est l'emblème du don de science, qui nous apprend à discerner les doctrines vraies des doctrines fausses. Orné de ce don précieux, l'homme ressemble au firmament par la stabilité inébranlable de sa foi. Maintenant une séparation radicale entre la vérité et l'erreur, il les empêche de se jamais réunir dans son intelligence pour y produire le chaos. C'est ainsi que le firmament, immuablement placé entre les eaux inférieures et les eaux supérieures, les empêche de confondre leurs masses et de produire un nouveau déluge.
Le troisième jour a lieu la séparation des eaux et de la terre. La terre, montrant sa surface desséchée, se couvre de toutes sortes d'herbes et de plantes. C'est la vive image du don de piété. Séparé des eaux inférieures, c'est-à-dire des doctrines de mensonge, l'idolâtrie, la superstition, l'incrédulité, l'homme, vivifié par le don de piété, honore le vrai Dieu et produit les fleurs des bons désirs, les herbes des saintes paroles, enfin les fruits excellents des œuvres de charité envers Dieu et envers le prochain.
Le quatrième jour paraissent les deux grands luminaires, le soleil et la lune, accompagnés de myriades d'étoiles. On voit ici dans toute sa magnificence le don de conseil. Flambeau du jour, semblable au soleil, il éclaire tout le système du monde surnaturel ; flambeau de la nuit, semblable à la lune, il éclaire tout le système du monde inférieur ; semblable aux étoiles, qui, répandues dans toute l'étendue du firmament, en illuminent toutes les parties, il éclaire chacune de nos facultés et dirige chacun de nos sens.
Le cinquième jour, les poissons et les oiseaux prennent naissance du même élément ; les premiers vivent dans les eaux, les seconds volent dans les airs. La sagesse éternelle pouvait-elle mieux préfigurer le don de force ? Grâce à son efficacité, les bonnes résolutions naissent et se fortifient dans la tribulation ; et les bonnes pensées volent vers Dieu, en brisant les résistances des démons, qui remplissent l'air dont nous sommes environnés.
Le sixième jour a lieu la création des animaux et de l'homme leur roi. Voici bien le don d'entendement. L'homme qui le possède connaît clairement sa double nature et l'apprécie ; il sait que la partie supérieure de lui-même doit dominer l'inférieure ; il connaît de plus les règles à suivre pour maintenir cette subordination, principe de vertu et d'harmonie universelle.
Le septième jour, Dieu se repose et bénit ce jour. Telle est la figure parfaitement juste du don de sagesse, le plus noble de tous. Par lui, l'âme se repose délicieusement en Dieu. Dégoûtée de tout ce qui n'est pas lui, elle attend dans la paix le jour éternel, où elle ira te bénir de tout ce qu'il a fait pour elle et par elle. C'est ainsi que le septième jour Dieu couronne l'œuvre de la création du monde matériel ; c'est ainsi que par le septième don, le Saint-Esprit achève la création d'un monde plus noble, l'homme, son image et son enfant (Voir sur cette belle philosophie, S. Anton., Summ., theol., I, art., t. X, c. I, § 1).
À ceux qui seraient tentés de ne voir qu'un jeu d'imagination, dans ce parallèle entre la création du monde matériel et la création du monde moral, entre ce qui s'est passé à l'origine des temps et ce qui s'est accompli dans la plénitude des âges, il suffit de rappeler la doctrine de saint Paul et des Pères. Tous enseignent que l'Ancien Testament est à l'Évangile, ce qu'est la rose en bouton à la rose épanouie ; que le monde physique n'est que le rayonnement du monde moral ; que l'un et l'autre ont été faits par le même Esprit sur le même plan et dans le même but ; et qu'ainsi, l'annonce figurative du Saint-Esprit commence, comme celle du Messie, au premier jour du monde.
Une autre figure, plus transparente que la première, c'est le chandelier aux sept branches. On se trouvait au milieu du désert ; Israël, sorti d'Égypte, était en marche vers la terre promise. Dieu appelle Moïse et lui ordonne de faire le tabernacle, ouvrage où le mystère et la figure de l'avenir éclatent de toutes parts. Le tabernacle, disent les Juifs, Joseph et Philon, était l'image du monde, et le Saint des saints représentait le ciel empyrée. C'est là que Dieu commande à Moïse de placer un candélabre d'or, à sept branches, destiné à éclairer le ciel de la terre. Où trouver une figure plus belle de l'Esprit aux sept dons, flambeau du temps et de l'éternité (Corn, a Lapt., in Exod. XXV, 31) ?
Les Pères de l'Église ont vu une nouvelle figure du Saint-Esprit dans les sept fils de Job. « Les sept fils du patriarche de la douleur, écrit saint Grégoire le Grand, se donnaient des festins, chacun à son tour, chaque jour de la semaine, en compagnie de leurs trois sœurs, dans un édifice quadrangulaire.
« Voilà bien les sept dons du Saint-Esprit qui nourrissent l'âme, chacun à sa manière, et cela en compagnie de leurs trois sœurs, c'est-à-dire des trois vertus théologales, la foi, l'espérance et la charité, dans un édifice spirituel de forme carrée, c'est-à-dire formé par les quatre vertus cardinales, la prudence, la justice, la force, la tempérance. Chacun donne son festin, parce que chaque don du Saint-Esprit nourrit l'âme. La sagesse, par l'espérance aussi certaine que délicieuse des Liens futurs ; l'intelligence, par la lumière toute divine qu'elle fait briller dans les ténèbres du cœur ; le conseil, par la haute prudence dont elle le remplit ; la force, par le courage invincible, soit dans l'action, soit dans la souffrance ; la science, par la sérénité du regard et la solidité des pensées ; la piété, par le rassasiement, fruit des œuvres de miséricorde ; la crainte, par l'humble confiance, récompense de l'orgueil vaincu (S. Greg. Moral., lib. I et II). »
À mesure que nous avançons, les figures deviennent plus transparentes : c'est l'aurore qui succède à l'aube et qui annonce l'approche du soleil. À l'exemple des Pères, étudions la belle figure de l'esprit aux sept dons, si bien dessinée par l'auteur des Proverbes. « La Sagesse, dit l'écrivain sacré, s'est bâti une maison, elle a taillé sept colonnes pour la soutenir. Elle a immolé ses victimes ; elle a mêlé son vin ; elle a dressé sa table. Elle a envoyé ses servantes, pour appeler dans son palais et dans les murailles de sa ville, en disant : S'il y a quelque enfant, qu'il vienne à moi. La Sagesse elle-même a dit à ceux qui sont pauvres d'intelligence : venez, mangez mon pain, et .buvez le vin que je vous ai préparé ; quittez l'enfance, et vivez et marchez dans les voies de la prudence (Prov., IX, 1-6). »
Quelle est cette Sagesse ? Le Verbe éternel, la sagesse même de Dieu. Cette maison bâtie de sa propre main ? L'Église, palais du Fils de Dieu sur la terre. Ces sept colonnes, appuis de l'édifice ? Les sept dons du Saint-Esprit, qui rendent l'Église inébranlable, au milieu des ouragans et des tremblements de terre. Comment ? En opposant, chacun en particulier, une force de résistance supérieure à la violence des sept esprits mauvais, puissants ennemis de la Cité du bien. Au démon de l'orgueil, résiste le don de crainte ; au démon de l'avarice, le conseil ; au démon de la luxure, la sagesse ; au démon de la gourmandise, l'intelligence ; au démon de l'envie, la piété ; au démon de la colère, la science ; au démon de la paresse, la force.
Tel est l'harmonieux contraste que les saints docteurs découvrent entre les forces opposées de l'Esprit du bien et de l'Esprit du mal. Rien n'est plus réel, ainsi que nous le montrerons ailleurs (Voir Corn a Lap. in Prov., c. IX, 1-6).
Contentons-nous de remarquer ici que cette nouvelle figure du Saint-Esprit présente le même caractère que les autres. Les deux personnes divines que le monde attendait y sont désignées ensemble. Quelles sont, en effet, ces victimes immolées par la sagesse, ce pain, ce vin, cette table, préparés pour ses enfants ? D'une voix unanime, les Pères et les commentateurs répondent que c'est le Verbe incarné. Quant aux servantes chargées d'inviter les convives, la tradition constante y voit les âmes zélées, les prédicateurs et les prêtres dont les prières, les paroles et les exemples attirent leurs frères au banquet divin. Ces enfants mêmes qui viennent y participer représentent au naturel tous les hommes : grands enfants, toujours occupés d'enfantillages, jusqu'au moment, où, éclairés par le Dieu qu'ils reçoivent à la table sainte, ils prennent des goûts sérieux et marchent dans les voies de la véritable prudence (Ibid).
Inutile d'ajouter que toutes ces figures étaient comprises des anciens, suivant le degré de connaissance que Dieu voulait leur donner de ses adorables conseils.





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