jeudi 30 janvier 2020

Des secours qu'il faut donner au Peuple dans les Missions, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, et prière pour les Missions


Extrait du CATÉCHISME SPIRITUEL DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE, TOME II, Composé par le R. P. J. J. SURIN, de la Compagnie de Jésus :


Saint François-Xavier baptisant les indiens


Des secours qu'il faut donner au Peuple dans les Missions



Quels sont ces secours ?

Il y en a trois, dont le premier regarde l'extérieur ; le second, l'intérieur ; et le troisième, l'ordre qu'on doit observer.


Qu'entendez-vous par l'extérieur ?

L'ornement des églises, le chant, et la distribution des Images, Chapelets, et autres petits présents de piété.


Qu'y a-t-il à observer touchant l'ornement des églises ?

Il ne faut rien oublier pour qu'elles soient magnifiquement parées durant tout le temps de la Mission, afin que cet appareil extraordinaire et cet éclat extérieur frappe les yeux du peuple, lui donne une grande idée de notre sainte Religion, et le rende assidu au Sermon et aux exercices de piété. On ne saurait trop louer la pratique de quelques Missionnaires, qui font porter avec eux des meubles précieux, des tableaux, des vases et autres ornements, pour suppléer à la pauvreté des églises de la campagne.


À quoi sert le chant dans les Missions ?

Rien ne contribue plus au succès qu'on se propose, que d'avoir des Cantiques spirituels, où les Mystères de la Foi et les devoirs du Chrétien soient clairement expliqués en langue vulgaire, afin que le peuple, en les entendant chanter, les apprenne volontiers, les retienne aisément par cœur, et s'y affectionne. On peut aussi par ce moyen abolir l'usage des chansons profanes et déshonnêtes.


Que dites-vous de la distribution des Images, Chapelets, etc. ?

On n'en saurait trop avoir, pour les distribuer avec largesse, afin d'attiser le peuple aux instructions par cette libéralité, et afin de leur rendre ces instructions plus sensibles, en les exposant à leurs yeux par le moyen de ces mages. Il serait à souhaiter que ces objets de piété fussent d'une matière assez solide pour pouvoir être conservés longtemps ; parce qu'ils servent à rafraîchir la mémoire des instructions qu'on a données, et des saintes résolutions qu'on a formées.


Quels sont les secours qui regardent l'intérieur ?

Ce sont les instructions solides, et les Prédications pathétiques.


Quelles matières doit-on traiter dans ces prédications ?

Les grandes vérités de la Foi, dont les Saints se sont servis en tout temps, lorsqu'ils ont voulu retirer les hommes du vice, et les ramener à la pratique de la vertu. Toutes ces vérités sont renfermées dans ce passage de saint Paul, qui seul peut fournir toutes les matières qu'on doit traiter dans les Missions : Voici l'heure de sortir de l'assoupissement où nous sommes, parce que le salut est plus près, que lorsque nous avons reçu la Foi. La nuit a duré jusqu'ici ; le jour va paraître. Laissons donc là les œuvres de ténèbres, et revêtons-nous des armes de lumière. Marchons avec bienséance, comme on le fait pendant le jour ; loin de la débauche et de l'ivrognerie, des sales plaisirs, et des impudicités, des dissensions et des jalousies ; mais revêtez-vous de J. C. N. S.


Liste des matières qu'on doit traiter dans les Missions

En supposant que ces matières sont toutes contenues dans le passage de saint Paul, que nous venons de citer ; on peut prendre pour sujet du premier Sermon, ces deux premières paroles : Voici l'heure. Après avoir dit que les Prédicateurs sont comme des trompettes, dont Dieu se sert pour réveiller les hommes, ensevelis dans le sommeil du péché, selon qu'il est écrit : Criez sans cesse, faites retentir votre voix comme une trompette ; il faut ajouter qu'ils adressent la parole aux personnes de tout âge et de toute condition ; que ce qu'ils viennent leur dire, c'est que l'heure de faire pénitence est venue, et qu'il ne faut point différer ; parce que plus on diffère, plus on perd, plus la difficulté est grande. Ce qu'on perd en différant, c'est le temps, l'occasion et la grâce. Ce qui augmente la difficulté, ce sont les nouvelles habitudes que l'on contracte, les anciennes qui se fortifient, et le désespoir, qui est le sort ordinaire de ceux qui ont trop attendu.
Au second sermon, après leur avoir dit, que l'heure est venue de sortir de leur assoupissement ; on pourra comparer la vie des mondains à un sommeil. 1. Parce qu'ils sont insensibles sur l'affaire de leur salut. 2. Parce que les plaisirs et les différentes passions qui les aveuglent, leur font en effet passer la vie comme dans les illusions d'un songe, et qu'ils doivent craindre le sort de ces hommes dont parle David, lesquels s'étant endormis du sommeil de la mort, n'ont rien trouvé dans leurs mains, lorsqu'ils se sont éveillés.
Dans le troisième sermon, il faut leur expliquer ce que c'est que se réveiller et se lever. C'est dissiper son sommeil, sortir du lit, aller à ses occupations. Et pareillement se convertir, c'est faire des efforts pour sortir du sommeil de ses péchés ; c'est renoncer à sa vie passée, pour en commencer une nouvelle.
Dans le quatrième sermon, sur ces paroles, le salut est plus près que lorsque nous avons reçu la Foi, il faudra prêcher de la mort, sur laquelle il y a trois réflexions à faire. La première, que la mort est assurée. La seconde, qu'elle est incertaine, et souvent trompeuse, comme elle l'a été pour Bathasar, pour Holopherne, et pour plusieurs autres. La troisième, que les suites en sont terribles, puisqu'elle doit décider de notre sort pour l'éternité.
Les mêmes paroles signifient encore, que le jugement de Dieu approche, et que les pécheurs avancent à grands pas vers l'Enfer. Dans le sermon du Jugement, il faut considérer le terrible compte qu'on y doit rendre du mal qu'on y a commis, du bien qu'on n'a pas fait et qu'on devait faire ; des talents et des grâces qu'on a reçues. Dans le sermon de l'Enfer, qui est le sixième, il faut insister sur la privation de Dieu, sur le feu et les autres tourments, et sur l'éternité des peines.
Le septième sermon sera fondé sur ces paroles : La nuit a duré jusqu'ici, le jour va paraître. Sur quoi on peut dire , que l'état de péché est semblable à la nuit et aux ténèbres. Premièrement parce que les pécheurs sont privés de la grâce habituelle, et de plusieurs secours actuels, que Dieu leur refuse, comme ils en conviennent eux-mêmes dans le Livre de la Sagesse : La lumière de justice n'a point lui pour nous, et le soleil de l'intelligence ne s'est point levé sur nous. Secondement, comme pendant la nuit on ne sait où l'on va, qu'on est toujours en danger de s'égarer et de périr par quelque chute ; celui qui est en péché mortel, accumule faute sur faute, et tout lui est occasion d'offenser Dieu. Troisièmement, comme pendant la nuit le malade sent mieux ses maux ; que le voyageur ne sait que devenir : de même en l'état de péché, les pertes de bien, les maladies, toutes les afflictions sont très-sensibles et presque désespérantes.
Ces dernières paroles, le jour va paraître, peuvent faire le sujet du huitième sermon, où l'on fera sentir la différence qu'il y a entre l'état de grâce et celui de péché. Cette différence consiste, 1. en ce que dans l'état de grâce, on marche sûrement à la faveur de la lumière, on connait ses devoirs, et on reçoit de Dieu la force pour les remplir. 2. En ce que Dieu tourne toutes choses à l'avantage de ses enfants, et qu'il les fait croître de plus en plus en grâce et en mérite. 3. En ce que tout, jusqu'aux maux et aux afflictions de la vie, les porte à aimer Dieu, et contribue à leur salut.
Le neuvième sermon sera sur ces paroles : Laissons donc là les œuvres de ténèbres, et revêtons-nous des armes de lumières, etc. C'est ce qu'on fait en s'approchant du Sacrement de Pénitence, sur lequel on pourrait faire trois discours. Le premier, sur l'intégrité de la Confession ; le second, sur la sincérité de la Contrition ; et le troisième, sur la fidélité et l'exactitude dans la satisfaction. Si le temps ne permet pas d'embrasser une si ample matière, il faut du moins insister sur la nécessité de faire une confession entière, d'avoir une véritable contrition, et de travailler à l'amendement de la vie.
Dans le dixième, sur ces paroles : Loin de la débauche et de l'ivrognerie ; on peut prêcher contre l'intempérance, et dire qu'elle rend l'homme semblable à la bête, c'est-à-dire, esclave des sens ; qu'elle entretient tous les autres vices ; qu'elle porte en particulier à la volupté.
Dans le onzième, à l'occasion de ces paroles : Loin des sales plaisirs et des impudicités ; on peut parler contre l'impureté, et faire voir que ce qui entretient ce vice, ce sont les occasions où l'on s'engage, la liberté qu'on donne à ses sens, et les parures immodestes des femmes, contre lesquelles il faut invectiver.
Le sujet du douzième sermon est dans les paroles suivantes : Loin des dissensions, des jalousies, lesquelles donnent occasion de parler contre la haine, la colère et la vengeance. Ce sont des péchés fort communs ; il faut représenter vivement les maux qu'ils produisent. Le premier, est de détruire la charité ; le second est de troubler la paix, sans laquelle le Saint-Esprit ne saurait habiter avec nous ; le troisième, est de donner occasion à une infinité d'autres péchés. Il ne faut pas oublier de parler des procès, et des suites funestes qu'ils entraînent.
Sur les mêmes paroles, on peut dans le treizième sermon, parler des causes de la haine et de la vengeance, dont la première est l'orgueil, qui donne occasion au point d'honneur, et qui produit le ressentiment des injures ; la seconde, l'avarice, qui est la source des différends au sujet des biens temporels ; la troisième, l'envie et la jalousie que les hommes ont les uns contre les autres. En parlant de l'avarice, il ne faut pas oublier l'obligation de restituer, qui demande un discours entier. C'est en combattant toutes ces œuvres de ténèbres dont parle l'Apôtre, qu'on prépare le peuple à une bonne Confession.
Les dernières paroles, Revêtez-vous de Jésus-Christ Notre Seigneur, invitent à parler de la Communion, et des dispositions qu'elle demande, qui sont la pureté qu'on acquiert par la pénitence et par la douleur des péchés ; l'humilité, qui est fondée sur la considération de notre néant, et de la grandeur de celui qui vient à nous ; l'amour qui est si justement dû à un Dieu qui se donne par amour.
Dans le quinzième et les suivants, on peut parler des vertus et des bonnes œuvres qui disposent l'homme à se revêtir de Jésus-Christ. Les principes sont l'oraison, l'aumône et la charité envers le prochain, le jeune et la mortification, l'humilité et la patience. Il faut finir par la gloire céleste, qui doit être la récompense de ces vertus et de ces bonnes œuvres.
La brièveté qui convient à un Catéchisme, ne nous permet pas d'entrer dans un plus grand détail : nous croyons en avoir assez dit pour donner une idée nette des matières qu'on doit traiter dans les Missions : venons maintenant à l'ordre qu'on doit y observer.


Que demande l'ordre qu'on doit observer dans les Missions ?

Il demande qu'on ait égard aux lieux, aux personnes et aux emplois.


Comment faut-il avoir égard aux lieux ?

En choisissant quelque ville, ou quelque grosse bourgade qui soit comme le centre de la Mission, et d'où on puisse se répandre dans plusieurs Paroisses voisines, et prendre l'heure commode où le Peuple de la campagne puisse venir au sermon, sans que le travail en souffre.


En quoi faut-il avoir égard aux personnes ?

En pourvoyant à l'instruction de toute sorte d'âges, d'état et de condition. l'Apôtre des Indes dans ses Missions, outre la Prédication commune qu'il faisait chaque jour, faisait une instruction particulière pour les femmes portugaises, et un Catéchisme pour les enfants. Un des Missionnaires doit être chargé de les assembler une fois le jour, et de leur faire prononcer les formules de l'examen de conscience, de l'attende Contrition, de la préparation à la Communion, etc. Et par ce moyen la jeunesse au bout d'un mois se trouvera bien instruite.


Quel égard faut-il avoir aux emplois ?


Il faut les bien placer, pour éviter la confusion, et ne pas faire au commencement, ce qui doit être renvoyé à la fin. L'ordre demande qu'on commence par semer avant que de recueillir. On sème en instruisant les peuples, et en les touchant par la prédication ; et lorsqu'ils sont bien disposés, on recueille, en attendant les confessions, qui se font toujours mieux à la fin qu'au commencement. Si on s'appliquait d'abord à terminer les différends, on y trouverait de grandes oppositions, et on perdrait beaucoup de temps. Lorsqu'une fois les cœurs sont touchés, on les tourne comme on veut. Il est donc important de ne rien précipiter, et de choisir les temps propres aux différentes fonctions.


Prière pour les Missions


Très aimable Jésus, Notre Seigneur, au prix de votre Précieux Sang, vous avez racheté le monde : tournez vos regards miséricordieux vers ces pauvres hommes qui sont encore plongés dans les ténèbres de l'erreur. Faites resplendir sur eux la lumière de la vérité.
Multipliez, Seigneur, les Apôtres du Saint Évangile ; rendez leur zèle de plus en plus fervent, leurs fatigues de plus en plus fécondes. Faites que par leur travail, les infidèles vous connaissent ; qu'ils se convertissent à vous, leur Créateur et leur Rédempteur.
Hâtez, ô très aimable Sauveur, l'heureuse arrivée de votre règne sur la terre. Attirez tous les hommes à votre très divin cœur. Faites-les participer tous aux grands bienfaits de votre rédemption, dans la foi ici-bas et dans la vision bienheureuse au ciel. Ainsi soit-il.



Reportez-vous à Du bon Directeur, par le R.-P. Jean-Joseph SurinCantique de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, sur l'horreur du péché mortel, Cantique de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort : Dieu sollicite la conversion du pécheur, Prière de Saint François Xavier, pour la conversion des infidèles et Cri des âmes pieuses pour demander à Dieu la conversion des pécheurs.