Extrait de "Traité du Saint-Esprit" de Mgr Gaume :
Ézéchiel prophétisant (Gustave Doré) |
Dans la préparation du genre humain à la venue de la seconde et de la troisième personne de la Trinité, on trouve la même marche providentielle. Des promesses multipliées rendent certaine la venue du grand Libérateur : des figures ébauchent son portrait. Plus explicites que les premières, plus transparentes que les secondes, des prophéties donnent son signalement complet ; de telle sorte que, à moins d'un aveuglement volontaire, il sera impossible à l'homme de méconnaître le Désiré des nations. Même conduite à l'égard du Saint-Esprit. Aux assurances données par les promesses, aux traits épars répandus dans les différentes figures, vont succéder les oracles plus précis des prophètes et les touches plus accentuées de leur pinceau. Telle sera la perfection de ce portrait tracé d'avance, que les aveugles mêmes y reconnaîtront le divin Esprit.
Mille ans avant sa venue, David le signale à l'attention universelle, en le montrant avec son incommunicable caractère. « Seigneur, s'écrie-t-il, vous enverrez votre esprit, et tout sera régénéré (Ps. cv). » Comme s'il disait : Habitants de la terre, soyez attentifs ; le jour viendra où le Saint-Esprit, la troisième personne de l'auguste Trinité, descendra parmi vous. Vous le reconnaîtrez aux prodiges qu'il opérera sous vos yeux. Le monde mort à la vie surnaturelle, à la vie de l'intelligence, à la vie de la vertu, à la vie de la charité et de la liberté, se lèvera de la tombe de boue dans laquelle il est enseveli. Les chaînes de l'esclavage tomberont d'un pôle à l'autre ; le vice fera place à la vertu la plus pure et les vives lumières de la vérité succéderont à la longue nuit de l'erreur ; des hommes nouveaux, un monde nouveau, sortiront du néant : ce prodige sera l'œuvre du Saint-Esprit. Quand vous le verrez accompli, sachez que cet Esprit régénérateur, objet de votre attente, sera venu ; c'est à ce signe que vous le reconnaîtrez.
Interrogeons maintenant l'histoire et demandons-lui quel jour a eu lieu cette miraculeuse création. Toutes les nations civilisées nomment le jour de la Pentecôte. Jour éternel qui, depuis dix-huit siècles, se lève successivement sur les différentes contrées de la terre, opérant partout le même prodige qu'à Jérusalem. Quel est l'instant où les peuples barbares sont venus, où ils viennent encore à la lumière, à la vertu, à la civilisation ? — C'est l'instant où l'Esprit-Saint, donné par le baptême, plane sur eux et les vivifie : comme aux premiers jours du monde, il planait sur les eaux du chaos pour les féconder.
Comment le Saint-Esprit accomplira-t-il ce merveilleux changement ? Isaïe va nous l'apprendre. « Un rameau, dit le prophète, sortira de la tige de Jessé, et une fleur s'élèvera de sa racine. Et sur cette fleur l'Esprit dû Seigneur se reposera : Esprit de sagesse et d'intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de science et de piété, et l'Esprit de la force du Seigneur le remplira... La terre sera remplie de la science du Seigneur, comme si les flots de la mer l'avaient inondée (Is. XI, 1-9). »
Dans cette prophétie nous trouvons encore, réunies et agissant ensemble, les deux personnes de l'auguste Trinité, qui doivent honorer le monde de leur visite. Le Fils est clairement désigné par cette fleur qui sortira du rameau, né de la racine de Jessé. Voyez la justesse du langage prophétique ! Le Messie est comparé à une fleur, à cause de son humilité, de la grâce de sa personne et du parfum de ses vertus. Marie est le rameau qui le porte ; rameau par sa douceur, par sa souplesse sous la main de Dieu, par son intégrité ; car la fleur naît du rameau sans lui faire aucune lésion. Il est dit que ce rameau sort non de l'arbre et du tronc, mais de la racine. Pourquoi ? Parce qu'aux jours du Messie, la famille royale de Jessé, privée de la puissance souveraine et perpétuée seulement dans des rejetons humbles et pauvres, n'était plus un arbre aux rameaux magnifiques, mais une simple racine cachée dans le sein de la terre : racine cependant pleine de sève qui produit le rameau le plus parfait, la fleur la plus belle que l'arbre lui-même ait jamais produite (S. Hier., in hunc loc.).
Après avoir dépeint sous des traits si gracieux et si parfaitement incommunicables, le Messie Fils de Dieu et fils de Jessé, le prophète reprend son pinceau pour esquisser l'action du Saint-Esprit. C'est lui qui donnera toute sa beauté à la divine fleur et qui communiquera au rejeton de David les dons nécessaires à l'accomplissement des merveilles, dont la suite de la prophétie va nous retracer l'histoire. L'Esprit du Seigneur, dit le prophète, l'Esprit aux sept dons, reposera sur lui. Pas un père de l'Église, pas un interprète de l'Écriture qui, dans cet Esprit aux sept dons, ne reconnaisse la troisième personne de la sainte Trinité. À quel autre Esprit, en effet, pourrait convenir ce caractère ? Quel autre Esprit pourrait reposer sur le Fils de Dieu ? Quel autre Esprit pourrait être appelé l'auteur ou le coopérateur des merveilles accomplies par le Verbe fait chair (S. Hier, Ibid in Is., xi opp. t. III, p. 99) ?
Il reposera sur lui, dit le prophète. Dans l'énergie de la, signification originale, ce mot indique la force, la plénitude, le lieu naturel du repos de l'auguste personne. Cela veut dire que le Saint-Esprit demeure inébranlablement dans Notre-Seigneur ; qu'il le remplit de la plénitude de ses dons, et qu'il est en lui, comme dans son inviolable sanctuaire, à raison de l'union hypostatique de la nature divine avec la nature humaine.
Au spectacle qu'il vient de décrire, Isaïe, ravi d'admiration, chante les merveilles du monde soumis à l'action combinée de la seconde et de la troisième personne de l'adorable Trinité. Le règne de la justice succédant au règne du caprice, de la force et de la cruauté ; la défaite du démon et des tyrans ses aveugles soutiens ; le tombeau du grand Libérateur brillant d'une gloire immortelle ; le lion et l'agneau, tout ce qu'il y a de plus féroce et tout ce qu'il y a de plus doux, vivant paisiblement ensemble : image dont la gracieuse énergie désigne l'union fraternelle, au sein de l'Évangile, des Juifs et des gentils, des Grecs et des barbares, des plus fiers potentats et des plus faibles enfants. Telles sont les merveilles qui se montrent aux yeux du prophète.
Ici encore interrogeons l'histoire et demandons-lui quel jour s'est accompli ce merveilleux changement ? Quel jour a été brisé le sceptre de fer, appesanti depuis plus de deux mille ans sur la tête du monde païen ? Quel jour a commencé la destruction du règne de l'idolâtrie ? Quel jour les Juifs et les gentils se sont-ils, pour la première fois, embrassés comme des frères ? Quel jour ont commencé, pour ne jamais finir, la vénération du Calvaire et le culte solennel de son glorieux tombeau ? D'une voix unanime toute la terre nomme le jour à jamais mémorable delà Pentecôte. Si vous demandez au Messie lui-même, auteur de tant de merveilles, à qui nous devons en témoigner notre reconnaissance, il nous répond humblement ; « Le Saint-Esprit a été sur moi, et c'est pourquoi j'ai été envoyé, et j'ai opéré les prodiges dont vous êtes témoins (Luc., IV, 18-21). »
Écoutons un autre prophète. Ézéchiel décrit, avec la même précision qu'Isaïe, la troisième personne de la Sainte Trinité, sa venue, ses caractères, ses opérations admirables. Ici encore, le Verbe et le Saint-Esprit se donnent la main pour travailler à la régénération du monde. « Je sanctifierai mon nom qui est grand, dit le Seigneur, par la bouche du prophète, mon nom qui est souillé parmi les nations, afin qu'elles sachent que je suis le Seigneur... Et je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez lavés de toutes vos souillures, et je vous purifierai de toutes vos idoles. Et je vous donnerai un cœur nouveau, et je placerai au milieu de vous un esprit nouveau. Et j'ôterai de votre poitrine votre cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. Et je placerai mon Esprit au milieu de vous, et je vous ferai marcher dans la voie de mes commandements. Et vous garderez ma loi sainte ; et vous serez mon peuple, et je serai votre Dieu (Ezech, xxxiv, 23-28). »
La première chose qui frappe les regards du prophète, c'est le grand nom de Dieu indignement profané parmi toutes les nations. Voilà bien le règne de l'idolâtrie, tel que l'histoire nous le fait connaître à la venue du Rédempteur ; règne de superstitions honteuses et cruelles, où le nom de Dieu, donné aux crocodiles, aux serpents, aux chats, aux légumes, aux pierres brutes, recevait les plus sanglants outrages. Puis, le même prophète voit tout à coup tomber du ciel une onde pure, qui lave la terre et ses habitants de toutes leurs iniquités, et le grand nom de Dieu redevenir l'objet du respect et de l'amour universel. Voilà bien les sacrements, surtout le baptême, où le Juif et le païen ont perdu leurs souillures et trouvé la blancheur de l'innocence.
Après cette purification universelle, Ézéchiel voit descendre l'Esprit du Seigneur. Il anime ces hommes nouveaux et les fait marcher d'un pas ferme dans les sentiers de la vertu, en sorte que le vrai Dieu sera désormais pour eux le Dieu unique, et eux-mêmes, eux les adorateurs des idoles, seront son peuple chéri. Pouvait-on mieux décrire le miracle de la Pentecôte ? N'est-il pas manifeste que c'est à partir de ce grand jour, que le genre humain a perdu son cœur de pierre, qu'il a pris un cœur nouveau et que le grand aveugle, dont la marche, pendant plus de deux mille ans, avait été un égarement continuel, est entré dans la route lumineuse de la vérité et de la civilisation (S. Aug., De doct. christ., lib. III, c. xxxiv, n. 28 ; et Patres, passim apud Corn, a Lapid., in Ezech., xxxvi, 25) ?
Ailleurs, le Très-Haut révèle à Ézéchiel, sous la figure la plus frappante, l'action régénératrice du Saint-Esprit. Pour lui montrer que cet Esprit de vie, annoncé par David comme devant tirer le monde du tombeau de l'erreur et du vice, accomplira dans toute son étendue sa miraculeuse mission, voici ce que fait le Seigneur.
« Sa main fut sur moi, dit le prophète, et il me conduisit en esprit au milieu d'une campagne pleine d'ossements, et il m'en fit faire le tour. Et il y avait une multitude d'ossements, et tous étaient complètement desséchés. Et il me dit : Fils de l'homme, penses-tu que ces ossements revivent ? Et je dis : Seigneur Dieu, vous le savez. Et il me dit : Prophétise sur ces ossements et dis-leur : Ossements arides, entendez la parole du Seigneur ; voici ce que le Seigneur dit de vous ; J'introduirai mon Esprit en vous, et vous vivrez, et je mettrai sur vous des nerfs, et je forai recroître sur vous les chairs, et j'étendrai sur vous la peau, et je vous donnerai l'esprit ; et vous vivrez, et vous saurez que je suis le Seigneur.
« Et je prophétisai, comme il me l'avait commandé. Or, pendant que je prophétisais, un bruit se fit entendre, et voilà une commotion. Et les os s'approchèrent des es, chacun à sa jointure, et je vis, et voilà montant sur eux des nerfs et des chairs ; et la peau s'étendit sur eux, et ils n'avaient pas l'esprit. Et il médit : Prophétise à l'Esprit, Fils de l'homme, et dis-lui ; Voici ce que dit le Seigneur Dieu : Des quatre vents, viens, Esprit, souffle sur ces morts, et qu'ils revivent.
« Et je prophétisai comme il me l'avait commandé. Et l'Esprit entra en eux et ils eurent la vie, et ils se tinrent debout sur leurs pieds, comme une immense armée. Et il me dit : Fils de l'homme, tous ces ossements sont la maison d'Israël, ils disent : Nos os sont desséchés. Nous n'avons plus d'espérance ; pour toujours nous sommes retranchés du nombre des vivants. C'est pourquoi prophétise, et dis-leur : Voici ce que dit le Seigneur Dieu : J'ouvrirai vos tombeaux, et je vous retirerai de vos sépulcres, mon peuple, et vous conduirai dans la terre d'Israël. Et vous saurez que je suis le Seigneur, lorsque j'aurai mis mon Esprit en vous, et que vous vivrez et que vous reposerez tranquillement sur la terre de vos Pères (Ezech., xxxvii, 1-14).
Énergie, précision, transparence, que manque-t-il à cette prophétie de la résurrection morale de l'humanité, par le souffle du Saint-Esprit ? Lorsque, par la voix des apôtres, sortant du cénacle, la troisième personne de l'auguste Trinité souffla sur le monde, la terre entière n'était-elle pas un champ couvert d'ossements ? Quel peuple alors vivait de la vraie vie ? Ces ossements n'étaient-ils pas desséchés par le temps, calcinés par le souffle brûlant de l'Esprit homicide, esprit d'orgueil et de volupté ? Quel autre Esprit a répandu le mouvement et la vie dans ce vaste charnier du genre humain ? Poser de semblables questions, c'est les résoudre.
Passons à une nouvelle prophétie. Ici encore apparaissent réunies, les deux adorables personnes de la Trinité dont la venue sauvera l'univers. C'est Zacharie qui parle. Sous la figure du rétablissement d'Israël dans la patrie de ses aïeux et de la construction du second temple, il annonce la grande réalité du rétablissement universel de toutes choses et l'édification de l'Église, temple immortel du vrai Dieu. Le grand Orient se lève sur le monde ; il se construit lui-même un temple, dont il est tout ensemble le pontife et la pierre angulaire. Sept yeux brillent sur cette pierre magnifiquement ciselée. Aux feux qui en sortent, l'iniquité disparaît de la terre et la paix règne partout.
« Jésus, grand-prêtre, dit le prophète, écoute, toi et tes amis, hommes à miracles qui habitent avec toi. Voici que je vais faire paraître l'Orient mon serviteur, et voici la pierre que j'ai montrée à Jésus. Sur cette pierre unique, il y aura sept yeux, je la sculpterai moi-même, dit le Seigneur des armées ; et j'ôterai l'iniquité de la terre en un seul jour. En ce jour-là, l'homme appellera son ami sous sa vigne et sous son figuier (Zach. III, 8-10). »
Toute la tradition a vu le Messie clairement désigné dans cet oracle remarquable. Comme Dieu, il est bien le véritable Orient, le seul principe de toute lumière. Comme homme, inférieur à son Père, il est bien le serviteur véritable du Dieu des armées. Évidemment lui, et lui seul, est aussi la pierre fondamentale de l'Église, figurée par le temple dont la construction occupait alors Jésus, fils de Josédech. Or, comme l'Église est un temple vivant, la pierre qui lui sert de base doit être vivante. Comme elle est l'œuvre de Dieu, le fondement doit être Dieu lui-même : les yeux dont cette pierre est ornée l'indiquent sous une éloquente figure. Pour montrer qu'il est de l'essence de la Divinité d'être partout et de tout voir, l'usage constant chez les différents peuples est de représenter Dieu, sous la figure d'un œil ouvert. En Égypte, un œil surmonté d'un sceptre était l'emblème d'Osiris. Dans la Grèce, la statue de Jupiter avait trois yeux, pour montrer sa triple providence sur le ciel, sur la terre et sur la mer (Macrob., lib. I, c xxi ; Plutarch., De Oside et Osiride ; Pausan., in Corinth.; Pierius, hierogl. xxxiii, 15). Dans l'art chrétien, l'œil est encore l'emblème de la Divinité.
Ainsi, l'œil donné à la pierre mystérieuse dont parle Zacharie, dénote, sans contestation possible, que cette pierre est l'emblème de Notre-Seigneur, le fondement de l'Église. Mais pourquoi Dieu la montre-t-il au prophète avec sept yeux, et non avec deux ou avec un seul ? Pourquoi le nombre sept et non pas un autre ? Rappelons d'abord que cette figure étant l'œuvre de la sagesse infinie, il ne peut rien s'y trouver d'arbitraire ; plus elle paraît étrange, plus nous devons y soupçonner un sens profond et un grand enseignement. Afin de le connaître, écoutons ceux que Dieu lui-même a chargés d'expliquer ses oracles, en leur confiant le secret de ses pensées.
« Sur cette pierre unique, dit saint Grégoire le Grand, il y a sept yeux. Or, cette pierre est Notre- Seigneur. Dire que cette pierre a sept yeux, c'est dire que sur le Verbe incarné repose l'Esprit aux sept dons. Parmi nous, celui-ci possède le don de prophétie, celui-là le don de science ; un autre, le don des miracles ; un cinquième, le don ces langues ; un sixième, le don d'interprétation, suivant la distribution que le Saint-Esprit juge à propos de faire de ses dons ; mais nul homme ne les possède tous en même temps et dans leur plénitude. Quant au divin Rédempteur, il a montré qu'en revêtant notre nature infirme il possédait, comme Dieu, tous les dons du Saint-Esprit. C'est pourquoi il réunit en sa personne tous les yeux brillants dont parle le prophète (Moral., lib. XXIX, 16. Ita S. Hier., S. Remig., Rupert, Emmanuel, et alii). » — Telle est aussi l'interprétation des autres Pères et des plus célèbres commentateurs.
Reste à donner le sens des dernières paroles de la prophétie : Je sculpterai moi-même cette pierre et j'ôterai l'iniquité de la terre, et chacun reposera à l'ombre de sa vigne et de son figuier. Quel sera l'auteur des magnifiques ciselures dont sera ornée la pierre vivante, base éternelle de l'Église ? Celui-là même qui parle par l'organe du prophète, le Saint- Esprit en personne. C'est lui qui, dans l'Incarnation, sculptera avec une perfection inimitable le corps et l'âme du Rédempteur. C'est lui qui, avec un art non moins merveilleux, les unira personnellement au Verbe éternel. C'est lui qui ornera son âme de tant de sagesse, de vertu, de grâce et de gloire, qu'il en fera comme un ciel divin, rayonnant de tout l'éclat du soleil, de la lune et des étoiles. C'est lui, Esprit, d'amour, qui formera sur le corps adorable de l'auguste victime, avec la pointe acérée des épines, des clous et de la lance, les adorables ciselures, qui firent pendant la passion l'admiration des anges et qui feront pendant toute l'éternité l'amour des bienheureux.
Quel sera l'effet de ces ciselures sanglantes ? L'abolition de l'iniquité. Le sang du Rédempteur, coulant à grands flots par les incisions du divin tatouage dont le Saint-Esprit ornera sa chair immaculée, purifiera la terre de ses crimes. Dieu apaisé rendra ses bonnes grâces au genre humain, et la paix de l'homme avec Dieu deviendra le principe de la paix de l'homme avec ses semblables. Est-il possible de peindre sous des couleurs plus vives, l'action simultanée du Fils et du Saint-Esprit dans la régénération du genre humain ? Les faits accomplis depuis la Pentecôte chrétienne laissent-ils le moindre doute sur l'influence du Saint-Esprit dans le monde, la moindre obscurité sur ses opérations dans le Verbe fait chair, la moindre ambiguïté sur les paroles du prophète (S. Iren., De haeres., lib. III, 28) ?
Il serait facile de continuer ce tableau, commencé à l'origine des temps et qui va se développant avec les siècles. Nous verrions le Verbe par qui tout a été fait et le Saint-Esprit par qui tout doit être refait, constamment unis dans les prédictions des prophètes. Nous entendrions la mystérieuse Judith, célébrant sa mystérieuse victoire, et dans son mystérieux cantique, annonçant un triomphe plus glorieux sur un Holopherne plus redoutable, que celui dont elle vient de couper la tête ; nommant le futur vainqueur du grand Holopherne, et s'écriant : « Adonaï, Seigneur, vous êtes grand. Votre puissance est incomparable, nul ne peut y résister. Toute créature tombera à vos genoux : vous enverrez votre Esprit, et tout sera créé : voix de l'Éternel, tout fléchira à ses accents. Les montagnes jusque dans leurs fondements, les eaux jusque dans leurs profondeurs seront agitées. Les rochers, comme la cire, fondront devant votre visage. Grands de la vraie grandeur seront ceux qui vous craignent (Judith, xvi, 19 et seqq.). »
Quand le genre humain, depuis longtemps prosterné aux pieds de Satan, a-t-il commencé de tomber à genoux devant le vrai Dieu ? Quel Esprit a ébranlé les empires païens, réduit en poussière les murs et les temples du Capitole, placé la croix victorieuse au front des Césars ? À quelle époque remonte la génération des vrais grands hommes, apôtres, martyrs, saints sur le trône ou dans la solitude, nobles vainqueurs d'eux-mêmes et du monde ? Toutes les voix répondent en bénissant le Saint-Esprit et le Cénacle.
Le prophète, qui chante les merveilles de la Sagesse incréée, ne manque pas de lui adjoindre le Saint-Esprit. Dans son extase, l'homme inspiré voit toute la terre couverte de ténèbres. Les hommes incertains tâtonnent en plein midi, prenant le faux pour le vrai, le mal pour le bien, ignorant Dieu et s'ignorant eux-mêmes. À ce spectacle, il s'écrie : « Seigneur, qui connaîtra votre pensée, si vous ne donnez votre sagesse, et si vous n'envoyez votre Esprit des hauteurs ? C'est ainsi que seront redressées les voies des habitants de la terre, et que les hommes apprendront ce qui vous est agréable (Sapient., ix, 17). »
Esprit de lumière, qui dissipera la nuit du monde moral, longue nuit de deux mille ans, nuit profonde que rendaient palpable, plutôt qu'elle n'en dissipaient l'obscurité, les vacillantes lueurs de la raison ; Esprit de force, qui, remplissant, l'homme d'un courage inconnu, le retirera de la route du vice et le fera marcher d'un pas ferme dans les difficiles sentiers de la vertu : tel est le double caractère sous lequel est annoncé l'Esprit nécessaire au salut du monde. Est-il besoin de dire que ces deux caractères conviennent au Saint-Esprit, et ne conviennent qu'à lui ? Ne sont-ils pas écrits au front de toutes les œuvres régénératrices, qui, commencées à la Pentecôte, continuent sous nos yeux pour ne finir qu'au seuil de l'éternité ?
En résumé, le Fils et le Saint-Esprit sont toujours associés dans les prédictions des Prophètes. L'un n'étant pas moins nécessaire que l'autre à la régénération du monde, Dieu a voulu qu'ils fussent également annoncés. Ces deux grandes figures dominent toute l'histoire, illuminent tous les événements, provoquent tous les soupirs, soutiennent toutes les espérances de l'ancien monde, comme ils doivent exciter l'éternelle reconnaissance du nouveau.
De même qu'en étudiant toutes les circonstances de la naissance, de la vie et de la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ, son caractère, sa doctrine, ses miracles, il est impossible de ne pas reconnaître en lui le Messie annoncé par les prophètes ; de même, en considérant les œuvres merveilleuses et les opérations intimes de l'Esprit du Cénacle, il est impossible de ne pas adorer en lui la troisième personne de l'auguste Trinité, dont les oracles prophétiques avaient donné le signalement. Le parallélisme constant dont nous venons d'esquisser les principaux traits, va se continuer dans la préparation du Saint-Esprit.
Reportez-vous à Le Saint-Esprit dans l'Ancien Testament, promis et figuré, Instruction sur la Fête de la Pentecôte, Méditation sur la Fête de la Pentecôte : ils furent tous remplis du Saint-Esprit, Le Saint-Esprit dans le Nouveau Testament, première création : La Sainte Vierge Marie, Seconde création du Saint-Esprit : Notre Seigneur Jésus-Christ, Troisième création du Saint-Esprit : l’Église, Preuves directes de la divinité du Saint-Esprit : noms, attributs et œuvres, Le Dogme de l'unité de Dieu et de la Sainte Trinité, Preuves directes de la Trinité et de la divinité du Saint-Esprit, Mission du Saint-Esprit, Credo : Symbole des Apôtres et Symbole de Nicée, Méditation pour le Dimanche de la Sainte Trinité, Neuvaine préparatoire à la Fête de la Pentecôte : Prière pour demander les sept Dons du Saint-Esprit, Méditation pour le Mercredi après la Pentecôte, Méditation pour le Mardi après la Pentecôte, Méditation pour le Lundi de Pentecôte, Accueillir le Saint Esprit de Dieu, Litanie du Saint-Esprit, Litanies des Saints Pères et Saints Docteurs de l’Église, Méditation sur la science du salut, et Catéchisme, Leçon II : De la Trinité, Leçon VI : Du Saint-Esprit.
Mille ans avant sa venue, David le signale à l'attention universelle, en le montrant avec son incommunicable caractère. « Seigneur, s'écrie-t-il, vous enverrez votre esprit, et tout sera régénéré (Ps. cv). » Comme s'il disait : Habitants de la terre, soyez attentifs ; le jour viendra où le Saint-Esprit, la troisième personne de l'auguste Trinité, descendra parmi vous. Vous le reconnaîtrez aux prodiges qu'il opérera sous vos yeux. Le monde mort à la vie surnaturelle, à la vie de l'intelligence, à la vie de la vertu, à la vie de la charité et de la liberté, se lèvera de la tombe de boue dans laquelle il est enseveli. Les chaînes de l'esclavage tomberont d'un pôle à l'autre ; le vice fera place à la vertu la plus pure et les vives lumières de la vérité succéderont à la longue nuit de l'erreur ; des hommes nouveaux, un monde nouveau, sortiront du néant : ce prodige sera l'œuvre du Saint-Esprit. Quand vous le verrez accompli, sachez que cet Esprit régénérateur, objet de votre attente, sera venu ; c'est à ce signe que vous le reconnaîtrez.
Interrogeons maintenant l'histoire et demandons-lui quel jour a eu lieu cette miraculeuse création. Toutes les nations civilisées nomment le jour de la Pentecôte. Jour éternel qui, depuis dix-huit siècles, se lève successivement sur les différentes contrées de la terre, opérant partout le même prodige qu'à Jérusalem. Quel est l'instant où les peuples barbares sont venus, où ils viennent encore à la lumière, à la vertu, à la civilisation ? — C'est l'instant où l'Esprit-Saint, donné par le baptême, plane sur eux et les vivifie : comme aux premiers jours du monde, il planait sur les eaux du chaos pour les féconder.
Comment le Saint-Esprit accomplira-t-il ce merveilleux changement ? Isaïe va nous l'apprendre. « Un rameau, dit le prophète, sortira de la tige de Jessé, et une fleur s'élèvera de sa racine. Et sur cette fleur l'Esprit dû Seigneur se reposera : Esprit de sagesse et d'intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de science et de piété, et l'Esprit de la force du Seigneur le remplira... La terre sera remplie de la science du Seigneur, comme si les flots de la mer l'avaient inondée (Is. XI, 1-9). »
Dans cette prophétie nous trouvons encore, réunies et agissant ensemble, les deux personnes de l'auguste Trinité, qui doivent honorer le monde de leur visite. Le Fils est clairement désigné par cette fleur qui sortira du rameau, né de la racine de Jessé. Voyez la justesse du langage prophétique ! Le Messie est comparé à une fleur, à cause de son humilité, de la grâce de sa personne et du parfum de ses vertus. Marie est le rameau qui le porte ; rameau par sa douceur, par sa souplesse sous la main de Dieu, par son intégrité ; car la fleur naît du rameau sans lui faire aucune lésion. Il est dit que ce rameau sort non de l'arbre et du tronc, mais de la racine. Pourquoi ? Parce qu'aux jours du Messie, la famille royale de Jessé, privée de la puissance souveraine et perpétuée seulement dans des rejetons humbles et pauvres, n'était plus un arbre aux rameaux magnifiques, mais une simple racine cachée dans le sein de la terre : racine cependant pleine de sève qui produit le rameau le plus parfait, la fleur la plus belle que l'arbre lui-même ait jamais produite (S. Hier., in hunc loc.).
Après avoir dépeint sous des traits si gracieux et si parfaitement incommunicables, le Messie Fils de Dieu et fils de Jessé, le prophète reprend son pinceau pour esquisser l'action du Saint-Esprit. C'est lui qui donnera toute sa beauté à la divine fleur et qui communiquera au rejeton de David les dons nécessaires à l'accomplissement des merveilles, dont la suite de la prophétie va nous retracer l'histoire. L'Esprit du Seigneur, dit le prophète, l'Esprit aux sept dons, reposera sur lui. Pas un père de l'Église, pas un interprète de l'Écriture qui, dans cet Esprit aux sept dons, ne reconnaisse la troisième personne de la sainte Trinité. À quel autre Esprit, en effet, pourrait convenir ce caractère ? Quel autre Esprit pourrait reposer sur le Fils de Dieu ? Quel autre Esprit pourrait être appelé l'auteur ou le coopérateur des merveilles accomplies par le Verbe fait chair (S. Hier, Ibid in Is., xi opp. t. III, p. 99) ?
Il reposera sur lui, dit le prophète. Dans l'énergie de la, signification originale, ce mot indique la force, la plénitude, le lieu naturel du repos de l'auguste personne. Cela veut dire que le Saint-Esprit demeure inébranlablement dans Notre-Seigneur ; qu'il le remplit de la plénitude de ses dons, et qu'il est en lui, comme dans son inviolable sanctuaire, à raison de l'union hypostatique de la nature divine avec la nature humaine.
Au spectacle qu'il vient de décrire, Isaïe, ravi d'admiration, chante les merveilles du monde soumis à l'action combinée de la seconde et de la troisième personne de l'adorable Trinité. Le règne de la justice succédant au règne du caprice, de la force et de la cruauté ; la défaite du démon et des tyrans ses aveugles soutiens ; le tombeau du grand Libérateur brillant d'une gloire immortelle ; le lion et l'agneau, tout ce qu'il y a de plus féroce et tout ce qu'il y a de plus doux, vivant paisiblement ensemble : image dont la gracieuse énergie désigne l'union fraternelle, au sein de l'Évangile, des Juifs et des gentils, des Grecs et des barbares, des plus fiers potentats et des plus faibles enfants. Telles sont les merveilles qui se montrent aux yeux du prophète.
Ici encore interrogeons l'histoire et demandons-lui quel jour s'est accompli ce merveilleux changement ? Quel jour a été brisé le sceptre de fer, appesanti depuis plus de deux mille ans sur la tête du monde païen ? Quel jour a commencé la destruction du règne de l'idolâtrie ? Quel jour les Juifs et les gentils se sont-ils, pour la première fois, embrassés comme des frères ? Quel jour ont commencé, pour ne jamais finir, la vénération du Calvaire et le culte solennel de son glorieux tombeau ? D'une voix unanime toute la terre nomme le jour à jamais mémorable delà Pentecôte. Si vous demandez au Messie lui-même, auteur de tant de merveilles, à qui nous devons en témoigner notre reconnaissance, il nous répond humblement ; « Le Saint-Esprit a été sur moi, et c'est pourquoi j'ai été envoyé, et j'ai opéré les prodiges dont vous êtes témoins (Luc., IV, 18-21). »
Écoutons un autre prophète. Ézéchiel décrit, avec la même précision qu'Isaïe, la troisième personne de la Sainte Trinité, sa venue, ses caractères, ses opérations admirables. Ici encore, le Verbe et le Saint-Esprit se donnent la main pour travailler à la régénération du monde. « Je sanctifierai mon nom qui est grand, dit le Seigneur, par la bouche du prophète, mon nom qui est souillé parmi les nations, afin qu'elles sachent que je suis le Seigneur... Et je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez lavés de toutes vos souillures, et je vous purifierai de toutes vos idoles. Et je vous donnerai un cœur nouveau, et je placerai au milieu de vous un esprit nouveau. Et j'ôterai de votre poitrine votre cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. Et je placerai mon Esprit au milieu de vous, et je vous ferai marcher dans la voie de mes commandements. Et vous garderez ma loi sainte ; et vous serez mon peuple, et je serai votre Dieu (Ezech, xxxiv, 23-28). »
La première chose qui frappe les regards du prophète, c'est le grand nom de Dieu indignement profané parmi toutes les nations. Voilà bien le règne de l'idolâtrie, tel que l'histoire nous le fait connaître à la venue du Rédempteur ; règne de superstitions honteuses et cruelles, où le nom de Dieu, donné aux crocodiles, aux serpents, aux chats, aux légumes, aux pierres brutes, recevait les plus sanglants outrages. Puis, le même prophète voit tout à coup tomber du ciel une onde pure, qui lave la terre et ses habitants de toutes leurs iniquités, et le grand nom de Dieu redevenir l'objet du respect et de l'amour universel. Voilà bien les sacrements, surtout le baptême, où le Juif et le païen ont perdu leurs souillures et trouvé la blancheur de l'innocence.
Après cette purification universelle, Ézéchiel voit descendre l'Esprit du Seigneur. Il anime ces hommes nouveaux et les fait marcher d'un pas ferme dans les sentiers de la vertu, en sorte que le vrai Dieu sera désormais pour eux le Dieu unique, et eux-mêmes, eux les adorateurs des idoles, seront son peuple chéri. Pouvait-on mieux décrire le miracle de la Pentecôte ? N'est-il pas manifeste que c'est à partir de ce grand jour, que le genre humain a perdu son cœur de pierre, qu'il a pris un cœur nouveau et que le grand aveugle, dont la marche, pendant plus de deux mille ans, avait été un égarement continuel, est entré dans la route lumineuse de la vérité et de la civilisation (S. Aug., De doct. christ., lib. III, c. xxxiv, n. 28 ; et Patres, passim apud Corn, a Lapid., in Ezech., xxxvi, 25) ?
Ailleurs, le Très-Haut révèle à Ézéchiel, sous la figure la plus frappante, l'action régénératrice du Saint-Esprit. Pour lui montrer que cet Esprit de vie, annoncé par David comme devant tirer le monde du tombeau de l'erreur et du vice, accomplira dans toute son étendue sa miraculeuse mission, voici ce que fait le Seigneur.
« Sa main fut sur moi, dit le prophète, et il me conduisit en esprit au milieu d'une campagne pleine d'ossements, et il m'en fit faire le tour. Et il y avait une multitude d'ossements, et tous étaient complètement desséchés. Et il me dit : Fils de l'homme, penses-tu que ces ossements revivent ? Et je dis : Seigneur Dieu, vous le savez. Et il me dit : Prophétise sur ces ossements et dis-leur : Ossements arides, entendez la parole du Seigneur ; voici ce que le Seigneur dit de vous ; J'introduirai mon Esprit en vous, et vous vivrez, et je mettrai sur vous des nerfs, et je forai recroître sur vous les chairs, et j'étendrai sur vous la peau, et je vous donnerai l'esprit ; et vous vivrez, et vous saurez que je suis le Seigneur.
« Et je prophétisai, comme il me l'avait commandé. Or, pendant que je prophétisais, un bruit se fit entendre, et voilà une commotion. Et les os s'approchèrent des es, chacun à sa jointure, et je vis, et voilà montant sur eux des nerfs et des chairs ; et la peau s'étendit sur eux, et ils n'avaient pas l'esprit. Et il médit : Prophétise à l'Esprit, Fils de l'homme, et dis-lui ; Voici ce que dit le Seigneur Dieu : Des quatre vents, viens, Esprit, souffle sur ces morts, et qu'ils revivent.
« Et je prophétisai comme il me l'avait commandé. Et l'Esprit entra en eux et ils eurent la vie, et ils se tinrent debout sur leurs pieds, comme une immense armée. Et il me dit : Fils de l'homme, tous ces ossements sont la maison d'Israël, ils disent : Nos os sont desséchés. Nous n'avons plus d'espérance ; pour toujours nous sommes retranchés du nombre des vivants. C'est pourquoi prophétise, et dis-leur : Voici ce que dit le Seigneur Dieu : J'ouvrirai vos tombeaux, et je vous retirerai de vos sépulcres, mon peuple, et vous conduirai dans la terre d'Israël. Et vous saurez que je suis le Seigneur, lorsque j'aurai mis mon Esprit en vous, et que vous vivrez et que vous reposerez tranquillement sur la terre de vos Pères (Ezech., xxxvii, 1-14).
Énergie, précision, transparence, que manque-t-il à cette prophétie de la résurrection morale de l'humanité, par le souffle du Saint-Esprit ? Lorsque, par la voix des apôtres, sortant du cénacle, la troisième personne de l'auguste Trinité souffla sur le monde, la terre entière n'était-elle pas un champ couvert d'ossements ? Quel peuple alors vivait de la vraie vie ? Ces ossements n'étaient-ils pas desséchés par le temps, calcinés par le souffle brûlant de l'Esprit homicide, esprit d'orgueil et de volupté ? Quel autre Esprit a répandu le mouvement et la vie dans ce vaste charnier du genre humain ? Poser de semblables questions, c'est les résoudre.
Passons à une nouvelle prophétie. Ici encore apparaissent réunies, les deux adorables personnes de la Trinité dont la venue sauvera l'univers. C'est Zacharie qui parle. Sous la figure du rétablissement d'Israël dans la patrie de ses aïeux et de la construction du second temple, il annonce la grande réalité du rétablissement universel de toutes choses et l'édification de l'Église, temple immortel du vrai Dieu. Le grand Orient se lève sur le monde ; il se construit lui-même un temple, dont il est tout ensemble le pontife et la pierre angulaire. Sept yeux brillent sur cette pierre magnifiquement ciselée. Aux feux qui en sortent, l'iniquité disparaît de la terre et la paix règne partout.
« Jésus, grand-prêtre, dit le prophète, écoute, toi et tes amis, hommes à miracles qui habitent avec toi. Voici que je vais faire paraître l'Orient mon serviteur, et voici la pierre que j'ai montrée à Jésus. Sur cette pierre unique, il y aura sept yeux, je la sculpterai moi-même, dit le Seigneur des armées ; et j'ôterai l'iniquité de la terre en un seul jour. En ce jour-là, l'homme appellera son ami sous sa vigne et sous son figuier (Zach. III, 8-10). »
Toute la tradition a vu le Messie clairement désigné dans cet oracle remarquable. Comme Dieu, il est bien le véritable Orient, le seul principe de toute lumière. Comme homme, inférieur à son Père, il est bien le serviteur véritable du Dieu des armées. Évidemment lui, et lui seul, est aussi la pierre fondamentale de l'Église, figurée par le temple dont la construction occupait alors Jésus, fils de Josédech. Or, comme l'Église est un temple vivant, la pierre qui lui sert de base doit être vivante. Comme elle est l'œuvre de Dieu, le fondement doit être Dieu lui-même : les yeux dont cette pierre est ornée l'indiquent sous une éloquente figure. Pour montrer qu'il est de l'essence de la Divinité d'être partout et de tout voir, l'usage constant chez les différents peuples est de représenter Dieu, sous la figure d'un œil ouvert. En Égypte, un œil surmonté d'un sceptre était l'emblème d'Osiris. Dans la Grèce, la statue de Jupiter avait trois yeux, pour montrer sa triple providence sur le ciel, sur la terre et sur la mer (Macrob., lib. I, c xxi ; Plutarch., De Oside et Osiride ; Pausan., in Corinth.; Pierius, hierogl. xxxiii, 15). Dans l'art chrétien, l'œil est encore l'emblème de la Divinité.
Ainsi, l'œil donné à la pierre mystérieuse dont parle Zacharie, dénote, sans contestation possible, que cette pierre est l'emblème de Notre-Seigneur, le fondement de l'Église. Mais pourquoi Dieu la montre-t-il au prophète avec sept yeux, et non avec deux ou avec un seul ? Pourquoi le nombre sept et non pas un autre ? Rappelons d'abord que cette figure étant l'œuvre de la sagesse infinie, il ne peut rien s'y trouver d'arbitraire ; plus elle paraît étrange, plus nous devons y soupçonner un sens profond et un grand enseignement. Afin de le connaître, écoutons ceux que Dieu lui-même a chargés d'expliquer ses oracles, en leur confiant le secret de ses pensées.
« Sur cette pierre unique, dit saint Grégoire le Grand, il y a sept yeux. Or, cette pierre est Notre- Seigneur. Dire que cette pierre a sept yeux, c'est dire que sur le Verbe incarné repose l'Esprit aux sept dons. Parmi nous, celui-ci possède le don de prophétie, celui-là le don de science ; un autre, le don des miracles ; un cinquième, le don ces langues ; un sixième, le don d'interprétation, suivant la distribution que le Saint-Esprit juge à propos de faire de ses dons ; mais nul homme ne les possède tous en même temps et dans leur plénitude. Quant au divin Rédempteur, il a montré qu'en revêtant notre nature infirme il possédait, comme Dieu, tous les dons du Saint-Esprit. C'est pourquoi il réunit en sa personne tous les yeux brillants dont parle le prophète (Moral., lib. XXIX, 16. Ita S. Hier., S. Remig., Rupert, Emmanuel, et alii). » — Telle est aussi l'interprétation des autres Pères et des plus célèbres commentateurs.
Reste à donner le sens des dernières paroles de la prophétie : Je sculpterai moi-même cette pierre et j'ôterai l'iniquité de la terre, et chacun reposera à l'ombre de sa vigne et de son figuier. Quel sera l'auteur des magnifiques ciselures dont sera ornée la pierre vivante, base éternelle de l'Église ? Celui-là même qui parle par l'organe du prophète, le Saint- Esprit en personne. C'est lui qui, dans l'Incarnation, sculptera avec une perfection inimitable le corps et l'âme du Rédempteur. C'est lui qui, avec un art non moins merveilleux, les unira personnellement au Verbe éternel. C'est lui qui ornera son âme de tant de sagesse, de vertu, de grâce et de gloire, qu'il en fera comme un ciel divin, rayonnant de tout l'éclat du soleil, de la lune et des étoiles. C'est lui, Esprit, d'amour, qui formera sur le corps adorable de l'auguste victime, avec la pointe acérée des épines, des clous et de la lance, les adorables ciselures, qui firent pendant la passion l'admiration des anges et qui feront pendant toute l'éternité l'amour des bienheureux.
Quel sera l'effet de ces ciselures sanglantes ? L'abolition de l'iniquité. Le sang du Rédempteur, coulant à grands flots par les incisions du divin tatouage dont le Saint-Esprit ornera sa chair immaculée, purifiera la terre de ses crimes. Dieu apaisé rendra ses bonnes grâces au genre humain, et la paix de l'homme avec Dieu deviendra le principe de la paix de l'homme avec ses semblables. Est-il possible de peindre sous des couleurs plus vives, l'action simultanée du Fils et du Saint-Esprit dans la régénération du genre humain ? Les faits accomplis depuis la Pentecôte chrétienne laissent-ils le moindre doute sur l'influence du Saint-Esprit dans le monde, la moindre obscurité sur ses opérations dans le Verbe fait chair, la moindre ambiguïté sur les paroles du prophète (S. Iren., De haeres., lib. III, 28) ?
Il serait facile de continuer ce tableau, commencé à l'origine des temps et qui va se développant avec les siècles. Nous verrions le Verbe par qui tout a été fait et le Saint-Esprit par qui tout doit être refait, constamment unis dans les prédictions des prophètes. Nous entendrions la mystérieuse Judith, célébrant sa mystérieuse victoire, et dans son mystérieux cantique, annonçant un triomphe plus glorieux sur un Holopherne plus redoutable, que celui dont elle vient de couper la tête ; nommant le futur vainqueur du grand Holopherne, et s'écriant : « Adonaï, Seigneur, vous êtes grand. Votre puissance est incomparable, nul ne peut y résister. Toute créature tombera à vos genoux : vous enverrez votre Esprit, et tout sera créé : voix de l'Éternel, tout fléchira à ses accents. Les montagnes jusque dans leurs fondements, les eaux jusque dans leurs profondeurs seront agitées. Les rochers, comme la cire, fondront devant votre visage. Grands de la vraie grandeur seront ceux qui vous craignent (Judith, xvi, 19 et seqq.). »
Quand le genre humain, depuis longtemps prosterné aux pieds de Satan, a-t-il commencé de tomber à genoux devant le vrai Dieu ? Quel Esprit a ébranlé les empires païens, réduit en poussière les murs et les temples du Capitole, placé la croix victorieuse au front des Césars ? À quelle époque remonte la génération des vrais grands hommes, apôtres, martyrs, saints sur le trône ou dans la solitude, nobles vainqueurs d'eux-mêmes et du monde ? Toutes les voix répondent en bénissant le Saint-Esprit et le Cénacle.
Le prophète, qui chante les merveilles de la Sagesse incréée, ne manque pas de lui adjoindre le Saint-Esprit. Dans son extase, l'homme inspiré voit toute la terre couverte de ténèbres. Les hommes incertains tâtonnent en plein midi, prenant le faux pour le vrai, le mal pour le bien, ignorant Dieu et s'ignorant eux-mêmes. À ce spectacle, il s'écrie : « Seigneur, qui connaîtra votre pensée, si vous ne donnez votre sagesse, et si vous n'envoyez votre Esprit des hauteurs ? C'est ainsi que seront redressées les voies des habitants de la terre, et que les hommes apprendront ce qui vous est agréable (Sapient., ix, 17). »
Esprit de lumière, qui dissipera la nuit du monde moral, longue nuit de deux mille ans, nuit profonde que rendaient palpable, plutôt qu'elle n'en dissipaient l'obscurité, les vacillantes lueurs de la raison ; Esprit de force, qui, remplissant, l'homme d'un courage inconnu, le retirera de la route du vice et le fera marcher d'un pas ferme dans les difficiles sentiers de la vertu : tel est le double caractère sous lequel est annoncé l'Esprit nécessaire au salut du monde. Est-il besoin de dire que ces deux caractères conviennent au Saint-Esprit, et ne conviennent qu'à lui ? Ne sont-ils pas écrits au front de toutes les œuvres régénératrices, qui, commencées à la Pentecôte, continuent sous nos yeux pour ne finir qu'au seuil de l'éternité ?
En résumé, le Fils et le Saint-Esprit sont toujours associés dans les prédictions des Prophètes. L'un n'étant pas moins nécessaire que l'autre à la régénération du monde, Dieu a voulu qu'ils fussent également annoncés. Ces deux grandes figures dominent toute l'histoire, illuminent tous les événements, provoquent tous les soupirs, soutiennent toutes les espérances de l'ancien monde, comme ils doivent exciter l'éternelle reconnaissance du nouveau.
De même qu'en étudiant toutes les circonstances de la naissance, de la vie et de la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ, son caractère, sa doctrine, ses miracles, il est impossible de ne pas reconnaître en lui le Messie annoncé par les prophètes ; de même, en considérant les œuvres merveilleuses et les opérations intimes de l'Esprit du Cénacle, il est impossible de ne pas adorer en lui la troisième personne de l'auguste Trinité, dont les oracles prophétiques avaient donné le signalement. Le parallélisme constant dont nous venons d'esquisser les principaux traits, va se continuer dans la préparation du Saint-Esprit.
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