jeudi 28 novembre 2019

Sainte Catherine Labouré, Fille de la Charité (1/2)



Extrait de "La Médaille Miraculeuse" par M. Aladel :




C'est préjugé assez répandu, que ceux qui sont favorisés de communications surnaturelles doivent avoir quelque chose d’extraordinaire dans leur personne et dans leur manière de vivre. On leur prête facilement un idéal de perfection qui les met en quelque sorte à part du commun des hommes. Mais si un jour on a l’occasion de constater que la réalité ne répond pas à l’opinion qu’on s’était faite, si l’on vient à découvrir dans ces confidents divins des faiblesses ou seulement des infirmités, on s’étonne, on est même tenté de se scandaliser. Parmi les chrétiens qui ne connaissaient saint Paul que de réputation, plusieurs éprouvent une espèce de déception en le voyant de près ; on les entendait dire qu’il représentait mal et que son langage trop vulgaire n’était pas digne d’un apôtre. Les Juifs ne se scandalisaient-ils pas de ce que Notre-Seigneur mangeait et buvait comme tout le monde, de ce que ses parents étaient pauvres, de ce qu’il sortait de Nazareth, de ce qu’il conversait avec les pécheurs ? Tant il est vrai que le peuple est toujours porté à juger d’après les apparences.
Il n’en est pas ainsi de Dieu. Il voit le fond des cœurs, et souvent ce qui paraît méprisable au juge ment du monde est grand devant lui. Ce qu’il aime surtout, c’est la simplicité et la pureté. Les qualités extérieures, les dons de l’esprit, la naissance, l’éducation, sont à ses yeux de peu de valeur ; ordinairement, c’est à ceux qui en sont dépourvus qu’il s’adresse de préférence, quand il a une importante mission à confier. Il fait ainsi éclater sa sagesse et sa puissance, en se servant de ce qui est faible pour faire de grandes choses. Quelquefois même il choisit pour instruments des sujets imparfaits ; il va jusqu’à permettre qu’ils commettent des fautes, qu’ils aient des imperfections, afin de les tenir dans l’humilité et de montrer clairement que les faveurs dont ils sont gratifiés ne sont point accordées à leurs mérites, mais sont l’effet de sa pure bonté.
Ces observations ont naturellement leur place en tête de la biographie de sœur Catherine ; elles résoudront à l’avance les difficultés que pourrait faire naître, dans l’esprit des lecteurs, le contraste d’une vie si simple et si commune avec les grâces dont l’humble fille fut comblée.
Sœur Catherine, née Zoé Labouré, vint au monde le 2 mai 1806, dans un petit village de la Côte-d’or, nommé Faim-les-Moutiers, de la paroisse de Moutiers Saint-Jean. Ce dernier lieu, particulièrement cher à saint Vincent, n’est pas éloigné du berceau de saint Bernard, ce grand serviteur de Marie, et de l’endroit où sainte Chantal passa une partie de sa vie ; comme si dans le sol, aussi bien que dans le sang, il y avait quelques prédispositions à certaines qualités ou vertus héréditaires.
Ses parents, sincères chrétiens, vivaient honorablement en cultivant leur bien et possédaient l’aisance que donnent aux gens de la campagne l’activité du travail et la simplicité de la vie. Dieu avait béni leur union et leur avait accordé une nombreuse famille : sept garçons et trois filles.
Les fils quittèrent de bonne heure la maison paternelle ; la petite Zoé resta avec ses sœurs sous les yeux de sa mère ; mais cette mère, Dieu la lui enleva avant qu’elle eût accompli sa huitième année. Déjà capable de sentir l’étendue de ce sacrifice, il lui sembla que la sainte Vierge voulait être son unique Mère.
Une de ses tantes, qui demeurait à Saint-Remy, la prit chez elle avec sa plus jeune sœur ; mais son père, homme pieux qui, dans sa jeunesse, avait songé à embrasser l’état ecclésiastique, voulut élever lui-même ses enfants, et, au bout de deux ans, il les rappela près de lui.
Une autre raison le poussait encore à agir ainsi. La fille aînée pensait sérieusement à quitter la famille pour entrer dans la communauté des Filles de la Charité, et le pauvre père ne pouvait se résoudre à confier sa maison à des mains mercenaires. Dans un âge ou les autres enfants ne pensent qu’à leurs jeux, Zoé dut se façonner dès lors aux plus rudes travaux.
Vers douze ans, elle fit sa première communion dans l‘église de Moutiers—Saint-Jean avec un cœur pur et fervent. Désormais, son unique désir fut d’appartenir sans réserve à Celui qui venait de se donner à elle pour la première fois.
Aussitôt après, la sœur aînée partit pour son postulat à Langres, et Zoé, devenue petite maîtresse de maison, faisait la cuisine, avec l’aide d’une bonne qui lui fut adjointe pour les plus gros ouvrages. Elle portait la nourriture aux moissonneurs et ne reculait devant aucun travail pénible.
Moutiers-Saint-Jean possède une maison de sœurs de Saint—Vincent—de-Paul. Zoé allait les voir aussi souvent que le lui permettaient ses occupations, et la bonne supérieure, qui l’aimait beaucoup, l’encourageait dans sa vie laborieuse. Cependant l’enfant ne s’ouvrit point à elle sur sa vocation naissante. Elle attendit avec une secrète impatience que sa sœur, plus jeune de deux années, pût se charger seule des soins du ménage. Zoé lui fit la confidence de ses désirs les plus chers ; et alors commença pour les deux sœurs cette vie intime, toute de labeur et de devoir, dont les seuls délassements étaient les offices de la paroisse.
Les, deux jeunes filles, se jugeant assez fortes pour congédier la bonne, se partagèrent les travaux de la maison. Zoé, qui était très-sérieuse, veillait à tout comme la ménagère la plus vigilante, et prenait soin de sa sœur comme l‘eût fait une mère.
Une de ses occupations favorites était la garde et l’administration du colombier, qui contenait toujours de sept à huit cents pigeons. Elle les soignait si bien qu’ils la connaissaient tous, et, dès qu’elle apparaissait, ils venaient à l’envi voler autour d’elle en forme de couronne. C’était, au dire de sa sœur, le plus charmant spectacle : d’innocence attirant les colombes, qui en sont le symbole.
Sa jeunesse nous la montre déjà modeste dans sa tenue et sérieuse de caractère ; pieuse et recueillie dans l’église paroissiale, où elle se rendait exactement ; on l’y voyait agenouillée sur les froides dalles, même en hiver. Ce n’était pas, du reste, la seule mortification qu’elle pratiquât : aux fatigues du travail elle ajouta, dès sa plus tendre jeunesse, l’habitude de jeûner le vendredi et le samedi à l’insu de son père. Celui-ci finit par découvrir les pieuses ruses de sa fille ; mais les reproches qu'il lui adressa ne purent l’emporter sur son attrait pour la pénitence ; elle croyait devoir préférer la voix intérieure de Dieu à celle de son père.
C’est ainsi que se dessinent nettement les traits du caractère de la future sœur, avec ses qualités et ses défauts. D’un côté, nous voyons une simplicité vraie, sans recherche, appliquée aux devoirs les plus laborieux, sous la sauvegarde de l‘innocence et de la ferveur ; de l’autre, un caractère habitué à dominer et qui devra lutter pour condescendre.
Cependant sa vie champêtre et laborieuse ne lui faisait point oublier sa vocation. Plusieurs fois demandée en mariage, sa réponse invariable était que, fiancée depuis longtemps à Jésus, son bon Sauveur, elle ne voulait avoir que lui pour époux. Mais son choix était-il bien fixé, et à quelle communauté songeait-elle ? Il est permis d’en douter, d’après un fait qui la frappa vivement, et dont le récit resta toujours gravé dans la mémoire de sa chère sœur, qui l’a raconté.
Étant encore dans la maison de son père, à Fain-les-Moutiers, elle eut un songe où il est permis de reconnaître l’action de Dieu et une préparation à sa vocation.
Il lui semblait être à l’église du village et dans la chapelle consacrée aux âmes du purgatoire. Un prêtre très-âgé, d’une figure respectable et d’une physionomie singulière, apparut dans la chapelle et se revêtit des ornements sacrés pour dire la sainte messe ; elle y assista, fort impressionnée de la présence de ce prêtre inconnu. À la fin de la messe, le prêtre lui fit signe de s’approcher ; mais elle, effrayée, se retira à reculons, tenant toujours les yeux fixés sur lui.
Sortie de l’église, elle entra dans une maison du village pour visiter une personne malade. Là, le vieux prêtre se retrouva devant elle, et, lui adressant la parole : « Ma fille, c’est bien de soigner les malades ; vous me fuyez maintenant, mais un jour vous serez heureuse de venir à moi. Dieu a desseins sur vous, ne l’oubliez pas.» Toujours stupéfaite et craintive, la jeune fille s’éloigna encore ; en sortant de la maison, il lui semblait que ses pieds ne touchaient pas la terre, et, au moment où elle rentrait chez son père, elle s’éveilla et reconnut que ce qui venait de se passer n’était qu’un rêve.
Elle avait alors dix-huit ans, sachant peu lire, encore moins écrire ; comme elle comprenait sans doute que ce serait un obstacle pour son admission dans une communauté, elle obtint de son père la permission d’aller chez sa belle-sœur, maîtresse de pension à Châtillon-sur-Seine, pour y prendre quelques leçons. Son père, qui craignait de la perdre, ne consentit qu’avec peine à son départ.
Sans cesse préoccupée de la vision qu’elle avait eue, elle en parla à M. le curé de Châtillon, qui lui répondit : « Je crois, mon enfant, que ce vieillard est saint Vincent, qui vous appelle à être Fille de la Charité. » Sa belle-sœur l’ayant conduite chez les sœurs de Châtillon, elle fut saisie de voir, en entrant au parloir, le portrait parfaitement ressemblant du prêtre qui lui avait dit en songe : « Ma fille, vous me fuyez ; mais un jour vous serez heureuse de venir à moi ; Dieu a des desseins sur vous, ne l’oubliez pas. » Elle demande aussitôt quel est ce personnage, et, lorsqu’elle apprend que c’est saint Vincent, le mystère s’éclaircit, elle comprend que c’est lui qu’elle doit avoir pour Père.
Cette circonstance n’était pas de nature à ralentir ses désirs. Elle resta peu chez sa belle-sœur. L’humble fille des champs était gênée au milieu des demoiselles qui fréquentaient la pension, et elle n’y apprenait rien.
C’est alors qu’elle fit la connaissance de sœur Victoire Séjole, qui fut plus tard placée à la tête de la maison de Moutiers-Saint-Jean. Cette sœur, jeune alors, et déjà toute à Dieu et à ses pauvres, devina la candeur de cette âme et sa souffrance : elle pria instamment sa supérieure de l’admettre au postulat sans différer, s’offrant à lui donner des soins particuliers pour la former, et l’instruire de ce qu’il lui était indispensable de savoir, pour être Fille de la Charité.
Mais Zoé ne profita que plus tard de l’intérêt que lui portait la bonne sœur Victoire ; ce bonheur devait être chèrement acheté.
Lorsqu’elle s’ouvrit à son père de son dessein, le cœur de ce pauvre père se révolta ; il avait déjà donné sa fille aînée à la famille de saint Vincent, et sacrifier encore celle qui depuis de longues années administrait sa maison si sagement, lui semblait au-dessus de ses forces. Il crut avoir trouvé un moyen de la détourner de ce dessein en l’envoyant à Paris, chez un de ses fils qui était restaurateur, avec recommandation de chercher à éteindre chez sa sœur toute idée de vocation, par les distractions qu’il lui ménagerait. Temps d’épreuves et de souffrances pour la jeune aspirante, qui, bien loin de perdre le désir de se consacrer à Dieu, ne fit que soupirer plus ardemment après le jour où elle quitterait le monde.
Elle eut alors la pensée d’écrire à sa belle-sœur, à Châtillon, et de l’intéresser à sa cause. Celle-ci, touchée de cette marque de confiance, la fit venir près d’elle et obtint enfin le consentement de son père. Elle entra chez les sœurs de Châtillon, comme postulants, au commencement de l’année 1830.
Zoé Labouré fut bien heureuse de se voir enfin au terme de cette rude épreuve qui avait duré presque deux années. Le 21 avril 1830, elle touchait au port tant désiré du séminaire (Saint Vincent de Paul voulut qu'on appelait temps de séminaire le séjour que font les jeunes sœurs à la maison principale de la communauté, afin d’y être formées à l’esprit et aux œuvres de leur vocation ; il craignait que le nom de noviciat ne fît regarder les Filles de la Charité comme des religieuses).

La voilà donc en possession de tout ce qui était l’objet de ses désirs et de ses affections, depuis sa plus tendre enfance. Son âme pouvait alors se dilater à l‘aise dans la prière et dans la joie d’être tout entière au service de son Dieu.
Elle eut le bonheur d’avoir pour directeur de sa conscience, pendant tout le temps de son séminaire, M. Jean-Marie Aladel, prêtre d’une éminente piété, vrai fils de saint Vincent de Paul, homme d’un jugement sûr, d’une grande expérience, austère comme un anachorète, infatigable au travail, dont la mémoire est restée en vénération dans la Compagnie des Filles de la Charité et dans celle des Prêtres de la Mission. Il fut pour elle un guide prudent dans les voies extraordinaires où Dieu l’appelait ; il sut constamment la tenir en garde contre les illusions de l’imagination et surtout contre les séductions de l‘orgueil, en même temps qu’il s’attachait à la faire avancer dans le chemin de la perfection, par la pratique des plus solides vertus. M. Aladel entretint avec sœur Catherine des relations suivies, même lorsqu’elle fut envoyée à l’hospice d’Enghien. Il y gagna beaucoup pour sa propre sanctification et pour les œuvres dont il était chargé.
Informé par elle des desseins de Dieu, il se consacra sans réserve à propager le culte de Marie Immaculée, et, pendant les dernières années de sa vie, à étendre parmi les jeunes filles, élevées par les sœurs de Saint-Vincent, l’association des Enfants de Marie. Il mourut en 1865, onze ans avant sa fille spirituelle (La Vie de M. Aladel a été publiée ; 1 vol. in-12 : on la trouve à Paris, rue du Bac, 140).
Trois jours avant la magnifique cérémonie de la translation des reliques de saint Vincent de Paul à la chapelle de Saint-Lazare, fête qui fut le signal d’une nouvelle vie pour la congrégation de la Mission, sœur Labouré fut favorisée d’une vision prophétique. Le même Dieu qui avait appelé Vincent de la garde des troupeaux de son père, pour en faire l’instrument de sa droite, allait confier aussi à une pauvre fille des champs les secrets de sa miséricorde. Laissons-la raconter dans son naïf langage cette première impression :
« Je suis arrivée le mercredi avant la translation des reliques de saint Vincent de Paul. Heureuse et contente d’assister à ce grand jour de fête, il me semblait que je ne tenais plus à la terre.
Je demandais à saint Vincent toutes les grâces qui m’étaient nécessaires, et aussi pour les deux familles et pour la France tout entière. Il me semblait qu’elle en avait le plus grand besoin. Enfin je priais saint Vincent de m‘enseigner ce que je devais demander, et de le faire avec une foi vive. »
Elle revenait de Saint-Lazare toute remplie de la pensée de son bienheureux Père, et le retrouvait à la communauté. « J’avais, dit-elle, la consolation de voir son cœur au-dessus de la petite châsse ou ses reliques sont exposées. Il m’apparut trois jours de suite d’une manière différente : blanc, couleur de chair, et cela annonçait la paix, le calme, l’innocence et l’union.
Puis je l’ai vu couleur de feu, ce qui était le symbole de la charité qui s’allumera dans les cœurs. Il me semblait que la charité devait se renouveler et s’étendre jusqu’aux extrémités du monde.
Enfin il m’apparut rouge-noir, ce qui me mettait la tristesse dans le cœur. Il me venait des craintes que j’avais peine à surmonter. Je ne savais ni pourquoi ni comment cette tristesse se portait sur le changement de gouvernement. »
Il était étrange, en effet, que sœur Labouré eût alors des préoccupations politiques.
Une voix intérieure lui dit : « Le cœur de saint Vincent est profondément affligé des grands malheurs qui vont fondre sur la France. » Le dernier jour de l’octave, elle vit le même cœur couleur vermeille, et la voix intérieure lui dit : « Le cœur de saint Vincent est un peu consolé, parce qu’il a obtenu de Dieu, par la médiation de Marie, que ses deux familles ne périraient pas au milieu de ces malheurs, et que Dieu s’en servirait pour ranimer la foi. »
Afin de se mettre l’esprit en repos, elle parla de cette vision à son confesseur, qui l’engagea à n’y plus penser ; sœur Labouré ne songea plus qu’à obéir, et rien au-dehors ne la fit remarquer de ses compagnes.
Nous trouvons cette faveur singulière consignée dans une lettre écrite par sœur Catherine, en 1856, d’après l’ordre que lui en avait donné M. Aladel. L’année où elle entra au séminaire, ce digne missionnaire était presque le seul aumônier de la communauté. La congrégation de la Mission, à peine restaurée à cette époque, comptait à sa maison-mère neuf prêtres en tout, et moitié moins de séminaristes. M. Étienne, de vénérée mémoire, était procureur général, et M. Salhorgne, le supérieur des deux familles de saint Vincent. Si la disette de sujets était grande, le dévouement de ces quelques prêtres y suppléait et ils se multipliaient pour le service de la communauté. La divine bonté préparait à leur charité une belle récompense.
Si nous en croyons les notes que sœur Catherine écrivit plus tard par l’ordre de M. Aladel, l’humble fille, pendant tout le temps de son séminaire, jouit à découvert de la vue de Celui dont la présence se cache à nos sens dans le sacrement de son amour : « Excepté, dit-elle, lorsque j’eus un doute ; alors je ne vis plus rien, parce que je voulais approfondir le mystère, craignant de me tromper. »
Notre-Seigneur daignait se montrer à son humble servante, conformément aux mystères du jour ; elle en a écrit une circonstance qui tient au changement de gouvernement que rien ne faisait prévoir encore :
« Le jour de la Sainte-Trinité, dit-elle, Notre-Seigneur m’apparut dans le très-saint-sacrement pendant la sainte messe, comme un roi, avec la croix sur sa poitrine. Au moment de l’évangile, il m’a semblé que la croix et tous ses ornements royaux coulaient à terre sous ses pieds, et que Notre-Seigneur restait dépouillé. C’est là que j’ai eu les pensées les plus noires et les plus tristes, comprenant que le roi serait dépouillé de ses habits royaux et les dommages qui en résulteraient. »
Lorsque l’humble fille avait ces pensées tristes au sujet du roi, celui-ci semblait au comble de sa fortune. Le siège d’Alger se faisait alors, et tout semblait présager l’heureux succès de ses armes. En effet, les premiers jours de juillet, l’imprenable forteresse des pirates tombait au pouvoir des Français ; tout le royaume était dans la joie de cette mémorable victoire, et les églises retentissaient de chants d’actions de grâces.
Hélas ! le triomphe devait être promptement suivi d’une révolution sanglante, qui allait renverser le trône et menacer les autels. À la suite des journées de juillet, la frayeur s’était emparée du clergé et des communautés religieuses de Paris. M. Aladel craignait beaucoup pour les Filles de la Charité et les Missionnaires. Sœur Labouré ne cessa de le rassurer, répétant que les deux Compagnies n’avaient rien à redouter de cette tourmente, qu’elles ne périraient pas.
Elle lui dit un jour qu’un évêque avait demandé à se réfugier à Saint-Lazare ; qu’on pourrait le recevoir sans hésitation, qu’il y serait en sûreté. M. Aladel n’avait pas fait grande attention à ces prédictions, il s’en retournait tristement à la maison, lorsqu’en y arrivant, le respectable M. Salhorgne l’aborda en lui disant que Mgr Frayssinous, évêque d’Hermopolis et ministre des cultes sous Charles X, était venu lui demander un asile pour se soustraire à la persécution qui le poursuivait.
Ces révélations portaient un cachet de vérité qu’il était difficile de méconnaître ; aussi, tout en feignant de ne pas y croire, M. Aladel en écoutait le récit avec le plus vif intérêt. Il commençait à se persuader que l’esprit de Dieu agissait en cette jeune sœur, et en voyant s’accomplir sous ses yeux plusieurs choses qu’elle lui avait annoncées, il se sentait disposé à donner créance à d’autres communications plus merveilleuses encore dont elle lui faisait part.
Selon son témoignage, la très-sainte Vierge lui était apparue ; ses apparitions s’étaient renouvelées diverses fois, elle l’avait chargée de rapporter à son directeur ce qu’elle avait vu et entendu. Une importante mission, lui était confiée, c’était de faire frapper et de répandre une médaille en l’honneur de l’Immaculée-Conception.
On trouvera au chapitre troisième de Ce Volume le récit détaillé de ces visions, tel qu’il nous a été transmis de la main de la sœur elle-même.
« Malgré les assurances sensibles qu’il avait de la véracité de la sœur, M. Aladel n’écoutait néanmoins ses communications qu’avec défiance, comme il l’a rapporté lui-même dans l’enquête canonique ordonnée en 1836 par Mgr de Quélen ; il affectait d’y faire peu d’attention, comme si ces visions n’avaient été que l'effet de l’imagination d’une jeune fille. Il lui commanda d’en porter le même jugement et de n’en faire aucun cas, il alla même jusqu’à l’humilier et lui reprocher son peu de soumission d’esprit. La pauvre sœur, ne pouvant parvenir à le convaincre, n’osait plus l’entretenir des apparitions de la sainte Vierge, elle ne le faisait que lorsqu’elle se sentait tourmentée et poursuivie par un désir presque irrésistible. Telle a été la cause pour laquelle, ajoute M. Aladel, elle ne lui en a parlé que trois fois, bien que les visions se soient plus souvent répétées. Après qu’elle avait déchargé son cœur, elle se trouvait calme et parfaitement tranquille. L’enquête fait encore remarquer que sœur Catherine ne chercha point d’autre confident de ses secrets que son confesseur, elle n’eut pas même la pensée de s‘en ouvrir ni à ses supérieurs ni à d’autres personnes. C’est à M. Aladel que Marie l’avait adressée, elle ne parla qu’à lui seul et même elle exigea de lui la promesse que son nom ne serait jamais prononcé (Procès-verbal de l‘enquête faite par ordre de Mgr le Quélen, en 1836, sur l’origine de la médaille ; ms., p. 10). »
D’après cet engagement, M. Aladel raconta la vision à M. Étienne ainsi qu’à d’autres personnes, mais sans jamais désigner la sœur soit directement soit indirectement. Nous verrons plus loin comment la Providence prit soin de la tenir toujours inconnue.
Ces communications célestes, comme il est facile de le supposer, laissaient dans l’âme de sœur Labouré des impressions profondes qui persévéraient ordinairement, même après qu’elle avait quitté l’oraison, et la rendaient en quelque sorte étrangère à ce qui se passait autour d’elle. À ce sujet, on raconte qu’à la suite d’une de ces apparitions, elle se lève comme les autres au signal donné, sort de la chapelle et va prendre sa place au réfectoire, mais demeure si absorbée qu’elle ne songe pas même à toucher à la portion placée devant elle.
La sœur Caillaud, troisième directrice, faisant sa tournée, lui dit rondement : « Eh bien, sœur Labouré, vous êtes encore en extase ? » Ces paroles la font revenir à elle, et la bonne directrice, qui ne pensait pas avoir parlé si juste, ne soupçonne rien.
Cependant sœur Catherine approchait de la fin de son séminaire, et malgré ses affirmations tout à la fois si naïves et si précises, son directeur refusait toujours de la croire. Elle eut le déplaisir de quitter la maison-mère sans avoir pu rien obtenir, pas même une espérance.
C’est que l’affaire était plus grave qu’elle ne pensait ; il fallait communiquer au public une faveur dont l’origine surnaturelle pouvait être contestée ; le prudent directeur comprenait qu’en pareille matière, on ne saurait exiger trop de preuves ni prendre trop de précautions.

Sœur Labouré fut revêtue du saint habit dans le cours du mois de janvier 1831 et placée, sous le nom de sœur Catherine, à l’hospice d’Enghien, au faubourg Saint-Antoine, d’où elle pouvait continuer ses communications avec M. Aladel. Ce respectable Père ne la perdait pas de vue ; tout en paraissant ne donner aucun crédit aux confidences de sa pénitente, il s’appliquait à l’étudier avec soin, afin de se convaincre si réellement ses visions étaient le produit d’un esprit faible, enthousiaste, et d’une imagination exaltée. Mais plus il l’étudiait, plus il acquérait la certitude qu’il n’y avait rien de semblable dans la sœur Labouré. Le jugement porté sur elle par les directrices du séminaire était qu’elle avait un esprit peu saillant, mais un caractère positif et calme que M. Aladel qualifiait de froid, et même d’apathique.
Ce dernier trait ne convenait pourtant pas à la sœur Catherine, en qui ses compagnes ont reconnu toutes, au contraire, un caractère très-vif. Mais cela prouve, du moins, qu’il n’y avait en elle aucune exaltation. De plus, elle se montrait solidement vertueuse, sans qu’on eût jamais rien aperçu d’extraordinaire dans ses manières, et surtout dans sa dévotion.
Avant de se rendre à sa nouvelle destination, sœur Labouré passa quelques jours dans un grand établissement de Paris. M. Aladel prit alors un prétexte pour aller visiter les sœurs de cette maison, et examiner plus à l’aise la jeune sœur. Le bruit des visions avait déjà circulé, et on savait que M. Aladel avait reçu des confidences ; aussi, dès qu’il parut, les sœurs l’entourèrent, et chacune, à l’envi, le pressa de questions. Il avait l’œil sur sœur Catherine qui, sans se déconcerter, mêla ses demandes à celles des autres avec beaucoup de tranquillité. Le digne missionnaire fut rassuré, comprenant que la sœur garderait son secret.
La dernière fois que la sainte Vierge s’était montrée à sœur Labouré, dans le sanctuaire de la maison mère, elle lui avait dit ces paroles : « Ma fille, désormais vous ne me verrez plus, mais vous entendrez ma voix pendant vos oraisons. » En effet, elle eut fréquemment pendant le cours de sa vie des communications de ce genre. Ce n’étaient plus des apparitions sensibles, mais des vues intellectuelles qu’elle savait très-bien distinguer des illusions de l’imagination ou des impressions d’une pieuse ferveur.
Sa mission n’était pas achevée relativement à la médaille. Quelques mois s’étaient écoulés lorsque la Vierge Immaculée se plaignit à elle de ce que ses ordres n’étaient pas exécutés.
« Mais, ma bonne Mère, reprit sœur Catherine, vous voyez bien qu’il ne me croit pas. — Sois tranquille, lui fut-il répondu ; un jour viendra où il fera ce que je désire ; il est mon serviteur, il craindrait de me déplaire. »
Cette parole ne tarda pas à se vérifier.
Lorsque le pieux missionnaire reçut cette communication, il commença à réfléchir sérieusement : « Si
Marie est mécontente, se dit-il, ce n’est pas de la jeune sœur qui, dans sa position, ne peut rien ; c’est donc de moi. » Cette pensée l’inquiéta, le troubla (Procès-verbal de l’enquête, p. 5). Il avait depuis longtemps communiqué le récit des visions à M. Étienne, alors procureur général. Un jour qu’ils étaient allés ensemble faire une visite à Mgr de Quélen, au commencement de 1832, M. Aladel profita de la circonstance pour lui parler des apparitions et surtout de son embarras, puisque la sainte Vierge se plaignait à la sœur des lenteurs apportées à l’exécution de ses ordres.
Monseigneur répondit que ne voyant en cela rien de contraire à la foi, il ne trouvait nul inconvénient à ce que la médaille fût frappée sans autre délai. Il demanda même qu’on lui en envoyât des premières.
Les ravages du choléra, qui survinrent sur ces entrefaites, retardèrent encore l’exécution jusqu’en juin ; le 30 de ce mois, deux mille médailles furent livrées, et M. Aladel s’empressa d’en envoyer à Mgr l’archevêque de Paris.
Mgr de Quélen voulut aussitôt en essayer l’efficacité : il était fort préoccupé de l’état spirituel de l’ancien archevêque de Malines Mgr de Pradt, presque mourant ; il désirait d’autant plus sa conversion, que la mort de ce prélat pouvait être l’occasion d’un scandale et de graves désordres, comme ceux qu’avait causés l’enterrement de l’évêque constitutionnel Grégoire. Il se munit de la médaille et va visiter le malade. L’entrée lui est refusée une première fois ; mais bientôt le moribond repentant lui envoie ses excuses, avec prière de venir de nouveau. Dans cette entrevue, il témoigne à Sa Grandeur un sincère repentir de sa vie passée, rétracte toutes ses erreurs, et, après avoir reçu les derniers sacrements, il meurt, la nuit même, entre les bras de l’archevêque. Celui-ci, rempli d’une sainte joie, s’empressa d’en faire part à M. Aladel.
Le digne missionnaire remit une médaille à sœur Catherine, qui la reçut avec « grande dévotion et respect » et elle dit : « Maintenant il faut la propager. » La chose fut facile à la communauté des Filles de la Charité, où se racontaient tout bas les apparitions, l’empressement fut général ; on en répandit avec abondance, et à mesure qu’elles étaient distribuées, les guérisons et les conversions se multipliaient dans tous les rangs de la société, de telle façon que bientôt elle fut désignée sous le nom de médaille miraculeuse.
Témoin de ces merveilles, le cœur du Père Aladel se dilatait, et il crut devoir publier une petite notice sur l’origine de la médaille, afin de répondre ainsi à toutes les demandes ou questions qui lui étaient adressées. Pour la gloire de Dieu et de Marie, il y ajouta les faits consolants dont il avait connaissance.
Que disait sœur Catherine en entendant parler de ces faits surprenants ? Moins que personne, elle s’en étonnait ; sa joie était grande sans doute, mais tout entière enfermée dans le silence de son cœur. Elle envoyait de temps en temps quelque nouveau message a M. Aladel, le priant, à plusieurs reprises, de faire élever un autel commémoratif de l’apparition et lui disant que « beaucoup de grâces et d’indulgences y seraient attachées, et que leur abondance retomberait sur lui-même et sur la communauté. »
Elle le pressait aussi de solliciter des faveurs spirituelles particulières, l’assurant qu’il pouvait demander sans crainte et que tout lui serait accordé.
Mais ce digne prêtre qui, nous l’avons dit, ne remplissait encore à la communauté que les fonctions de simple aumônier, se taisait prudemment, se réservant d’agir lorsque le temps favorable serait venu. Quelques années après, M. Étienne, son ami intime, fut élu supérieur général, et lui assistant de la congrégation et directeur des Filles de la Charité ; de concert, ils formèrent le projet d’élever à l’Immaculée Marie un autel plus digne de sa bonté maternelle et de la reconnaissance de ses enfants. La Providence sembla elle-même coopérer à l’exécution : le gouvernement fit alors à la communauté le don de deux magnifiques blocs de marbre blanc, en reconnaissance des soins donnés par les sœurs aux cholériques et à leurs orphelins. L’un fut destiné à l’autel, et l’autre à la statue de l’Immaculée Marie.
En même temps le personnel de la maison-mère, celui du séminaire surtout, augmentait chaque jour. La nouvelle vie qui circulait dans la communauté suscitait de nombreuses vocations, et le centre qui devait les réunir devenait trop étroit ; la chapelle surtout était née insuffisante. Pour l’agrandir, l’architecte eut un problème difficile à résoudre : il devait respecter le sanctuaire honoré de la visite de Marie, et en même temps élargir l’enceinte. Il y parvint en ajoutant des bas-côtés, surmontés de tribunes. Si l’édifice, toujours trop bas et trop resserré, n’y a pas gagné du côté de l’art, il a du moins l’avantage de conserver le lieu même de l’apparition de la très sainte Vierge, dans son intégrité primitive.
L’ancien autel fut transporté dans la chapelle latérale, dédiée à saint Vincent, et le saint fondateur y fut représenté tenant ce cœur tout brûlant de l’amour de Dieu et des pauvres, dont la vision avait frappé sœur Catherine. Une statue en plâtre de l’Immaculée Conception fut provisoirement placée au-dessus du maître-autel, en attendant la statue de marbre, dont la pose, pour des causes diverses, ne se fit solennelle ment qu’en 1856.
Ce fut un jour de grande joie pour la maison-mère : la statue n’était point une représentation froide et muette ;... elle rappelait éloquemment l’aimable image de Marie ; c’était là que cette Mère miséricordieuse avait parlé et annoncé ses grâces ; l’expérience de chaque jour avait confirmé les promesses, et sa vue ne cesse point aujourd’hui encore de réveiller dans les cœurs des émotions profondes et tendres lorsqu’on vient prier à ses pieds. Oui, Marie est bien là. Elle parle au cœur de ses enfants ; Elle leur fait sentir qu’Elle les aime et les protège.
Sœur Catherine dit aussi à M. Aladel, toujours dans les premiers temps de sa vocation : « La sainte Vierge veut que vous fondiez une congrégation ; vous en serez le supérieur. C’est une confrérie d’Enfants de Marie ; la sainte Vierge fera beaucoup de grâces ; des indulgences seront accordées. »
Le lecteur verra, dans le cours de ce volume, comment cette œuvre fut réalisée et quelle admirable extension la Providence lui a donnée.
Elle annonça encore que le mois de Marie se ferait avec grande pompe et deviendrait général dans toute l’Église ; que le mois de saint Joseph se célébrerait aussi, et que la dévotion envers ce grand saint augmenterait beaucoup, ainsi que la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus.
Tant de miracles opérés partout et chaque jour, tant de témoignages signalés dus à la protection de Marie, devaient engager la communauté et surtout le séminaire, qui en avait été le lieu et en avait fourni l’instrument, à perpétuer un si précieux souvenir.
Deux tableaux furent donc commandés pour reproduire, l’un la vision de la médaille et l’autre celle du cœur de saint Vincent. Lorsque le peintre s’appliquait à représenter avec exactitude la sainte Vierge, il vint consulter M. Aladel et lui demanda de quelle couleur devait être son voile... L’embarras du missionnaire fut grand ; il ne se rappelait plus ce détail, et comme il tenait à ce que sœur Catherine ne crût pas qu’il y attachait beaucoup d’importance, il lui écrivit ; et tout en paraissant vouloir la prémunir contre les illusions du démon, il lui demandait de nouveau sous quel aspect la sainte Vierge s’était montrée à elle. Sœur Catherine lui fit cette réponse : « Pour le moment, mon Père, il me serait impossible de me souvenir de tout ce que j’ai vu ; une seule particularité me reste : « c’est que le voile de la sainte Vierge était couleur blanc aurore. »
C’était la seule chose que M. Aladel désirait savoir, et précisément c’était aussi le seul fait que sœur Catherine eût en mémoire.
Ces petits incidents, ménagés par la Providence, n’étaient pas perdus ; ils augmentaient la confiance du sage directeur. Lorsque les tableaux furent placés au séminaire, M. Aladel prit discrètement ses mesures pour que sœur Catherine vint les voir au jour et à l’heure ou il s’y trouverait comme par hasard. Une sœur de la maison, s’y rencontrant aussi avec sœur Catherine, conçut quelque soupçon, et se tournant tout à coup vers le digne Père, elle lui dit : « Voilà certainement la sœur qui a eu la vision ! » Il se vit fort embarrassé et ne trouva moyen de s’en tirer qu’en interpellant sœur Catherine pour la charger de répondre. Celle-ci se mit à rire, disant : « Vraiment l’on a bien rencontré ! » mais si simplement, que la sœur qui avait eu cette pensée dit au Père : « Oh ! je vois bien que ce n’est pas elle, vous ne l’auriez pas invitée à me le faire savoir. »
Pendant sa longue vie, sœur Catherine fut souvent mise à de petites épreuves de ce genre.
Les détails que M. Aladel avait donnés à Mgr de Quélen sur la vision de la médaille l’avaient fort intéressé ; il désirait vivement connaître la personne qui avait reçu cette précieuse faveur. M. Aladel répondit que la sœur tenait à demeurer inconnue. « Eh bien ! reprit Sa Grandeur, qu’à cela ne tienne ! elle mettra un voile et pourra me parler sans être vue. » — M. Aladel s’en excusa de nouveau, disant que c’était pour lui secret de confession.
M. Ratisbonne, miraculeusement converti en 1842 par l’apparition de la médaille miraculeuse, désirait ardemment de s’entretenir avec la sœur privilégiée la première de cette vision céleste, et fit pour ce sujet de pressantes mais inutiles démarches auprès de son directeur.
Autour d’elle, les uns faisaient des questions embarrassantes ; les autres des suppositions, et lorsqu’on insistait trop pour s’en éclaircir, elle trouvait le moyen de faire sentir aux curieux qu’ils étaient indiscrets, et l’on n’y revenait pas une seconde fois. D’ailleurs sa grande simplicité déconcertait ordinairement les interrogateurs.
En différentes circonstances, la sainte Vierge paraissait venir à son aide : ainsi, lors de l’enquête de 1836 et de la déposition faite à M. le promoteur, M. Aladel déclara qu’il avait inutilement essayé de décider sœur Catherine à venir, qu’il n’avait pu vaincre sa résistance, et que, du reste, on tenterait en vain de l’interroger, parce qu’elle avait tout oublié.
On dit que la même chose lui arriva un jour en présence de M. Étienne, devenu supérieur général, et qu’il ne réussit pas à la faire parler ; elle ne se souvenait plus de rien. C’est ce qui donna lieu au bruit répandu dans la communauté, que la vision s’était complètement effacée de la mémoire de la sœur qui en avait été favorisée.
Grâce à cette opinion, sœur Catherine put demeurer, pendant de longues années, bien cachée dans son modeste office ; employée d’abord à la cuisine, puis à la lingerie, elle resta ensuite pendant près de quarante ans dans la salle des vieillards de l’hospice d’Enghien, et elle ajoutait à cet office celui de la basse-cour.



Reportez-vous à Sainte Catherine Labouré, Fille de la Charité (2/2), Grâces extraordinaires de conversion obtenues par la Médaille MiraculeusePrière pour la FranceNeuvaine de confiance au Sacré-Cœur, Soin que l'état de maladie demande, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, et Du vrai Religieux, par le R.-P. Jean-Joseph Surin.