mercredi 20 novembre 2019

De l'abandon parfait du Père Surin à la Divine Providence dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ


Sainte Thérèse de Jésus perdue sur la route de Salamanque, guidée par deux Anges



Extrait de "L'Homme de Dieu, en la personne du R.-P. Jean-Joseph Surin" par H.-M. Boudon :


Jésus-Christ dit à son Père en entrant dans le monde, enseigne le grand Apôtre aux Hébreux, c'est-à-dire lorsqu'il fut formé dans le pur sein de la Vierge sa Mère : Je viens, il est écrit de moi dès le commencement du livre que je dois accomplir votre volonté ; et Saint Luc rapporte que dans le temps qu'il en sortit criant à haute voix il dit : Mon Père, je recommande mon esprit entre vos mains ; et que disant cela il expira. Ce divin Sauveur proteste en Saint Jean, qu'il ne peut rien faire de soi-même que ce qu'il voit faire du Père, et que tout ce que fait son Père, il le fait avec lui : il assurait, qu'il ne parlait pas de soi-même, mais que c'était son Père qui l'avait envoyé qui avait ordonné lui-même ce qu'il devait faire, et comment il devait parler ; que les choses donc qu'il disait, il les disait comme son Père les lui avait dites ; que sa viande était de faire sa volonté et d'accomplir son œuvre, enfin qu'il faisait toujours ce qu'il lui plaisait. Il est impossible de voir une plus grande dépendance, ni un plus parfait abandon que celui de l'aimable Jésus, qui ne faisait pas la moindre petite action, et ne disait pas une seule parole par soi-même ; qui entre et qui sort du monde se laissant entièrement aux ordres de la Providence de son Père ; qui s'y laisse sans réserve pour être visité des Pasteurs et des Mages ; pour être Circoncis, pour être porté en Jérusalem, pour aller et demeurer en Égypte, pour en revenir, pour être baptisé au Jourdain, pour être tenté au désert, pour prêcher, pour mourir en Croix ; qui n'avançait ni ne retardait ce qu'il avait à faire, demeurant dans la paisible attente de l'heure que son Père avait ordonnée. Mais quel plus grand abandon à la Divine Providence que celui où il a été durant trente années ; vivant dans la retraite, caché dans la pauvre boutique d'un artisan, y faisant le métier de Charpentier, lui qui était venu au monde pour y donner la lumière à tous les hommes, et qui enfin mourût sur un gibet.
Après ces vérités, comment le Chrétien qui les croit pourra-t-il s'inquiéter de tout ce qui lui peut arriver de plus affligeant ? comment sa paix ne sera-t-elle pas immuable se reposant doucement dans le sein de la Divine Providence ? Je ne suis pas surpris, si le Père Surin a écrit : mon âme est établie dans une grande confiance, et n'est portée à rien entreprendre de soi-même, mais d'aller selon l'ordre de la Divine Providence qui dispose de tout. Je me confirme de plus en plus de me laisser à ses soins sans aucune réserve, pour tout ce qui me regarde, et de vivre dans son entière dépendance ; j'irai de bon coeur partout où elle me mènera ; je ne saurais entrer dans aucune défiance de la conduite de Notre-Seigneur, et je ne vois rien sur la terre qui puisse me donner quelque crainte, malgré toute l'éloquence de certains prudents et timides, qui sont féconds à fournir de mauvaises conjectures sur des pieds de mouches, car je crois que Notre-Seigneur en tout ce qui nous arrive fait entièrement son ouvrage pour notre plus grand bien.
1. Voici quelques-unes des maximes de ce grand homme sur ce sujet ; il faut que l'esprit de l'homme se perde doucement dans les soins de la Divine Providence, parmi la diversité de toutes sortes d'événements, lui remettant tout sans peine, laissant les hommes dire et penser ce qu'ils voudront ; la plus douce perte que nous pouvons faire est celle de nous-mêmes en Dieu, abîmant en lui tout ce que nous sommes.
2. Tout est ordonné pour le bien de ceux qui ont remis tous leurs soins entre les mains de la Divine Providence ; Dieu n'abandonnera jamais rien de ce qui les regarde ; souvent il les aidera par des moyens où ils ne pensent pas ; il les assistera même par des voies qui semblent leur être contraire : mais ceux qui ne sont qu'à demi à Dieu se rendent indignes de recevoir les grands secours de son aimable Providence.
3. Les surprises, en fait de la Divine Providence, sont encore plus douces que les choses que nous pouvons prévoir, parce qu'il n'y a rien de plus doux que la parfaite dépendance de la divine volonté ; et s'y soumettre entièrement tout à coup sans voir, au lieu de délibérer, c'est une marque de grande dépendance.
4. Il faut se fonder sur un principe indubitable, qui est que lorsque nous entreprenons une chose pour Dieu en sa pure vue et par sa conduite, nous sommes tellement en sa divine providence, qu'il emploie sa bonté, sa sagesse, sa puissance pour nous ; en sorte qu'il ne nous arrive, ni ne peut rien nous arriver, qui ne soit pour sa gloire et pour notre bien.
5. C'est une grande vérité que je sais par mon expérience, que jamais rien n'arrive quelque mal que se puisse être que Dieu permette, qu'il ne tire quelque sujet d'un grand bonheur pour la personne qui souffre ; et d'un tel fruit, que ce ne lui soit une occasion particulière de louer et de remercier la divine Providence pour jamais. Les plus grandes peines sont des effets des plus grandes grâces et des plus grandes obligations que nous lui ayons ; il n'y a rien que nous devions plus estimer que les coups qu'elle nous donne, qui nous éloignent plus de nous-mêmes, du monde, et de toutes les choses que le monde aime.
6. Les grands effets d'une providence extraordinaire commencent lorsque nous sommes les plus destitués des moyens ordinaires, Dieu les proportionnant à nos besoins ; il les augmente à mesure que ceux des créatures manquent. Jamais Dieu n'est plus dans un cœur, que lorsque les créatures s'y trouvent moins.
7. On ne saurait dire combien la vie est heureuse au milieu de tout ce qu'il y a de plus affligeant, quand l'amour et la confiance possèdent un cœur ; mais où trouvera-t-on une vive foi dans ce monde, pour s'attendre à Dieu et s'y confier parmi les maux intérieurs et extérieurs de la vie. Ce serait une douceur incomparable que ce bien ; quelles délices, quelle paix, quel repos, de connaître l'avantage qu'il y a de se rendre à tous les ordres de la Divine Providence, et d'y demeurer avec respect, soumission, et amour : disons une bonne fois, AMEN, Que votre volonté mon Dieu, soit faite en la Terre comme au Ciel ; c'est à dire comme nous le pouvons expliquer en cette oraison, dans nos corps comme dans nos esprits.
8. Ceux qui ne se confient pas entièrement à Dieu, en ignorent et la bonté, la sagesse et la puissance ; tous ceux qui connaîtront véritablement Dieu espèreront en lui, Eh ! qui a jamais espéré en lui et soit demeuré dans la confusion.
9. J'ai été un objet d'une désolation universelle, délaissé pour servir de jouet aux Hommes et aux Diables, et pour en être tourmenté cruellement ; cependant tout ce que je puis dire de la conduite de la Divine Providence, est que je n'ai point de paroles pour en déclarer la bonté ; qui se fie en Dieu, quand il aurait été pour ainsi dire dévoré de l'Enfer, il triomphera de toutes choses.
Voilà quelques maximes de ce fidèle serviteur de Notre-Seigneur et de son immaculée Mère, touchant l'abandon où il faut être aux ordres de la Divine Providence ; mais il en faut voir la pratique quand il fut choisi pour aller faire les fonctions d'Exorciste à Loudun ; il était dans une disposition la plus éloignée de cette fonction qu'on eût su croire ; il avait le corps si faible qu'il ne pouvait s'appliquer à aucun exercice sans ressentir beaucoup de douleurs, jusque-là qu'il ne pouvait faire aucune lecture, à cause d'un mal de tête continuel ; d'ailleurs son esprit était plongé dans des peines si pressantes, qu'il ne savait que faire ; tout cela par des causes inconnues, et auxquelles il ne pouvait apporter du remède. Il y avait même plusieurs années qu'il était exercé de la sorte, mais à la fin il se trouva tellement accablé de peines de corps et d'esprit, qu'il ne croyait pas pouvoir vivre encore longtemps ; tout son recours était à Notre-Seigneur, selon ce qu'il a dit lui-même, venez à moi vous tous qui êtes travaillés et chargés et je vous soulagerai. Or un jour qu'il était dans sa Chambre prosterné devant cet aimable Sauveur, implorant ses miséricordes, son Supérieur entra lui portant une lettre du Père Provincial, par laquelle il lui était ordonné d'aller à Loudun pour y faire l'office d'Exorciste ; à la première pensée d'une occupation si surprenante, il ne lui parût rien qu'une impossibilité entière, d'un côté par une extrême faiblesse, ou pour mieux dire d'un épuisement entier où il était réduit, et d'autre part à cause du grand travail où cette fonction l'engageait ; mais ceux qui espèrent au Seigneur, dit un Prophète, auront de la force, ils prendront leur effort comme l'Aigle pour voler sans se lasser, au-dessus de toutes les difficultés qui se présentent. Ainsi le Père par une obéissance aveugle se perdit entièrement dans la confiance qu'il eut à la Divine Providence, il ne pensa plus à soi-même et s'oublia de ce qu'il était, pour ne se plus souvenir que de la puissance de son Seigneur et de son Dieu, en qui il mit toutes ses pensées. Il entreprit le voyage avec une générosité nonpareille ; et comme durant le chemin sa faiblesse et son impuissance lui étaient représentées de temps en temps, cela ne lui servait qu'à se perdre tout de nouveau en la puissance de son Sauveur, d'où il attendait uniquement sous son secours. Enfin étant arrivé à Loudun, et ayant vu la manière extrêmement laborieuse que tenaient les Exorcistes, il lui parut par l'expérience qu'il avait depuis plusieurs années, qu'il ne pourrait continuer plus d'un jour dans un si pénible exercice ; mais comme il s'était retiré dans l'asile du Très-Haut pour son refuge, il marcha sur l'aspic et sur le basilic, et il foula aux pieds le lion et le dragon. Dieu donna ordre à ses Anges de le garder en toutes ses voies, ils le portèrent sur leurs mains, de peur qu'il ne heurtât son pied contre la pierre.
Il répétait souvent ces paroles du Psalmiste, je n'espèrerai point en mon arc, et mon épée ne me sauvera point. Parlant de l'affaire de Loudun ; il disait : je l'ai entreprise ayant cette impression, que me fiant en Dieu et me livrant à sa Providence, plus les maux qui m'arriveraient seraient grands, plus Notre-Seigneur me ferait de biens, plus les attaques des Démons seraient rudes et plus son assistance serait grande, c'est ce que j'ai éprouvé. Mais son abandon ne s'arrêta pas dans le temps, il s'étendit même jusqu'à l'Éternité, car après avoir souffert durant dix-neuf années, des peines inexplicables, s'imaginant par une forte pensée qu'il était réprouvé. Environ une année devant que ses peines le quittassent entièrement, la liberté lui fut donnée quelque intervalle de temps, pour considérer le terrible état de sa peine si désolante ; ou faisant une sérieuse réflexion, il se prosterna comme il peut sur son lit où il était arrêté, pour se soumettre en toutes choses aux Jugements de Dieu ; et s'y abandonna plus que jamais pour l'affaire éternelle de son salut. Dans ce moment il se sentit absorbé dans un Océan de paix, et Dieu lui fit connaître que l'abandon de l'âme aux conduites de la Divine Providence, la doit porter à s'y fier sans aucune réserve, et sans tant discerner, ni raisonner ; Il disait que sa confiance augmentait à proportion de ses peines, quoiqu'il ne s'en aperçût que dans de petits intervalles de lumières. Mais enfin son abandon à la Divine Providence était parfait et pour tout ce qui regarde le corps et pour tout ce qui regarde l'âme, ses emplois, son honneur, pour tout ce qui regarde le temps et l'Éternité ; et il a toujours dit qu'il s'en est si bien trouvé, qu'il n'avait point de paroles pour l'expliquer.
Nous sommes bien éloignés de le pouvoir faire, mais cependant nous remarquons quelques secours de la Divine Providence pour apprendre de plus en plus, qu'il est bon, qu'il est doux, qu'il est infiniment avantageux de s'y reposer pleinement. Ah ! je voudrais aller crier partout ces vérités aux hommes, que la Divine Providence est la meilleure des Mères et que celui-là est bien heureux qui y a mis toute sa confiance ; voyons-en quelques effets dans le Père Surin, ses pénitences furent si excessives dans ses commencements, et en particulier ses abstinences, que son estomac se trouvant tout à fait rétréci, il ne pouvait plus vivre sans miracle, et il était dans cet état quand il arriva à Loudun, il fallait donc un secours miraculeux de la Divine Providence pour pouvoir y subsister, et le secours lui fut donné, car son estomac, et sa poitrine se trouvèrent si fort élargis dans une nuit, que voulant prendre sa camisole le lendemain il la trouva trop étroite de trois ou quatre doigts, et à même temps sentit une vigueur nonpareille dans les parties de son corps qui étaient entièrement ruinées. Ô Divine aimable Providence qu'il fait bon s'attendre à vous ! dans ce même lieu les Démons ayant conspiré de le faire sortir par la vexation publique qu'ils lui faisaient (car ils pensaient que le Père Provincial venant ne pourrait pas souffrir une grande indécence dans un Religieux qui lui était sujet) en effet ils ne s'étaient pas trompés dans leurs mesures ? Mais que Dieu est bon à ceux qui espèrent en lui ; comme les Démons pensaient agiter le Père à leur ordinaire, son Provincial leur ayant défendu par le droit qu'il avait sur lui (comme nous l'avons rapporté) ils furent obligés de cesser cette sorte de vexation, et ensuite leur dessein furent anéantis. Le Père Provincial laissant donc encore le Père Surin en sa qualité d'Exorciste à Loudun, les Démons dirent que l'Ange Gardien du serviteur de Dieu les avait empêchés de le tourmenter devant son Supérieur. Combien de secours de la Divine Providence verrions-nous souvent, par le ministère des saints Anges, si nous avions les yeux ouverts à ce qui se passe dans le monde de la grâce.
Le Père Surin étant à s. Macaire, petite ville à sept lieues de Bordeaux, où les Pères Jésuites ont une résidence ; le Démon l'ayant pris le jeta par la fenêtre de sa chambre dans un précipice sur un rocher ; il tomba sur ses pieds avec ses pantoufles, le bonnet quarré sur sa tête. Ce fut une merveille que tombant de si haut, il n'en eût le corps tout brisé, et ne mourut pas de cette chute : cependant il eut un os cassé de la cuisse près la hanche, qui lui fut mal remis ; ensuite ayant été transporté à Bordeaux, les plus habiles Médecins et Chirurgiens jugèrent qu'il ressentirait le reste de sa vie de grandes douleurs en la partie blessée dans le changement des temps et des saisons ; ils lui ordonnèrent de porter de certaines peaux pour tenir toujours cette partie chaude. Mais la Divine Providence ne lui manqua non plus dans cette occasion que dans les autres ; car il ne porta point de peaux, et il fut exempt des incommodités que les médecins lui avaient marquées. Il est vrai qu'il se servit depuis ce temps-là d'un bâton pour marcher ; mais avec cela il marchait facilement et assez loin. Or ce qui est bien remarquable et qui fait voir manifestement que c'était la Divine Providence qui le soutenait et le faisait marcher, c'est que s'il sortait quelquefois pour aller se promener, il tombait tout à coup, sa jambe ne le pouvant porter. Mais lorsque c'était pour aller prêcher ou confesser, ou pour quelqu'autre exercice de piété, il n'y sentait aucune faiblesse, et faisait même beaucoup de chemin, allant dans les campagnes pour y instruire le pauvre peuple. Ceux qui savent l'histoire des saints ne seront pas surpris de la permission que Dieu a donnée au Diable de le jeter par une fenêtre, puisqu'il a souffert que les Démons ont tant de fois battu et d'une manière cruelle ses plus grands serviteurs pour donner de l'exercice à leur vertu. Les vies des Pères du désert sont pleines de ces exemples ; et dans nos derniers temps, l'histoire de la Réforme du Carmel nous apprend qu'une Religieuse Carmélite a été tuée par le Démon qui l'écrasa faisant tomber sur elle un pan de muraille. Et sainte Thérèse eut révélation qu'elle avait été exempte du Purgatoire par cette mort soufferte de la manière. Enfin on ne peut jamais assez répéter cette vérité, que la divine Providence ne nous envoie les plus grands maux que pour notre plus grand bien. Mais l'Écriture ne nous en assure-t-elle pas en la personne du S. Job. Quels maux n'a-t-il pas endurés ? Dans quel état pitoyable a-t-il été réduit par le Diable ? Et cependant la même divine parole l'a déclaré Bien-heureux. Et il est certain qu'il a été l'un des plus grands favoris de Dieu qui fut jamais.
Je ne puis omettre ici deux choses qui font bien voir les soins que la Divine Providence prend des siens ; et combien il est dangereux de s'attaquer aux saints du Seigneur. Lorsque le Père Surin fut précipité par le Démon, un Huguenot qui passait par là le voyant tomber voulut rire et se donner du plaisir de la chute d'un homme dont la profession était bien odieuse aux hérétiques ; voilà dit-il un Jésuite, qui veut voler ; mais sa raillerie ne demeura pas longtemps sans être punie, car ce huguenot étant monté sur un cheval doux, et marchant dans un fort beau chemin ne laissa pas d'être tout à coup jeté par terre, et eut le bras cassé ; ce qui lui fit avouer hautement que c'était une manifeste punition de Dieu. Une autre fois une personne de capacité et de vérité, ayant vu le Père dans quelque état qui pouvait le faire passer pour ridicule, le traita de fou ; mais elle se devait souvenir de ce que disait le Psalmiste : Qu'il ne faut point toucher aux oints de Dieu et ne point faire de mal à ses Prophètes ; que Dieu a châtié même les têtes couronnées à cause d'eux. À quelque temps de là cette personne tomba dans de si grandes extravagances (quoiqu'elle fût fort sage) que l'on fut obligé de l'enfermer.
C'est ainsi que Dieu (pour me servir de l'expression de l'Écriture) environne comme un mur de feu ses fidèles serviteurs qui ont mis toutes leurs espérances en lui. Ceux qui les approchent pour les attaquer se trouvent enveloppés dans les flammes et consommés dans les feux. Le Père Surin a été protégé de Dieu, parce qu'il a connu son nom. Mais Dieu l'a délivré parce qu'il avait mis son espérance en lui. L'Ange Gardien de la Mère Jeanne des Anges qui lui paraissait visiblement (comme nous l'avons dit) lui avait assuré que Dieu tenait le Père en sa main ; qu'il prenait plaisir d'exercer la constance de son cœur ; qu'il l'avait délivré de grands dangers ; qu'enfin il le délivrerait de ses peines, et qu'il se servirait de lui pour sa gloire. Une âme de grande vertu eut connaissance dans une lumière surnaturelle que cette délivrance du Père se ferait peu à peu. Et l'événement en a bien fait voir la vérité ; car ayant été réduit dans un état où il ne pouvait ni dire son bréviaire ni célébrer les très-saint sacrifice de la Messe. Comme la très-pure et toujours immaculée Vierge est le grand et doux moyen dont se sert la Divine Providence pour exécuter les desseins de ses plus grandes miséricordes, Dieu se servit de cette Mère de bonté, que l'Église appelle une aurore sacrée, pour commencer à faire naître un grand jour de grâce dans l'esprit de son serviteur, qui avait été plongé depuis tant d'années dans les plus sombres nuits, (comme nous l'avons dit) pour lui donner la facilité de s'acquitter de l'obligation du bréviaire et de prêcher. Cette grâce lui fut donné le jour de la fête de Notre-Dame du Mont-Carmel, où il se vit tout à coup rempli d'une grande lumière l'espace de trois ou quatre heures. Ces lumières s'éclipsèrent ensuite et ne parurent que de temps en temps, jusqu'à ce qu'enfin il se trouva dans le plein midi d'un jour qui lui dura le reste de sa vie, c'est-à-dire les trois ou quatre dernières années où il jouit d'une paix admirable.
Toutes ces grandes expériences des soins de la Divine Providence, faisaient qu'il souffrait une grande peine quand il voyait le peu de confiance que l'on y avait ; et particulièrement dans les Communautés Religieuses, et lui faisait dire : Que le peu de confiance était la cause de leur ruine et pour le spirituel et pour le temporel ; que l'on y avait un esprit trop resserré dans la nature pour la réception des filles ; que l'on prenait tout ce qu'on en pouvait tirer avec une avidité digne de compassion, comme si Dieu n'était pas le pourvoyeur de ceux qui cherchent son Royaume et sa justice ; Cependant, que le ciel et la terre manqueront plutôt que les maisons où l'on va à Dieu généreusement ; que le soin principal que l'on y doit avoir, est d'y soutenir cet esprit généreux pour Dieu et non pas tant pour le temporel ; que ces soins empressés resserrent la main libérale de Dieu ; que les secours divins abondent ou manquent les moyens humains ; et que les désirs de perfection se ruinent parmi les Religieuses qui agissent d'une manière avare avec Dieu.
Mais ce qui est bien digne de larmes, est de voir quelquefois dans ces Communautés où l'on est si resserré pour la réception des Filles qui ont bonne vocation, une pente prodigieuse à faire de beaux et magnifiques bâtiments, ce qui demande des dépenses extraordinaires, et qui est une source de grands maux, que souvent on aperçoit bien peu, car pour l'ordinaire, Dieu frappe d'aveuglement ces personnes ; et permettant même qu'elles soient applaudies et qu'elles ne voient pas ni elles, ni celles qui les approuvent, combien l'esprit de Dieu qui est un esprit de pauvreté, est éloigné de ces magnificences, et l'horreur qu'il en a ; ce qui fait qu'il retire ses grâces : elles ne voient pas le dérèglement qu'elles commettent employant si volontiers et leur soin et leur argent à des édifices matériels qui périront; pendant qu'elles font tant de difficultés à recevoir des Filles qui ont vraie vocation, parce qu'elles ne sont pas riches ; ce qui serait donner à Dieu des Temples et des Maisons vivantes et éternelles, qui serviraient pour jamais à sa gloire ; elles ne voient pas que les pauvres qui sont les temples du Saint-Esprit souffrent de si grandes misères, qu'à peine peuvent-il subsister, pendant qu'on leur dit qu'on n'a pas le moyen de leur donner, ou qu'on leur donne peu, quoique l'on donne avec tant de libéralité pour loger magnifiquement des personnes qui ont fait une profession spéciale de renoncer à toutes les pompes du monde, et qui cependant ont des Maisons plus somptueuses que la plupart des gens du siècle les plus engagés dans la vanité. Je ne dis rien des désordres qui en arrivent aux Communautés, que quelquefois le nécessaire, et qui même périssent, comme nous en avons plusieurs exemples, à la vue de toute la France.
Le Père Surin ayant en la vertu de Jésus-Christ établi des maximes bien opposées parmi les Religieuses Ursulines de Loudun ; pendant que la Divine Providence l'y appliquait, ces bonnes Religieuses mirent toutes leurs espérances en Dieu, et ce Dieu de puissance, et de miséricorde s'en déclara hautement le protecteur. Urbain Grandier l'un des Curés de cette Ville, homme plein d'esprit, mais très artificieux, qui les avait persécutées aussi bien que leur digne Confesseur personnage craignant Dieu, ne put éviter la juste punition de ses crimes. Il semblait de prima-bord que Grandier avec tous les maux qu'il leur avait faits, devait encore les charger de confusion, s'étant acquis l'amitié des Juges des lieux qui le protégeaient. Mais qui peut résister à la justice d'un Dieu ? enfin il fut condamné à être brûlé vif ; et il mourut avec des signes épouvantables d'un endurcissement achevé, puisque quelque temps auparavant sa mort, on l'entendait chanter des chansons d'un amour profane. Ô péché trop familier, mais peu connu ! au moins que tes effets te devraient bien faire connaître ! Quand Grandier n'aurait pas cru une autre vie que celle-ci, la seule appréhension de la peine du feu qui le devait brûler, était bien capable de lui donner de la peur et du tourment. Comment un homme dans cet état peut-il s'amuser à chanter des airs profanes ? En vérité (disait le Père Surin) il fallait que son cœur se fût bien endurci. C'est qu'enfin le péché change la nature de l'homme ; il ne le rend pas seulement semblable aux bêtes, mais aux pierres dépourvues de tout sentiment. Que ceux qui se laissent aller au péché sous prétexte qu'ils s'en retireront fassent réflexion sur ces vérités. Mais le secours de la divine providence éclata sur ces bonnes filles dans leurs besoins temporels par des assistances merveilleuses : et lorsque quelques personnes cessaient de les assister, cette aimable Providence leur en suscitait d'autres en des manières qui font bien voir qu'il est bon de s'attacher à Dieu, et ne mettre en lui seul toute son espérance. Finissons ce Chapitre par cette maxime du Père Surin : Qu'il faut entrer dans l'abandon de nous-mêmes et de tout ce qui nous touche, entre les mains de la Divine Providence.



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