samedi 12 mars 2022

Le malheur du Monde en ce que le démon en est le Prince



Nous disons malheur au monde, parce que Jésus-Christ l'a dit ; et les malheurs que nous en écrivons, sont écrits dans son saint Évangile, et dans les divines Écritures des Livres canoniques. Si la narré de ces malheurs cause de l'horreur, c'est le Saint-Esprit qui en a disposé de la sorte, nous ne faisons qu'en suivre les expressions. On ne doit pas trouver étrange que l'on parle comme Dieu parle, et que l'on écrive comme les Apôtres et Évangélistes ont écrit. Dire que le diable est le Prince de ce onde, cette expression pourra sembler bien dure à quelques-uns ; cependant ce sont les propres paroles de Jésus-Christ Dieu.
C'est de la manière qu'il parle du Diable au Chapitre 12 de l'Évangile de saint Jean, qu'il appelle le Prince de ce monde. Son Apôtre, conformément à son divin Maître, nomme aussi les Démons, les Princes de ce monde et de ces ténèbres. Le Disciple bien-aimé, dans sa première Épître, parlant de la victoire des enfants de Dieu sur l'Antechrist, dit qu'il l'ont vaincu ; parce que celui qui est en eux, est plus grand que celui qui est dans le monde. C'est-à-dire que Jésus-Christ qui est en eux, est plus grand que l'esprit malin qui est le Prince et comme l'âme du monde impie. Il est même comme le père du monde pécheur. Jésus-Christ notre Sauveur déclare aux Juifs, dont il dit aussi qu'ils sont du monde, qu'ils sont les enfants du Diable, et qu'ils veulent accomplir les désirs de leurs pères. Le Saint-Esprit nous enseigne dans la première Épître de saint Jean, que celui qui pèche, est enfant du Diable. Il est même appelé Diable par le Fils de Dieu en la personne de Judas. Or le Démon a son trône dans le monde, il y est comme dans sa ville royale, où il donne ses lois, où il a sa cour, et ses plus fidèles ministres.
C'est là où il a conspiré la perte des hommes dès la création du monde ; c'est pourquoi notre Maître nous apprend qu'il a été homicide dès le commencement, faisant mourir Adam le premier homme. C'est ce qu'il a continué dans la succession de tous les siècles, et ce qu'il continue tous les jours. L'envie qu'il a de leur nuire, est inexplicable, aussi bien que les efforts qu'il fait contre eux, et les artifices dont il se sert pour les perdre.
Il leur fait une cruelle guerre, les combattant ouvertement par les tentations les plus grossières d'impureté, d'ivrogneries, de jurements, de querelles, de haines, d'injustices, de scandales. Ainsi saint Jean dans son Apocalypse vit sortir de la gueule d'un Dragon des esprits impurs en forme de grenouilles, qui paraissent de la sorte à cause de leur impureté, et des cris importuns qu'ils font, se servant des paroles et des raisonnements du monde, qui ne parle que de sensualité, que de vengeances, que des moyens d'acquérir des richesses, que d'ambition, d'orgueil et de curiosité : c'est pourquoi l'apôtre avertit de ne se pas laisser séduire par de vains discours.
Mais il exhorte à se fortifier en notre Seigneur et en sa vertu toute-puissante, et à s'armer de toutes les armes de Dieu, afin de se pouvoir défendre des embûches du Démon. Quand il s'agit de ses artifices, l'homme Apostolique veut que l'on s'arme de toutes pièces : car il use de tant de ruses pour attaquer les hommes, qu'il n'est pas possible de les dire. C'est pourquoi il a pris la forme d'un Serpent dès le commencement du monde, et il est appelé dans l'Apocalypse, l'ancien Serpent qui séduit tout le monde. Aussi l'Écriture remarque que le Serpent est le plus rusé de tous les animaux.
Il étudie les inclinations, et il tente conformément à la propre humeur, à la condition, et à l'état où l'on se trouve. Quelquefois il attaque par ce qui éclate et qui paraît grand aux yeux des hommes. C'est de la manière dont il tenta notre Seigneur lorsqu'il lui montra tous les Royaumes du monde, ce qu'il fit par des images formées en l'air, et qu'il lui dit : Je vous donnerai tout cela, si vous vous prosternez devant moi. Quelquefois il se sert du prétexte de la nécessité, comme il fit encore à notre Seigneur, lorsqu'ayant jeûné quarante jours et quarante nuits il eut faim, et il lui dit : Si vous êtes le Fils de Dieu, commandez que ces pierres se changent en pain. D'autres fois il tente de présomption, comme on peut encore le remarquer dans la tentation de notre adorable Sauveur, lorsque l'ayant transporté dans la ville sainte, et l'ayant mis au haut du frontispice du Temple, il lui dit : Si vous êtes le Fils de Dieu, jetez-vous en bas ; car il est écrit, qu'il a commandé à ses Anges de prendre soin de vous, et qu'ils vous porteront en leurs mains, de peur que vous ne vous heurtiez le pied contre quelque pierre. L'on peut voir ici que le Démon se servant de l'Écriture Sainte, il ne faut pas s'étonner si les Hérétiques, qui sont animés et conduits par son esprit, s'en servent si souvent en abusant malheureusement pour leur propre perte, et la perte des âmes qu'ils séduisent. Il a tenté Ève sous prétexte d'en faire une Déesse. Vous serez comme des Dieux, lui dit-il, en lui parlant d'Ève et d'Adam : il leur promet une science extraordinaire, et c'est la tentation dont il se sert à l'égard des beaux esprits, des gens de Lettres, des esprits curieux, qui sont tout plongés dans l'étude des sciences humaines, avec peu d'application à la science des Saints, qui se donne aux humbles, et que l'on acquiert par le dégagement des choses créées, l'exercice de l'oraison, et l'union intime avec notre Seigneur Jésus-Christ.
C'est aux pieds d'un homme Dieu crucifié que l'on devient savant dans cette science du Ciel, dont les gens de Lettres, qui ne sont pas mortifiés à eux-mêmes, sont dépourvus ; dont l'intérieur est sec et tout aride dans la privation des bénédiction de Dieu, par leur curiosité d'esprit, et l'application immodérée à l'étude : et l'on voit de ces gens-là qui auront de la peine à employer une heure dans l'oraison, qui passent les jours à la lecture des Livres : tentation assez ordinaire aux esprits, ou curieux, ou qui veulent paraître par leurs discours ou leurs écrits.
Ô qu'il est difficile aux doctes, dans la recherche de l'Histoire, et l'examen des difficultés qui s'y trouvent, dans la discussion des vérités dont l'on dispute, de n'y chercher que Dieu seul ! Qu'il est rare d'y conserver l'esprit d'oraison et de recueillement ! Et cependant à la mort que servira la curiosité des sciences ? Ô que la savante ignorance des personnes sans Lettres, qui auront eu la science des Saints, y aura d'avantages et de bénédictions ! Certainement tout est donné à la vraie humilité de cœur, au détachement et à l'union avec Dieu, grâces qui s'accordent par l'oraison et le recueillement. C'est pourquoi les Démons tâchent toujours de jeter dans les embarras d'occupations qui n'en laissent pas le temps. C'est à quoi même les personnes qui s'emploient dans les bonnes œuvres extérieures, doivent veiller ; car si elles ne prennent le temps pour se retirer et vaquer à Dieu, à la fin elles seront toutes dissipées. Un Prédicateur, un Missionnaire, qui de temps en temps ne fera pas quelque retraite, se répandra tout au-dehors, et perdra l'esprit intérieur.
C'est à quoi les Démons travaillent, qui savent bien que les œuvres éclatantes extérieures servent de peu, si elles ne sont animées de l'Esprit de Dieu. Ce sont des ennemis bien redoutables qui joignent avec la grandeur de leur esprit, qui ne trouve rien de semblable parmi les hommes, une force incroyable. Ce qui faisait dire à l'un d'eux à Saint Pacôme, qu'il n'y aurait point d'homme qui pût leur résister, s'il n'était soutenu de la vertu divine de Jésus-Christ, dont la providence ne leur permettait pas de ses servir de tout leur pouvoir. Ils ont de plus l'expérience de tous les siècles, ils sont invisibles, ils sont infatigables, ils reviennent toujours à la charge, ils ne se lassent jamais. C'est pourquoi il est dit dans l'Apocalypse : Malheur à vous, terre et mer, parce que le Diable est descendu vers vous dans une grande colère, sachant qu'il lui reste peu de temps. Ces paroles sont remarquables pour le temps de la mort.
Après tout, la plupart des hommes se laissent vaincre par ces malheureux esprits, et c'est pour ce sujet qu'ils sont appelés les Princes de ce monde. Et l'Écriture nous apprend que chacun est esclave de celui qui l'a vaincu. Ô dure servitude, que l'esclavage du Démon ! Jamais y a-t-il eu une tyrannie pareille, une cruauté semblable ? On en peut voir quelque chose en de certaines occasions dans les possédés : mais ce sera dans l'Enfer où ils exerceront leur tyrannie d'une manière inconcevable sur les malheureux damnés.
L'Apôtre nous apprend que dès ce monde les Démons tiennent captifs les pécheurs selon leur volonté. Vérité terrible, et dont le monde n'est point pénétré. Quelle horreur du pécheur de vivre sous la captivité du Diable selon sa volonté ! Ainsi il tombe d'abîme en abîme, de péché en péché. Ainsi quand on lui parle de quitter ses vices, ses passions, il répond qu'il ne saurait. Ô si les braves du monde, si ceux qu'on en appelle les Héros, qui sont dans le péché, savaient l'effroyable esclavage du Diable dont ils sont les captifs ! Ô si ces beaux Messieurs et ces belles Dames du monde qui s'étudient avec tant de soin à vivre en leur liberté, connaissaient la misérable servitude où ils sont réduits ayant le Démon pour tyran, qui les mène comme il veut ! si Dieu ouvrait les yeux pour découvrir ce qui se passe dans le monde, que l'on y verrait d'épouvantables choses ! Malheur à vous, dit le Saint-Esprit en Isaïe, qui traînez comme des cordes une longue suite d'iniquités. Ce sont les engagements différents dans le péché d'où se forme une chaîne qui entraîne les pécheurs dans le mal, et dont le Diable les tient garrottés.

(Le malheur du monde, M. Boudon)


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