Extrait de "Traité de l'amour de Dieu" de Saint Bernard :
Du commencement de notre Amour, ou du premier degré de l'amour, par lequel l'homme s'aime pour soi-même.
L'AMOUR est une des quatre passions qui nous sont données de la Nature, lesquelles étant d'elles-mêmes assez connues, il serait superflu de les nommer chacune en particulier. Mais certainement il serait de la justice même que les premiers usages de la Nature fussent employés premièrement à la reconnaissance et au service de l'Auteur de la Nature. C'est pour cela que JÉSUS-CHRIST a dit dans l'Évangile que le premier et le plus grand de tous les Commandements était celui de l'Amour envers Dieu. Vous aimerez, dit-il, le Seigneur votre Dieu (Matth. 22). Cependant, comme la Nature est fragile et faible, il faut que la nécessité même commande de lui rendre ce premier devoir. Ainsi cet amour est charnel, par lequel l'homme avant toutes choses s'aime soi-même pour soi-même. Et c'est ce que veut dire saint Paul par ces paroles : Premièrement, ce qui est animal précède, puis après ce qui est spirituel (I Cor. 15). Ce n'est pas pourtant un Commandement qui nous est donné, mais une impression secrète qui est gravée dans le fonds de la nature ; car, comme dit le même Apôtre : Qui est celui qui a jamais eu de la haine pour son propre corps (Ephes. 5) ? Que si cet amour, comme il arrive souvent, devient excessif, et que, ne voulant pas se contenir dans les bornes de la nécessité, il prenne l'essor et se jette éperdument dans les vastes campagnes de la volupté, son excès se trouve aussitôt réprimé par le second commandement qui lui est fait : Vous aimerez votre prochain comme vous-même ; et cela fort justement, n'étant pas raisonnable que celui qui est participant de sa même nature ne le soit pas aussi de sa grâce, et surtout de celle qui lui est connaturelle. Or, si l'homme se trouve surchargé, non pas d'assister son prochain dans ses besoins, mais de le servir dans ses plaisirs, il faut premièrement qu'il travaille lui-même à retrancher les siens, à moins qu'il ne veuille, passer pour transgresseur de la Loi. Je veux bien qu'il se traite avec toute la douceur qu'il lui plaira, pourvu qu'il ne s'oublie pas de faire un pareil traitement à son prochain. Cependant, ô homme ! c'est un merveilleux avantage pour toi, de ce que la loi de la vie et de la conduite te donne un frein de tempérance et de modération, de peur que, suivant tes concupiscences, tu ne périsses, et que tu n’emploies les biens que tu as reçus de la Nature pour servir à la volupté, qui est l'ennemie mortelle de ton âme. N'est-il pas bien plus juste et plus honorable d'en faire part à ton semblable, je veux dire à ton prochain, que non pas à ton ennemi ? Que si, selon l'avis du Sage, tu renonces à tes plaisirs (Eccl. 18), et que, suivant la doctrine de l'Apôtre, tu te contentes du vivre et du vêtir (I Tim. 6), sans doute tu ne trouveras pas beaucoup de peine à retirer ton cœur peu à peu des affections charnelles, qui sont absolument contraires au salut de ton âme, et je ne crois pas que tu fasses difficulté d'accorder à ton semblable ce que tu retranches à ton ennemi. Ainsi ton amour ne sera pas seulement tempérant, il sera encore juste, lorsque tu emploieras aux besoins de tes Frères ce que tu soustrais à tes propres plaisirs ; et de charnel qu'il était auparavant, il deviendra raisonnable à mesure qu'il se rendra plus communicatif et libéral envers les autres. Mais si, en faisant part de tes biens au prochain, tu viens toi-même à manquer des choses qui te sont nécessaires, que penses-tu qu'il faudra faire en cette rencontre ? Saint Jacques te l'apprend en sa première Épître : Il faut t'adresser à Dieu avec une entière confiance, et demander à celui qui donne à tous avec profusion et sans reproche, qui ouvre les mains de sa toute-puissance, et remplit de ses bénédictions tous les animaux de la terre (Ps. 144). Car on ne peut nullement douter que celui qui a la bonté de donner à plusieurs les choses dont ils se peuvent bien passer, puisse dénier les nécessaires à celui qui se trouve dans l'extrémité. Mais, pour nous donner encore plus d'assurance de cette vérité, il nous engage sa parole dans l'Évangile, et promet absolument les choses nécessaires à celui qui se retranchera des superflues, et qui aimera son prochain. Cherchez premièrement, dit-il, le Royaume de Dieu et sa Justice, et toutes ces choses vous seront infailliblement données (Luc, 12). Or, c'est proprement chercher le Royaume de Dieu et sa grâce contre la tyrannie du péché, d'aimer mieux se soumettre aux lois de la modestie et de la sobriété, que de souffrir la domination du péché dans votre corps ; et c'est aussi chercher la justice, de faire part des présents que vous avez reçus de la Nature à celui qui est participant de la même Nature que vous.
Mais pour arriver à la perfection de la justice dans l'amour du prochain, il faut nécessairement que ce soit Dieu même qui soit le motif de cet amour. Et en effet, comment peut-on l'aimer avec pureté d'intention, si on ne l'aime pas en Dieu ? Et comment peut-on l'aimer en Dieu, à moins que Dieu même ne soit aimé ? Il faut donc aimer Dieu, premièrement que d'aimer le prochain en lui. Or Dieu, qui est l'auteur de tout bien, est aussi la cause de l'amour que nous avons pour lui-même, et voici comment : c'est que celui qui est l'auteur de la Nature en est aussi le protecteur, parce qu'il l'a tracée de telle façon que, comme elle n'a pu sortir de son néant que par lui, aussi ne saurait-elle subsister absolument sans lui : d'où vient qu'elle a besoin, pour se conserver, de l'assistance continuelle de celui qui lui a donné son premier Être. Ainsi, de peur que la Créature ne vienne à se méconnaître, et s'attribuer ce qu'elle n'a reçu que de son Créateur, ce même Créateur, par un Conseil très-sage et salutaire à l'homme, veut que cet homme soit affligé et accueilli de traverses et de misères, afin que, l'homme venant à manquer de force et de courage et se voyant secouru de Dieu, Dieu soit justement honoré par l'homme, qui tient sa délivrance de sa divine Bonté. C'est ce qu'il nous enseigne au Psaume 49 : Implore mon assistance au jour de ton affliction, et je te délivrerai, et tu m'honoreras. Par ce moyen, l'homme animal et charnel, qui ne savait ce que c'était que d'aimer un autre que soi-même, commence aussi d'aimer Dieu pour son intérêt, connaissant par sa propre expérience que c'est en lui seul qu'il peut tout, et que sans lui il ne peut rien ; ce qui lui est tout à fait avantageux.
Du second et troisième degré de l'Amour.
VOILÀ donc l'homme qui commence déjà d'aimer Dieu ; mais ce n'est encore que pour son propre intérêt, et non pas pour Dieu même. C'est néanmoins quelque espèce de sagesse de savoir ce que vous pouvez avec la grâce de Dieu, et d'avoir soin de ne point offenser celui qui a la bonté de vous préserver de tout mal. Mais si vous vous trouvez souvent attaqué par les déplaisirs et les afflictions de cette vie, et qu'autant de fois que vous aurez eu recours à Dieu, vous ayez autant de fois été délivré par sa divine miséricorde, ne faut-il pas que votre cœur, fût-il de bronze ou de pierre, s'amollisse à la vue de cette Bonté de votre Sauveur, et que vous l'aimiez dorénavant, non plus pour votre intérêt seulement, mais encore pour l'amour de lui-même ? En effet, les misères continuelles dont l'homme se voit nécessairement accueilli l'obligent sans cesse de continuer ses instances envers Dieu, et de s'approcher de lui plus fréquemment ; en s'approchant de lui, le goûter plus intimement ; et en le goûtant, éprouver combien le Seigneur est doux à ceux qui l'aiment. Et de là vient que cette suavité divine que nous avons déjà goûtée a souvent beaucoup plus de force pour nous attirer à aimer Dieu purement, que non pas le propre besoin qui nous presse ; si bien qu'à l'exemple des Samaritains, qui disaient à cette femme de Samarie qui leur apporta les nouvelles de la venue du Messie : Nous ne croyons plus à cause de ce que tu nous en as rapporté, mais nous avons entendu nous-mêmes, et nous savons assurément que c'est lui qui est le vrai Sauveur du monde (Joan. 4). À leur exemple, dis-je, nous adressant à notre corps, nous devons à plus juste titre lui tenir ce langage : Sache, ô misérable chair ! que nous aimons Dieu, non plus pour le besoin que tu as de son assistance, mais parce que nous avons goûté en personne, et que nous savons par nous-mêmes que c'est un Seigneur plein de douceur et de bonté. Certes, la nécessité rend souvent la chair éloquente, et elle nous raconte avec agrément les bienfaits dont elle a ressenti la douceur par expérience ; mais l'homme qui' se trouve dans cette heureuse disposition dont nous venons de parler n'aura pas grande difficulté d'accomplir le commandement qui lui est fait d'aimer son Prochain, puisqu'aimant Dieu véritablement, il est d'une conséquence nécessaire qu'il aime les choses qui appartiennent à Dieu. Il aime chastement, et par conséquent il obéira sans peine à un commandement tout chaste, s'étudiant, comme dit saint Pierre, de purifier son cœur de plus en plus sous l'obéissance de la charité (Pet. 2). Il aime avec justice, et partant il ne saurait qu'il n'embrasse avec plaisir une loi juste. D'ailleurs, si cet amour est agréable, ce n'est pas sans sujet, puisqu'il est gratuit et sans intérêt. Il est chaste, parce qu'il n'est pas seulement dans les paroles et sur le bord des lèvres, mais il se fait connaître par les œuvres et dans la vérité. Il est juste, parce qu'il est rendu de la même manière qu'il a été reçu, n'étant pas possible que celui qui aime avec justice se porte à aimer d'une autre façon que de celle dont il se voit aimé, de sorte qu'il fait tous ses efforts pour rendre le réciproque ; et comme JÉSUS-CHRIST n'a point cherché ses intérêts, mais les nôtres et nos propres personnes, aussi n'aime-t-il que les intérêts de JÉSUS-CHRIST, et non pas les siens. C'est ainsi qu'aimé celui qui dit : Bénissez le Seigneur, parce qu'il est bon (Ps. 117). Celui qui loue le Seigneur, non pour la bonté qu'il lui témoigne par ses bienfaits, mais pour la bonté qu'il possède en lui-même, celui-là vraiment aime Dieu pour Dieu même, et non pour son intérêt. Mais celui-ci n'aime pas de cette sorte, duquel il est écrit : Il vous bénira lorsque vous lui ferez du bien (Ps. 48). Donc, le troisième degré d'amour est celui par lequel on vient à aimer Dieu pour lui-même.
Reportez-vous à Du quatrième degré de l'Amour, par lequel l'homme ne s'aime plus que pour Dieu, Qui sont ceux qui trouvent du plaisir à penser à Dieu et qui sont plus capables de son amour, Prière de Saint Augustin pour demander l'amour divin, Acte d'amour parfait, de Sainte Thérèse d'Avila, Élan d'amour, Prière, et Litanies de l'amour de Dieu, Composées par le Souverain Pontife Pie VI.
L'AMOUR est une des quatre passions qui nous sont données de la Nature, lesquelles étant d'elles-mêmes assez connues, il serait superflu de les nommer chacune en particulier. Mais certainement il serait de la justice même que les premiers usages de la Nature fussent employés premièrement à la reconnaissance et au service de l'Auteur de la Nature. C'est pour cela que JÉSUS-CHRIST a dit dans l'Évangile que le premier et le plus grand de tous les Commandements était celui de l'Amour envers Dieu. Vous aimerez, dit-il, le Seigneur votre Dieu (Matth. 22). Cependant, comme la Nature est fragile et faible, il faut que la nécessité même commande de lui rendre ce premier devoir. Ainsi cet amour est charnel, par lequel l'homme avant toutes choses s'aime soi-même pour soi-même. Et c'est ce que veut dire saint Paul par ces paroles : Premièrement, ce qui est animal précède, puis après ce qui est spirituel (I Cor. 15). Ce n'est pas pourtant un Commandement qui nous est donné, mais une impression secrète qui est gravée dans le fonds de la nature ; car, comme dit le même Apôtre : Qui est celui qui a jamais eu de la haine pour son propre corps (Ephes. 5) ? Que si cet amour, comme il arrive souvent, devient excessif, et que, ne voulant pas se contenir dans les bornes de la nécessité, il prenne l'essor et se jette éperdument dans les vastes campagnes de la volupté, son excès se trouve aussitôt réprimé par le second commandement qui lui est fait : Vous aimerez votre prochain comme vous-même ; et cela fort justement, n'étant pas raisonnable que celui qui est participant de sa même nature ne le soit pas aussi de sa grâce, et surtout de celle qui lui est connaturelle. Or, si l'homme se trouve surchargé, non pas d'assister son prochain dans ses besoins, mais de le servir dans ses plaisirs, il faut premièrement qu'il travaille lui-même à retrancher les siens, à moins qu'il ne veuille, passer pour transgresseur de la Loi. Je veux bien qu'il se traite avec toute la douceur qu'il lui plaira, pourvu qu'il ne s'oublie pas de faire un pareil traitement à son prochain. Cependant, ô homme ! c'est un merveilleux avantage pour toi, de ce que la loi de la vie et de la conduite te donne un frein de tempérance et de modération, de peur que, suivant tes concupiscences, tu ne périsses, et que tu n’emploies les biens que tu as reçus de la Nature pour servir à la volupté, qui est l'ennemie mortelle de ton âme. N'est-il pas bien plus juste et plus honorable d'en faire part à ton semblable, je veux dire à ton prochain, que non pas à ton ennemi ? Que si, selon l'avis du Sage, tu renonces à tes plaisirs (Eccl. 18), et que, suivant la doctrine de l'Apôtre, tu te contentes du vivre et du vêtir (I Tim. 6), sans doute tu ne trouveras pas beaucoup de peine à retirer ton cœur peu à peu des affections charnelles, qui sont absolument contraires au salut de ton âme, et je ne crois pas que tu fasses difficulté d'accorder à ton semblable ce que tu retranches à ton ennemi. Ainsi ton amour ne sera pas seulement tempérant, il sera encore juste, lorsque tu emploieras aux besoins de tes Frères ce que tu soustrais à tes propres plaisirs ; et de charnel qu'il était auparavant, il deviendra raisonnable à mesure qu'il se rendra plus communicatif et libéral envers les autres. Mais si, en faisant part de tes biens au prochain, tu viens toi-même à manquer des choses qui te sont nécessaires, que penses-tu qu'il faudra faire en cette rencontre ? Saint Jacques te l'apprend en sa première Épître : Il faut t'adresser à Dieu avec une entière confiance, et demander à celui qui donne à tous avec profusion et sans reproche, qui ouvre les mains de sa toute-puissance, et remplit de ses bénédictions tous les animaux de la terre (Ps. 144). Car on ne peut nullement douter que celui qui a la bonté de donner à plusieurs les choses dont ils se peuvent bien passer, puisse dénier les nécessaires à celui qui se trouve dans l'extrémité. Mais, pour nous donner encore plus d'assurance de cette vérité, il nous engage sa parole dans l'Évangile, et promet absolument les choses nécessaires à celui qui se retranchera des superflues, et qui aimera son prochain. Cherchez premièrement, dit-il, le Royaume de Dieu et sa Justice, et toutes ces choses vous seront infailliblement données (Luc, 12). Or, c'est proprement chercher le Royaume de Dieu et sa grâce contre la tyrannie du péché, d'aimer mieux se soumettre aux lois de la modestie et de la sobriété, que de souffrir la domination du péché dans votre corps ; et c'est aussi chercher la justice, de faire part des présents que vous avez reçus de la Nature à celui qui est participant de la même Nature que vous.
Mais pour arriver à la perfection de la justice dans l'amour du prochain, il faut nécessairement que ce soit Dieu même qui soit le motif de cet amour. Et en effet, comment peut-on l'aimer avec pureté d'intention, si on ne l'aime pas en Dieu ? Et comment peut-on l'aimer en Dieu, à moins que Dieu même ne soit aimé ? Il faut donc aimer Dieu, premièrement que d'aimer le prochain en lui. Or Dieu, qui est l'auteur de tout bien, est aussi la cause de l'amour que nous avons pour lui-même, et voici comment : c'est que celui qui est l'auteur de la Nature en est aussi le protecteur, parce qu'il l'a tracée de telle façon que, comme elle n'a pu sortir de son néant que par lui, aussi ne saurait-elle subsister absolument sans lui : d'où vient qu'elle a besoin, pour se conserver, de l'assistance continuelle de celui qui lui a donné son premier Être. Ainsi, de peur que la Créature ne vienne à se méconnaître, et s'attribuer ce qu'elle n'a reçu que de son Créateur, ce même Créateur, par un Conseil très-sage et salutaire à l'homme, veut que cet homme soit affligé et accueilli de traverses et de misères, afin que, l'homme venant à manquer de force et de courage et se voyant secouru de Dieu, Dieu soit justement honoré par l'homme, qui tient sa délivrance de sa divine Bonté. C'est ce qu'il nous enseigne au Psaume 49 : Implore mon assistance au jour de ton affliction, et je te délivrerai, et tu m'honoreras. Par ce moyen, l'homme animal et charnel, qui ne savait ce que c'était que d'aimer un autre que soi-même, commence aussi d'aimer Dieu pour son intérêt, connaissant par sa propre expérience que c'est en lui seul qu'il peut tout, et que sans lui il ne peut rien ; ce qui lui est tout à fait avantageux.
Du second et troisième degré de l'Amour.
VOILÀ donc l'homme qui commence déjà d'aimer Dieu ; mais ce n'est encore que pour son propre intérêt, et non pas pour Dieu même. C'est néanmoins quelque espèce de sagesse de savoir ce que vous pouvez avec la grâce de Dieu, et d'avoir soin de ne point offenser celui qui a la bonté de vous préserver de tout mal. Mais si vous vous trouvez souvent attaqué par les déplaisirs et les afflictions de cette vie, et qu'autant de fois que vous aurez eu recours à Dieu, vous ayez autant de fois été délivré par sa divine miséricorde, ne faut-il pas que votre cœur, fût-il de bronze ou de pierre, s'amollisse à la vue de cette Bonté de votre Sauveur, et que vous l'aimiez dorénavant, non plus pour votre intérêt seulement, mais encore pour l'amour de lui-même ? En effet, les misères continuelles dont l'homme se voit nécessairement accueilli l'obligent sans cesse de continuer ses instances envers Dieu, et de s'approcher de lui plus fréquemment ; en s'approchant de lui, le goûter plus intimement ; et en le goûtant, éprouver combien le Seigneur est doux à ceux qui l'aiment. Et de là vient que cette suavité divine que nous avons déjà goûtée a souvent beaucoup plus de force pour nous attirer à aimer Dieu purement, que non pas le propre besoin qui nous presse ; si bien qu'à l'exemple des Samaritains, qui disaient à cette femme de Samarie qui leur apporta les nouvelles de la venue du Messie : Nous ne croyons plus à cause de ce que tu nous en as rapporté, mais nous avons entendu nous-mêmes, et nous savons assurément que c'est lui qui est le vrai Sauveur du monde (Joan. 4). À leur exemple, dis-je, nous adressant à notre corps, nous devons à plus juste titre lui tenir ce langage : Sache, ô misérable chair ! que nous aimons Dieu, non plus pour le besoin que tu as de son assistance, mais parce que nous avons goûté en personne, et que nous savons par nous-mêmes que c'est un Seigneur plein de douceur et de bonté. Certes, la nécessité rend souvent la chair éloquente, et elle nous raconte avec agrément les bienfaits dont elle a ressenti la douceur par expérience ; mais l'homme qui' se trouve dans cette heureuse disposition dont nous venons de parler n'aura pas grande difficulté d'accomplir le commandement qui lui est fait d'aimer son Prochain, puisqu'aimant Dieu véritablement, il est d'une conséquence nécessaire qu'il aime les choses qui appartiennent à Dieu. Il aime chastement, et par conséquent il obéira sans peine à un commandement tout chaste, s'étudiant, comme dit saint Pierre, de purifier son cœur de plus en plus sous l'obéissance de la charité (Pet. 2). Il aime avec justice, et partant il ne saurait qu'il n'embrasse avec plaisir une loi juste. D'ailleurs, si cet amour est agréable, ce n'est pas sans sujet, puisqu'il est gratuit et sans intérêt. Il est chaste, parce qu'il n'est pas seulement dans les paroles et sur le bord des lèvres, mais il se fait connaître par les œuvres et dans la vérité. Il est juste, parce qu'il est rendu de la même manière qu'il a été reçu, n'étant pas possible que celui qui aime avec justice se porte à aimer d'une autre façon que de celle dont il se voit aimé, de sorte qu'il fait tous ses efforts pour rendre le réciproque ; et comme JÉSUS-CHRIST n'a point cherché ses intérêts, mais les nôtres et nos propres personnes, aussi n'aime-t-il que les intérêts de JÉSUS-CHRIST, et non pas les siens. C'est ainsi qu'aimé celui qui dit : Bénissez le Seigneur, parce qu'il est bon (Ps. 117). Celui qui loue le Seigneur, non pour la bonté qu'il lui témoigne par ses bienfaits, mais pour la bonté qu'il possède en lui-même, celui-là vraiment aime Dieu pour Dieu même, et non pour son intérêt. Mais celui-ci n'aime pas de cette sorte, duquel il est écrit : Il vous bénira lorsque vous lui ferez du bien (Ps. 48). Donc, le troisième degré d'amour est celui par lequel on vient à aimer Dieu pour lui-même.
Reportez-vous à Du quatrième degré de l'Amour, par lequel l'homme ne s'aime plus que pour Dieu, Qui sont ceux qui trouvent du plaisir à penser à Dieu et qui sont plus capables de son amour, Prière de Saint Augustin pour demander l'amour divin, Acte d'amour parfait, de Sainte Thérèse d'Avila, Élan d'amour, Prière, et Litanies de l'amour de Dieu, Composées par le Souverain Pontife Pie VI.