Après avoir montré que le Père Surin était (comme dit l'Apôtre) tout à tous les hommes et dans toutes les occasions où il y allait du service du prochain sans s'épargner : Il faut maintenant parler, de la force et de la générosité invincible de ce fidèle serviteur de Dieu et de son immaculées Mère dans les combats qu'il a eus avec les Démons et les supports de l'Enfer ; et parce que cette grande et longue guerre est arrivée au sujet de la possession que les Démons avaient prise des Religieuses Ursulines, et de quelques autres personnes de la Ville de Loudun, dont nous avons déjà parlé en plusieurs endroits, et dont nous parlerons plus amplement avec le secours divin dans le reste de ce petit ouvrage. Nous avons cru qu'il y allait de la gloire de notre Maître de donner quelque éclaircissement sur ce sujet, laissant à ceux à qui Dieu tout bon inspirera d'en donner l'histoire au public, d'en traiter plus au long et de donner une plus grande lumière sur une matière de cette importance.
Premièrement ce serait une chose superflue que de s'arrêter à la preuve qu'il y a des possédés, puisque l'Évangile nous le dit clairement, et que l'une des promesses que le Fils de Dieu a faite à ses Apôtres, et en leurs personnes à son Église, est de pouvoir chasser les Diables des corps qu'ils possèdent, de là vient qu'il y a un ordre d'Exorcistes établis pour cette fonction, et qui est un de ceux que l'on donne encore aujourd'hui à tous ceux qui entrent dans le sacerdoce. Les Pères, et entr'eux les plus anciens ont parlé des exorcistes, et des exorcismes, comme Saint Ignace, le Martyr Évêque d'Antioche, S. Justin Martyr, Tertulien, S. Jérôme, S. Cyprien ; S. Augustin, S. Athanase, et S. Chrysostome. On trouve dans l'histoire que l'on usait d'exorcismes du temps de saint Martin, et le savant Tottiel remarque que souvent les Diables sont chassés par ce moyen.
Ce que nous avons donc à montrer ici en peu de paroles en laissant à ceux qui écriront l'histoire, à en traiter plus au long et plus expressément, est que les possédés de Loudun, l'ont été véritablement, et premièrement c'est un grand préjugé de la possession de Loudun, que le sentiment de tant de personnes qualifiées qui l'ont estimé de la sorte, comme l'on fait les Cardinaux, les Évêques, les Généraux, les Provinciaux de l'Ordre, et les Docteurs, les Princes, les Magistrats, les Médecins, et mêmes les Hérétiques qui apparemment ne sont pas gens à croire de léger sur ces matières. L'Éminentissime Cardinal de Richelieu l'un des plus grands esprits de notre siècle, et qui était très-savant à tellement cru la possession de Loudun, que les exorcistes y ont été envoyés par son ordre, qu'ils y ont été défrayés par ses soins aux dépens du Roi, et qu'il a soutenu toute cette affaire par son autorité. Il y a peu d'apparence qu'un si grand Génie se soit laissé persuader sans des preuves convaincantes. Messeigneurs les Prélats qui gouvernaient pour lors les Églises de Toulouse et de Nîmes s'y tendirent en personnes, pour porter un jugement plus certain de cette affaire, et ils en demeurèrent parfaitement convaincus. Un Provincial de la Compagnie de J2sus avec plusieurs personnes savantes, et expérimentées, tant de son Ordre que des autres Ordres réguliers en firent le même jugement ; le Général même de la Compagnie de Jésus sur les preuves qui lui en furent données entra dans les mêmes sentiments ; feu Monseigneur le duc d'Orléans ayant assisté à quelques exorcismes, ne douta point de leur possession. Le Milord Montaigu, qui depuis a été assez connu en France sous la qualité d'Abbé, d'homme d'esprit et de capacité n'ayant encore fait profession ouverte de la foi Catholique, et ayant avec lui des hérétiques Anglais étant passé par Loudun fut témoin avec sa compagnie de la sortie de l'un des Démons du corps de la Mère des Anges par les signes visibles qu'il en a laissé, et ils en furent tellement convaincus que le Milord, et les gentils-hommes qu'il avait avec lui en laissèrent leur témoignage au greffe ; davantage le Milord Montaigu crût la chose si importante pour la gloire de Dieu qu'il en voulut entretenir le Souverain Pontife Urbain VIII lorsqu'il fit profession de la foi Catholique entre ses mains. Grand nombre d'autres personnes d'une doctrine et d'une piété éminente ayant jugé cette possession réelle et très-véritable, cela assurément en doit être un grand préjugé.
Mais les règles que les ordres de l'Église prescrivent pour avoir des preuves infaillibles d'une véritable possession, se sont trouvés dans celle de Loudun, et entre autres ces actions qu'on a vu faire à ses Religieuses, au-dessus des forces de la nature, l'intelligence qu'elles avaient des langues inconnues, la science qui paraissait si grande en des personnes d'elles-mêmes ignorantes, la révélation ou la connaissance qu'elles avaient des choses cachées où qui se passaient dans les lieux éloignés en sont des preuves bien convaincantes. On leur a vu souvent faire des mouvements qui étant au-dessus des forces naturelles de l'homme au jugement même des Médecins ; il faut conclure que cela venait d'un principe étranger qui est le Démon. Dans le commencement elles ont parlé de la langue latine qu'elles n'entendaient pas, et elles ont toujours répondu aux demandes qu'on leur a faites en cette langue quoique l'on se servît exprès de termes les plus difficiles à entendre, comme il est arrivé en la présence de plusieurs Prélats. Elles ont révélé ce qui était arrivé dans des Provinces et des Pays éloignés ; elles ont manifesté bien des fois les pensées de quelques personnes quand elles le désiraient intérieurement ; et (ce qui est étonnant) quelquefois même contre leur volonté ; le Père Surin atteste qu'il a eu une grande expérience de la connaissance que les Démons avaient des pensées même les plus cachées, dont l'on prenait garde de ne pas donner le moindre signe au-dehors ; ce qui favorise l'opinion de quelques Théologiens qui estiment que si les démons connaissent bien la substance de l'âme, comme on le croit, ils n'en ignorent pas les pensées bien qu'ils ne voient pas ce qui se passe dans la volonté touchant le libre usage qu'elle en fait, mais il faut toujours avouer, soit que la manifestation des pensées viennent de la connaissance naturelle qu'en ont les Démons, soit qu'elle vienne par permission divine, qu'elle n'est pas naturelle à l'homme non plus que la science des questions les plus difficiles de la Théologie à de simples filles sans aucune étude comme on la remarqué très-souvent dans les Religieuses de Loudun.
Ces preuves infaillibles ont été données en présence des Évêques, des supérieurs d'Ordres, des Docteurs, et de personnes de haute qualité, des Magistrats, des M2decins. Il est vrai que Dieu qui résiste aux superbes n'a pas voulu permettre quelquefois qu'elles aient été données en présence de certains esprits fiers et hautains que la seule curiosité y conduisait ; mais il suffit qu'elles aient été reconnues par des personnes éminentes par leurs qualités, et par leur doctrine et leur piété. Les Diables étaient obligés de déclarer aux exorcistes qu'ils faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour se cacher, pour ne pas faire connaître les choses extraordinaires que la possession découvre, et que Dieu leur permettait de se tenir cachés à l'égard des esprits suffisants et curieux, il est vrai que la possession découvre manifestement de grandes vérités, car s'il y a des Démons uil y a un Dieu qui les a créés et qui les punit, et cela marque aux Athées et aux libertins, que Dieu châtie les crimes, et qu'il y a un Enfer et une autre vie, où Dieu punit les méchantes actions. La possession fait voir le pouvoir de l'Église et de ses Ministres, la présence réelle du corps du fils de Dieu en la divine Eucharistie, l'honneur dû aux reliques, et le pouvoir de l'intercession des Saints contre les hérétiques. C'est pourquoi il ne faut pas s'étonner si les Démons se servent des impies, des libertins et des personnes vicieuses, pour ôter la créance qu'il y ait des corps possédés, à cause de la grande gloire qui en arrive à Dieu et des grands biens que les âmes en tirent. Les Pères de l'Église ont jugé que la possession était une preuve bien forte et solide ; puisqu'ils s'en sont servis contre les hérétiques, et que S. Jérôme l'un des plus savants objectait aux hérétiques de son temps qui n'honoraient pas les reliques des Saints comme le font encore présentement ceux de nôtre siècle, la crainte que les Démons faisaient paraître dans les corps des possédés ; si on répond que l'on ne doit pas croire aux Démons qui sont des esprits de mensonge, il faut dire qu'ils sont menteurs quand ils sont contraints par le pouvoir que Jésus-Christ a laissé à son Église de manifester souvent de grandes vérités comme l'expérience le fait voir et comme nous n'en pouvons douter lorsque les vérités sont de celles que la foi nous révèle.
Or il faut bien considérer que Dieu tout bon et miséricordieux, ne permet ces grands maux que pour de très grands biens comme l'on peut voir dans cette possession de Loudun, de laquelle dieu a tiré une très-grande gloire par la conversion et sanctification de plusieurs âmes à l'honneur des mystères de la Religion et des saints dont la vénération s'est augmentée à la confusion des Démons qui ont eux-mêmes contribué à détruire la magie et les superstitions qui voulaient s'établir ; les pécheurs se sont convertis à la vue des choses extraordinaires qui se passaient en leur présence ; les hérétiques en ont été touchés, obligés même de reconnaître le pouvoir de l'Église ; et ce qui est davantage, les Athées non seulement ont été forcés de reconnaître un Dieu, mais s'y sont sanctifiés, comme il paraît en la personne de Monsieur de Kerioles Conseiller du Parlement de Bretagne : C'était un homme qui ne croyait point de Dieu, sans religion et sans foi, abîmé dans toutes sortes de désordres, dans des emportements si excessifs, que lorsqu'il tonnait il tirait conter le ciel à coups de pistolet pour le braver ; si désespéré, que la foudre étant tombée dans sa chambre et qu'il avait remplie de feux et de flammes, il se moquait encore pendant que ses gens criaient miséricorde ; sa grande application était à chercher les moyens de faire du mal ; et où il paraissait le plus grand, c'est où il se portait davantage ; il avait même pris résolution de se faire Turc pour avoir lieu de combattre contre les Chrétiens. A peine a-t-on vu une personne plus désespérée et plus criminelle. Comme ses intentions n'allaient qu'au crime il était venu à Loudun pour une méchante fin ; et à son arrivée il ne manqua pas de se railler de la bonne manière des possédés (comme c'est l'ordinaire des libertins) et d'accuser ces filles de folie ; Cependant, ô mon Dieu ! vous qui savez conduire les choses à vos fins par les moyens qui semblent les plus opposés, et qui voulez triompher de vos ennemis par vos ennemis mêmes vous voulûtes que ce libertin, cet esclave du Diable vît leurs opérations funestes pour le tirer de leur esclavage ; il alla donc voir les possédées pour se divertir et pour en faire le sujet de ses railleries. Mais les Démons lui ayant révélé des choses très secrètes et que personne ne savait, il fut d'abord étonné, et cela l'obligea de retourner encore aux exorcismes où il fut tellement touché, que depuis ce temps il a mené une vie très sainte, et a fait une pénitence si exemplaire, que l'on a donné l'histoire de sa vie au public. Comme nous ne pouvons rien omettre qui regarde la gloire de l'immaculée Mère de Dieu, nous rapporterons ici que les Démons avouèrent que c'était cette Mère de miséricorde qui avait intercédé puissamment auprès de son fils pour en obtenir une conversion si extraordinaire et à leur grande confusion, puisque ce fut par eux-mêmes qu'un si grand pécheur fut délivré de leurs mains ; et c'est une chose bien remarquable que ce libertin sans savoir ce qu'il faisait, puisqu'il ne croyait pas de Dieu avait une inclination de respect et d'honneur pour la très sacrée Vierge sa digne mère ; la divine Providence qui se voulait servir de cette grande Reine, en disposant de la sorte pour tirer le misérable de l'abîme où il était plongé.
Mais quelle gloire Dieu n'a-t-il pas tiré de cette possession, faisant voir l'honneur qui est dû à ses mystères par les adorations et les respects extrêmes que les Diables étaient obligés de rendre au très-saint Sacrements de l'Autel. Quelle gloire n'en a-t-il pas tirée dans les honneurs qu'ils ont été contraints de rendre à sa très pure Mère, à ses Anges, et à ses saints, et spécialement à S. Joseph. L'on peut même dire que Dieu a permis spécialement cette possession, afin qu'elle contribuât d'une manière extraordinaire à la gloire de cet incomparable Saint. Nous avons rapporté son apparition glorieuse à la Mère Jeanne des Anges. Nous avons dit comme elle a été guérie miraculeusement plusieurs fois par ses intercessions, et comme Dieu s'était servi du linge teint de l'onction sacrée que ce grand Saint avait appliquée à cette bonne Mère, et même des morceaux de papier qui avaient touché ce linge pour faire quantité de miracles dans un grand nombre de Villes et de Provinces différentes, et d'une manière si éclatante et si glorieuse pour cet aimable époux de la très pure Vierge, et père putatif de Jésus, que l'on ne trouvera pas dans l'histoire rien de pareil en fait de miracles pour l'honneur d'un saint si admirable ; ce qui doit bien persuader que la volonté de Dieu est que sa dévotion s'établisse plus que jamais, et que l'on en doit espérer toutes sortes de secours dans ses besoins. Mais quelle édification n'a point donnée aux personnes de toutes sortes d'âge et de qualité, l'impression merveilleuse des noms sacrés sur la main de la Mère Jeanne des Anges, que les Démons ont été obligés d'y faire à leur sortie. L'on a vu durant plus de vingt ans les quatre noms de Jésus, Marie, Joseph, François de Sales, imprimés sur la main de cette Religieuse, qui s'effaçant peu à peu se renouvelaient tous les quinze jours ; et aux grandes Fêtes avec des effets qui donnaient beaucoup d'admiration et de consolation, il en sortait même une odeur suave qui laissait de grands sentiments de piété. Le feu Roi Louis XIII, (d'heureuse mémoire) la voulut voir lorsque la Mère passa par Paris, et en par la ensuite bien touché de la vue d'un état si étonnant, la feue Reine Mère, l'Éminentissime Cardinal de Richelieu, quantité de personnes illustres firent la même chose avec admiration de la puissance de Dieu.
Enfin la magie se trouva bien renversée dans ses desseins, puisqu'elle fut détruite par les moyens dont elle s'était servie pour s'établir. Je ne puis m'empêcher ici de remarquer avec étonnement l'aveuglement de plusieurs personnes qui d'autre part sont considérables et ont de l'esprit, qui avancent inconsidérément qu'il n'y a point de magie ni de magiciens, et que les effets qu'on leur attribue ne viennent que des personnes à la vérité méchantes et qui sont punissables. Mais sans rapport ni liaison avec les Démons, je qualifie leurs sentiments d'aveuglement ; car c'est avoir bien peu de lumière que de soutenir des maximes contraires à l'expérience de tous les siècles et aux sentiments de toutes les nations infidèles aussi bien que fidèles. Il ne faut pas être beaucoup savant dans l'histoire pour savoir cette vérité, et n'ignorer pas que toute l'antiquité a reconnu des magiciens, que les Païens en étaient si persuadés qu'ils attribuaient la vertu des miracles que Dieu opérait par les saints Martyrs à un effet de la Magie. Car enfin voyant très bien les prodiges et les miracles que Dieu faisait pour la confirmation de notre sainte Religion, pour se défendre de l'impression qu'ils en devaient recevoir ils avaient recours aux effets de la magie qu'ils attribuaient à ces glorieux témoins de Jésus-Christ.
Saint Clément, Saint Irénee, Saint Épiphane, Saint Jérôme, Saint Cyprien, Saint Augustin, Saint Thomas, Saint Albert le Grand, le Célèbre Jean Gerson, Chancelier de l'Université de Paris, reconnaissent qu'il y a des Magiciens qui ont fait pacte avec les Démons, ceux qui voudront lire les Livres de ces Pères où ils en parlent, les trouveront cotés dans le savant traité des Recherches de la Magie, par Detrio Religieux de la Compagnie de Jésus personnage d'une grande érudition. L'Église reconnait les Magiciens puisque tous les Évêques où la plupart les font dénoncer publiquement pour excommuniés les Souverains Pontifes exhortent les Inquisiteurs de la foi d'agir contre eux, comme l'on peut voir dans les bulles d'Innocent VI, aux Inquisiteurs d'Allemagne, dans celles de Julle III à l'Inquisiteur de Créance, d'Adrian VI, Inquisiteur de Lombardie, et dans les bulles de plusieurs autres Souverains Pontifes.
Mais ce qui est de la dernière force, est que l'Écriture tant de l'ancien que du Nouveau Testament reconnait la Magie et les magiciens, l'on ne peut rien voir de plus exprès sur cette matière que ce qu'on lit dans l'Exode ; et les effets de la magie qui y sont rapportés surpassent visiblement toutes les forces et l'industrie humaine, et font voir à même temps celles des Démons. Je demande à ces esprits suffisants s'ils trouvent rien dans ce qui les surprend en ce sujet et qui leur paraisse incroyable, qui égale l'étonnement que leur doit causer les opérations des Magiciens de Baraon qu'ils doivent croire indubitablement s'ils sont Chrétiens ; peut-on voir rien de plus prodigieux que toutes les rivières, les lacs et le reste des eaux d'un Pays changées en sang, et toutes les autres choses qui sont rapportées dans le Livre de l'Exode. Nous lisons au Chapitre treizième des Actes des Apôtres que Saint Paul punit d'aveuglement au Magicien qui résistait à la doctrine de la Foi qu'il prêchait ; nous voyons au Chapitre huitième des mêmes Actes qu'il y avait dans la Ville de Samarie un homme nommé Simon, qui y avait auparavant exercé la Magie et avait séduit le peuple de Samarie, se faisant passer pour un grand personnage et jusque-là que tous les Ordres de la Ville l'appelaient la grande vertu de Dieu, leur ayant fait perdre l'esprit par ses enchantements.
L'Écriture apprend ensuite que ce Simon s'étant converti, voulut donner de l'argent pour avoir la grâce de donner le Saint-Esprit : ce qui a donné lieu à ceux qui l'imitent d'être appelés simoniaques et l'on appelle simonie le péché qu'ils commettent ; c'est une peste maligne qui ayant infecté plusieurs des siècles qui nous ont précédés est venue jusqu’au nôtre, et qui est d'autant plus maligne et dangereuse qu'elle se cache davantage. C'est une chose déplorable que l'homme cherche des excuses dans ses péchés comme s'il les pouvait déguiser aux yeux de Dieu, comme il les cèle aux yeux des hommes. On resigne, on change un Bénéfice, mais il faut que l'on achète les meubles ou le revenu de l'année ; et combien y en a-t-il qui en paieraient ce qu'ils en donnent si ce n'était en vue du Bénéfice. J'apporte cet exemple de mille que l'on pourrait alléguer où l'esprit de l'homme tâche de trouver des prétextes pour se sauver des peines que l'Église ordonne à ces gens-là qui se réduisent presque dans un état d'endurcissement de cœur, parce qu'il faudrait une grâce très-extraordinaire pour y satisfaire et une fidélité toute particulière pour y coopérer dont ces personnes sont bien éloignées. Que ces gens se souviennent qu'ils ont pour Père, pour Fondateur, pour Patron et exemplaire Simon le Magicien, et qu'ils se convertissent de bonne heure s'ils ne veulent tomber dans les châtiments qui leur sont préparés.
Après cela, s'il est vrai que de croire trop facilement es tune marque de la légèreté ; il est aussi certain que de ne pas croire du tout, et ne pas entrer dans des sentiments reçus généralement c'est, dit Saint Augustin, une folie insupportable, mais ne pas croire ce que l'écriture nous enseigne c'est tomber manifestement dans l'hérésie ; aussi ceux qui ont soutenu opiniâtrement qu'il n'y avait point de Magiciens ont toujours été fort suspects. Le savant Detrio rapporte que le Démon fait promettre souvent à ses suppôts qu'ils soutiendront par tout qu'il n'y en a point. Et de vrai, c'est le moyen de les mettre à couvert et de leur donner une liberté toute entière dans tous les maux qu'ils font sans aucune crainte de punition. Le Docteur Ulart qui était l'un des Conseillers de l'Électeur de Treves dans le dernier siècle, soutenait partout avec beaucoup de hardiesse que la Magie était une fable ; que c'était une illusion de s'imaginer qu'il y eût des sorciers ; que cette opinion n'était recevable que par les esprits simples et crédules ; et qu'elle était indigne des bons esprits et des Magistrats. Bonstel assez connu par ses écrits, qui était de ce Diocèse, où ce personnage débitait ses maximes, le réfuta par un docte Traité ; mais la Divine Providence s'en mêla elle-même. Je ne sais comment cet homme se rendit suspect ; mais il fut pris, et il confessa lui-même qu'il était atteint du crime qu'il niait : ce qui obligea les Juges avec les preuves qu'ils eurent d'autre part de le condamner à être brûlé. Monstrelet rapporte dans son histoire, et d'autres Auteurs avec lui, qu'il y avait dans le Diocèse d'Évreux un célèbre Docteur, dont ils disent le nom que nous supprimons pour de bonnes raisons, qui avait de bonnes qualités, et qui s'était acquis une réputation considérable : Mais s'étant laissé aller à l'amour de la créature, il tomba bientôt dans l'aveuglement, et l'endurcissement que les attaches trop grandes aux créatures causent. Ce misérable Docteur alla donc dans une telle extrémité qu'il se donna au Diable, pour jouir malheureusement d'une Demoiselle de qualité, mais l'un des pactes qu'il fit avec le Démon, comme il le confessa depuis, fut comme il était grand Prédicateur, qu'il prêcherait partout qu'il n'y avait point de sorciers parce que, lui dit le Démon, il appuierait beaucoup son Empire, par ce moyen. Or Dieu très-bon, et très-miséricordieux ; lui ayant touché le cœur par une grâce extraordinaire, il confessa publiquement son crime à l'Évêque d'Évreux qui était pour lors, et s'étant présenté devant lui dans sa sale, il pleura son impiété avec des témoignages d'une forte douleur ; il avoua qu'il avait été transporté réellement plusieurs fois aux sabbats ; et s'étant soumis à la pénitence qu'il plairait à son Évêque de lui imposer, il fut condamné à une prison perpétuelle avec plusieurs autres peines.
Nous avons cru pour la gloire de notre Maître, devoir parler de ce sujet, en traitant de la possession de Loudun ; où Dieu a fait par son juste Jugement que les desseins de ceux qui voulaient perdre ces Religieuses soient retombés sur eux-mêmes, et ont été cause de leur propre perte. Car encore que ces gens eussent assez de réputation, comme il a été ci-devant remarqué, et qu'il se fussent acquis l'amitié des Juges du lieu qui les soutenaient beaucoup dans l'ignorance, où ils étaient de leurs malices ; comme il n'y a point de prudence si grande pour résister aux ordres de Dieu, le Roi ayant envoyé Monsieur de Laubardemont, Intendant de la Province pour examiner la vérité des choses, et l'ayant député pour Commissaire, afin que l'on ne pût pas attribuer à aucune préoccupation le Jugement qui s'en ferait. Sa Majesté voulut qu'il eût pour adjoints à cette cause quatorze Juges de différents Présidiaux ; qui après avoir examiné murement, et à loisir le procès d'Urbain Grandier, il demeure convaincu d'avoir donné les maléfices aux Religieuses, et par le consentement unanime de tous ces Juges il fut condamné à être brûlé vif dans la place publique de la Ville, ce qui fut exécuté, les Démons ayant marqué dans les exorcismes qu'ils le tenaient pour l'Éternité dans les feux de l'Enfer. Toujours est-il certain que sans s'en rapporter à ces malheureux esprits, sa mort a été bien funeste par l'endurcissement de cœur qu'il a fait paraître dont nous en avons touché quelque chose. Il ne faut pas se tromper dit le grand apôtre, on ne se moque pas de Dieu.
Extrait de L'Homme de Dieu en la personne du R. P. Jean-Joseph Surin, par H. M. Boudon.
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EXPÉRIMENTALE DES CHOSES DE L'AUTRE VIE, Acquise par le Père
Jean-Joseph Surin, Exorciste des Religieuses Ursulines de Loudun, De l'amour du Père Surin pour la pauvreté, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De l'amour admirable du Père Surin pour les souffrances, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De la consommation en la Grâce, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la liberté des enfants de Dieu, Des saintes Pratiques, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la paix du cœur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des amitiés, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la violence qu'il faut se faire à soi-même, Avis important pour ceux qui ont des peines d'esprit, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la Simplicité, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la véritable Sagesse, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'Union avec Jésus-Christ, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Le Paradis de la Terre, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de l'Amour, de la Haine, du Désir et de l'Aversion, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'activité naturelle, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de la mémoire, par Le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de la volonté et du fond de l'âme, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de l'entendement, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la réformation de la colère, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la Réparation de l'Intérieur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Du vrai Progrès, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la doctrine de Jésus-Christ, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des Conseils Évangéliques, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De quelle manière on doit aider les personnes faibles, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Ordre de la vie spirituelle pour les Directeurs, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Remèdes à l'amour-propre, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des maladies de l'âme, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Prière pour demander l'humilité, Du Recueillement, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des secours qu'il faut donner au Peuple dans les Missions, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, et prière pour les Missions, Soin que l'état de maladie demande, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la conduite qu'il faut tenir à l'égard des Énergumènes, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'imagination de l'homme, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'amour étonnant du Père Surin pour l'abjection, dans l'union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, De la vie Apostolique, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De quelques industries cachées qui conduisent bientôt à la perfection, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Réponse à quelques doutes touchant la Pénitence, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la Pénitence et de l'Oraison, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie parfaite, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Du bon Directeur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Du vrai Religieux, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie mixte, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'homme intérieur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De
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qu'on peut inventer dans la suite, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'Oraison et de la Contemplation, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Instruction pour les personnes qui entrent dans la voie d'Oraison, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Que les âmes lâches fassent tous leurs efforts pour acquérir la bonne volonté qui leur manque, Ce qu'est l'oraison mentale, par le R.P. D. Laurent Scupoli, Clerc Régulier Théatin, De l'Oraison, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la contemplation, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De
l'Oraison qui convient à la voie extraordinaire, et Avis nécessaires à
ceux qui sont dans cette voie, par le R.-P Jean-Joseph Surin, Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, par le R.P. Jean-Joseph Surin (1), Catéchisme spirituel de la Perfection Chrétienne, par le R.P. Jean-Joseph Surin (2), Des qualités qui sont propres dans la voie extraordinaire, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la voie surnaturelle ou extraordinaire, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'avancement de l'âme et des principaux moyens qui peuvent le procurer, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la nourriture du corps, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la conversation, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des Vertus, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des moyens extérieurs qui aident à acquérir la perfection, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des moyens intérieurs qui aident à la perfection, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des
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devoirs de piété dont il faut s'acquitter envers les Saints ?, Des exercices de piété, par le R.-P. Jean-Joseph Surin : Quels exercices de piété prescrivez-vous à l'honneur des Anges ?, Des exercices de piété, par le R.-P. Jean-Joseph Surin : Comment faut-il s'occuper des souffrances de Jésus-Christ ?, Des
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quoi consiste la perfection chrétienne : pour l'acquérir il faut
combattre, et pour sortir victorieux de ce combat, quatre choses sont
nécessaires, Du devoir des Veuves, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Méditation sur la nécessité des progrès dans la vertu, et De la Réduction des Hérétiques, par le R.-P. Jean-Joseph Surin.